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Le Matinal N° 4508 du 31/12/2014

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Michel Adjaka au sujet du discours de Yayi sur l’état de la Nation: « La lutte contre la corruption nécessite une justice indépendante »
Publié le mercredi 31 decembre 2014   |  Le Matinal


Le
© Autre presse par DR
Le Magistrat Michel Adjaka président de l`Unamab


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Le discours du chef de l’Etat sur l’Etat de la Nation a inspiré le président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab). Dans cette réflexion, il apporte son point de vue. Lire ci-dessous.
J’ai lu et écouté le discours du président de la République sur l’état de la Nation. J’en retiens que « les efforts fournis dans le cadre de la lutte contre la corruption ont été pris en compte dans l’Indice de perception de la corruption de l’Ong Transparency international qui classe le Bénin à la 80ème place sur 175 pays, soit une progression de 14 places en 2014 et de 30 places depuis 2010. Ces résultats auraient été meilleurs si la lutte contre la corruption n’était pas freinée par l’absence de poursuites judiciaires systématiques et efficaces, ce qui compromet la crédibilité de la volonté de mon gouvernement à s’attaquer à la corruption en vue de l’élimination de la pauvreté dans notre pays ». Cette déclaration m’inspire quelques observations. J’ai l’intime conviction que la lutte contre la corruption nécessite avant tout une justice indépendante animée par des femmes et des hommes intègres et compétents. A l’antipode de cette exigence, il est aisé de constater que depuis 2011 les règles qui gouvernent les nominations n’ont jamais été scrupuleusement observées. Le Gouvernement préoccupé par le contrôle du système judiciaire de notre pays est hostile au respect des textes qui garantissent la transparence dans les nominations de magistrats. Contre toute logique et attente, le Gouvernement préfère faire commander les colonels par des capitaines. Conséquence, alors que les magistrats aptes à occuper les postes sont disponibles et n’attendent qu’à être sollicités, on enregistre, avec amertume, que:

-le Parquet de Cotonou a été réduit d’abord de neuf (09) magistrats à six (06), ensuite de six (06) à cinq (05), ceux de Porto-Novo et d’Abomey de quatre (04) à deux (02) magistrats, les Parquets de Natitingou et de Kandi ont enregistré un accroissement de leur effectif d’un (01) à trois (03) magistrats, celui de Ouidah a été réduit de trois (03) à deux (02) magistrats, alors que les Parquets de Parakou et de Lokossa ont été respectivement renforcés de deux (02) à cinq (05) et de deux (02) à trois (03) magistrats.

En dehors de cette gestion peu rationnelle de l’effectif, on remarque que, stratégiquement, le Gouvernement orchestre et occasionne des vacances de postes pour espérer mieux contrôler les juridictions. Ainsi, les tribunaux de Porto-Novo et de Kandi sont sans président. Les Parquets de Porto-Novo et d’Abomey n’ont pas de procureur de la République. Au Tribunal de Ouidah, d’Aplahoué, de Lokossa et de Natitingou, on constate que, depuis plusieurs années, des cabinets d’instruction sont sans juges, alors que nombre de semblables croupissent en prison. Cette approche déstabilisatrice de l’institution judiciaire ne peut favoriser une lutte efficace contre la corruption. Aucune lutte sérieuse contre la corruption ne peut être engagée et menée avec succès sans que les règles élémentaires de transparence dans la gestion du personnel magistrat ne soient respectées.

La lutte contre la corruption est un comportement. Cette posture ou prédisposition propice à la mise en œuvre de la machine répressive n’est pas encore une réalité sous nos cieux. En effet, suite à l’arrestation des maires, une réunion de crise a été convoquée par le garde des Sceaux. A cette réunion, le ministre de la Justice a vivement sollicité et souhaité une complicité entre les Parquets et la Chancellerie. De tels vœux contraires aux dispositions du code de procédure pénale ne peuvent favoriser le requiem de l’impunité au Bénin. Une justice que l’on veut efficace ne peut s’accommoder de conspiration et de complicité préjudiciables à la poursuite pénale.

En dépit de ces obstacles à l’efficacité de son action, la justice béninoise attend désespérément d’être saisie par le Gouvernement:

-du rapport de l’Inspection générale d’État sur la gestion des fonds Fadec,

-de la passation des marchés d’acquisition d’engins dénoncée à la Sobemap par le chef de l’État,

-de l’affaire d’acquisition de machines agricoles,

-de Maria-Gléta gate,

-de la poursuite des personnes impliquées dans les concours frauduleux annulés, de la gestion à la CCIB, ainsi que d’autres scandales non encore révélés.

Si le Gouvernement pouvait faire ce que de droit dans ces dossiers et exécuter les décisions déjà rendues dans certaines procédures, le classement du Bénin en 2015 sera nettement amélioré. Notre pays a les moyens et les ressources de ses ambitions. Malheureusement, l’absence d’un engagement politique franc contre la corruption inhibe et annihile tout effort pour son développement.

En tout cas, même déstructurée, démunie et désarticulée, la justice béninoise compte et comporte des femmes et des hommes aptes à continuer la lutte contre la dilapidation des ressources publiques. Le jour où cette détermination rencontrera une volonté claire, nette et affichée du Gouvernement, le peuple béninois sera délivré de l’engrenage de la corruption et de l’impunité.

Michel Adjaka
Magistrat

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