Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Déclaration
Article




  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Déclaration

Bénin: le journaliste Ozias Sounouvou craint pour sa vie
Publié le vendredi 16 janvier 2015   |  Autre presse


Ozias
© Autre presse par DR
Ozias Sounouvou, journaliste beninois


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Le journaliste béninois Ozias Sounouvou, à l’origine d’un appel lancé au président béninois, en plein journal télévisé, l’invitant à œuvrer pour la promotion de la liberté de presse à la télévision nationale, dit craindre pour sa vie.
Le journaliste béninois Ozias Sounouvou, à l’origine d’un appel lancé au président béninois, en plein journal télévisé, l’invitant à œuvrer pour la promotion de la liberté de presse à la télévision nationale, dit craindre pour sa vie.

Le présentateur affirme avoir reçu des appels anonymes et dit faire l’objet d’un lynchage médiatique de la part de parutions proches du pouvoir.

Selon des recoupements effectués par la rédaction d’Afrika 7, son appel ne devrait cependant pas rester lettre morte: la direction de la télévision nationale du Bénin réfléchirait en effet à de nouvelles formules pour promouvoir l’expression plurielle des opinions dans les programmes télévisés. Dans cette interview exclusive, Ozias Sounouvou revient sur les raisons de son appel à plus de liberté à la télévision béninoise.

AFRIKA7 : Ozias Sounouvou, vous avez défrayé la chronique ce 12 janvier, en appelant, dans votre édition de 23:30 à la télévision béninoise, le président Yayi Boni à œuvrer pour la liberté à la télévision nationale. Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer cet appel ?

C’est sur la base d’un profond malaise moral et éthique fondé sur le bâillonnement des journalistes de la télévision nationale, à travers des interdictions de leur direction générale d’organiser des débats contradictoires, d’ouvrir des espaces d’expression aux différents courants de pensée, pour apporter des nuances au discours monolithique du gouvernement, qui a pris en otage la chaîne. Dans tous les rendez-vous de la chaîne, sur la grille des programmes, on n’entend que le discours monolithique du gouvernement. Pourtant, ce pays compte plus de vingt ans de démocratie plurielle, dans laquelle la la liberté de la presse a toujours tenu une place spéciale. C’est un véritable recul, nous vivons un malaise terrible.

Le mouvement a été initié depuis par le collectif des journalistes de la télévision, à travers trois pétitions successives restées infructueuses. Notre direction générale est restée sourde, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication [HAAC, instance de régulation des médias, NDLR], qui a été ampliataire de nos pétitions, les a interpellés, mais nos responsables n’ont jamais voulu donner suite à nos doléances.

Le chef de l’Etat étant parti à Paris pour manifester son soutien aux grands principes de la liberté d’expression, on s’est dit : "Tiens, chiche. Puisque c’est lui qui nomme nos responsables, on l’invite à déverrouiller le glacis maintenu sur la chaîne publique."

AFRIKA7 : Etait-ce une initiative spontanée de votre part ou le fruit d’une concertation avec les autres journalistes de la rédaction?

C’est une initiative spontanée que j’ai lancée en surfant sur l’opportunité que m’offrait le reportage à chaud de Paris sur la participation du chef de l’Etat à la marche de soutien à la liberté d’expression.

J’ai eu la chance d’être au journal; l’élément est venu à trente minutes du bouclage et j’ai donc saisi l’opportunité, en me disant que nous tenions là une occasion, après maintes tentatives infructueuses, de lancer un appel ultime au chef de l’Etat, en l’invitant à aller jusqu’au bout de son engagement, de son attachement à la liberté et à entrer dans l’histoire, s’il le voulait.

AFRIKA7 : Quelle a été la réaction de la direction de l’ORTB, que vous mettiez en cause tantôt…

Pour le moment, c’est le calme plat, le silence. Il y a comme une sorte de prostration liée au raz-de-marée et à la déferlante suscités par mon cri du cœur et mon plaidoyer à l’endroit du président de la République, toutes choses qui de mon point de vue, sont la manifestation d’une attente et d’une frustration.

J’ai eu l’occasion de dire que la télévision nationale est désormais en divorce profond avec l’opinion. Les Béninois ont donc vécu ce geste comme un soulagement. Il en va de même des journalistes de la télévision nationale.

Mais pour le moment, ils n’ont rien fait, ils ont voulu me sanctionner, mais le contexte les en a empêchés. On peut dire qu’ils n’ont pas versé dans l’angélisme, c’est le contexte qui les a dissuadés.

AFRIKA7 : Vous dites bien qu’ils ont voulu vous sanctionner…

Bien sûr…

AFRIKA7 : Qu’est-ce qui vous permet de le dire?

Des retours d’une réunion de crise qu’ils ont tenue. Dans un premier temps, ils avaient voulu me soustraire de l’antenne et envisager par la suite d’autres sanctions. Mais des responsables ont indiqué à la direction générale que ce n’était pas très adroit de le faire, vu le contexte, parce que les associations professionnelles et les citoyens de tous bords ont menacé de prendre d’assaut toutes les rues du Bénin pour protester contre cet état de fait.

AFRIKA7 : Mais depuis cet incident, vous êtes quand même retourné à l’antenne…

Tout à fait. J’ai appelé mon directeur dès le lendemain de cette édition; il m’a dit qu’il n’y avait pas de souci et que je serais maintenu à l’antenne.

AFRIKA7 : Et quelle suite sera maintenant donnée à votre appel? Avez-vous l’impression que l’appel sera entendu, notamment au niveau du président de la République?

A ce niveau aussi, c’est le mutisme. Il paraît qu’il y a eu des conciliabules entre la direction générale et la présidence de la République, ce qui est tout à fait normal. Mais rien n’en est sorti, en tous cas, publiquement. Soixante-douze heures après cet appel et sa participation à la marche Charlie, c’est quand même troublant, ce silence. Rien n’a été dit jusque-là, aucune main tendue, aucune volonté pour faire preuve de sincérité, mais les associations professionnelles restent mobilisées. Nous avons appris que notre ministre de tutelle souhaite nous rencontrer après avoir entendu la direction générale. Du coup, la direction générale a annoncé une nouvelle grille, sous la forme d’un nouveau rendez-vous de débat politique sur la chaîne.

AFRIKA7 : Et cela vous satisferait-il?

Cela me satisferait à moitié, parce qu’il y a d’autres singularités qui peuplent l’antenne de l’ORTB, avec une présence hégémonique de la présidence, des formats improbables et contre-nature par rapport aux standards du métier de journaliste. On a des sujets du chef de l’Etat qui font boucler tout le format du journal. Il arrive régulièrement qu’au bout de trois sujets consacrés au président de la République, on ait bouclé le journal.

Le combat vise un traitement équilibré de l’information, l’ouverture à des expressions plurielles, mais aussi le retour à des formats standards.

AFRIKA7 : Quelle est l’ambiance générale au niveau de la rédaction et des autres collègues? Est-ce que vous avez leur soutien?

J’ai noté beaucoup d’enthousiasme, les collègues m’ont fait part de leur soutien, ils sont prêts à se mobiliser pour des actions qui nous aideraient à aller jusqu’au bout et même les plus timorés, ceux qui avaient peur des représailles, sont aussi mobilisés.

AFRIKA7 : Mais ne valait-il pas mieux d’assumer vos responsabilités au niveau de la télévision nationale, plutôt que de faire appel au chef de l’Etat, qui de toute façon, a intérêt à ce que le statu quo soit maintenu?

Nous avons commencé par assumer nos responsabilités, en envoyant des pétitions, mais il y a comme une ambiance de chantage qui est maintenue par la direction générale. Après la deuxième pétition, des sanctions sont tombées et cela a créé le désarroi. Par la suite, en ce qui me concerne, ma démarche intellectuelle a été la suivante: puisque c’est le chef de l’Etat qui nomme le directeur général de la télévision nationale et puisqu’il est allé apporter son soutien à la marche à Paris en faveur de la liberté d’expression, prenons-le donc au mot et demandons-lui d’aller au bout de sa logique, en prenant la communauté nationale et internationale à témoin. C’est curieux qu’après plus de vingt ans d’expérience démocratique, on en soit encore là, surtout qu’avant l’actuel président, tous ses prédécesseurs avaient fait le jeu, y compris Mathieu Kérékou. Tout militaire qu’il était, il laissait les journalistes faire leur travail, sans interférence. C’est donc curieux qu’un civil, qui plus est, en fin de mandat, choisisse de suivre une autre voie. Le président doit avoir le courage et l’audace de s’attaquer aussi à ce chantier-là.

AFRIKA7 : Je reprécise ma question: au-delà des pétitions, pourquoi les journalistes de l’ORTB ne prennent-ils pas leurs responsabilités pour traiter l’information de manière professionnelle?

"Journalistes présidentiels"

Les reportages présidentiels ne sont pas réalisés par des journalistes de desk, basés à la rédaction. Ils sont détachés à la présidence. C’est une évolution extrêmement bizarre du métier, ici.

On les affecte à la présidence. Ce sont des "journalistes présidentiels", qui suivent le chef de l’Etat dans tous ses déplacements. Les reportages sont directement montés à la présidence et on les apporte et on les diffuse directement à l’antenne. Nous nous y sommes opposés à maintes reprises, mais nous n’avons pas eu gain de cause.

AFRIKA7 : Vous dites bien que les reportages sont montés à la présidence…

Il y a un banc de montage à la présidence de la République, toute une unité de montage et de reportage à la présidence.

Dans un premier temps, ils ont voulu imputer la responsabilité de l’absence d’émissions contradictoires aux journalistes. C’est une sorte supercherie morale de bas étage. Et après ma sortie, l’opposition s’est saisie de ma déclaration et la leur a opposé. En réponse, ils ont estimé que c’était une tentative solitaire d’un journaliste en mal de publicité, qui veut mourir en martyr.

AFRIKA7 : Et qui tient ces propos?

Il s’agit de ministres du gouvernement de Yayi. Mais ce que cela signifie, in fine, c’est que quand un journaliste dit la vérité au Bénin, il faut qu’il ait peur pour sa vie. Cela signifie que ces messieurs ont des instincts meurtriers. Voilà où on en est. C’est la résultante d’une œuvre de l’humiliation de l’intelligence, entamée depuis un certain temps.
AFRIKA7 : Dans un contexte aussi explosif, si j’ose dire, vous ne craignez pas pour votre vie?

Bien sûr, j’ai déjà commencé à recevoir des appels anonymes. Ils ont activé aussi leurs réseaux de journaleux qui se sont déchaînés contre ma personne, mais j’essaierai de survivre à cela et au besoin, trouver le moyen de m’en soustraire, mais le combat continue.

Pour le moment, à tout le moins, ils savent qu’ils ne peuvent pas organiser une riposte immédiate, compte tenu du contexte, mais c’est sûr qu’ils sont extrêmement vicieux.

N’oubliez pas que dans ce pays, il y a déjà eu des meurtres non élucidés de militants des droits de l’homme. Nous savons donc que nous n’avons pas affaire à des enfants de chœur.

AFRIKA7 : Craignez-vous pour votre vie?

Absolument. Absolument. Absolument. C’est l’évidence-même. Tout le monde me le dit. Il y a comme un émoi. Les gens ont trouvé que j’ai été extrêmement courageux et audacieux, parce que tout le monde, y compris l’intelligentsia, a peur de dire la vérité dans un régime prétendument démocratique. C’est inouï.
... suite de l'article sur Autre presse


 Commentaires