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Adjinakou N° 2270 du 22/7/2013

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Décision Dcc 13-071 sur les propos tenus par le chef de l’Etat le 1er Août 2012: Boni Yayi a méconnu l’article 36 de la Constitution
Publié le mardi 23 juillet 2013   |  Adjinakou


Conférence
© AFP par GEORGES GOBET
Conférence des Donateurs pour le développement du Mali: l`arrivée du président Yayi Boni à Bruxelles


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La Cour constitutionnelle vient de rendre une décision attendue depuis des mois. Il s’agit de la décision Dcc 13-071 du 11 Juillet 2013, reconnaissant que le chef de l’Etat le Docteur Boni Yayi a méconnu l’article 36 de la Constitution du 11 décembre 1990. La Cour constitutionnelle reproche ainsi au Président de la République, le fait d’avoir dit publiquement ce qui suit : « je leur opposerai les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter » et « je peux leur faire mal ces petits-là qui m’insultent tous les matins ». Pour la haute juridiction en matière constitutionnelle, « la paix, principe constitutionnel consubstantiel à la démocratie et à l’Etat de Droit, s’impose aussi bien aux gouvernés qu’aux gouvernants et particulièrement au Chef de l’Etat ». En se laissant donc aller à de tels propos, Boni yayi a méconnu l’article 36 de la Constitution qui stipule que : « Chaque Béninois a le devoir de respecter et de considérer son semblable sans discrimination, de renfoncer et de promouvoir le respect, le dialogue et la tolérance réciproque en vue de la paix et de la cohésion nationale ».

Lire l’intégralité de la décision Dcc 13-071du 11 juillet 2013

DECISION DCC 13-071
DU 11 JUILLET 2013




La Cour Constitutionnelle,

Saisie d’une requête du 03 août 2012 enregistrée à son Secrétariat le 07 août 2012 sous le numéro 1408/114/REC, par laquelle Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN sollicite sur le fondement des articles 36, 41 et 35 de la Constitution, « le contrôle de constitutionnalité de certaines paroles tirées de l’entretien du Président Boni YAYI au cours de l’interview dénommée "Boni YAYI à cœur ouvert" diffusée sur l’ensemble des chaînes de la télévision béninoise et en rediffusion le 02 août 2012 sur la Télévision Nationale » ;



Saisie d’une autre requête du 11 août 2012 enregistrée à son Secrétariat le 14 août 2012 sous le numéro 1450/119/REC, par laquelle Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN demande à la Cour, sur le fondement des articles 34 et 36 de la Constitution, d’une part, de « contrôler la constitutionnalité de certaines paroles tirées de la conférence de presse du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques, d’autre part, de déclarer contraires aux articles 3, 8 et 12 de la Loi n°2001-21 du 21 février 2003 portant Charte des partis politiques, les déclarations faites au cours de cette sortie médiatique du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques tendant à déclarer illégitime une autorité qui a régulièrement prêté serment… » ;



Enfin saisie d’une autre requête du 31 août 2012 enregistrée à son Secrétariat le 03 septembre 2012 sous le numéro 1571/133/REC, par laquelle Monsieur Aristide DOMINGO, membre du mouvement "y en a marre", porte « plainte contre Monsieur Boni YAYI pour violation de la Constitution en son préambule et en ses articles 2 alinéa 1, 8, 41 alinéa 1 et 53 » ;

VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;

VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001 ;

VU le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle ;

Ensemble les pièces du dossier ;

Ouï Maître Simplice C. DATO en son rapport ;

Après en avoir délibéré,



CONTENU DES RECOURS
Considérant que Monsieur Serge Roberto Prince AGBODJAN expose : « La Constitution du Il décembre 1990 dispose en son article 36 que " Chaque béninois a le devoir de respecter et de considérer son semblable sans discrimination aucune et d’entretenir avec les autres des relations qui permettent de sauvegarder, de renforcer et de promouvoir le respect, le dialogue et la tolérance réciproque en vue de la paix et de la cohésion nationale". Quant à l’article 41, il ajoute que : "Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il est l’élu de la Nation et incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect de la Constitution, des traités et accords internationaux".

Malgré la clarté de ces dispositions, son excellence Monsieur Boni YAYI, Président de la République, au cours de cette émission "Boni YAYI à cœur ouvert "a tenu des propos suffisamment graves et menaçant la paix publique et sans égard pour certains citoyens traités de "petits" et des "personnes ou partis politiques en voie de disparition".



On peut noter des propos tels que :"je leur opposerai les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter". "Je dis que les gens sont trop petits avec Boni YAYI ".
Sans être exhaustif étant entendu que les propos ont été
largement diffusés dans la presse nationale et internationale, je puis vous affirmer qu’un béninois convaincu des idéaux de paix et de solidarité ne saurait accepter que de tels propos sortent de la bouche de notre Chef de l’Etat. Ces propos s’ils ne sont pas relevés et sanctionnés par votre Haute Juridiction sera sans doute une incitation à la partition du pays et au régionalisme. La preuve est que certains citoyens se sont déjà manifestés pour empêcher d’autres de s’exprimer sur la question.» ; qu’il poursuit : « Que notre Chef de l’Etat annonce publiquement qu’il va opposer ses partisans "les miens" à une autre frange de la population est une incitation à la haine et met en cause la cohésion nationale. Le Président de la République ne saurait avoir des siens. Il est le Père de la Nation toute entière. Il doit se comporter comme l’exige la Constitution du Il décembre 1990 notamment en son article 53 qui dispose qu’il ne doit se laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes ses forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’unité nationale. Cet entretien tel que diffusé et les paroles qui en sont sorties ne sauraient être une recherche de la paix et de l’unité nationale. » ;
Considérant qu’il déclare : « S’il est vrai que notre Président de la République est un homme et peut donc s’énerver, les charges et la fonction qu’il exerce l’obligent à avoir une maîtrise de soi et ne pas sortir des propos aussi graves pour menacer l’unité nationale. Quel que soit son état d’âme, traiter des citoyens béninois de "petits" "je peux leur faire mal ces petits-là qui m’insultent tous les matins" , dire au cours d’une émission publique, "je peux leur faire mal" est une violation des articles 36 et 35 de la Constitution du Il décembre 1990. Les moyens de droit existent pour punir celui qui ose insulter notre Chef d’Etat, son Excellence le Président Boni YAYI. Ne pas user de ces moyens et proférer des menaces du genre "je peux leur faire mal mais je laisse" à l’encontre des journalistes n’est pas acceptable et mérite une condamnation de la Haute Juridiction qui est garante des libertés publiques et du respect des droits de l’Homme au Bénin. » ; qu’il conclut: "au vu de tout ce qui précède, nous demandons à la
Haute Juridiction de déclarer contraires à la Constitution de pareils propos pour la cohésion de notre pays qui est le Bénin.
Au subsidiaire, nous demandons également à la Haute Juridiction de déclarer le comportement du Directeur de la Télévision Nationale contraire à l’article 35 étant entendu qu’il a autorisé sans traitement une rediffusion de cette émission le 2 août 2012 livrant au peuple ces propos aussi graves pour la cohésion de notre Etat. Même si l’on peut tolérer l’imprudence commise par les Directeurs des Télévisions lors de la première diffusion, la deuxième effectuée par la Télévision Nationale sans traitement professionnel et déontologique mérite sanction de votre Haute Juridiction. » ;
Considérant que de son côté, Monsieur Aristide DOMINGO formule les mêmes griefs et ajoute: « Le Président de la République ne peut, sous aucun prétexte, tenir des propos du genre :

« … j’ai appris qu’ils ont tenu des réunions pour dire qu’ils vont bloquer puisqu’on veut créer un front uni, on va chercher les syndicats, les magistrats, les ceci, pour chasser qui du pouvoir ? Moi YAYI Boni? …Ils sont trop petits. C’est le
peuple qui peut me chasser, …c’est Dieu avec le
peuple qui m’ont mis ici. Ils sont trop petits. Parce que en créant…, laissez moi terminer, ce front uni-là, je vais leur prouver que moi aussi j’ai du monde derrière dans le Bénin profond, ils vont s’affronter. Je vais leur prouver cela ... ".
" ... Si vous faites comme ça, moi-même, je vais soulever les miens, ça va donner quoi dans le pays ?...".
Comme il est aisé de le constater, ces propos méprisants, bilieux, dédaigneux et partisans du Président de la République que la formation ou l’existence d’aucun "front uni" ne saurait justifier, ne favorisent ni la paix, ni l’unité nationale qu’il est censé incarner>

..
Bien au contraire, par de tels propos, le Président de la
République prêche plutôt pour la désunion et la division des fils d’un même pays et incite à l’affrontement d’une partie des
Béninois contre l’autre partie, ainsi qu’à la haine et à la violence.
Mieux, la grande dignité et l’honorabilité attachées à ses charges et fonctions proscrivent la tenue de tels propos par le Président de la République qui, à travers tous ses faits et gestes, doit éviter d’apparaître comme un Chef de clan ou le Président d’une minorité contre une majorité, d’une majorité contre une minorité, de la mouvance contre l’opposition, ou d’une région contre une autre.
Or, en promettant d’amener ses partisans pour affronter d’autres béninois, le Président de la République démontre à suffire qu’il n’a que faire de l’unité nationale qu’il a ainsi cessé d’incarner et qu’il est prêt à commanditer à ses partisans toute sorte de violences et d’atteintes sur la personne des non partisans. Il tombe donc sous le sens que les propos tenus les 1er et 02 août 2012 sur les chaînes de télévision, par le Président de la République, sont attentatoires à l’unité nationale que son serment l’oblige à incarner, ainsi qu’à la paix et aux droits de la personne humaine qu’il s’est pourtant engagé à respecter au terme de son serment. » ; qu’il conclut: « En se comportant comme il l’a fait, lors de l’entretien qu’il a accordé aux journalistes de la Télévision Nationale, de Golfe TV et de Canal3, le Président de la République, Chef de l’Etat et Chef du Gouvernement a trahi son serment et violé, non seulement le préambule de la Constitution du 11 décembre 1990, mais encore et surtout les articles 2 alinéa 1, 8, 41 alinéa 1 et 53 de la Constitution. » ;
Considérant qu’à l’encontre du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques, Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN expose : « La Constitution du 11 décembre 1990 dispose en son article 34 que ’’Tout citoyen béninois, civil ou militaire, a le droit sacré de respecter, en toutes circonstances la Constitution et l’ordre constitutionnel établi, ainsi que les lois et règlements de la République". Quant aux articles 3, 8 et 12 de la Loi n° 2001- 21 portant Charte des partis politiques, ils disposent que « Tous les partis politiques doivent à travers leurs objectifs et leurs pratiques, contribuer à :
· la défense de la démocratie, de la souveraineté nationale ;
· la consolidation de l’indépendance nationale ;
· la sauvegarde de l’intégrité territoriale sans exclure toute
entreprise d’intégration régionale ou sous-régionale qui ne porterait pas atteinte aux intérêts nationaux ;
· la protection de la forme républicaine et du caractère laïc de l’Etat·
· la protection des libertés fondamentales et des droits de la personne humaine.
La création et les activités des partis politiques s’inscrivent
dans le strict respect de la Constitution, des lois et règlements en vigueur en République du Bénin.
Les partis ou groupes de partis politiques ont le devoir:
· de respecter scrupuleusement la Constitution ainsi que les lois et règlements de la République;
· d’animer la vie politique nationale
· de participer activement à la moralisation de la vie
publique sous tous ses aspects, de défendre et de
respecter le bien public ;
· de contribuer à la dépolitisation de l’Administration
publique;
· de contribuer par leurs objectifs, leurs programmes et
leurs pratiques à :
- la sauvegarde de la cohésion et de l’unité nationale;
- la protection de la forme républicaine de l’Etat;
- la promotion des libertés fondamentales et des droits de la personne humaine dans le respect de l’ordre
constitutionnel. " » ;

Considérant qu’il développe : «L ’existence des articles ci-dessus cités dans le corpus constitutionnel du Bénin montre et exige que les acteurs politiques et civils doivent, dans les actions menées, respecter la Constitution du 11 décembre 1990 qui reste et demeure notre loi fondamentale ".
Mais force est de constater que certaines activités et
déclarations annoncent ouvertement le non-respect des
Institutions de la République et de l’ordre constitutionnel en
cours et surtout des incitations à des actions de rue pour " braver l’autorité". C’est le cas de la sortie médiatique du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques.
Bien que la création d’un Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques soit une initiative citoyenne rentrant dans le respect du droit constitutionnel qu’est la "défense de la démocratie", les activités de ce front doivent forcément se dérouler dans le respect strict de l’ordre constitutionnel et des Institutions de la République. Cette exigence constitutionnelle n’a pas été respectée lors de la sortie médiatique du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques le lundi 30 juillet 2012 au Chant d’oiseau.
En effet, au cours de cette sortie relayée par la presse
nationale et internationale notamment le quotidien béninois
d’information et d’analyses « La Presse du Jour» n° 1692 du
mardi 31 juillet 2012, l’on peut noter des propos et déclarations qui méconnaissent la Constitution du 11 décembre 1990.
Sans être limitatif, on peut citer:
... les différentes composantes du front ont unanimement
constaté qu’en plus des syndicats, de la société civile et de
l’opposition, la mouvance présidentielle a fini par reconnaître que la LEPI ayant servi à réélire le Président Boni YAYI comporte des imperfections. En conséquence, les membres du Front constatent que le Président est illégitime et illégal. Ils ont alors décidé de lui demander de démissionner. Leur décision est désormais irréversible d’autant plus que toutes les couches sociales crient leur ras-le bol. ..

Si Boni YAYI partait de lui-même, on peut lui accorder la
faveur de ne pas le poursuivre pour lui demander des comptes. Mais si c’est le peuple qui réussit à le faire partir, alors, on ne sait pas toutes les conséquences que cela pourrait avoir. Pour l’heure, le front a décidé de passer à des actions concrètes dans les jours à venir ...
(Certains acteurs présents) ............................ ont invité les citoyens à des
actions de rue pour le faire partir . .
... Il faut sauver le pays en faisant partir le Président. Dans
les jours à venir, le front bravera le pouvoir à travers les rues
pour permettre que le Bénin retrouve la paix ...
Il faut leur donner l’occasion de libérer le pays comme l’ont fait des jeunes dans le Maghreb ...
Dans la déclaration du Front faite ce même jour, on peut noter au point 6 que "l’unanimité doit donc se faire sur le manque de légitimité de celui-ci; en l’occurrence le Chef de l’Etat, qui a été élu sur la base de cet outil aujourd’hui reconnu par tous comme mauvais, non fiable, introuvable voire inexistant et source de discorde et de graves tensions dans notre pays ... " » ;
Considérant qu’il poursuit : « Les déclarations faites au cours de la sortie du 30 juillet 2012 au Chant d’oiseau montrent clairement que les acteurs incitent à la mise en cause de l’ordre constitutionnel établi, ainsi que les lois et règlements de la République.
Même si des griefs et des contestations ont existé après les élections de 2011, à partir du moment où la Haute Juridiction a proclamé que le vainqueur est M. Boni YAYI, l’on ne saurait plus d’une année après, déclarer ce dernier illégitime et inviter à des actions de rue pour le faire partir du pouvoir.
Le dire de cette manière constitue une mise en cause de
l’ordre constitutionnel établi, des lois et règlements de la
République et de la cohésion de notre pays » ; qu’il conclut: « Au vu de tout ce qui précède, nous demandons à la Haute Juridiction de déclarer contraires à la Constitution de pareils propos pour la cohésion de notre pays qui est le Bénin » ;

INSTRUCTION DES RECOURS

Considérant qu’en réponse aux mesures d’instruction diligentées par la Haute Juridiction, le Secrétaire Général du Gouver-nement, Monsieur Eugène DOSSOUMOU, écrit :
« Sur instructions du Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, j’ai l’honneur de vous transmettre sa déclaration en réponse à votre mesure d’instruction.
"Aux termes de l’article 42 de la Constitution du 11 décembre 1990, le Président de la République est élu pour un mandat de cinq (05) ans renouvelable une fois. Le 29 mars 2011, la Cour Constitutionnelle a proclamé les résultats définitifs de l’élection présidentielle du 13 mars 2011 d’où il ressort que le candidat YAYI Boni est élu Président de la République pour un mandat de cinq (05) ans. Le 06 avril 2011, j’ai prêté serment en vertu de l’article 53 de ladite Constitution. Dans mon serment, j’ai pris l’engagement de respecter et de défendre la Constitution que le Peuple béninois s’est librement donnée; de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation nous a confiées ; de ne nous laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine; de consacrer toutes nos forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’Unité Nationale.
Ayant été proclamé élu Président de la République par la Cour Constitutionnelle avec plus de 53% de suffrages, soit plus d’un million cinq cent mille (1 500 000) de béninois qui ont porté leurs voix sur moi, il me paraît inconcevable et inadmissible qu’une minorité de citoyens regroupés au sein de "l’Union fait la Nation" fasse des déclarations appelant à une mobilisation générale des forces politiques et sociales et à une insurrection afin de se constituer en un front unifié pour engager le combat, parce que selon cette minorité la "Nation se porte mal, très mal".
La constitution de "l’Union fait la Nation" est en marge des
Institutions de la République.
En effet, aux termes de notre Constitution et de la Charte
des partis, les organisations politiques doivent se faire
enregistrer au Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et
des Cultes.
Aujourd’hui au Bénin, il est enregistré plus de deux cent
onze (211) partis et alliances de partis légalement constitués. A
la date de sa déclaration, l’Union fait la Nation n’est pas
enregistrée. Elle n’est donc pas légalement constituée.

Par rapport au grand nombre de béninoises et de béninois
m’ayant soutenu et voté pour moi, les personnes regroupées au
sein de "l’Union fait la Nation" constituent une petite minorité.
Le terme "petit" employé lors de mon entretien télévisé ne
s’adresse donc qu’à cette minorité. En revanche, les "miens"
constituent la grande majorité des béninois qui m’ont soutenu,
voté pour moi et qui continuent de me renouveler leur confiance.
Ils sont nombreux du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest ...
En tant que Président de l’Organe régulateur chargé du bon
fonctionnement des Institutions de la République, pouvez-vous
me dire si l’appel à la constitution du Front Unifié des forces
politiques et sociales en vue d’une mobilisation générale et d’une
insurrection contre un pouvoir légitimement établi ne constitue
pas un coup de force quelconque dans un Etat de droit comme
le nôtre ?
En tout état de cause, en tant que garant du respect de la
Constitution, le mandat du Président de la République ainsi que
celui des autres Institutions de la République doivent aller à leur
terme. L’article 66 de notre Constitution interdit le coup d’Etat,
le putsch, l’agression par des mercenaires ou un coup de force
quelconque.
Les prochaines élections présidentielles n’auront lieu qu’en
2016.
L’appel à la mobilisation générale visant la tenue d’une
conférence nationale bis constitue, à notre sens, un acte attentatoire contre la démocratie béninoise. La Cour
Constitutionnelle, en vertu de ses compétences, devrait s’élever
contre de tels agissements.
Mes déclarations, lors de l’entretien avec la presse n’ont rien
de propos haineux et ne sont en rien contre l’unité et la cohésion
nationales.


Eu égard à tout ce qui précède, je demande qu’il plaise à la
Haute Juridiction de déclarer inopérants les recours
n° 1408/114/REC et n° 1571/133/REC. » ;

Considérant que de son côté, le Directeur de l’Office de Radiodiffusion et de Télévision du Bénin (ORTB), Monsieur Stéphane TODOME, explique : « Par rapport à la rediffusion de l’émission "A cœur ouvert, le Président parle au peuple béninois", il convient de faire observer que l’émission diffusée le mercredi 1er août dernier est la version montée, donc celle qui a été corrigée.
Par ailleurs, conformément à l’article 66 alinéa 2 de la Loi n° 97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel, obligation est faite aux radiodiffusions et aux télévisions de conserver pendant quinze (15) jours au minimum l’enregistrement intégral de leurs émissions. Le but de cette démarche est de permettre aux personnes qui se sentiraient touchées par des propos tenus au cours de cette émission d’exercer leurs droits de réponse conformément aux dispositions de l’article 63 et suivants de la Loi n° 97-010 du 20 août 1997. Je voudrais signaler à ce niveau que toutes les personnes physiques et morales qui ont estimé que les propos tenus par le Chef de l’Etat lors de cette émission ont porté atteinte à leur honneur et à leur réputation ont exercé leurs droits de réponse
et ont sollicité des copies de l’émission telle qu’elle a été diffusée.

Tout montage a posteriori d’une émission est répréhensible.
Changer le contenu d’une émission à sa rediffusion viole l’article 7 de la Constitution du 11 décembre 1990 en ce sens qu’elle priverait les téléspectateurs de leur droit à l’information surtout ceux qui ne l’ont pas regardée en première diffusion. Pour conclure, je dois rappeler que l’entretien du Chef de l’Etat est éminemment politique et il a été fait dans le cadre de ses fonctions politiques et à l’occasion de la fête nationale comme c’est le cas dans toutes les démocraties. Je dois ajouter que la télévision n’a enregistré aucune réaction susceptible de perturber l’unité nationale suite à la diffusion de ladite émission. » ;

Considérant qu’en ce qui le concerne, le Président du Front citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques, Monsieur Antoine Robert DETCHENOU, écrit : « Le Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques est un regroupement de citoyens qui portent un regard patriotique, mais qui émettent des opinions différentes de celle qui est la plus politiquement correcte au Bénin ces dernières années et la seule audible. Le Front Citoyen n’est donc ni un parti politique, ni une alliance de Partis, mais un creuset de libre expression des opinions différentes et de réflexion sur l’avenir de tout un chacun. Le Front Citoyen comprend en ce sens des personnalités et organisations de la société civile y compris les partis politiques et mouvements qui adhèrent à l’objectif citoyen de la sauvegarde des acquis démocratiques du peuple béninois issus de la revitalisation de la démocratie libérale de 1990, après l’historique Conférence des Forces Vives de la Nation, de l’intégrité nationale et de la paix sociale.
Cette composition plurielle du Front Citoyen renforce, de toute évidence, le caractère citoyen à la base de sa création et le partage d’un objectif commun de nature à constituer un large regroupement des forces citoyennes opposées à la remise en cause insidieuse du Renouveau Démocratique, de l’Etat de droit en République du Bénin, puis à asseoir les fondamentaux consensuels d’une reconstruction du pays.
A la suite de ces notes liminaires, abordons maintenant la substance de notre réponse au recours dont votre Haute Juridiction est saisie.

LES OBSERVATIONS SOLLICITEES

Le recours formulé par le sieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN tend à voir déclarées non-conformes à la Constitution, diverses allégations imputées au Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques ou rapportées par la Presse en raison de : La violation par des responsables du Front Citoyen des articles 34 et 36 de la Constitution du 11 décembre 1990 et ceux des articles 3, 8 et 12 de la charte des Partis politiques pour avoir déclaré lors de la conférence de presse du 30 juillet 2012 :
- illégitime une autorité qui a régulièrement prêté serment conformément à la Constitution en vigueur" ;
- "les différentes composantes du Front Citoyen ont unanimement constaté qu’en plus des syndicats, de la société civile et de l’opposition, la mouvance présidentielle a fini par reconnaître que la LEPI ayant servi à réélire le Président Boni YAYI comporte des imperfections. En conséquence, les membres du front constatent que le Président est illégitime et illégal. Ils ont alors décidé de lui demander de démissionner ... (certains acteurs présents) ... ont invité les citoyens à des actions de rue pour le faire partir".
La violation de la Constitution par des responsables par l’intention d’inciter à la mise en cause de l’ordre constitutionnel établi et des lois et règlements de la République, et celle-ci toujours par déclaration faite lors de la conférence de presse du 30 juillet 2012.
C’est donc en substance à la consécration d’un délit
d’opinion que vous invite le recours du sieur Serge PRINCE
AGBODJAN car en fait, il ne peut y avoir de société démocratique sans pluralisme des opinions et égalité d’expression de celles-ci et ce sont ces libertés qu’il est demandé à votre Haute Juridiction de sanctionner » ;

Considérant qu’il poursuit : « … en réponse à votre demande d’instruction et en tout premier lieu, je prie votre Haute Juridiction de constater qu’elle ne saurait opérer le contrôle de conformité aux dispositions de la loi portant Charte des Partis politiques en République du Bénin. Il s’agit en effet d’un contrôle de légalité qui ne relève pas de la compétence de la Cour de céans.
Il y a lieu ensuite d’inviter votre Haute Juridiction à constater que la Constitution du 11 décembre 1990 comporte l’affirmation solennelle par le peuple béninois de sa détermination de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle.
A ce titre, outre la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qu’elle intègre, la Constitution prévoit en son article 23 que "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public établi par la loi et les règlements".
De même, en vertu de l’article 98 de la Constitution, il appartient au législateur, seul compétent pour fixer "les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées, dans l’intérêt de la défense nationale et la sécurité publique aux citoyens en leur personne et en leurs biens", de concilier l’exercice de la liberté d’expression d’une part et d’autre part le respect de la liberté d’autrui, la sauvegarde de l’ordre public et des bonnes mœurs. Il apparaît dès lors qu’aux termes de la Constitution, les limites aux libertés publiques sont déterminées par la loi de sorte que l’appréciation de l’exercice de ces libertés relève du contrôle pour lequel la Cour Constitutionnelle doit également se déclarer incompétente.
Par suite, le recours de Monsieur AGBODJAN doit être déclaré en la forme irrecevable en ce qu’il demande à la Haute Juridiction de déclarer inconstitutionnels des propos et déclarations de citoyens qui relèvent avant tout de la libre expression d’opinion de citoyens exerçant leurs droits fondamentaux reconnus par les articles 23 et 25 de la
Constitution du 11 décembre 1990, ainsi que les dispositions de l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. » ;

Considérant qu’il ajoute : « Les conclusions auxquelles le Front est parvenu découlent d’un raisonnement logique sur la base de deux syllogismes :
· la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 a établi les conditions
dans lesquelles la liste électorale peut être qualifiée de
LEPI ;
· ces conditions n’ont pas été remplies pour la confection
de la liste électorale ayant servi pour les élections de mars- avril 2011 ;
· donc la LEPI n’existe pas au sens de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant loi électorale ;
· Or, les élections ont eu lieu sur le fondement de la liste
électorale qualifiée de LEPI ;
· Donc, les élections ont violé la Loi n° 2009-10 du 13 mai
2009 portant loi électorale.

Il s’ensuit une logique naturelle pour en tirer toutes les conséquences juridiques et démocratiques, pour autant que le
Préambule de la Constitution en donne aux citoyens le droit en
ces termes: " Nous, peuple béninois, réaffirmons notre opposition
fondamentale à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la
dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir…".

C’est cette seule démarche qui donne lieu au communiqué
de presse du 30 juillet 2012. Le fait d’exposer à l’opinion d’autrui
ces conclusions ne constitue pas en soi une agression, ni une
incitation quelconque, quels que soient la divergence d’idée et le
niveau de tolérance des courants les plus influents dans la
société.
Le requérant AGBODJAN fonde son recours, entre autres,
sur les dispositions des articles 34 et 36 de la Constitution.
a. Le Sieur AGBODJAN demande à la Haute Juridiction de
censurer ces conclusions logiques du Front en ce qu’elles tendent "à déclarer illégitime une autorité qui a régulièrement prêté serment conformément à la Constitution en vigueur".
Il faut observer dans un premier temps que le Front Citoyen
n’a saisi aucune institution en vue de voir déclarer illégitime une
autorité qui a régulièrement prêté serment. Le Front Citoyen a
exprimé une opinion dans l’exercice d’une liberté d’opinion et
d’une liberté d’expression constitutionnellement garanties,
lesquelles peuvent être définies comme le droit pour toute
personne de penser comme elle le souhaite et de pouvoir exprimer ses opinions et ce qu’elle considère comme conforme à la vérité, celui de chercher, de recevoir et de répandre ses idées par des moyens proportionnés aux limites qui assurent aux autres
membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Elles
valent ainsi autant pour les propos, déclarations et opinions
accueillies avec faveur mais aussi pour celles qui marquent une
différence, une divergence avec les idées et les mots d’ordre les
plus influents dans la société ;

A l’occasion et sans entrer dans une discussion approfondie,
il se dégage que la prestation régulière de serment d’une autorité
ne peut et ne saurait empêcher l’expression de la vérité et couvrir
le fait établi et incontestable de non-conformité à la loi électorale
ayant entaché les élections de mars-avril 2011, permettant
d’asseoir la conclusion déductive et la qualification d’illégal ou
illégitime du résultat qui en est issu.

Par ailleurs, le serment est l’acte juridique qui engage l’agent
assermenté à remplir sa mission conformément aux obligations
légales et morales de sa charge.

Dans le cas d’espèce, la légitimité en cause est tributaire
d’une organisation transparente, régulière, sincère et fiable de la
consultation. Dans ce contexte, le Front Citoyen tout comme
votre Haute Juridiction reste persuadé que la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) garantit une élection
transparente, ainsi qu’elle a eu à 1’affirmer dans un de ses
considérants de sa décision DCC 10-049 du 5 avril 2010.
Mieux, votre Haute Juridiction, motivant sa décision sus
citée, a été sans équivoque en reprenant l’extrait du rapport du
PAREL/PNUD en date du 15 septembre 2009 " La LEPI est mise
en place à bonne date afin de renforcer le caractère libre,
transparent, crédible et démocratique des échéances électorales
de 2011 tout en permettant aux électeurs d’exercer leurs droits".

b. Le Sieur AGBODJAN demande encore à la Haute
Juridiction de censurer ces conclusions logiques du Front
en ce qu’elles comporteraient l’intention d’inciter à la mise
en cause de l’ordre constitutionnel établi et des lois et
règlements de la République.
Autrement dit, démontrer la vérité alors qu’aucune loi ne
l’interdit, exprimer des options différentes, veiller à la
consolidation de l’Etat de droit avec la simple parole à travers une conférence de presse soumise par ailleurs à la censure de
l’Autorité de Régulation après une autocensure des organes de
presse, constituerait un abus du droit à la libre expression et
serait une incitation à la mise en cause de l’ordre constitutionnel
établi.

Ce faisant le sieur PRINCE AGBODJAN ajoute au délit
d’opinion un délit d’intention ou une supposition d’intention
d’actes futurs. Il place de ce fait le débat dans un registre
subjectif étranger à la nature du contentieux dont la Cour de
céans est saisie.

Mais surtout, il n’établit ni l’intention qu’il impute à la
simple expression de vérité et d’opinion du Front Citoyen pour la
Sauvegarde des Acquis Démocratiques, ni la mise en œuvre
anormale en dehors de sa finalité et dans le but de nuire du droit
à la libre opinion et à la libre expression.

Le but de la démonstration de l’inexistence de la LEPI que
porte le propos du Front est d’éviter que cette soi-disant LEPI
serve de nouveau en l’état pour un processus électoral au Bénin.
La mobilisation citoyenne s’est d’ailleurs faite en raison de l’inaction des autorités publiques depuis la fin des dernières
opérations électorales.


c. Le requérant PRINCE AGBODJAN fonde son recours, entre autres, sur les dispositions des articles 34 et 36 de la
Constitution.
" Tout citoyen béninois, civil ou militaire a le devoir sacré de
respecter, en toutes circonstances, la Constitution et l’ordre
constitutionnel établi ainsi que les lois et règlements en vigueur"
et "chaque béninois a le devoir de respecter et de considérer son
semblable sans discrimination aucune et d’entretenir avec les


autres des relations qui permettent de sauvegarder, de renforcer
et de promouvoir le respect, le dialogue et la tolérance réciproque
en vue de la paix et de la cohésion nationale" ;
C’est bien la vocation principale du Front Citoyen pour la
Sauvegarde des Acquis Démocratiques, qui regroupe des citoyens
de tous les horizons, œuvrant pour le respect strict et intégral de
la Constitution et de l’ordre constitutionnel que cet outil établit.
Au bénéfice de tout ce qui précède, ... qu’il plaise à la Haute Juridiction : se déclarer incompétente; déclarer irrecevable le recours du Sieur AGBODJAN ; le débouter de toutes autres conclusions, fins et moyens qu’il croirait articuler à l’appui de son recours. » ;

ANALYSE DES RECOURS

Considérant que les trois recours visent les mêmes déclarations et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;


Considérant que Messieurs Serge Roberto PRINCE AGBODJAN et Aristide DOMINGO demandent à la Cour de dire et juger que certains propos tenus par le Président de la République les 1er et 2 août 2012 sur les chaines de télévision violent la Constitution en son préambule et en ses articles 2 alinéa 1, 8, 35, 36, 41 alinéa 1 et 53 ; que par ailleurs, Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN sollicite de la Cour de déclarer contraires à la Constitution, notamment en ses articles 34 et 36, certaines paroles tirées de la Conférence de presse du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques et en son article 35, le fait pour le Directeur de la Télévision Nationale d’avoir autorisé « sans traitement professionnel et déontologique », le 02 août 2012, une rediffusion de l’émission dénommée « A cœur ouvert, le Président parle au peuple béninois » ;

Considérant qu’aux termes des articles 34 et 36 de la Constitution : « Tout citoyen béninois, civil ou militaire, a le devoir sacré de respecter en toutes circonstances, la Constitution et l’ordre constitutionnel établi ainsi que les lois et règlements de la République » ;

« Chaque béninois a le devoir de respecter et de considérer son semblable sans discrimination aucune et d’entretenir avec les autres des relations qui permettent de sauvegarder, de renforcer et de promouvoir le respect, le dialogue et la tolérance réciproque en vue de la paix et de la cohésion nationale » ;

Sur les propos tenus par le Président de la République

Considérant que le Président de la République pour être Chef de l’Etat et Chef du Gouvernement n’en est pas moins un citoyen de la République titulaire des droits, libertés et devoirs incombant à tout citoyen, sous la seule réserve des obligations spécifiques et fonctionnelles de sa charge ; qu’ainsi les propos par lui tenus le 1er août 2012 en réponse aux déclarations faites le 30 juillet 2012 par les membres du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques ne sont pas contraires à la Constitution sauf en ce qu’il a déclaré « je leur opposerai les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter » et « je peux leur faire mal ces petits-là qui m’insultent tous les matins » ; qu’il est constant qu’au cours de l’émission, le Président de la République a déclaré lui-même être en colère, mais que l’effet produit sur lui par les menaces de citoyen, quelle qu’en soit l’ampleur, ne saurait le dispenser de ses obligations de Chef de l’Etat ; que la paix, principe constitutionnel consubstantiel à la démocratie et à l’Etat de Droit, s’impose aussi bien aux gouvernés qu’aux gouvernants et particulièrement au Chef de l’Etat, Président de tous les Béninois ; qu’en conséquence, le Président de la République, le 1er août 2012 par les propos ci-dessus cités a méconnu l’article 36 de la Constitution ;

Sur les propos tenus par le Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques

Considérant que l’usage de la liberté d’expression ne saurait constituer en lui-même une violation de la loi mais seul le contenu de la parole peut être de nature à enfreindre la loi y compris la loi constitutionnelle ; qu’ainsi, en déclarant le lundi 30 juillet 2012 que « le Président est illégal », les membres du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques ont méconnu les dispositions de l’article 124 de la Constitution en ses alinéas 2 et 3 aux termes desquelles : « Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.

Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles » ; qu’en effet, par Décision en date du 29 mars 2011 portant Proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle du 13 mars 2011, la Cour Constitutionnelle, vidant le contentieux de l’élection présidentielle a dit et jugé que Monsieur Boni YAYI est élu Président de la République ; que le seul mode d’alternance politique et de dévolution du pouvoir est et demeure l’élection telle que prescrite par la Constitution ; qu’en conséquence, les membres du Front, en s’écartant des dispositions prévues par la Constitution et en déclarant « passer à des actions concrètes dans les jours à venir » et braver « le pouvoir à travers les rues » pour demander la démission du Président de la République, ont méconnu la Constitution ;


Sur la rediffusion par le Directeur de la Télévision Nationale le 02 août 2012 de l’émission ‘’ A cœur ouvert, le Président parle au Peuple Béninois’’

Considérant que Monsieur Serge Roberto PRINCE AGBODJAN demande à la Cour de déclarer contraire à la Constitution, en son article 35, le fait pour le Directeur de la Télévision Nationale d’avoir autorisé « sans traitement professionnel et déontologique », le 02 août 2012, une rediffusion de l’émission dénommée « A cœur ouvert, le Président parle au peuple béninois » ; que cette demande tend en réalité, à faire apprécier par la Cour les manquements par le Directeur de la Télévision Nationale aux règles professionnelles et déontologiques régissant les médias ; qu’une telle appréciation ne relève pas du domaine de compétence de la Cour tel que défini par les dispositions des articles 114 et 117 de la Constitution ; que dès lors, il y a lieu pour elle de se déclarer incompétente ;





D E C I D E

Article 1er. Le Président de la République a méconnu l’article 36 de la Constitution.

Article 2.- Le Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques représenté par son Président, Monsieur Antoine Robert DETCHENOU, a méconnu la Constitution ;

Article 3.- La Cour est incompétente.

Article 4.- La présente décision sera notifiée à Messieurs Serge Roberto PRINCE AGBODJAN et Aristide DOMINGO, à Monsieur le Directeur Général de l’ORTB, à Monsieur le Président du Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques, à Monsieur le Président de la République et publiée au Journal Officiel.

Ont siégé à Cotonou, le 11 juillet deux mille treize

Messieurs Théodore HOLO Président
Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président
Simplice C. DATO Membre
Bernard D. DEGBOE Membre
Mesdames Marcelline-C. GBEHA AFOUDA Membre
Lamatou NASSIROU Membre

Le Rapporteur, Le Président,





Simplice Comlan DATO.- Professeur Théodore HOLO.-

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