Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article



 Titrologie



Le Matinal N° 4456 du 17/10/2014

Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Politique

Janvier Yahouédéou pour sortir de l’impasse électorale actuelle : « Oubliez la Lépi, oubliez le Cos-Lépi »
Publié le lundi 3 novembre 2014   |  Le Matinal


Présidentielle
© Autre presse par DR
Présidentielle de 2016 : Janvier Yahouédéou annonce sa candidature


 Vos outils




La solution de l’honorable Janvier Yahouédéou, loin d’être une formule cartésienne, appelle à ranger momentanément la Lépi et aller aux élections sur la base d’une liste ad’hoc. C’était le 2 novembre 2014, sur l’émission "Le grand rendez-vous" de la radio Soleil Fm.


Soleil Fm : Honorable Janvier Yahouédéou, comme une prophétie, votre prémonition il y a 5 ans s’est révélé vraie. Comment vous vous sentez ? Heureux d’avoir raison sur 82 députés ou triste de n’avoir pas été écouté ?

Janvier Yahouédéou : Je suis plutôt triste qu’on ne m’est pas écouté à l’époque. Le grand problème c’est de savoir ce qu’il y a lieu de faire.
Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire et quelles sont les erreurs fondamentales qui justifient la difficulté aujourd’hui ?

A l’époque, j’avais posé deux gros problèmes. Les réserves allaient vers la politique et, de l’autre côté, vers la technique. Du point de vue politique, j’avais émis 6 réserves. La première, nous devons savoir que la Lépi est un outil hautement politique et, ma plus grande préoccupation, à l’époque, c’était que je ne souhaitais pas que la Lépi soit gérée par des politiciens, mais plutôt par des professionnels, des techniciens, des personnes autres. Vous ne pouvez pas confier la gestion de la chose politique à des politiciens. Chacun va chercher là tirer le drap de son côté. A l’époque, j’étais le coordonnateur des Fcbe à l’Assemblée nationale. Et, si j’étais allé dans le sens de ce que tout le monde disait, vous comprenez que j’aurais été dans cette équipe pour aller travailler sur la Lépi, aller prendre peut-être les milliards dont on parlait. Mais j’ai dit : non. Il faut voir l’intérêt supérieur de la Nation. Il ne revient pas aux députés de s’occuper de la Lépi, mais des techniciens qui n’ont aucun intérêt à faire telle ou telle chose. C’était le premier. Le deuxième problème que j’avais posé, c’est qu’on devrait lancer le processus de mise en place de la Lépi soit au début du mandat d’un nouveau président de la République, soit au cours de son second et dernier mandat. Parce que je disais qu’on ne peut pas demander à un président candidat à sa propre succession d’organiser un outil du genre sans qu’il ne cherche à tirer le drap de son côté, d’une manière ou d’une autre. Donc, ce n’était pas le moment approprié de faire la Lépi pour qu’elle soit utilisée en 2011. Les gens ont décidé que c’est ça ce qui sera fait. C’est ce qui a été fait et vous avez vu le K.o. Troisième point. J’avais dit que la Lépi ne pourrait pas être prête pour 2011. J’avais rappelé qu’en 1991, il y a eu des élections présidentielles au Bénin, que le Bénin a eu son président en bonne et due forme et, qu’en ce moment, c’était à un moment très sensible de la vie politique du Bénin. Et pourtant, nous avons fait les élections avec une liste classique sans Lépi. J’ai rappelé que cela a été le cas en 1996 en 2001, 2006. J’ai même rappelé que le président Yayi Boni a été élu à 35% au premier tour alors qu’il n’avait pas de représentant à la Céna puisqu’il n’était pas politique. Face à lui, il y avait ceux qui avaient des gens à la Céna qui n’ont pu obtenir que 25% face à un nouveau qui avait 35%. Cela veut dire que, même s’il y avait fraude, il y avait quand même du sérieux. Donc, oublions la Lépi pour 2011 et prenons le temps de bien mettre en marche un tel outil. Quatrième chose, c’est que les audiences foraines tenues par le gouvernement n’ont tenu compte que des 15 ans et plus. Donc, ceux qui avaient 14 ans au moment où cela se faisait en 2007, auront 18 ans en 2016. 5ème point. J’avais posé le problème de l’état civil. J’avais dit qu’on ne peut pas faire une bonne Lépi sans régler le problème de l’état civil. Ce projet Ravec qui devrait permettre à tout le monde d’avoir un acte de naissance devrait permettre de faire facilement un certain nombre de choses. Vous avez vu ce que le Ravec est devenu ? Mais il faut régler la question de l’état civil d’abord. Je l’avais dit. Malheureusement, on ne sait pas ce que le Ravec est devenu. Ce que j’ai constaté, c’est que des milliers d’étrangers sont devenus des Béninois du jour au lendemain. C’est devenu un bordel pas possible. Au sixième point. Toujours sur le registre des préoccupations politiques, j’avais dit que dans les pays développés, un projet d’une telle ampleur nécessite une phase pilote avant une mise en œuvre grandeur nature. La phase pilote permet de se rendre compte des difficultés et des imprévus dans la conception. Un projet qui touche à l’avenir d’un pays, on ne peut pas le lancer, du jour lendemain, sans l’avoir essayé. Il faut d’abord, sur un échantillon, appliqué la Lépi sur à un département et voir le comportement que cela aura. Ce n’est qu’après cela qu’on va élargir. On est allé avec les milliards qu’on voyait et on a sauté là-dessus. Voilà les dégâts !

Voilà les observations que vous avez faites pour ce qui concerne le volet politique. Mais il y avait aussi les réserves techniques.

J’avais posé les problèmes liés aux compétences techniques disponibles et aux délais. Pour la cartographie censitaire, par exemple, il a été prévu un délai de mise en place de 4 mois au lieu des 12 prévus par les experts. Ce qui est aberrant, c’est qu’on doit observer à chaque étape du processus une transparence totale. Le plus inquiétant serait le mode de transfert des informations du centre d’enregistrement vers le serveur central situé à Cotonou. On devait le faire par quel canal ? Ce qui a été prévu, c’est l’utilisation du transfert par Cd des cartes mémoire au lieu d’une mise à jour rien en temps réel ou en différé par télé transfert ou par satellite. Parce que, lorsque vous prenez un Cd de Natitingou que vous devez envoyer jusqu’à Cotonou, il y a le risque de perte, le risque de dégradation du Cd. Lorsque ce Cd finit par atterrir à Cotonou, c’est en ce moment qu’on constate que l’ordinateur n’arrive pas à lire, faut-il repartir voir les populations de Natitingou et leur dire de revenir se faire enregistrer ? La réponse est non. A l’heure actuelle, même avec les réseaux Gsm, où on peut faire des transferts facilement, utilisez des Cd. C’est ce que j’avais dit. Et à tout cela, j’avais posé le problème lié à l’énergie. J’avais dit que les batteries des kits d’enregistrement qui ont une autonomie réelle de 5h, 6h, et qu’on devrait utiliser dans des zones où il n’y avait pas d’électricité ont fait comment ? Vous avez vu le désordre qu’il y a eu sur le terrain ? Et pour terminer, je m’étais inquiété de la sincérité du « dédoublonnage ». Parce que la biométrie offre des avantages, mais il y a beaucoup d’inconvénients. En dehors de la qualité des équipements de capture, on devrait s’occuper de la compétence des agents recenseurs et, surtout, de l’impartialité politique des personnes chargées de la validation des traitements post inscription. Par rapport à tout cela et sur le plan technique, les gens ont fait ce que vous avez vu. Est-ce que le peuple béninois a au moins lu les résultats du Réna. Par exemple Réna 2010, lorsque vous prenez un département comme le Borgou qui passe de 754.771 à 870.039, cela fait une progression de 20% si on doit faire la comparaison par rapport au recensement général de la population de 2002 et qui représente 75 % par rapport à 1992. Mais par contre, lorsque vous prenez le dépassement du littoral, il passe de 665 100 personnes à 450 000 personnes. Cela donne une variation de moins 214.000 personnes. En d’autres termes, -32,31 %. Ces gens qui ont quitté Cotonou, si on doit parler de flux migratoire, devraient aller éventuellement dans l’Atlantique à Calavi. Mais le problème est que lorsque vous regardez le département de l’Atlantique, il est passé de 801.000 à 839.000. Un accroissement de 38.000 personnes. Ils sont passés par où ? Lorsque dans certains départements, vous avez un accroissement de 145 000 et que dans d’autres vous avez des chutes de 214.000, il y a problème. Cela, c’est le produit du Rena. C’est la base sur laquelle on dit qu’on veut faire des corrections. On veut corriger quoi et par rapport à quoi ?
Comment cela s’est fait à l’époque pour que, vous, député de la majorité présidentielle, n’aviez pas été écouté par les députés de l’opposition ?

J’ai chanté cette histoire. J’ai payé de ma poche des tournées. J’ai rendu visite à toutes les personnalités politiques. J’ai écrit dans la presse. J’en ai parlé sur les radios. Moi seul contre tout un système, tout un appareil d’Etat. A partir du moment où tout le monde le voulait, Yayi Boni le voulait, voilà. Les gens ont dit ne l’écoutez pas. Malheureusement, c’est quand la loi a été votée et que les gens ont vu que ça n’allait pas. Ils se sont mis à sursauté. A l’époque, Robert Dossou et sa Cour avaient trouvé que c’est Lépi ou rien.
A l’étape où on en est, qu’est-ce qu’on peut corriger pour avoir une liste correcte ?

Il n’y a rien à corriger. Absolument rien ! On ne corrigera pas quelque chose d’aussi mal fait. Oubliez la Lépi ! Oubliez le Cos-Lépi et tout, pour l’instant. Faites une liste électorale ad’hoc.
Oublier les près de 50 milliards investis ?

Si vous tenez à avoir une bonne Lépi, vous devez reprendre le processus et y aller étape par étape. Vous me direz que la Cour constitutionnelle ne le permettra pas. Je voudrais rappeler aux sages de la Cour constitutionnelle deux choses. Premièrement, ces sages ne doivent pas s’appuyer sur le fait que les décisions de la Cour sont sans recours pour empirer davantage la situation. Il faut qu’ils comprennent qu’il y a la loi et l’esprit de la loi. Je veux ensuite leur dire sagement que la Constitution a été écrite par des hommes, par des Béninois. Et, quelque soit son contenu, si son respect strict doit mettre en péril la paix, la cohésion sociale, des décisions appropriées s’imposent.

J’appelle les sages à la responsabilité. La Lépi est mal faite. Il faut qu’on arrête de tourner en rond avec le Cos. Il nous faut une liste pour aller aux élections. Le peuple a marché le 29 octobre 2014. Le vrai peuple a marché. Ce n’était pas des marcheurs professionnels. Ceux qui ont assisté à la marche ont dû remarquer qu’à la fin, il n’y a pas eu de distribution d’argent. Cela devrait interpeller le Chef de l’Etat et les membres de la Cour constitutionnelle. Lorsqu’on n’écoute pas le peuple, ça finit par dégénérer, et c’est très grave.
Mais, la Haac demande aux organes de presse de ne plus se prononcer sur la question de la Lépi ?

C’est dommage, et je suis profondément déçu ! Ce sont ces genres de décisions qui mettent en péril la démocratie et la liberté de la presse. C’est pour empêcher le peuple de comprendre ce qui se passe. Si Epiphane Quenum et l’autre n’ont pas crié, on ne saurait pas ce qui se passe au Cos/Lépi.
Comment sortir de l’impasse ?

Yayi Boni et son système doivent écouter le peuple. Aujourd’hui, l’intérêt supérieur de la Nation oblige la Cour constitutionnelle à réviser sa position sur la Lépi. Sinon, elle sera responsable, à 100%, du malheur des Béninois si les choses se passaient mal. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Lorsque vous allez aux élections avec un outil mal fait et, avec le même outil mal ficelé, vous voulez organisez les communales qui sont, par ailleurs, des élections fratricides entre frères, il faut faire attention. Nous sommes dans un cas où dans le même quartier, vos parents ne peuvent pas voter pour vous. Vous êtes inscrit ici et, les noms s’affichent dans un autre arrondissement. Vous trouvez que cela n’est pas grave ? Je pense que c’est suffisamment grave. Il ne faut pas s’amuser avec la vie d’une Nation. C’est au président Holo, et aux autres sages de décider de ce qui va se passer. Pour éviter l’exemple du Burkina, Yayi Boni et sa clique doivent comprendre qu’il faut écouter le peuple pendant qu’il est encore temps. Je me demande pourquoi il ne veut pas entendre raison. Peut-être que c’est son entourage qui lui donne de mauvais conseils. La lépi n’est pas prête, elle n’est pas fiable. Il faut prendre les bonnes décisions dès aujourd’hui et ne pas attendre le 17 décembre 2014, pour nous sortir une liste indigeste.
A-t-on besoin d’aller au dialogue national ?

Si c’est la meilleure façon de faire évoluer rapidement les choses, je suis d’accord. J’ai du mal à comprendre les commissions qui sont mises en place, avec à la tête, le ministre Abiola. Est-ce que c’est son rôle ? Qu’est-ce qu’il est venu faire là ? Nous avons le sentiment qu’il y a un camp qui traîne les pas et ne veut pas que cela avance vraiment. Mais, notre peuple, malgré sa patience, s’est mis dans la rue. C’est l’expression d’un ras-le-bol. A qui profite ce crime ?
Est-ce que vous serez candidat à la prochaine élection présidentielle ?

Depuis plusieurs mois, je reçois de mes compatriotes, isolément ou en groupes, des messages de soutien et d’incitation à ma candidature. Certains ont même créée des réseaux, surtout les jeunes, un peu partout à mon insu.
Les réseaux sociaux ?

Non, des réseaux de soutien à la candidature de Yahouédéhou Janvier dans les départements, un peu partout. Et ce qui m’a fait plaisir et qui m’encourage, c’est que c’est à mon insu. Et tout cela, c’est fait à leur frais pour m’accompagner. Donc, j’ai le moral assez haut sur la question et je suis beaucoup plus confiant et rassuré pour aborder ce nouveau combat.
Vous êtes donc candidat à la présidentielle de 2016

Tout à fait
Mais au Bénin, la campagne pour la présidentielle, ce n’est pas moins de 3 milliards. Aujourd’hui, est-ce que vous avez les moyens ?

Au-delà des moyens qu’un candidat puisse mettre dans sa campagne, vous devez retenir définitivement que lorsque le peuple le décide, les moyens n’ont jamais été un handicap. Jamais. Je veux dire par là que lorsque le peuple est décidé à accompagner un homme, ce peuple se bat déjà pour l’homme. En d’autres termes, là ou un candidat X a 10 francs, pour rassembler 1000 personnes, lorsque c’est le candidat aimé du peuple, il sortirait peut-être 5 francs pour avoir le même résultat. Parce que le peuple déjà le veut. C’est pour cela que j’ai dit que le seul fait de dire je veux soutenir Janvier Yahouédéhou parce qu’il a montré son sérieux, sa sincérité et mieux, a démontré qu’il est capable, suffit largement. Le seul fait de le penser, c’est déjà beaucoup. Celui-là qui le pense, n’a plus besoin d’être payé avant de soutenir son candidat.
Vous pensez que les Béninois apprécient votre combat ?

J’ai le sentiment. Par le passé, je n’avais par ce même sentiment. Mais aujourd’hui, j’ai le sentiment. Cela fait aujourd’hui 20 ans que Janvier Yahouédéhou se bat pour la bonne gouvernance. C’est ce combat qui m’a amené à créer Radio Planète, un outil que j’ai mis à la disposition du peuple. Vous vous rappelez, j’ai pris des risques. C’est encore moi qui aie publié dans ce pays Les vraies couleurs du Caméléon et Crépuscule d’un dictateur. J’ai été le premier à quitter le bateau Yayi Boni, le bateau Fcbe. J’ai quitté. On ne quitte pas un système qui vous profite. Et lorsque vous êtes au pouvoir et sentez que les intérêts du pays sont menacés, dites la vérité à votre Chef. Dites la vérité. Cela peut vous coûter votre poste. Ou, si vous voulez être plus sérieux, lorsque vous êtes avec quelqu’un qui, malgré vos multiples conseils, refusent de vous écouter et plonge dans la médiocrité, vous démissionnez. On n’attend pas la fin du règne après avoir profité du pays des années pour dire je quitte. J’ai été le premier Fcbe à démissionner du système Yayi Boni. Si c’était juste par intérêt, je serais resté. Comment cela peut se comprendre, que quelqu’un soit sous un arbre fruitier avec la possibilité de cueillir de très belle mangue, quitter sous ce manguier pour se retrouver au soleil.
Donc, c’est pour l’intérêt général que vous avez opéré cette rupture

C’est pour l’intérêt général et je pense que les Béninois m’ont suffisamment observé. Et c’est pour cela que j’ai le sentiment, en tout cas, par ce que je reçois comme soutien aujourd’hui que le peuple a compris et que les moyens seront disponibles pour se battre.
Une chose que les Béninois ont attendu de vous est qu’on vous a vu écrire contre le régime de Mathieu Kérékou. Mais, aujourd’hui, pourquoi vous n’avez pas pris votre plume ? N’avez-vous pas observé de mauvaise gouvernance sous le régime Yayi ?

Je suis avant tout un homme d’affaires. J’ai mes entreprises à l’étranger et au Bénin. Lorsque je dois m’en occuper et écrire, ce n’est pas toujours facile. Cela ne veut pas dire que je continue d’être le Janvier Yahouédéhou va-t-en-guerre. Non. Pas du tout. Les Béninois doivent maintenant envisager panser les plaies et penser à l’avenir. Je pense que le Président Yayi Boni devrait même être rassuré pour l’après 2016. Vous voyez à quel point les présidents Kérékou Soglo et autres sont en paix. Je pense que les Béninois sont prêts à garantir cette même paix à Yayi Boni. Je ferai partie de ceux qui lutteront contre la chasse aux sorcières. Il faut que le Président Yayi Boni se calme, laisse les choses aller pour que notre pays retrouve la voie de la cohésion.
L’actualité fumante, c’est l’actualité du Burkina Faso. Le Président Blaise Compaoré n’est plus Président du Faso. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

C’est un message fort que le peuple burkinabé vient de lancer aux présidents qui cherchent à réviser la constitution de leur pays. Autre chose que je voudrais rajouter, il faut que les auditeurs comprennent que ce n’est pas la marche de l’opposition qui a dégénéré. Pas du tout. C’est un citoyen qui a décidé de lancer une pierre. Cela a commencé par un jet de pierres sur l’Assemblée nationale. Donc, en réalité, l’opposition avait organisé une marche l’avant-veille et projetait une marche le jeudi. C’est un citoyen qui a décidé que trop c’est trop. C’est le citoyen burkinabé qui a arraché le pouvoir à Compaoré et non l’opposition. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que nous devons retenir définitivement que le pouvoir appartient au peuple et que seul le peuple est souverain. La souveraineté appartient toujours au peuple et à un moment donné, ce peuple la confie à un Monsieur qui devient le garant de cette souveraineté. Mais il faut que celui-ci comprenne également que le peuple peut l’arracher à tout moment. C’est ce qui est arrivé au Burkina Faso et je pense que cela devrait faire réfléchir. Vous pouvez sortir tous les chars du monde. Vous pouvez sortir les bombes lacrymogènes à n’en plus finir. Lorsque le peuple dit non, vous ne pouvez rien contre. Et c’est bien ce qui est arrivé au Burkina.
Pensez-vous que la situation au Burkina est assez instructive et a dû commencer par travailler certains dirigeants africains ?

C’est vrai que cela se fait sur les réseaux sociaux. Mais il faut que les gens fassent tout pour avoir la vidéo de ce qui s’est passé au Burkina Faso. Si les présidents africains pouvaient regarder ces vidéos, ils comprendraient que cela ne sert à rien de penser qu’on est tout puissant quand on est au pouvoir. Personne n’est plus puissant qu’un peuple.
Le sujet de la révision de la Constitution au Bénin, n’est-il pas rangé ?

La révision de la Constitution rangée, je n’en sais rien. C’est le Président Yayi Boni qui peut le dire puisque c’est lui qui l’a introduit par deux fois. Une première fois en 2012 et une deuxième fois en 2013. C’est lui qui a envoyé le décret à l’Assemblée nationale. C’est Yayi Boni, le ministre Koupaki et d’autres ministres qui ont signé ce décret pour réviser la Constitution du Bénin. Allez leur demander s’ils sont prêts à abandonner. De toutes les façons, vous connaissez ma position sur la question. Je me suis battu pour le peuple béninois sur le sujet de la révision de la Constitution. En 2012, vous vous rappelez des panneaux géants que j’ai posés dans la ville avec le slogan "Touche pas ma Constitution" avec une fillette qui pleurait. Lorsqu’il a tenté une deuxième fois en 2013, je suis reparti encore avec des panneaux "Touche pas ma Constitution" avec cette fois-ci, un monsieur d’un certain âge qui pleurait les deux mains sur la tête. Tout cela, c’est Yahouédéhou Janvier. Il y a aussi les campagnes sur les radios pour dire non. Donc, on s’est battu dans des conditions difficiles. Saviez-vous au moment où on a posé ces panneaux avec mes amis, Edgard Alia, Aho et Da Matha, les gens sont allés déchirer ? J’avais réagi et des personnes insoupçonnées nous ont fait appel et nous ont aidés à refaire les panneaux. C’est pour vous dire qu’on se bat et qu’on s’est battu. En 2013, c’est avec mon parti Réveil patriotique qu’on a financé cette campagne.
Mais est-ce que le démon est toujours conjuré lorsqu’on sait que le sujet est toujours inscrit à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale ?

Je vous dis qu’il n’aura pas de révision de la constitution si les députés n’ont pas compris le message du peuple. Figurez-vous, le peuple s’est attaqué à quoi ? A l’Assemblée nationale du Burkina. Tout ce que j’ai déploré, c’est que Blaise Compaoré a au mois réussi à offrir un beau bâtiment pour l’Assemblée nationale, ce que Yayi Boni a été incapable de faire. Ce symbole a été attaqué. Je n’incite pas les Béninois à faire pareil, mais les députés doivent comprendre que c’est un risque. Il faut que les députés comprennent que le peuple ne veut pas et qu’il n’aura pas de révision de la constitution, en tout cas, pas sous le président Yayi Boni. On se battra contre.
On va revenir à l’actualité du Burkina Faso. Aujourd’hui, ce sont les militaires qui sont au pouvoir malgré la démission de Blaise Compaoré. Est-ce que le peuple que vous magnifiez si tant, ne s’est pas fait voler sa victoire ?

Non. Je pense que ce qui est prévu, ce qui est annoncé, c’est ce qui va se faire. Le peuple, c’est qui ? C’est tout le monde.
Mais il y a les mécanismes prévus dans la constitution.

Oui, mais une fois que vous chassez un dictateur, son remplacement doit forcément connaître une période de transition.
Mais est-ce qu’il a été chassé ? Puisqu’il a démissionné, est-ce que cela ne permet pas d’utiliser les mécanismes constitutionnels ?

Il a été chassé par le peuple. Il n’a pas démissionné. Il ne faut plus dire qu’il a démissionné. Blaise Compaoré a été chassé du pouvoir par le peuple. Donc, on ne peut plus utiliser les mécanismes prévus par la constitution. A partir du moment où il est chassé, la constitution d’une certaine manière tombe. Même si on va la remettre à la suite d’une période de transition, ce sont les militaires qui dirigent.
Pensez-vous que Blaise Compaoré doit répondre de ses crimes ?

A force de penser de la sorte, nous finissons toujours par sombrer. Il ne fallait pas laisser Blaise Compaoré faire 27 ans au pouvoir. Vous l’avez laissé. Dans la recherche de consensus, il vaut mieux aller à l’apaisement. Il est parti, il a laissé les dégâts, comment faire pour panser les plaies, telles doivent être les préoccupations.
Mais son départ s’est soldé par 30 décès. Qui paie pour ces Burkinabé morts ?

Le dossier Gbagbo en Côte d’ivoire, cela fait des années qu’il traîne. Pendant ce temps, la Côte d’ivoire est en train de progresser. Elle avance. On ne peut pas prendre cela comme un problème préoccupant. Aujourd’hui, il est parti. Il faut maintenant passer aux choses sérieuses. Il faut aujourd’hui penser à comment relancer le Burkina Faso.
Donc, ne devra-t-il jamais répondre de l’assassinat de Thomas Sankara

Il doit répondre. Ce problème est à part. De toutes les façons, le cas de Blaise Compaoré est un cas exceptionnel. Nous avons le cas d’un pays voisin où l’intéressé est resté au pouvoir après avoir assassiné un autre. Seulement, il s’est éteint sans avoir répondu du crime. Pour ce qui est de Blaise Compaoré, le dossier Sankara, c’est le crime le plus grave qui doit l’amener en prison.
Vous venez de dire que les Burkinabé l’ont laissé faire 27 ans. Vous nuancez les responsabilités apparemment

Avec l’assassinat de Sankara, on ne devrait jamais laisser Blaise faire autant d’années au pouvoir.
Qu’est-ce qu’on pouvait faire ?

Ce qu’ils ont fait aujourd’hui
Est-ce qu’on n’aurait pas couru des bains de sang ?

Mais il y a eu des morts 27 années après. Dans tous les cas et quel que soit le mouvement, lorsque vous vous attaquez à un Chef au pouvoir, lui, il cherche à se défendre et il y a souvent des morts. Pour ce qui était de l’assassinat de Thomas Sankara, il fallait que le peuple réagisse à l’époque. Mais cela n’a pas été fait et tout le monde l’a déploré. 27 ans après, quel sens donner à cela ? Mais pour l’histoire, nous devront retenir qu’il y a un homme passé positivement dans la mémoire collective et qu’il y a un autre qui est passé pour assassin. Donc, la plus belle punition, c’est aujourd’hui pour Blaise Compaoré, c’est cette honte qu’il a connue.
Blaise Compaoré, c’est cette personnalité qu’une certaine opinion africaine magnifie pour ses réussites sur le plan du développement.

Il faut nuancer. Il a réussi quoi ? Il a fait des choses.
Mais même ici, il n’est pas rare d’entendre que Burkina Faso marche mieux que le Bénin

C’est réel. Je vous ai dit que lui, au moins, a réussi à construire un beau bâtiment pour l’Assemblée nationale. Ce qu’un Docteur en Economie n’était pas capable de faire. Lui, militaire a pu faire un siège pour son Assemblée nationale. Donc, il a fait des choses. Mais est-ce qu’il est le seul Burkinabé capable de faire des choses. Vous arrivez au pouvoir juste pour 5 ans. Vous vous arrangez pour en faire 10. Ce n’est pas suffisant ? Il n’y a pas d’autre burkinabé pour gérer le Burkina mieux que lui ? Ce n’est pas parce qu’il a fait des choses que nous allons accepter qu’il reste pendant 27 ans. Tout homme a des limites. Après 10 ans, foutez le camp, laissez la main à quelqu’un d’autre qui a d’autres idées. C’est pour cela que j’estime que les Burkinabé ont trop trainé avant de le faire partir.


Transcription Hospice A. et Wilfrid Noubadan

 Commentaires