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Matin libre N° du 26/1/2015

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Supposée violation des droits du juge Angelo Houssou : La Cour donne raison à Philippe Houndégnon
Publié le mardi 27 janvier 2015   |  Matin libre


Troisième
© aCotonou.com par TOP
Troisième Assemblée Générale des organes de Sécurité d’Afrique sur les violences faites aux femmes et aux filles
Mercredi 13 Novembre 2013, Palais des Congrès, Cotonou : La Direction Générale de la Police Nationale lance les assises de la troisième Assemblée Générale des organes de Sécurité d’Afrique sur les violences faites aux femmes et aux filles Photo : M. Louis-Phillipe Houndégnon, Directeur Général de la Police Nationale du Bénin


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es traitements subis par le juge Angelo Houssou de la part de la police après avoir rendu deux ordonnances concernant les deux affaires "tentative d’assassinat du président de la République " et "tentative de coup d’Etat au Bénin" en 2013 ne sont pas contraires à la Constitution. La Haute juridiction a été formelle dans sa décision Dcc 15-012 du 22 janvier 2015. Elle a ainsi donné raison à la Direction générale de la Police nationale contre les requérants Serge Prince Agbodjan et le juge Angelo Houssou. Lire l’intégralité de la décision.


DECISION DCC 15-012 DU 22 JANVIER 2014

La Cour constitutionnelle,

Saisie d’une requête du 23 mai 2013 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 1077/065/REC, par laquelle Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN forme un recours pour contrôle de constitutionnalité des traitements infligés au juge Angelo D. HOUSSOU par Monsieur Louis-Philippe HOUNDEGNON, Directeur général de la police nationale ;
Saisie d’une autre requête du 24 mai 2013 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 1081/066/REC, par laquelle Monsieur Angelo Djidjoho HOUSSOU forme un recours contre le directeur général de la police nationale et sa suite pour violation des droits de l’Homme ;
VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;
VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Zimé Yérima KORA-YAROU en son rapport ;
Après en avoir délibéré,

CONTENU DES RECOURS
Considérant que Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN expose : « Malgré la mise en vigueur de la loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution du Bénin et les nombreuses décisions de votre haute et illustre juridiction, le directeur général de la police nationale en la personne de Monsieur Louis-Philippe HOUNDEGNON et certains commissariats de police, notamment celui de Cotonou (commissariat central) et celui de la frontière de Sèmè-Kpodji, continuent à violer la Constitution en infligeant aux paisibles populations des actes de torture, de sévices ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants, des arrestations sans aucun mandat…
Le dernier fait de violation qui fait l’objet de notre requête est celui relatif aux actes de violences et voies de fait, séquestration, violation de domicile et d’entraves à la liberté d’aller et de venir dont le magistrat Angelo D. HOUSSOU, juge d’instruction au tribunal de première Instance de première classe de Cotonou a fait l’objet de la part du directeur général de la police nationale » ;

Considérant qu’il poursuit : « Les faits :
Le vendredi 17 mai 2013, après avoir rendu deux ordonnances concernant les deux affaires "tentative d’assassinat du président de la République " et "tentative de coup d’Etat au Bénin" dans lesquelles le chef de l'Etat est partie civile, le juge Angelo D. HOUSSOU a été interpellé à la frontière de Kraké aux environs de 21 heures 30 minutes sur les instructions du directeur général de la police nationale alors qu'il accomplissait les formalités de visa pour se rendre au Nigéria. Conduit à la direction générale de la police nationale, il y a été gardé, ses effets personnels fouillés et le contenu rendu public.
Le lendemain à 7 heures 20 minutes, il a été reconduit à son domicile sous escorte policière … Ses mouvements sont contrôlés et parfois soumis à l'autorisation du directeur général de la police nationale et du chef d'état-major général des armées. Pendant la séquestration du juge HOUSSOU, un communiqué prétendument signé du procureur de la République près le tribunal de Cotonou critiquant les ordonnances rendues par lui a été diffusé sur les chaînes de télévision. Son titre de voyage lui a été retiré, l'empêchant de jouir de son droit d'aller et venir pourtant prévu par notre Constitution du 11 décembre 1990.
Les faits ainsi présentés ont été reconnus par la direction générale de la police à travers un communiqué en date du 18 mai 2013 qui a été abondamment diffusé par les télévisions et les journaux de la place. Selon ce communiqué, la direction générale de la police reconnaît les faits et ajoute que : "La Police nationale tient à rassurer le peuple béninois sur le bien-fondé de ces précautions qui n'ont d'autres raisons d'être que la sécurité de cette autorité judiciaire qui, curieusement, a choisi de voyager par temps de nuit vers Lagos par voie terrestre en dépit de la situation d'insécurité dans la sous région. Il est à préciser que le magistrat HOUSSOU Djidjoho Angelo est ramené à son domicile où sa sécurité sera particulièrement renforcée".

Les droits violés :
…La République du Bénin est un Etat de droit où les libertés publiques doivent être garanties et protégées. Monsieur Louis-Philippe HOUNDEGNON et certains agents en service au commissariat central de Cotonou ainsi qu'à la frontière de Sèmè- Kpodji viennent de violer, au vu et au su de tous et au mépris de la haute juridiction, les articles 15, 18, 19, 20, 35, 37 et 125 de la Constitution du 11 décembre 1990.
Les faits relatés constituent également la violation des articles 19 de la Constitution du 11 décembre 1990 et 5 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples qui interdisent toutes formes d'exploitation, d'avilissement de l'Homme, notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, les traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le comportement de Monsieur Louis-Philippe HOUNDEGNON et celui de certains agents en service au commissariat central de Cotonou ainsi qu’à la frontière de Sèmè-Kpodji constituent la violation de l’article 35 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui dispose que " les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun" » ; qu’il demande à la Cour de « déclarer ces actes contraires à la Constitution, et du fait des conséquences des actes posés, d’accorder au magistrat Angelo D. HOUSSOU le droit d’obtenir la réparation des dommages occasionnés par les faits incriminés. »

Considérant que de son côté, Monsieur Angelo Djidjoho HOUSSOU expose : « Le vendredi 17 mai 2013, j’ai rendu deux ordonnances de non-lieu pour insuffisance de charges dans les dossiers : "Association de malfaiteurs et tentative d’assassinat sur la personne du chef de l’Etat" et "Atteinte contre la sûreté intérieure de l’Etat".
Le soir de la même journée, me rendant à Lagos pour un week-end, j’ai été arrêté à la frontière de Kraké par le chef de brigade, autour de 21 heures 30 minutes, alors que je m’étais présenté, en toute quiétude, au poste de police pour les formalités idoines. Pendant deux (02) heures … environ, j’ai été gardé dans les locaux du commissariat par le chef de brigade qui ne m’a même pas indiqué dans quel cadre il m’empêchait de traverser la frontière et procédait ainsi à mon arrestation. Après quoi, le chef de brigade m’a embarqué pour une destination inconnue. Je n’ai pas manqué de lui rappeler que je suis magistrat, de surcroît juge d’instruction au tribunal de première Instance de Cotonou.
A la direction générale de la police nationale (DGPN) où j'ai été conduit par la suite, j’ai été reçu par le directeur, le contrôleur général Louis-Philippe HOUNDEGNON qui, sur mon insistance, m'a répondu qu'il m'entend en qualité d'un agent permanent de l'Etat qui veut traverser la frontière sans l'avis de sa hiérarchie.
Sur ses instructions, les commissaires de police, AGOSSADOU Pierre, ZOLA Edgard, tous en service au commissariat central, Waïdi AKODJENOU, chargé du commissariat de Kraké, ainsi que cinq (05) inspecteurs de police, ont procédé, contre mon gré, à la fouille minutieuse de tous mes effets. Gardé à vue dans les locaux de la DGPN toute la nuit durant, j'ai été conduit à mon domicile, sous escorte policière à 7 heures 20 minutes. Depuis lors, une horde de militaires, agents de renseignements et de policiers a littéralement envahi ma maison sous le prétexte d'assurer ma sécurité. Ces hommes, souvent sans uniforme et aux mouvements tout aussi suspects que dangereux, refusent de me révéler parfois leur identité. Le dimanche 19 mai 2013, ils m'ont interdit de sortir de chez moi sans l'autorisation préalable du DGPN et du chef d’état-major des armées » ;

Considérant qu’il développe « …Les faits ainsi relatés constituent une violation de mes droits fondamentaux prévus par la Constitution du 11 décembre 1990, notamment en ses articles 15, 16 et 18.

1- Sur la violation de l'article 15 de la Constitution
Aux termes de l'article 15 de la Constitution : "Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l'intégrité de sa personne".
De même, la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples édicte en son article 6 : " Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté et détenu arbitrairement".
Les dispositions des articles ainsi énumérés consacrent la liberté d'aller et de venir dont la privation ne peut intervenir que dans le cadre d’une procédure judiciaire normale.
En l'espèce, il m'a été refusé l'entrée en territoire nigérian. J'ai été arrêté et détenu toute une nuit durant dans les locaux de la police, alors même qu'il n'y a aucune procédure pénale à l'encontre de ma personne. Mieux, mon passeport a été saisi par la police.
Le DGPN qui a conduit, en mains de maître, toutes ces exactions sur ma personne m'a indiqué qu'il m'est reproché d'avoir tenté de sortir du territoire national sans l'autorisation de mon supérieur hiérarchique.
Cet argument, à le supposer même fondé, ne saurait justifier de tels agissements sur ma personne puisqu'il ne s'agit pas là d'une infraction pénale.
Il s'ensuit donc une violation de ma liberté d'aller et de venir. De même, mon arrestation et ma détention sont arbitraires parce qu'elles ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une procédure judiciaire normale.
Par ailleurs, je fais actuellement l'objet d'une surveillance militaro-policière aux allures de filature et de séquestration. Il s'agit davantage là d'une violation de ma personne et de ma vie privée.

2- Sur la violation de l'article 18
Aux termes de l'article 18 alinéa 1 : " Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants".
En l'espèce, et en dehors de toute procédure judiciaire, j'ai été l'objet, au cours de ma détention à la DGPN, d'une fouille minutieuse. Tous mes effets ont été sortis devant un parterre d'OPJ dans le bureau du DGPN. Ils ont été inventoriés et leur contenu a été rendu public dans un communiqué lu par le DGPN adjoint, HOUNNONKPE Nazaire.
Ces agissements perpétrés sur la personne d'un juge d’instruction, sous l'autorité de laquelle les OPJ travaillent habituellement en matière de commission rogatoire, n'ont d'autre but que de m'humilier et de me dégrader, ce qui constitue une violation des dispositions de l’article 18 précitées. » ; qu’il poursuit :

« 3- Sur la violation de l'article 35
Aux termes de l'article 35 de la Constitution : "Les citoyens chargés d'une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l'accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun".
En l'espèce, tous les OPJ auteurs de toutes ces violations sur ma personne n'ont pas ignoré que je suis un magistrat et qu'aucune procédure judiciaire n'a été préalablement engagée contre moi. Pour avoir procédé ainsi qu'ils l'ont fait, ils ont tous méconnu les dispositions de l'article 35 précitées.» ;
Mieux, le procès-verbal d'inventaire établi fait mention de la saisie de mon passeport. Il y est écrit que les OPJ agissaient en exécution des instructions du procureur de la République. En effet, interpellé à l'assemblée générale des magistrats, le procureur de la République, Monsieur Justin GBENAMETO, a déclaré n'avoir donné aucune instruction dans ce sens. Il s'ensuit que ledit procès-verbal est un faux acte.
En conséquence, les OPJ qui ont confectionné ce faux procès-verbal ont agi en méconnaissance de l’article 35 de la Constitution ; qu’il conclut : « Je sollicite qu’il plaise à la Cour de :
- déclarer les agissements du DGPN Louis-Philippe HOUNDEGNON et de son adjoint Nazaire HOUNNONKPE, des commissaires de police Pierre AGOSSADOU, Edgard ZOLA, Waïdi AKODJENOU, le chef de brigade de Kraké ainsi que tous les inspecteurs qui les ont assistés, comme étant une violation de mes droits fondamentaux et partant, de la Constitution ;
- juger que lesdites violations ouvrent droit, à mon profit, à une réparation» ;

INSTRUCTION DES RECOURS
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour, le directeur général de la police nationale, le contrôleur général de police Louis-Philippe HOUNDEGNON, écrit : « … comme l'écrit Monsieur Paolo NAPOLI : "La police est une institution ambiguë, caractérisée à la fois comme une pratique gouvernementale et comme une fonction auxiliaire du pouvoir judiciaire. La complexité de cette notion, qui surgit au croisement des activités sociales, de la politique et du droit, sans oublier l'imaginaire forgé par la littérature, a toujours gêné les juristes et les historiens."
La requête de Monsieur HOUSSOU Angelo n'est pas exempte de cette gêne, car il écrit "En l'espèce, et en dehors de toute procédure judiciaire, .... Il s'ensuit que ledit procès-verbal est un acte faux."
En fait, par cette perception restrictive, la dualité de la fonction de police échappe à l'intelligence de la requête qui semble refuser à la fonction de police ses attributs de pratique gouvernementale, c'est-à-dire de police administrative. Or, la police tient son fondement de l'ordre public. Pour s'en convaincre, il suffit de convenir, avec Monsieur Etienne PICARD, que "Beaucoup plus exactement l'ordre public est ce qui constitue la police en fonction. Il joue vis-à-vis de la police un double rôle "validant et explicatif" (G. VEDEL)". En conséquence, la police n'est pas qu'auxiliaire du pouvoir judiciaire. On ne saurait toujours lier la légalité des actes et des procédés de police à des procédures judiciaires. L'activité de police judiciaire est, pour une police avisée, une activité subsidiaire. Le préfet Louis LEPINE "considère la police criminelle comme une chose secondaire" … Les faits et les actes de l'espèce relèvent exclusivement de la police administrative et sont tout autant valables que ceux accomplis dans le cadre d’une procédure judiciaire. » ;
Considérant qu’il ajoute : « Pour s'en convaincre, il suffit de revenir concrètement aux faits. …le refus de visa de sortie du territoire national, notifié à Monsieur HOUSSOU le 17 mai 2013, est bien fondé sur le sens du devoir et de la responsabilité de l'institution policière.
En effet, courant le mois d'août ou de septembre 2012, j'ai reçu, à plusieurs reprises, dans mon ancien bureau, au commissariat central de la ville de Cotonou, Monsieur HOUSSOU Angelo. Il m'a, toutes les fois, exprimé ses inquiétudes sur sa sûreté physique et sur la sécurité de son domicile. "Ses inquiétudes, m’a-t-il confié, ont été générées par la sensibilité des dossiers qu'il instruit". J'en ai rendu compte à Messieurs le Directeur général de la police nationale et le Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes. L'ordre de ces autorités tardant à m'être intimé, j'ai pris langue avec une autorité militaire …C'est ainsi que l'ordre a été donné au commandant de la garde républicaine et au commissaire central de la ville de Cotonou que j'ai été de pourvoir à la garde du domicile et à la sécurité physique de Monsieur HOUSSOU Angelo.
Ce dernier, consulté, a choisi un garde du corps de la garde républicaine. Il a également porté son choix sur la même unité pour la sécurisation de son domicile. Il serait utile d'insister sur ce que sa protection rapprochée et la garde statique à son domicile sont revenues à la garde républicaine.
S'agissant de sa protection à distance, elle a été confiée au commissaire central de Cotonou. Cette mission a consisté à observer autour de Monsieur HOUSSOU pour détecter, … neutraliser éventuellement tout agresseur potentiel et, … appuyer la riposte de son garde du corps en cas de besoin,… filer et … renseigner sur toute personne soupçonnée de velléité à son encontre, … bref, assurer sa sûreté arrière au cours de ses déplacements. Ces procédés de la police sont des pratiques gouvernementales fondées sur le très contemporain principe de précaution. Je ne voudrais pas m'étaler plus longuement sur cette facette astucieuse et secrète de la fonction de police administrative.
Pour être plus précis, la sécurité de Monsieur HOUSSOU Angelo a incombé, depuis le mois d'août 2012, à la garde républicaine et à la police nationale. C'est dire …que les chefs de ces deux unités sont désignés pour être responsables de la sécurité de Monsieur Angelo HOUSSOU et qu'ils doivent répondre tant devant les autorités gouvernementales que devant les autorités judiciaires de tout danger pouvant menacer l'intégrité physique et la sûreté domiciliaire du protégé. Il est à noter que la cohésion entre les différentes équipes impliquées dans cette délicate mission a été si parfaite, si professionnelle et si discrète qu'elle a permis d'éviter le pire le 17 mai 2013. »

Considérant qu’il développe : « Ce jour-là, dans l'après-midi, trois différentes informations, toutes graves, sont parvenues à la police. La première relate que le magistrat HOUSSOU serait enlevé par des ravisseurs pour une destination inconnue. La deuxième expose que le magistrat aurait été tué et son corps emporté. La troisième quant à elle, a servi que le magistrat est totalement introuvable, mais que son corps sera jeté, par temps de nuit, sur le territoire béninois à l'effet de provoquer des émeutes et de déstabiliser le pays.
En réaction, j'ai téléphoniquement saisi le commissaire central de la ville de Cotonou et le chef de la brigade anti-gang qui sont spécialement chargés de la couverture arrière du dispositif sécuritaire du magistrat. Très calmement, ces deux fonctionnaires m'ont rassuré sur ce qu'ils n'ont pas perdu de vue leur protégé.
Aux environs de 17 heures, les mêmes informations ont persisté. J'ai rappelé les mêmes fonctionnaires pour poser les mêmes questions. J'ai eu à nouveau la même réponse. Les fonctionnaires ont ajouté à leur première réponse que le magistrat a quitté le tribunal vers 12 heures 30 minutes. Il s'est rendu sans détour à son domicile à Agla. Il y a laissé sa voiture de marque Mercedes Benz. Il y a été rejoint par un homme au volant d'une voiture Lexus immatriculée IPZ 3935 RB. La voiture est rentrée dans un domicile au quartier Zogbo. Elle en est ressortie aux environs de 22 heures 10 minutes. La voiture s’est immobilisée à la frontière de Sèmè-Kraké vers 23 heures.
Monsieur HOUSSOU Angelo n'est pas sorti de la voiture. Il a remis son passeport à son compagnon pour le lui faire manifester, c'est-à-dire, pour le faire enregistrer et pour y faire apposer le visa de sortie du territoire national.
Je m'en voudrais de ne pas restituer … que, par précaution et par réflexe professionnel, j'ai déjà saisi, vers 16 heures, toutes les frontières fluviales, maritimes, aériennes et terrestres avec pour instruction le refus de visa de sortie à Monsieur HOUSSOU Angelo, sauf ordre contraire de ma part. Cet ordre contraire leur sera intimé si la police clarifie le flou des informations liées à la sécurité de Monsieur HOUSSOU Angelo. Et ce, parce que, en vain, j'ai joint téléphoniquement le magistrat avec qui j’ai toujours eu le dialogue de protection. » ;

Considérant qu’il poursuit : « Pour revenir à nouveau sur les faits, les policiers ont exigé, sur mes instructions, de Monsieur HOUSSOU Angelo, qu'il se fût présenté en personne au poste. Il s'est exécuté. Il a allégué vouloir se rendre au Nigéria pour y passer le week-end. Il a précisé que ces deux compagnons Madame SALAMI K. et Monsieur HOUESSINON Nazaire n'ont pas à continuer le voyage avec lui. "Ils vont retourner à Cotonou, a-t-il déclaré. J'ai des gens qui m'attendent de l'autre côté de la frontière pour me récupérer et pour m'accompagner".
J'ai ordonné aux policiers d'exiger de lui de leur présenter
ceux qui l'attendent de l'autre côté de la frontière, c'est-à-dire au Nigéria, pour prendre le relais de ses accompagnateurs béninois. J'ai élevé cette exigence pour identifier ces derniers. Leur identification devrait permettre à la police de garantir la représentativité de Monsieur HOUSSOU Angelo. Mais, contre toute attente, et sur un ton ferme, celui-ci a refusé de satisfaire à cette demande de la police.
Pour être clair, c'est ce refus de faire identifier ses accompagnateurs qui a allumé la fibre de raisonnement de la police.
En réalité, la première anomalie significative de la journée du 17 mai 2013 est le manque de concordance entre l'activité du magistrat et le compte rendu fait par son garde du corps. Le garde du corps a déclaré à la hiérarchie que le magistrat lui a confié qu'il est allé au soin médical. Il a ajouté que celui-ci lui a remis un billet de cinq mille (5000) francs CFA en don et lui a intimé l'ordre de l'attendre au tribunal. Pendant ce temps, des informations graves ont fourmillé sur sa sécurité. Monsieur HOUSSOU Angelo n'a pas cru collaborer avec la police contrairement à ses habitudes. La deuxième anomalie est que Monsieur HOUSSOU est resté injoignable. Ne pouvant pas assurer sa sécurité en dehors du territoire de la République du Bénin ni répondre de ce qui adviendrait de lui après 23 heures sur le sol nigérian, j'ai pris toute la mesure de mes responsabilités en ordonnant le refus de visa de sortie. » ;

Considérant qu’il déclare : « J'ai également ordonné au commissaire de Sèmè-Kraké de le conduire à Cotonou pour procéder à la fouille des bagages qu'il a transportés jusqu'à la frontière.
J'ai ordonné que la police déplace le lieu de la fouille, par courtoisie pour Monsieur HOUSSOU Angelo et par respect pour le corps de la magistrature auquel il appartient. Le but principal de son déplacement à Cotonou dans les locaux de la direction générale de la police nationale a été de le soustraire au regard indiscret du grand public.
Sans l'intention de heurter les sages de la Cour, je voudrais souligner que la fouille de police administrative, contrairement à la prétention du requérant, est un acte juridique autonome de police administrative parce qu'il s'analyse en un procédé dont l'exercice ou la mise en oeuvre, l'existence ou la validité ne sont subordonnés à aucune infraction. La fouille de police administrative s'exerce, d'office, pour prévenir les menaces de toute sorte. La frontière entre police administrative et police judiciaire ne peut être rompue que par la découverte des indices infractionnels.
La fouille de police administrative s'opère, parfois sur un simple profilage d'un individu, parfois d'office, parfois sur renseignement, parfois par principe, parfois par précaution, parfois par ciblage instantané. C'est ainsi qu'il est opéré des fouilles à corps et/ou des fouilles de bagages dans les ports, les aéroports, dans les villes, dans les frontières à n'importe quel endroit où la police les juge opportunes.
Aussi, est-il loisible à la police, après le profilage et le ciblage de la personne à fouiller, de déplacer les lieux de la fouille. A titre d'exemple, une voiture arraisonnée dans la rue peut être fouillée sur place ou dans les locaux de la police pour des raisons laissées à la discrétion des fonctionnaires : la sécurité, la courtoisie, la réticence du public…
En l'espèce, les deux raisons fondamentales du déplacement de la fouille sont la courtoisie et surtout la sécurité de Monsieur HOUSSOU Angelo, dont, selon les informations reçues par la police, la vie était fortement menacée. Je voudrais requérir la permission des sages de la Cour pour ne pas m'y étendre plus longuement.
…La police n'a eu aucun autre moyen de lui sauver la vie qu'en lui refusant le visa de sortie, cette nuit-là et à cette heure-là. Pour gouverner la sécurité des citoyens, la police est parfois contrainte, comme en l’espèce, de recourir à de pratiques astucieuses de police administrative dont la mise en oeuvre a poussé le professeur René CHAPUS à conclure que la notion d'ordre public s'entend parfois comme "La protection de la personne contre ses propres caprices".
Le requérant tente de lier la validité, la régularité et la légalité de la fouille, exclusivement à une procédure judiciaire.
Cette prétention n'est ni fondée en droit ni défendable en pratique de police. "Ici (la fouille), elle apparaît comme une mesure de sécurité ...". C'est dire qu'elle relève de la police administrative et qu'elle est commandée par les impératifs de l'ordre public. C'est du moins la position défendue par le professeur Michel PEDAMON dans la revue de Science criminelle et de droit pénal comparé n°3, juillet septembre 1961. » ;

Considérant qu’il indique : « Par ailleurs, le requérant allègue avoir été gardé à vue. En l'espèce, il ne s'agit ni d'une détention ni d’une garde à vue ni d’une rétention. Par respect du principe du contradictoire, lorsque les effets retrouvés en la possession d'une personne font l'objet de fouille, il est une obligation pour elle comme pour le fonctionnaire de police, d'être présente et d'assister à la fouille pour tout le temps nécessaire. Le temps passé avec Monsieur HOUSSOU Angelo dans les locaux de la police a été celui strictement nécessaire pour l'exécution de ce procédé matériel de police administrative qu'est la fouille. Le procès-verbal de l'inventaire de fouille établi à cette occasion est bien édifiant et bien explicite.
Pour dire vrai, la police, ayant conscience qu'elle a, en face d'elle un juge d'instruction, a requis un médecin pour assister le fouillé. Copie de son rapport d'expertise est annexée à la présente réponse. Une autre situation indicative de la bonne foi de la police : la police a suspendu la fouille lorsque Monsieur HOUSSOU Angelo a manifesté le désir de se soulager aux toilettes.
Pour apprécier la portée de la mesure de police dont il a fait l'objet, le requérant, qui est juriste de par ses fonctions, aurait pu s'apesantir sur un certain nombre de critères déterminants. Il aurait pu se rendre compte que le refus de visa de sortie a visé principalement à le protéger ; que le prononcé du refus est rattaché à un pouvoir légal de l'administration exercé par la direction générale de la police nationale, qu'aucune atteinte grave n'a été portée à ses droits fondamentaux étant donné que sa sécurité, confiée aux agents de la police, ne peut être garantie par cette dernière en dehors du territoire national, qu'en conséquence, sans intention malveillante, la police a agi de bonne foi. Le requérant aurait pu se rendre compte que la mesure de fouille est une prérogative régulière de la police et que son exécution n'a souffert d'aucune irrégularité. Le requérant aurait pu savoir que la fouille a nécessité sa présence constante et qu’on ne saurait assimiler celle-ci à une rétention ni à une garde à vue, mais à une participation légale de la personne concernée à l'opération de fouille. Le requérant aurait pu savoir que l'opération de police dont il a fait l'objet relève du domaine de la précaution et de la prévention. Le requérant aurait pu informer les sages de la Cour que le procès-verbal de la fouille est réputé contradictoire du fait qu'il l'a déchargé sans aucune forme de contrainte et de violence. Le requérant aurait pu renseigner les sages sur l'assistance médicale dont il a bénéficié dans les locaux de la police. » ;

Considérant qu’il fait observer : « En outre, le requérant semble lier le refus de visa de sortie du territoire national à des ordonnances rendues par son office dans la matinée. La mesure prise par la police n'a rien à voir avec les décisions prises par le juge. Je voudrais déclarer sur l'honneur que la police n'a pas eu cette information jusqu'au refus de visa. C'est bien après l'arrivée de Monsieur HOUSSOU Angelo à la direction générale de la police nationale que plusieurs chaînes de télévision ont fait défiler des informations dans le style ci-après: "en représailles aux ordonnances de non-lieu qu'il a rendues dans les dossiers de tentative d'empoisonnement et de coup d'Etat, la police vient d'arrêter le juge HOUSSOU Angelo à Sèmè-Kraké. L'intéressé est conduit vers une destination inconnue".
La police a, en réponse, fait une déclaration de presse pour expliquer brièvement le cadre de son intervention à l'effet de dissiper toute confusion, d'apaiser et de rassurer la population. Cette communication n'est pas commandée par un esprit de dénigrement du requérant.
En effet, le retrait temporaire du passeport du requérant a pour objectif principal de vérifier, avec la collaboration de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Cotonou, l’authenticité du visa américain qui y est apposé. La suite a édifié. Le visa a été purement et simplement annulé pour des raisons qu’il serait indécent d’évoquer dans la présente réponse … » ;

ANALYSE DES RECOURS
Considérant que les deux recours sous examen portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
• Sur la violation des articles 15 de la Constitution et 6 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;

Considérant qu’aux termes des articles 15 de la Constitution et 6 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne. » ; « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement. » ;

Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que l’interpellation du juge Angelo D. HOUSSOU a été faite à la suite d’informations liées à sa sécurité pendant qu’il s’apprêtait à franchir nuitamment la frontière du Bénin vers le Nigéria où selon lui, des gens sans aucune précision l’attendaient pour le récupérer et l’accompagner ; qu’une telle interpellation participe de la garantie de la sécurité et du droit à la vie prescrits par l’article 15 de la Constitution précité et n’est donc pas arbitraire ;
• Sur la violation de l’article 18 de la Constitution

Considérant qu’aux termes de l’article 18 alinéa 1 de la Constitution « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » ;

Considérant que les requérants font état de traitements inhumains et dégradants consécutifs aux fouilles opérées dans le bureau du directeur général de la police nationale ; que des éléments de réponse apportés par le directeur général de la police nationale, il ressort que la fouille de police administrative s’exerce, d’office, pour prévenir les menaces de toute sorte ; que dans le cas d’espèce, le lieu de la fouille a été déplacé de Sèmè-Kraké au bureau du directeur général de la police nationale à Cotonou par courtoisie et respect pour le corps de la magistrature auquel appartient le requérant ; que Monsieur Angelo D. HOUSSOU de même que les fonctionnaires de police qui ont procédé à la fouille étaient tous présents et ont signé le procès-verbal ; que le temps passé par le juge Angelo D. HOUSSOU dans les locaux de la police dans le cadre de cette fouille, de même que la participation des OPJ dans la discrétion du bureau du directeur général de la police nationale ne sauraient être assimilés à un traitement humiliant et dégradant ; qu’en conséquence, les agissements de la police ne sauraient être analysés comme une violation de l’article 18 alinéa 1 de la Constitution, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

D E C I D E :

Article 1er.- Il n’y a pas violation de la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera notifiée à Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN, à Monsieur Angelo D. HOUSSOU, à Monsieur le Directeur général de la police nationale et publiée au Journal officiel.

Ont siégé à Cotonou, le vingt-deux janvier deux mille quinze,

Messieurs Théodore HOLO Président
Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président
Simplice Comlan DATO Membre
Bernard Dossou DEGBOE Membre
Madame Marcelline-C. GBEHA AFOUDA Membre
Monsieur Akibou IBRAHIM G. Membre
Madame Lamatou NASSIROU Membre
Le Rapporteur, Le Président,
Zimé Yérima KORA-YAROU.- Professeur Théodore HOLO.-

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