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La Nation N° 6063 du 4/9/2014

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Code des personnes et de la famille : Quelles avancées après 10 ans d’application ?
Publié le jeudi 4 septembre 2014   |  La Nation




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Le 24 août 2004 restera un jour mémorable pour les acteurs judiciaires béninois et pour le peuple tout entier. Ce jour-là, en effet, intervenait la promulgation de la loi portant Code des personnes et de la famille après un accouchement législatif difficile. Dix ans après son entrée en vigueur, quelles avancées a-t-il induit ? Que faudrait-il améliorer à terme ? Ces réflexions ont occupé, le 28 juillet dernier au cours d’un atelier, l’Association des femmes avocates du Bénin (AFA-Bénin). Nous revenons ici sur la substance des réflexions, à travers le rapport de Me Huguette Bokpè Gnacadja.



Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI


D’entrée, le rapport de l’atelier établit que « Le Code des personnes et de la famille constitue une réelle avancée de l’Etat du Bénin dans sa volonté de doter d’un cadre légal approprié les relations juridiques qui se développent au sein de la famille, et surtout d’intégrer les droits des femmes reconnus et protégés aussi bien par la Constitution du 11 décembre 1990 que par les différents instruments internationaux et régionaux ratifiés par le Bénin.» Dès lors, l’objectif poursuivi par l’AFA-Bénin était de susciter réflexion et discussions autour de l’évaluation des impacts juridique et social effectifs de cette loi, et de proposer des mesures de pérennisation ou de renforcement et, au besoin, des réformes. Pour y arriver, l’atelier a été organisé en panels.
L’application du code en question
Le premier panel, conduit par la magistrate Claire Houngan Ayémonna et Me Bertin Amoussou, visait à faire ressortir l’impact du Code des personnes et de la famille sur le renforcement de la cellule familiale. La première, indique le rapport, a proposé des pistes de réflexion orientées vers l’état civil, élément déterminant dans le renforcement des liens entre les membres d’une même famille, notamment le mariage, la naissance et le décès. Claire Houngan Ayémonna a, ensuite, fait observer qu’ « il y a plus de femmes que d’hommes en union libre, un fort taux de célibat chez les jeunes hommes surtout, qui peut s’expliquer par des conditions économiques n’encourageant pas à former une famille. Toutes choses démontrant que la loi à elle seule ne suffit pas pour encourager le mariage et favoriser le renforcement de la famille…». Puis, elle a souligné que l’environnement sociologique, qui favorise la persistance de certaines pesanteurs, peut également constituer un obstacle à l’efficacité de la loi. En outre, Claire Houngan Ayémonna a relevé, note le rapport, que le raccourcissement du délai de déclaration de naissance, organisé par l’article 60 du Code à côté de la possibilité de prorogation de ce délai à trois (03) mois jusqu’à l’installation effective des organes décentralisés, comparé au délai de deux mois prévu par la réglementation précédemment applicable, constituait un flou juridique à dissiper. Et qu’à défaut, le caractère obligatoire et systématique de cette déclaration prescrite par la communauté internationale et résultant des instruments internationaux et régionaux que le Bénin a librement ratifiés risquait de ne jamais être respecté. Elle a, en conséquence, suggéré que des corrections soient apportées au Code.Quant à Me Bertin Amoussou, il fera observer que « la lecture des dispositions constituant les sept (07) titres du deuxième livre du Code permet de s’apercevoir qu’il existe une panoplie de dispositions qui participent à la consolidation des rapports familiaux ». Aussi, salue-t-il les avancées opérées par le Code, notamment en ce qui concerne « l’exigence du consentement personnel des époux, la possibilité pour la femme d’exercer une profession au même titre que l’homme, l’autorité et la direction morale du ménage, l’institution de la monogamie qui tourne ainsi le dos à la polygamie, la réduction de la dot à son caractère symbolique, le choix du domicile conjugal par les deux époux… »Par ailleurs, Me Bertin Amoussou a exprimé sa satisfaction que les enfants naturels dont la filiation est régulièrement établie ou ceux ayant fait l’objet d’une adoption plénière aient, vis-à-vis de leurs auteurs, les mêmes droits et obligations alimentaires que les enfants légitimes. De même, il juge positif que selon les dispositions du Code, l’autorité parentale soit exercée en commun, ce qui concourt au renforcement de la cellule familiale.Mais, suggère le rapport, Me Bertin Amoussou a aussi admis que des insuffisances subsistent dans le Code. Selon lui, celles-ci découlent aussi bien de son contenu que des erreurs d’appréciation ou d’interprétation commises dans son application. A ce propos, il a estimé que «la fonction stabilisatrice du lien familial que le Code est appelé à jouer n’est pas encore visible, après dix (10) ans d’application, et que sa mise en vigueur semble même avoir quelque peu ouvert la vanne des procédures de divorce».En attendant que des améliorations y soient apportées, Me Bertin Amoussou suggère que l’éducation soit le pilier d’une meilleure application du Code, notamment en y intégrant un apprentissage pour une formation à la « démocratie conjugale» ou encore la «gouvernance sociale » au sein du couple. C’est à cette fin aussi qu’il propose la création de cadres de discussions et d’échanges sur les difficultés d’ordre familial, tels que: un Conseil pour les droits et devoirs des époux, un Conseil pour les familles en crise, des Associations des familles…
Autres appréciations
Le second panel, animé par les magistrats Gilbert Togbonon et William Kodjoh Kpakpassou puis l’avocate Olga Anassidé a permis d’identifier d’autres avancées et défis. Pour le premier intervenant, William Kodjoh Kpakpassou, l’effectivité de l’application du Code s’est traduite par son appropriation tant par les acteurs judiciaires que par les citoyens. Puis, la mise en place et le fonctionnement des institutions, organes et procédures par la mutation de certaines chambres et la création d’autres chambres. De même que par la mise en œuvre des procédures en exécution du code, et le jugement des affaires en vertu de ce Code par le visa ou l’évocation explicite ou implicite de ses dispositions dans les jugements et arrêts. A titre illustratif, William Kodjoh Kpakpassou souligne comme avancées pertinentes, en matière successorale par exemple, la portée abrogatoire du Code des personnes et de la famille, la prééminence des droits successoraux des enfants, la vocation successorale du conjoint survivant, la reconnaissance du principe de non discrimination entre l’homme et la femme. En matière d’état civil il relève que le transfert des actions en matière d’état civil des tribunaux de conciliation vers les tribunaux de première instance a entraîné une explosion des affaires relatives à l’état civil; même si la gestion de cet important contentieux souffre de nombreuses insuffisances.Au titre des difficultés apparues à l’application du Code, William Kodjoh Kpakpassa évoque, entre autres, les disparités dans la mise en œuvre et la gestion des procédures dans les juridictions; les disparités des pratiques dans les juridictions; l’absence de suivi des procédures en matière de succession; les faiblesses dans les procédures d’autorisation de vente d’immeubles indivis; les faiblesses du Parquet dans la gestion de l’état civil; l’absence de notification des décisions rendues en matière d’état civil; le défaut de surveillance de l’état civil par les chefs de juridiction… Aussi, suggère-t-il, pour une amélioration du Code, entre autres, de renforcer la formation initiale et la formation continue des acteurs judiciaires; identifier les bonnes pratiques juridiques et judiciaires et les faire connaître par des publications et études, de même que les mauvaises pratiques en vue de leur correction ; développer l’encadrement normatif par les circulaires de la chancellerie et de créer des centres secondaires d’état civil…A sa suite, Gilbert Togbonon a présenté son appréciation des décisions rendues par les juridictions béninoises à l’aune du Code des personnes et de la famille. Ainsi, il relève qu’en matière de filiation par exemple, les règles de procédure appliquées sont celles édictées par ce Code. Et le Code de procédure civile commerciale, administrative et des comptes; que les Cours d’Appel continuent de faire référence à la chambre traditionnelle, et à se référer à la coutume tout en statuant en matière civile, en matière d’état des personnes, et à se référer à des assesseurs bien que ceux-ci ne siègent plus. Selon Gilbert Togbonon, certains acteurs ne se sont pas appropriés les procédures, surtout en matière d’adoption, il n’y a pas de suivi réel des enfants adoptés en cas d’adoption internationale; le sort des adoptés est négligé. Et les conditions d’identification de l’enfant à adopter ne sont pas toujours connues du juge dont les pouvoirs ne permettent pas, en l’état actuel de la loi, de procéder à sa propre enquête, par l’intermédiaire d’un service social.
Qu'en est-il du divorce?
S’agissant du divorce, Gilbert Togbonon, relève que le Code des personnes et de la famille est appliqué; que les juridictions, en cette matière, suivent scrupuleusement les règles procédurales, que le taux de juridicité en matière d’état des personnes devient de plus en plus élevé; et que le recours aux assesseurs et à la coutume des parties a pris fin.Mais des difficultés subsistent aussi bien en ce qui concerne la filiation que le divorce. A ce propos Gilbert Togbonon évoque : la non effectivité de l’ordonnance de placement pour ce qui concerne l’adoption internationale dans le cas des couples ne résidant pas sur le territoire national, l’absence de suivi réel des enfants adoptés en cas d’adoption internationale, le débordement des chambres d’état des personnes, l’insuffisance du personnel magistrat et de greffiers. Il y ajoute les défaillances du greffe en matière de gestion des décisions, le défaut d’exercice des pouvoirs propres du président du tribunal et du procureur de la République en matière d’état civil ; la non harmonisation des dispositions du Code autorisant la vente d’immeuble indivis (article 781) et les exigences d’immatriculation préalable prescrites par le Code foncier et domanial. Et indique, enfin, que la procédure de désignation de liquidateur de la succession expose à la dilapidation du patrimoine successoral.Quant à Me Olga Anassidé, son intervention a porté sur deux catégories de décisions : celles pour lesquelles les juridictions procèdent par une application incertaine de la loi en ne faisant aucune référence à la disposition légale qui fonde la solution donnée au litige, et celles pour lesquelles il est fait référence à l’application de la loi.Relativement aux premières, elle objecte qu’une appréciation objective sur l’effectivité de l’application du Code est difficile puisqu’en l’absence de toute référence à ses dispositions on ne saurait soutenir que la juridiction saisie a appliqué la règle de droit telle que posée par le Code et conformément à l’esprit du législateur. Cette démarche, déplore-t-elle, ne permet pas à la juridiction de cassation, si un pourvoi devait d’être élevé contre l’arrêt, de contrôler l’application qui est faite de la règle de droit par les juridictions de fond.Au sujet de la deuxième catégorie de décisions, comme l’homologation des procès-verbaux de conseil de famille, des décisions d’incompétence, des décisions d’adoption, de pension, etc, Me Olga Anassidé relève avec satisfaction qu’il est explicitement fait application du Code.Au total, retient-elle, s’il n’est pas contesté que les populations saisissent de plus en plus les juridictions en fondant leurs demandes sur les dispositions du code des personnes et de la famille, le bilan de l’application du Code par les juridictions reste mitigé. Et à son avis, à l’aune de ce constat, il est difficile de savoir s’il a eu une réelle avancée dans l’application des dispositions du Code par les juridictions.


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