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Acte de parjure économique: Yayi égrène le coton béninois au Togo
Publié le lundi 9 mars 2015  |  Le Matinal




L’information relevait du secret d’Etat. Elle a été reprise par une rumeur qui s’est confirmée. Mais nous refusions d’y croire parce que convaincus que le président de la République et Docteur en économie, n’allait pas tomber aussi bas. Mais hélas ! L’or blanc béninois est au Togo depuis samedi dernier pour l’égrenage.

Hantés par le bilan catastrophique de la Sonapra au terme de la dernière campagne 2013-2014, Yayi Boni et son Gouvernement ont pris une décision folle parce qu’indigne d’un pays qui se respecte : convoyer le coton béninois vers les pays frontaliers pour le faire égrener par les usines étrangères. Parce que pour Yayi, une telle option paraît moralement, socialement, politiquement et économiquement meilleure à une implication effective des vrais acteurs béninois en matière d’égrenage en l’occurrence les usines du groupe Talon et la Direction Générale de la Sodéco restée fidèle à Patrice Talon, pour égrener efficacement, qualitativement et à temps les 350.000 tonnes de coton graine attendues au Bénin pour la campagne en cours. En effet, bien que Talon ait donné son accord pour que ses usines participent cette année à l’égrenage du coton aux conditions fixées par Yayi en vue de ne plus être indexé comme coresponsable du coton sinistré, et que le personnel dirigeant de la Sodéco ait offert de prendre en main les usines illégalement réquisitionnées afin de conduire avec expertise la campagne, Yayi Boni et son Gouvernement ont décidé de laisser les cadres de la Sodéco au chômage et de faire travailler les usines de Talon au minima. Conséquence : le coton graine produit au Bénin cette année risque de subir le même sort que celui de l’année passée. Tel est le prétexte indigne et antiéconomique évoqué par Yayi et ses hommes pour transférer notre coton au Togo, au grand bonheur des multiples prestataires togolais et au préjudice de nos manutentionnaires, transitaires, entreposeurs, triturateurs de graines de coton, et du port de Cotonou etc.
Quel honte et quel malheur quand on sait que les usines du Bénin d’une totale d’égrenage de 600.000 tonnes par campagne ont déjà égrené sans heurt ni tambour et efficacement, 350.000 tonnes voire 450.000 tonnes de coton graine par campagne avant l’ère Yayi !
Pour une crise de ménage et sans que votre épouse soit absente ou handicapée, vous sollicitez la femme du voisin pour préparer vos repas de famille. Vous jetez ainsi l’opprobre sur votre propre foyer et faites douter de vos capacités à le défendre et à en être le chef. Ainsi va la gouvernance du Bénin sous Yayi Boni. A l’inverse, tournant dos aux solutions faciles et humiliantes, l’Inde frappée par un tsunami, a refusé les dons en nourriture offerts par la communauté internationale, préférant s’en remettre à la solidarité intérieure indienne tout en protégeant ses traditions alimentaires. De même, récemment en football, face à la défection récente du Maroc, les Africains n’ont-ils pas unanimement rejeté l’idée d’exporter la coupe d’Afrique des Nations au Qatar ? Mais ces positions et principes de bon sens, de morale, d’honneur et de bonne gouvernance n’auront jamais été épousés par Yayi et son gouvernement, en ce qui concerne le coton béninois dont la gestion par Yayi lui-même a été des plus chaotiques lors de la dernière campagne 2013-2014. Poursuivis dans leurs sommeils par ce bilan, nos princes font actuellement le tour de la sous-région pour exposer leur incapacité à surmonter les contradictions internes dans notre pays et démontrer à la face du monde qu’ils font plus confiance à l’extérieur pour résoudre nos équations locales.

Comptons sur nos propres forces

Lorsque l’Etat décidait en 2012 de gérer la filière coton à titre transitoire, les usines du groupe Talon se sont fortement investies au point de faire atteindre au Bénin des performances qui sauvegardent les tendances qualitatives traditionnelles de notre coton sur le marché international. La première campagne gouvernementale a pu être couronnée d’un bénéfice estimé à plus de 7 milliards de Fcfa. Ceci, à la satisfaction des banques prêteuses. Mais après, par son refus d’assurer à ces usines cotonnières exerçant dans le secteur privé, des conditions d’exploitation minimales qui assurent leur bonne fonctionnalité, le gouvernement a dû faire le deuil d’une campagne 2013-2014 aux résultats catastrophiques : plus de 11.000 tonnes de coton graine détruites par les intempéries ;plus de 80.000 tonnes de graines de coton et des milliers de balles de fibres avariées et déclarées impropres à la consommation huilière et textile ; une recrudescence des vols de balles de coton au Port de Cotonou ; et un décrochage du Bénin du peloton de tête des meilleures qualités avec un accroissement du taux des basses qualités habituellement de moins de 2% à plus de 18% de la production nationale, tendance qui s’est transposée sur les recettes d’exportation et a affecté la solvabilité de l’Etat vis-à-vis des banques. Le trésor public, sollicité, a dû engloutir plus de 70 milliards de nos francs pour couvrir les pertes et payer tous les intervenants.
Mais Yayi Boni a la rancune insoluble. Aucune humilité chrétienne ne lui est possible pour faire avancer le Bénin et réunir les forces vives de la filière coton en vue d’une meilleure performance de ce secteur. Si on avait Yayi à la place de Kérékou à la fin des années 80, la conférence nationale n’aurait pas eu lieu et ses résultats n’auraient jamais été acceptés par notre Président pour une relance de l’économie. Ce n’est pas un hasard si le Togo a été la première destination vers laquelle le gouvernement s’est tourné. Si ce pays frère et voisin a été l’ancienne terre de fonction du chef de l’Etat à la Boad pendant près de deux décennies, il est surtout la patrie d’alliance de Marcel de Souza, beau-frère de Yayi Boni et également beau-frère de Faure Gnassingbé. Notre ministre du Développement s’est donc retrouvé naturellement dans un costume de négociateur en chef de l’égrenage du coton béninois au Togo, malgré tout ce que cela implique comme préjudices financiers, économiques et agronomiques ; comme risques logistiques et menaces sur l’exception de qualité du coton béninois.
C’est au plan de la rentabilité économique, une insulte à l’intelligence béninoise. Certes, nous pouvons nous réjouir pour nos transporteurs qui gagneront beaucoup d’argent. Mais c’est autant de dépenses qui accroîtront le coût de la campagne cotonnière. La Boad et les banques locales ont-elles approuvé cette option de gestion qui induit forcément une aggravation des dépenses de la campagne cotonnière 2014-2015 ? Tant pis, diront-elles, si tel est le vœu du gouvernement. Elles l’accompagneront puisque c’est ce dernier qui paiera aujourd’hui ou sur les générations futures. Parce que Yayi Boni préfère faire transporter notre coton vers le Togo, par convois de camions plutôt que d’employer à fond les usines privées béninoises de Péhunco, Kandi, Ndali, Avogbana et Kétou.

On perd sur tous les plans

Le Général Kérékou n’est ni docteur en économie, ni banquier émérite, mais il n’aurait jamais fait cette injure au Bénin. Patriote et nationaliste, il n’aurait jamais fait prévaloir une rancune personnelle sur l’intérêt de l’économie béninoise ou des opérateurs économiques béninois, en allant pactiser avec un pays concurrent. Faire égrener le coton béninois à l’usine togolaise d’Atakpamé, au Burkina-Faso ou au Niger, c’est d’abord au plan stratégique, donner un cachet officiel à la sortie du coton graine du Bénin vers les pays frontaliers. Longtemps considérée comme frauduleuse et combattue parce qu’animée par des faussaires au dépens de l’économie béninoise, cette sortie du coton ne manquera pas de réveiller les contrebandiers qui profiteront de cet environnement favorable inespéré pour se revigorer.
Si, au Bénin, la militarisation sans précédent des campagnes cotonnières n’a pas pu empêcher des pertes de balles de coton, comment comprendre que notre gouvernement envisage une telle option au Togo où il ne maîtrise rien ? Bien que frontaliers, les pays producteurs de coton de l’Uémoa n’ont pas tous les mêmes variétés de coton. Au plan agronomique, ces variétés qui sont le fruit des investissements nationaux dans la recherche, constituent la garantie de l’exception de qualité dont chacun de ces pays peut se prévaloir sur le marché international. Donc, convoyer officiellement des camions de coton graine vers les usines d’égrenage de ces trois pays voisins, c’est disperser par notre Etat, la graine du Bénin qui pourra servir, plus tard, au Burkina-Faso, au Niger ou au Togo, sauf si ces pays tiennent à protéger l’intégrité de leurs semences locales.

Reste à apprécier le côté logistique de cette décision. Lorsque le coton graine aura été égrené au Togo, faudra-t-il en exporter les balles et les graines à partir du port de Lomé et avec des opérateurs togolais ou faudra-t-il les ramener au Bénin pour exporter la fibre ou livrer les graines aux huileries ? Dans un cas comme dans l’autre, l’opacité de cette option est tellement frappante que tout patriote béninois devrait s’inquiéter des risques de voir les défaillances logistiques se transposer sur le territoire togolais. Si les Béninois ont fini par se convaincre que les réseaux de vols de balles ne pourraient opérer au Bénin sans de fortes complicités malgré une sécurisation aussi militarisée, ce n’est pas au Togo que la gestion logistique des balles et des graines serait plus transparente.

Patrice Sacca Focco
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