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Fraternité N° 3764 du 24/12/2014

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Système Approche par compétence au Bénin : 15 ans d’application laborieuse
Publié le mardi 6 janvier 2015   |  Fraternité


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Le système éducatif du Bénin a évolué de l’Approche par contenu pour l’Approche par objectif avant d’en arriver, depuis 15 ans, à l’Approche par compétence (Apc). Mais jusqu’ici, cette approche n’arrive pas à être appliquée dans une relative stabilité. Ceci pour diverses raisons liées d’une part à la non disponibilité des matériels et d’autre part, à la non mise à contribution d’enseignants qualifiés.
Approche par compétence (Apc). Un système éducatif qui permet de construire l’apprentissage autour des aptitudes de l’élève. Avec cette approche, déjà à travers la disposition des apprenants dans les salles de classe, ceux-ci peuvent facilement échanger leurs connaissances entre eux et du coup, se donner les moyens d’avoir de bons résultats. Ceci dit, l’apprenant est appelé à plus de recherches afin de découvrir de lui-même ce qui devait lui servir de cours. Mais d’abord, les élèves mettent 80% de leur temps à profit pour le repos et les loisirs. De plus avec l’Apc, la lecture est rangée dans les placards et les sites livresques et les bibliothèques sont devenus rares. C’est carrément la dernière des préoccupations des apprenants. Encore que l’internet ne les y aide pas. Il est pour eux, un outil pour jouer, pour se connecter aux réseaux sociaux ou pour se livrer à d’autres activités parfois malsaines. Rufin n’a pas l’internet à domicile mais se sert quand même de ces petites économies pour se rendre dans les cybers café. « Je vais au cyber au moins trois fois dans une semaine. J’y vais pour tchatcher, discuter avec des amis à travers Facebook », confesse cet élève de la 4ème. Rufin, quoique conscient de ce qu’il peut profiter de ces temps au cyber pour faire ses recherches, préfère plutôt en profité pour copier la production de ses amies. « Pour mes exercices, j’ai souvent des corrigés types que je recopie mais pour les matières comme l’Histoire et la géographie, la Svt et le Français je trouve toujours des camarades chez qui je recopie », a-t-il avancé, un sourire au coin. Christel Mouléro, professeur d’Histoire-géographie confirme, « les enfants ne font pas des recherches car un élève qui va lui-même chercher les informations doit avoir une meilleure compréhension ». La responsabilité de chercher laissée donc aux apprenants doit concourir au rehaussement du niveau éducatif au Bénin mais faut-il constater, cette liberté n’inspire pas toujours confiance. C’est la position de Nadine Dègila, mère de trois apprenants qui propose : « il faut équiper les établissements de tous les matériels de recherche et organiser un suivi rigoureux sur des recherches personnelles de l’enfant ».

Le manque de matériels
Toujours par rapport à l’application effective de l’Apc, les enseignants font face au manque de matériels. Noël Chadaré, conseiller pédagogique ne le cache d’ailleurs pas. Et sur ce point, les matériels dont il s’agit ne sont rien d’autres que les cahiers d’activités, les livres et la mise à disposition de l’internet. L’idéal selon Noël Chadaré, c’est que les établissements puissent avoir en leur sein une bibliothèque bien équipée et une salle numérique. Mais à l’en croire, les moyens font défaut. « Les subventions sont données pratiquement en fin d’année. C’est une situation qui ne permet plus aux directeurs d’équiper les bibliothèques », a-t-il dit toute en relevant le problème d’effectif pléthorique dans les salles de classes. « On a des effectifs pléthoriques à hauteur de 70 élèves par classe ce qui ne permet pas de mieux gérer tous les élèves avec les exigences de l’Apc », fait-il comprendre. Si certains rejettent la faute sur le retard dans les subventions, d’autres par contre s’en prennent aux parents d’élèves. Le professeur d’histoire et géographie, Christel Mouléro, par exemple s’explique mal l’interdiction par l’administration du renvoi de l’élève pour défaut de document. Ainsi confesse-t-il, « certains parents, pour la raison de gratuité de l’école, refusent d’acheter les documents aux enfants ».
Les parents ont-ils démissionnés ? Barthélémy Abidjo, Inspecteur de Français répond par l’affirmative. « Il faut avouer que les parents ont démissionné. Une totale liberté est laissée aux enfants », a-t-il regretté. Mais assure le Directeur du Ceg Gbégamey, Siméon Pépin, le Bénin a bel et bien de matériels pour utiliser ce système. « Dans les portables et ordinateurs, les enfants sont même en avance sur nous. Vous pouvez avoir des problèmes électroniques à la maison et c’est votre petit enfant qui vous aide à le réparer. Le monde évolue et il n’est pas bien de rester en arrière », a-t-il avancé. Encore que, poursuit-il, sur le net aujourd’hui, il y a des sites dans tous les domaines d’études. Il suffit que l’enseignant donne aux enfants des sites de recherches.

Des cahiers d’activités sans propriétaires


Tout le monde peut proposer aux élèves un cahier d’activités...
S’agissant des cahiers d’activités qui servent de documents accompagnateurs pour les Situations d’apprentissage, ils sont sans propriétaires fixes. Inspecteurs, conseillers pédagogiques, simple enseignants, tout le monde peut écrire son cahier d’activité qu’il commercialise pour se faire de l’argent. Selon les explications du Directeur du Ceg Gbégamey, ces documents manquent même de crédibilité. « Je déplore le fait que ces cahiers ne soient pas en majorité conçus par les services de l’inspection général. Les informations à l’intérieur sont parfois en contradiction avec la réalité et on fait avec parce qu’il n’y a pas suffisamment de manuel. Ça devient un fond de commerce », se désole-t-il. En effet, des professeurs s’associent pour confectionner ces manuels et parfois ils sont truffés d’erreurs. Parfois, les élèves sont forcés d’acheter ces cahiers qui, finalement ne sont plus exploités par le professeur. « Durant toute l’année, on n’a pas utilisé le cahier d’activité plus de 4 fois pourtant, le professeur nous renvoyait à chaque cours pour qu’on l’achète », confie un élève de la seconde au Ceg Houeyiho.

La qualité des enseignants doigtée
L’autre chose est que l’Apc exige que le professeur ne fasse plus des cours dogmatiques comme avant mais qu’il devienne un guide pour l’apprenant. Un guide, c’est quelqu’un qui conduit, qui montre le chemin. Cette tâche devient difficile à accomplir lorsque, étant pilote, l’enseignant ne maîtrise pas, comme il se doit les règles du métier. Encore que ce système s’impose à tout enseignant. Pour le Directeur du Ceg Gbégamey, l’enseignant doit s’efforcer pour rentrer dans la danse. Mais, si pour lui, il faut juste que l’enseignant face des recherches pour être à la hauteur alors, une formation s’exige. C’est le cas chez Barthélémy Abidjo qui s’insurge : « quand on veut apprendre un métier, on passe par une école. Il faut d’abord aller à l’école de l’enseignement pour être professeur. Mais pourquoi notre système ne veut pas que les gens passent par là avant de les envoyer devant les apprenants ? ». Bref, c’est un problème crucial qui se pose. Les responsables en charge du système éducatif, conscients de cette réalité organisent des séances de formation. C’est ce que confirme le Directeur Siméon Pépin : « à la veille de chaque année, on organise une formation aux enseignants. Même en cours d’année, il y a des conseillers pédagogiques qui sont suffisamment encadrés par des inspecteurs et qui vont vers les enseignants pour voir leur rapport de cours afin de corriger les failles ». Mais pour l’inspecteur Barthélémy Abidjo, ces formations ne suffisent pas. Le véritable problème selon lui, c’est qu’à la base, les autorités ne recrutent pas souvent ceux qui ont la compétence d’exercer le métier.
L’état des choses laisse croire que le système actuel ne répond pas encore aux exigences de l’Apc. Car selon les diverses explications, en principes, dans l’application de l’Apc, les résultats que ce soit des examens ou des classes intermédiaires ne doivent pas être en dessous de 70%. De source concordante, les derniers résultats du Cep ne refléteraient pas la réalité. Ils seraient des résultats truqués. Tout ceci expliquerait le bas niveau des élèves aujourd’hui. Pour le conseiller pédagogique Noël Chadaré, il faut revoir tout le système et si les moyens existent, il faut le changer. « Les enfants sont nuls dans les accords, dans la conjugaison, dans la grammaire… Il faut s’asseoir pour prendre de vraies décisions car, une situation d’apprentissage en français par exemple, prend 18h et aujourd’hui, on a trop de situation d’apprentissage pour suivre les exigences de l’Apc », a-t-il conclu. Après environ 15 ans d’application, l’expérience Apc est toujours au creux de la vague. C’est dire qu’il est impératif de faire le bilan et de corriger les erreurs. Et comme l’école n’est pas l’affaire d’une seule personne, l’implication de tous les acteurs de l’école est indispensable. Autrement, la fin de la crétinisation des apprenants béninois n’est pas pour demain.

Barthélémy Abidjo, inspecteur de l’enseignement secondaire sur les Apc :
« Le Bénin ne dispose pas de plus de 20% d’enseignants compétents pour appliquer le programme... »


Barthélémy Abidjo, inspecteur de l’enseignement secondaire
La mise en œuvre de l’Apc au Bénin a suscité une polémique. Dites-nous inspecteur, notre pays dispose-t-il des moyens nécessaires pour une bonne application de cette Approche ?
Je pense que l’individu, quel qu’il soit, doit faire la politique de ses moyens. Nous n’avons pas les moyens des occidentaux. Mais lorsqu’étant à Dassa ou à Natitingou, l’enseignant veut parler des roches, il doit faire sortir les enfants pour qu’ils aillent voir les roches, et non rester dans les quatre murs de l’école pour dispenser le cours sur les roches. S’il est à Cotonou, qu’il regarde dans son entourage, dans son environnement les éléments sur lesquels il peut s’appuyer pour faire son cours. L’Apc ce n’est que ça. S’appuyer sur son environnement immédiat. Mais, sans formation, il n’est pas possible de l’enseigner. Et tout dépend de la formation. Par exemple, l’enseignant qui n’a pas été formé ne peut pas savoir qu’il pourrait s’appuyer sur les éléments les plus élémentaires pour atteindre sa cible. Le gros problème, c’est ça.

Pensez-vous que les enseignants ont la compétence nécessaire pour appliquer l’Approche par compétence (Apc) ?
Je serai direct avec vous. Vous savez très bien que lorsqu’on veut devenir médecin ou comptable, on passe par une école. Même si l’Etat, à un moment donné, a pris conscience et a trouvé qu’il faut former les reversés pour les qualifier, nous avons la malchance d’avoir un système qui continue d’envoyer devant les élèves, des gens qui n’ont reçu aucune formation dans le domaine de l’enseignement. Les conséquences sont dramatiques. Il ne faut pas croire qu’il suffit d’avoir la licence pour tenir devant l’élève et jouer au professeur. Le Bénin ne dispose pas de plus de 20% d’enseignants pour appliquer l’Apc. Les vacataires représentent près de 80% des enseignants sur le terrain. Les professeurs certifiés, qui sont à la hauteur, constituent une minorité encore que la grande partie ira à la retraite en 2016.

Est-ce cela qui est à l’origine des mauvais résultats enregistrés ces dernières années ?
Bien sûr que oui. Dans ces conditions, pourquoi s’étonner au vu des mauvais résultats au Bepc et au Bac ? Il n’y a rien d’anormal là. On récolte ce qu’on sème.

Quelle directive proposez-vous pour corriger ces failles ?
La seule solution, c’est de former les enseignants à l’école normale. Pour être tailleur, il faut aller à son apprentissage. De la même manière, il faut d’abord aller à l’école de l’enseignement pour être professeur. Alors, il faut s’interroger sur pourquoi le système béninois ne suit pas les normes avant d’envoyer les enseignants devant les apprenants ?

Justement, il y a l’école normale qui n’a jamais cessé de former des enseignants pour l’école béninoise
C’est vrai. Mais le nombre d’enseignants qu’elle forme est très insuffisant. Le comble, c’est que ceux qui sortent de l’école normale ne sont pas recrutés par l’Etat et on continue d’utiliser les vacataires. Simplement parce qu’ils n’ont pas un parrain, on préfère prendre des gens disqualifiés. Les enseignants sortis de l’école normale, même s’ils n’ont aucune expérience, sont mieux aguerris pour appliquer l’Apc. Tout est politisé. S’il y a un vice, un travers dans la société, ça se répercute sur l’école.

Et que dites vous de la diversité des sources des cahiers d’activités indispensables au bon déroulement des cours en Apc ?
C’est vrai, les jeunes collègues se sont jetés à l’eau et ont fait sortir des cahiers d’activités. Cela est dû au fait qu’ils ont constaté que tous les professeurs n’ont pas le temps de préparer leurs cours. Deuxième chose, il y a une pénurie de documents et il n’y a pas encore de documents bien adaptés. Pour préparer un seul cours, il faut courir à gauche et à droite. Ce sont des raisons bien fondées par rapport à ce qui s’observe, mais malheureusement ceux qui font sortir ces cahiers n’ont pas toujours toute la connaissance requise et c’est ça qui fait que quelque fois, des erreurs s’y glissent. N’empêche, ils rendent service aux professeurs.

Quelles sont les actions en cours pour finir avec cette situation ?
L’Etat est en train de mettre de l’ordre. Progressivement, tous les cahiers d’activités vont disparaître pour laisser place aux manuels. Nous sommes dans une période transitoire, c’est pourquoi on autorise encore l’utilisation de ces documents. Aussi, chaque professeur veut-il imposer son cahier d’activité et cela crée un désordre. Les parents se plaignent tous les jours. Mais d’ici deux ans au maximum, ce problème sera réglé.

Et quel est le sort réservé aux élèves face à cette complexité de l’Apc ?
J’ai donné une conférence la dernière fois et nous avons utilisé une pédagogie interactive. Ceux qui ont été les grands acteurs et ont le plus participé aux débats sont les apprenants. Et ils étaient bien informés et c’est plutôt nous, les adultes, qui sommes en retard. Ils font l’Apc depuis le cours primaires et ils sont des habitués. Car, eux aussi, ils contribuent à travers leurs recherches aux cours donnés par le professeur. Les élèves y jouent mieux le jeu parce qu’ils connaissent les règles du jeu. Ils savent que dans le débat, ils ont quelque chose à apporter, leur représentation et ce qu’ils pensent. Si c’est erroné, le professeur dit celui-là a des problèmes à tel niveau, je peux maintenant intervenir.

Croyez-vous que les apprenants jouent aujourd’hui, en toute liberté leur rôle, à savoir faire par eux-mêmes les recherches ?
Nous avons été aussi enfant. On a été inconscient à un moment donné mais cela ne nous a pas empêché d’être là où nous sommes aujourd’hui. Vous ne pouvez pas empêcher un enfant qui a, un certain âge d’aller jouer au cyber. Même dans nos maisons, nos enfants, quand ils prennent le portable, ce qui les intéresse, c’est le jeu. C’est de leur âge et ils doivent jouer. Ça ne devrait pas nous inquiéter ou nous scandaliser. L’enfant, nous ne pouvons pas le cantonner à étudier 24h sur 24h. Il y a des moments pour jouer et des moments pour travailler. C’est aux parents de voir l’emploi du temps des enfants et de les aider à faire un planning de leurs jours de repos. Nous parents, nous devons les encadrer. Les enfants qui réussissent à l’école sont pour la plupart encadrés à la maison et les parents ont un regard sur tout ce qu’ils font. Alors, les parents doivent contrôler les enfants, savoir s’ils ont appris leurs leçons et connaître leur emploi du temps. C’est depuis la maison qu’il faut montrer à l’enfant qu’on a un œil sur lui.
Félicienne HOUESSOU

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