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La Presse du Jour N° 2272 du 2/12/2014

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Approches innovantes du financement de l’enseignement et de la recherche en Afrique : Regard croisé du Dr Cherif Diarra (Unesco) et du Prof Barthélémy Biao (Recteur/Parakou)
Publié le mardi 2 decembre 2014   |  La Presse du Jour


Le
© Autre presse par DR
Le coordonnateur de l’Ong Droit de l’homme, paix et développement (Dhpd), président du jury, du recteur de l’Up, Barthélémy Biao.


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La problématique d’approches innovantes de financement de l’enseignement et de la recherche en Afrique était au cœur d’une rencontre de haut niveau tenue du 26 au 28 novembre dernier à Lomé. Deux acteurs clés de l’éducation en Afrique ont donné leurs points de vue sur le sujet. Le premier est Mohamed Cherif Diarra. Il est titulaire d’un Phd en sciences de l’éducation, option économie et finances de l’université d’Etat de la Louisane aux Etats-Unis. Il est consultant à l’Unesco. Le second qui répond au nom de Barthélémy Biao dirige l’Université de Parakou. Il est enseignant chercheur et auteur de plusieurs publications scientifiques.
Mohamed Cherif Diarra, expert en sciences de l’éducation, consultant à l’Unesco: «Il urge que les Etats accroissent leurs contributions »
La massification des effectifs dans les universités a été abondamment évoquée par les participants à la conférence régionale sur les approches innovantes de financement de l’enseignement supérieur et de la recherche en Afrique. Qu’elle est la position de l’Unesco par rapport à ce sujet ?
Le problème de la massification et des effectifs pléthoriques se pose avec acuité dans nos universités. Il est apparu au début des années 1990 et s’est accentué au fil des ans. Comme je le disais dans mon discours à l’ouverture des travaux de cette conférence, il y avait 2,5 millions d’étudiants dans les universités d’Afrique subsaharienne. En 2006, ce nombre est passé 9,3 millions et en 2012, nous sommes autour de 12-13 millions. Cela veut dire que les effectifs continuent à augmenter dans toutes les universités africaines. Il y a plusieurs façons de gérer ce flux d’étudiants. Il y a d’abord l’autorégulation, c’est-à-dire que les universités elles-mêmes deviennent des organes d’autorégulation des effectifs. Dans un contexte d’autorégulation, il y a des taux d’abandon extrêmement élevé. Il y a aussi des taux de déperdition extrêmement élevés et des taux de redoublement extrêmement élevés. Au finish, on se retrouve avec des taux de compression de cycles extrêmement bas. Mais ceci n’est pas un bon signe étant entendu que d’un, il y a un gaspillage du capital humain qui amène à se demander ce que vont devenir tous les déperdus qui naturellement sont des bombes à retardement pour le système. Ça c’est un problème qu’il faut attaquer à la racine. De deux, il y a la gestion des flux intelligents et efficients de l’effectif. Dans ce domaine, il faut créer les conditions optimales de réussites des étudiants au sein même des établissements…

Dans votre discours d’ouverture à la tribune de cette conférence régionale, vous avez fait un diagnostic qui du reste donne froid dans le dos quant à la participation des Etats au financement de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, quel est l’état réel des lieux et qu’est-ce que vous proposez pour que les gouvernements accroissent la part du budget réservé à l’enseignement supérieur ?
C’est le cœur même de cette rencontre. En matière d’état des lieux, c’est en moyenne moins de 20 % de leur budget national que les Etats africains affectent à l’éducation. Sur ces 18-20 % alloués à l’éducation nationale dans son ensemble y compris l’enseignement supérieur, c’est environ 20 à 25 % qu’on accorde à l’enseignement supérieur. Là, c’est une moyenne continentale et cette moyenne continentale cache énormément de disparité sur l’effort que les gouvernements peuvent faire effectivement pour contribuer au développement et au financement de l’éducation. Il y a des gouvernements qui font plus. Il y a des gouvernements qui font aussi ce qui doit être fait. Et il y a des gouvernements qui font moins. Plus par rapport à quoi, moins par rapport à quoi ? C’est là l’épineuse question. Et pour répondre, nous parlons de la norme instituée par l’Unesco et l’Union africaine qui disent qu’au moins 20 % du budget national doit être consacré à l’éducation et au moins 5 % du Produit intérieur brut (Pib) alloués à l’éducation. Sur ces pourcentages, il y a une certaine part qui revient à l’enseignement supérieur. Dans le cas de l’Afrique subsaharienne, il y a encore de grandes disparités. Les Etats ne font pas le même effort. Et cela pose un grand problème dans la mesure où cela est inter-lié avec la massification dont on a parlé tantôt. De toutes les façons et de manière générale, beaucoup de pays n’atteignent pas les standards internationaux de 20 % du budget national qui doivent être accordés à l’éducation nationale et le pourcentage de 5 % du Pib.
Au cours de cette conférence, il a été question de financement innovant. Quelle est l’approche que propose l’Unesco ?
Des financements innovants existent bel et bien…Ces financements peuvent non seulement compléter la contribution des Etats mais aussi suppléer cette contribution. Il y a plusieurs façons de le faire. Il y a d’abord ce que j’ai appelé les taxes sur les billets. Rien que pour l’année 2011-2012, c’est l’équivalent de 6 milliards d’euros qui ont été mobilisés. C’est une masse importante de ressources financières pour l’éducation étant entendu la masse critique de gens qui prennent l’avion. Il y a également le prélèvement sur les industries extractives. Le Nigéria a parlé de prélèvement de 2 % sur les ressources du pétrole. Imaginez si ce prélèvement était de 3 % pour les pays qui produisent le pétrole ! Le Ghana produit de l’or et du pétrole. Le Mali produit de l’or. Le Togo produit du phosphate…Si on prélève 3 % sur ces industries extractives, cela fera d’importantes ressources innovantes pour financer l’enseignement supérieur et cela impulsera indubitablement le développement parce que la ressource humaine de qualité sera disponible. Il y a les licences de téléphonie mobile sur lesquelles on peut aussi faire des prélèvements pour financer l’enseignement supérieur et la recherche. Cette approche est déjà une réalité au Burkina Faso. Il y a les fonds de réserve et de garantie que les universités peuvent constituer. Ça peut générer énormément de ressources. Il y a ce que j’ai appelé les prêts aux étudiants qui font appel à l’intervention des banques. Jusqu’à, les banques interviennent très peu dans le financement de l’éducation. Il y a énormément de pistes qui peuvent être exploités. Mais pour que ces pistes soient exploitées et produire des résultats, il faudra que les gouvernements aient la volonté politique d’initier des réformes dans ce sens et entrer en dialogue ces institutions financières pour qu’ensemble, ils se mettent d’accord sur les moyens de mettre en œuvre les différentes réformes puisqu’après tout, l’enseignement supérieur est un instrument de développement du capital humain. Qui dit développement aujourd’hui, dit qualité de la main d’œuvre, de la ressource humaine. Aucune nation au monde ne peut d’ailleurs se développer sans un capital humain bien formé. Il faudrait donc que nous interpellions les gouvernements pour qu’effectivement quelque chose puisse être faite. Le rôle de l’Unesco sera de les organiser, d’entrer en négociation avec eux, d’attirer leur attention les faits structurels du financement et les inviter à faire un peu plus d’effort par rapport à ce qui doit être fait. La mission de l’Unesco sera essentiellement une mission d’appui-conseil auprès des gouvernements de manière à ce que la part allouée à l’éducation de façon générale et à l’enseignement supérieur dans les budgets répondent aux standards internationaux et aux normes retenues par l’Unesco et l’Union africaine.

Barthélémy Biao, Recteur Université de Parakou : « La diversification des sources de financement constitue un impératif »
A partir de ce que vous venez d’écouter au cours de cette conférence régionale sur les approches innovantes de financement de l’enseignement supérieur et la recherche en Afrique, quelles sont celles qui vous paraissent les mieux adaptées au contexte béninois ?
Trois universités publiques sur les quatre que compte le Bénin sont représentées à cette rencontre de haut niveau. L’Association des universités africaines a cette caractéristique de regrouper l’essentielle des universités africaines et ce colloque est d’abord pour nous une occasion d’échange d’expériences, d’apprentissage des bonnes pratiques. A l’issue des trois jours que nous venons de passer avec nos collègues venus des autres pays, on s’est rendu compte que les universités de tradition anglo-saxonne ont un plus grand éventail de possibilités de financement de l’enseignement supérieur et de la recherche. Et comme on a dû s’en rendre compte, il n’y a pas de solution standard ou magique. Il faut prendre chacune des approches et faire en sorte qu’il y ait un consensus au niveau de l’institution universitaire et peut-être au niveau national, sur les innovations possibles dans le financement. Comme vous avez dû vous en rendre compte, il y a un certain nombre de domaines, notamment les équipements, les infrastructures, le personnel, la recherche, les programmes…qui traditionnellement, sont pris en charge par l’Etat, surtout dans les pays francophones. A mon sens, la diversification des sources de financement constitue un impératif. Comment y aller ? Je crois qu’on ne peut pas donner un avis péremptoire. Je crois tout simplement qu’il faut poursuivre la réflexion sur cette question.

Que pouvez-vous conseiller aux décideurs béninois après tout ce que vous venez d’entendre au cours de ces trois jours de réflexion ?
Je leur dirais notamment que la charge du financement doit être de plus en plus partagée et que les bénéficiaires ultimes que sont les apprenants devraient un peu plus contribuer au financement de leur formation. Je leur dirais également que, comme on s’est rendu compte pour d’autres universités de tradition anglo-saxonne, la charge des œuvres sociales est de plus en plus lourde et qu’une réallocation des ressources qui responsabilise plus les bénéficiaires dans la prise en charge des œuvres sociales permettrait de dégager des ressources pour plus d’équipements, plus d’infrastructures, plus d’enseignants qualifiés…Voilà deux axes possibles sur lesquels on peut réfléchir.

L’enseignement supérieur inclus la recherche. Ce volet est malheureusement le parent pauvre. Une fois que les financements innovants sont mobilisés, sur quel segment de l’enseignement supérieur pensez-vous qu’on peut agir pour que l’université joue effectivement son rôle de service à la communauté ?
Je ne sais pas ce que vous mettez dans segment. Mais il est important de rappeler que l’enseignement supérieur a trois missions : la formation, la recherche et le service à la communauté, c’est-à-dire l’utilité sociale de l’université. Tous ces segments sont imbriqués. Entre les deux extrêmes, c’est-à-dire la formation et le service à la communauté, il y a la recherche. La recherche est un secteur important parce qu’elle permet d’alimenter et d’améliorer la qualité de la formation. Elle permet également et en principe, de trouver des solutions aux problèmes concrets de la société. C’est d’ailleurs cela que j’appelle l’utilité sociale de l’université. On se rend compte aujourd’hui qu’autant au niveau national, qu’au niveau des universités, que la part allouée à la recherche est la portion congrue. Il y a donc nécessité de rééquilibrer les choses un peu car cela peut permettre d’améliorer l’efficacité de l’ensemble du système éducatif au niveau de l’enseignement supérieur. C’est mon point de vue. Mais il y a beaucoup de priorités pour ne pas dire que tout est prioritaire.

Vous l’avez dit. Beaucoup l’ont soutenu. La part réservée à la recherche est congrue. Toutefois, il y a quelques efforts. Le constat malheureusement est que les fruits des recherches ne sont pas souvent valorisés ou exploitées au service du développement. Que pensez-vous qu’on peut faire pour corriger le tir ?
Pour le peu que je sais par rapport à notre pays, il faut dire qu’il y a des efforts en cours pour une grande visibilité de la recherche à travers la Direction nationale de la recherche scientifique, à travers l’Agence de valorisation des résultats de la recherche, à travers le fonds qui doit financer les innovations technologiques… Toutes ces évolutions permettent d’espérer une plus grande visibilité de la recherche. Vous savez, il y a eu des tentatives de chercheurs occidentaux de breveter des recherches faites dans des laboratoires des universités du Sud par des chercheurs africains. Il y a à mon avis deux choses à faire. Il faut faire de la recherche, la faire connaître à travers les brevets le cas échéant et mettre en place des mécanismes de valorisation des résultats de ces recherches. Il faut donc assez de ressources financières et une réappropriation de l’importance de la recherche pour le développement.

Réalisation : Affissou Anonrin, Envoyé spécial à Lomé

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