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Ordonnance dans l’affaire tentative d’empoisonnement de YAYI: Les révélations des enquêtes du juge Angelo Houssou, les aveux de Moudjaïdou, Mama Cissé et consorts
Publié le mercredi 29 mai 2013   |  L`événement Précis




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Patrice Talon a raison. Commentant le non-lieu décidé par le juge dans l’affaire dite de la tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat, il déclarait notamment : « C’est un non-lieu qui me soulage mais ne me satisfait pas, parce que le juge a pris acte des faits tels que présentés par la machination de mon accusateur. Mais heureusement, il n’a pas réussi à en tirer les conséquences juridiques devant conduire à ma condamnation… » L’ordonnance prise par le juge du sixième cabinet du Tribunal de Première Instance de Cotonou, contient, en effet, des éléments très clairs, quant à l’intention ou non de donner la mort au Chef de l’Etat. Dans les faits tels que racontés par le juge lui-même dans son ordonnance, on peut retenir des éléments constants.

Des rencontres et des produits

Le mercredi 17 octobre 2013, Patrice Talon et Olivier Boko « en compagnie de Moudjaïdou Soumanou » ont rencontré à l’hôtel Château du Lac à GENVAL (Bruxelles), le docteur Ibrahim Mama Cissé, médecin personnel du Chef de l’Etat et Zoubeyrath KORA, nièce et gouvernante du Chef de l’Etat. Voici ce qu’écrit le juge à propos de cette rencontre: « Patrice Talon les a convaincus de remettre en lieu et place des médicaments usuels du Président de la République, d’autres produits pharmaceutiques qu’ils vont lui administrer ». Question alors : Patrice Talon a-t-il réellement rencontré les prévenus à Bruxelles ? A-t-il réellement remis les produits incriminés aux mis en cause ? A en croire le juge, c’est oui.

A en croire toujours le juge, c’est Moudjaïdou Soumanou qui a remis lesdits produits au docteur Ibrahim Mama Cissé« Pendant que les produits se trouvaient encore en possession du docteur Ibrahim Mama Cissé, Nasser Yayi a alerté son père, le Chef de l’Etat, après avoir été mis au courant de leur existence par Florent Capo-Chichi, garde rapproché du Président de la République », écrit le juge qui ajoute : « C’est Zoubérath Kora qui a informé son copain Patrick Darwichian, lequel, à son tour, a passé l’information à Florent Capo-Chichi ». Les esprits perspicaces auront remarqué que jusqu’ici, Bachirou Adjani Sika, garde rapproché du Président de la République, lui-même inculpé dans l’affaire, est resté hors de ce processus. Contrairement aux autres, il a toujours nié quelque implication que ce soit dans l’affaire, même s’il avoue avoir rencontré Patrice Talon « sans permission ni information préalable de son Chef, le Président de la République ». Commentaire du juge : « Son comportement ne peut donc être constitutif d’une infraction. Au demeurant cela relève du domaine disciplinaire ». Ce qui donc est constant, ce sont les déclarations des autres prévenus qui, selon le juge, ont reconnu ce qui a été relevé jusqu’ici.
L’argumentaire du non-lieu

Pour le juge, l’infraction d’association de malfaiteurs n’est pas constituée, d’autant que « la volonté clairement affichée des inculpés de constituer une bande ou de s’associer à celle-ci, n’apparait pas au dossier ». Pour ce qui est de l’accusation « tentative d’empoisonnement », le juge d’instruction du sixième cabinet du tribunal de première instance et de première classe de Cotonou affirme qu’elle n’est pas constituée non plus parce que, selon lui, « les médicaments dont il s’agit n’ont pas été ramenés au domicile du Chef de l’Etat où ils sont censés lui être administrés ». Et d’ajouter qu’en tout état de cause, Zoubérath Kora n’a pu entrer en possession des produits « en dépit des visites qu’elle a rendues au docteur Ibrahim Mama Cissé qui les lui a montrés sans pour autant s’en dessaisir ». Le juge est allé plus loin en indiquant que même si les inculpés ont reçu les produits incriminés, « il est tout aussi évident que cet acte ne saurait suffire à prouver l’irrévocabilité du dessein criminel de ces trois inculpés ». « J’ai fait l’option d’œuvrer à l’échec de l’opération sans informer le Chef de l’Etat », aurait déclaré Soumanou Moudjaïdou, selon le juge. Tirant les conséquences de droit, le magistrat indique que « les actes constitutifs d’un commencement [d’une tentative d’empoisonnement, NDLR] doivent tendre directement et immédiatement à la consommation du crime, c’est-à-dire l’administration de la substance ». Pour lui, les remises successives de produits même réputés dangereux de Patrice Talon à Soumanou Moudjaïdou et de celui-ci au docteur Mama Cissé constituent en l’espèce « de simples actes préparatoires impropres à caractériser un commencement d’exécution d’une tentative d’empoisonnement ».

La leçon de tempérance

L’ordonnance délivrée par le juge du sixième cabinet rappelle qu’ « en matière de politique criminelle, il est nécessaire de ne pas intervenir trop tôt dans la répression dans la mesure où cela reviendrait à priver les infractions de leur matérialité, et serait parfois même attentatoire au respect de la présomption d’innocence.»Car la tentative d’empoisonnement, pour être ainsi qualifiée, a besoin d’un début d’exécution. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, selon le juge. C’est donc en vertu de tout ceci que le magistrat a prononcé le non-lieu qui sera examiné par la Cour d’appel le 10 juin prochain. A cette étape, la question de droit étant évacuée, il reste celle qui trotte dans les esprits : l’intention d’empoisonner a-t-elle existé, tout au moins chez Patrice Talon ? Les réponses, on s’en doute, n’en seraient que plus polémiques.

Olivier ALLOCHEME

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