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Rapport 2014 sur l’état de la justice au BéninM avancées et li,ires des trois codes votés ces dernières années
Publié le vendredi 10 avril 2015  |  La Nation
Ouverture
© Ambassade par DR
Ouverture de l’Atelier de Formation sur la Lutte contre les Stupéfiants et les Narcotiques
Mardi 07 Octobre 2014, Hotel Azalaï, Cotonou : le premier conseiller de l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique préside la cérémonie d’ouverture de l`Atelier de Formation sur la Lutte contre les Stupéfiants et les Narcotiques Photo : (De gauche à droite) Le premier conseiller de l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique, Monsieur Todd Whatley. Monsieur Thomas Peebles, représentant résidant du département américain de la justice au Bénin. Monsieur Luc Olivier Guézo, Secrétaire Général du Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme




Comme l’année dernière, le Centre Afrika Obota (CAO-BENIN), l’ONG Droits de l’Homme, Paix et Développement (DHPD) et le Centre de Recherche et d’Etude en Droit et Institutions Judiciaires en Afrique (CREDIJ) ; appuyés financièrement par Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), ont réalisé, via l’Observatoire de la Justice au Bénin qu’elles ont institué, le Rapport sur l’état de la justice au Bénin et la perception des justiciables. Ce Rapport 2014 vise, comme le précédent, à «…infléchir la justice béninoise à devenir une justice de qualité, plus crédible, efficace et accessible au justiciable pour véritablement contribuer à la paix sociale et au développement du Bénin.»

L’ambition affichée par l’Observatoire est d’être «un instrument de plaidoyer en faveur d’une véritable indépendance de la justice béninoise» et, par conséquent, de rester «en état permanent de veille pour la promotion et la sauvegarde d’une justice béninoise conforme aux critères internationalement admis.» C’est pourquoi, tout en se réjouissant des réformes réalisées, l’Observatoire avertit qu’« En réalité, il ne s’agit pas d’examiner les réformes en elles-mêmes mais plutôt de se préoccuper des innovations majeures qu’elles ont apportées à l’existant afin de suppléer l’archaïsme, les vieilles routines qui ne s’accommodent point aux évolutions actuelles.» En cela, l’Observatoire, pour mieux appréhender la réalité des choses, invoque des raisons économiques et sociologiques. Pour constater que si les difficultés de mise en œuvre des réformes peuvent s’analyser à l’aune des énormes moyens financiers et de la disponibilité du personnel, ou de matériels adéquats, elles découlent parfois aussi du manque de volonté de la part des acteurs, autorités et animateurs directs du secteur. Ou du défaut d’arrimage réel aux réalités sociologiques nationales.

Quelles avancées ?

Ce sont 1076 personnes âgées de 18 ans et plus, dont 294 acteurs de la justice (magistrats, greffiers, huissiers, notaires) et 391 détenus, qui ont été interrogées dans le cadre de la réalisation de ce Rapport. Leurs déclarations permettent de conclure que des avancées sont enregistrées. Ainsi, s’agissant du Code de procédure pénale, il est noté la formalisation des principes généraux du procès pénal. Des principes qui se rapportent à l’équité et l’impartialité, à la séparation des fonctions judiciaires (ceci consacre la fonction de poursuite, la fonction d’instruction et la fonction de jugement); au droit d’être jugé dans un délai raisonnable, etc. Puis, le Rapport salue le renforcement de la présomption d’innocence, tout comme la garantie de protection pour les témoins, dont l’identité ne peut être révélée quand ils ont bénéficié de mesures de protection, sous peine de sanctions, sauf si cela est nécessaire à garantir les droits de la défense. En sus, le Rapport accueille avec enthousiasme l’arrivée du juge des libertés et de la détention, qui vient mettre un terme à l’omnipotence du juge d’instruction. Les décisions de ce juge peuvent être contestées devant une chambre des libertés et de la détention, officiant comme instance d’appel. En outre, l’institution d’une commission d’indemnisation en cas de garde à vue ou de détention provisoire abusive, l’intervention de l’avocat dès l’appréhension par un officier de police judiciaire, l’encadrement temporel de la détention, la réorganisation de la justice pénale des mineurs qui interdit la détention préventive de mineurs sauf crime de meurtre, d’assassinat, de coups mortels, de viol ou encore si les mineurs en question, ceux de 13 ans révolus, se sont soustraits volontairement aux obligations de contrôle judiciaire dont ils sont l’objet… sont quelques autres innovations.

Les innovations

En ce qui concerne le Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, le Rapport relève des innovations d’ordre institutionnel et procédural. Ces innovations se déclinent en l’institution du juge de la mise en état et du juge de l’exécution. Le premier a un rôle majeur dans le déroulement de toute instance judiciaire. Il est essentiellement chargé de l’instruction des affaires qu’il met en état d’être jugées ; ce qui permet de traiter diligemment les affaires concernées et d’éviter les renvois intempestifs. Quant au second, il est chargé de régler les difficultés liées à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires. Les innovations procédurales, elles, portent essentiellement sur l’encadrement et la judiciarisation de l’exception d’inconstitutionnalité, et sur la classification des nullités, notamment en nullités pour irrégularité de fond et en nullités pour vice de forme. Davantage, on relèvera la possibilité offerte par le code d’introduire la procédure de faux à titre principal alors qu’elle ne pouvait l’être qu’incidemment sous l’empire de l’ancien Code de procédure pénale. On retiendra aussi l’instauration du double degré de juridiction en matière administrative, ou le remplacement de la requête civile par le recours en révision, simple changement de terminologie, les deux procédures visant le même but : faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Relativement au Code foncier et domanial, le Rapport note qu’il établit de nouveaux instruments de preuve de propriété foncière : le certificat de propriété foncière en remplacement du titre foncier.

Ce certificat, s’il peut être attaqué, ce sera uniquement dans le cas où il a été obtenu à la suite de fraudes ou d’erreurs et seulement dans les cinq (05) ans qui suivent son obtention. Et comme pour fermer la porte à toute action abusive, le législateur a lui-même identifié les actes constitutifs de fraude à travers l’art 146 du code, apprécie le Rapport. Comme autres innovations mises en lumière par le Rapport, il convient de retenir celles qui apparaissent dans le cadre de l’exécution des jugements relatifs au foncier. A ce propos, le Rapport fait ressortir que la nouvelle législation prohibe expressément en cette matière, que la décision judiciaire soit assortie de l’exécution provisoire. Elle interdit aussi que toute exécution ayant pour effet la démolition d’une ou plusieurs habitations, soit entreprise durant la saison pluvieuse. Mieux, constate le Rapport, la prise en considération des droits de la personne humaine a amené le législateur à introduire, dans le cadre de l’exécution des jugements et arrêts ordonnant une expulsion forcée, des mesures nouvelles telles que : l’intervention de l’Etat pour la prise de mesures alternatives permettant d’éviter autant que faire se peut le recours à la force, et la priorisation des procédures de rachat par la partie perdante (art. 528 du CFD). De plus, si l’exécution d’une ordonnance, d’un jugement ou d’un arrêt doit entraîner des démolitions massives d’habitations construites sur des parcelles d’une superficie cumulée de plus de 5000 m2, l’Etat procède à l’expropriation pour cause d’utilité publique des parcelles concernées après juste et préalable dédommagement des propriétaires (art. 529 du CFD)… Mais qu’en est-il de l’appropriation effective de ces innovations?

De l’appropriation effective des innovations

Dans le Code de procédure pénale, le Rapport relève, que si la loi a bien prescrit un délai de quatre mois renouvelable une fois, sauf prorogation exceptionnelle par le président de la juridiction pour la mise en état des dossiers, 83% des acteurs interrogés le savent mais que 17% l’ignorent. Qu’en ce qui concerne le décompte du délai de la garde à vue, s’il commence dès que la personne soupçonnée n’est plus libre de ses mouvements, alors même qu’elle n’est pas encore effectivement incarcérée, pour 50% des acteurs de la justice, le décompte de la garde à vue commence dès que l’intéressé est appréhendé, 37% affirmant que c’est après l’interrogatoire de l’OPJ et 8% soutenant que c’est après la mise sous verrous ; alors que 2% allèguent que le décompte commence dès l’arrivée de l’avocat. Au niveau des justiciables, les données recueillies renseignent que 46% des enquêtés trouvent que la durée de la garde à vue peut excéder 48h alors que 34% estiment que cette durée ne dépasse pas 48h. 5% des justiciables interrogés déclarent qu’il n’y a pas une durée fixe pour la garde à vue et les 15% restant ne savent absolument rien de la question. En clair, plus de 65% des justiciables n’ont pas une bonne connaissance de la durée de la garde à vue.
Des justiciables qui estiment par ailleurs, à 51%, que la police a recours à la violence pour obtenir des aveux alors que 6 sur 10 estiment que la police traite les plaignants et les mis en cause de façon équitable et sans discrimination, et que 42% d’entre eux soutiennent le contraire. Et pensent même que 60% des magistrats ne font pas preuve d’impartialité dans leurs décisions, en raison de leur arrimage à la chancellerie…

Institution d’un juge

Relativement au Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, si le Rapport révèle que l’institution d’un juge est effective dans tous les tribunaux du Bénin, il constate, au plan procédural, que le délai de quatre mois renouvelable une seule fois, pour la mise en état n’est pas toujours respecté. Mais 64% des acteurs affirment que l’institution d’un juge de la mise en état a apporté une amélioration dans les prestations de la justice et 36% sont d’avis contraire… En outre, plus de 40% des acteurs trouvent que la politique constitue un véritable frein à l’exécution des décisions de justice…
S’agissant du Code foncier et domanial, il est relevé que près de deux ans après son avènement, il attend encore de trouver application en ce qui concerne les innovations majeures. Ainsi, l’Agence nationale du Domaine et du Foncier n’est toujours pas installée. De même, l’installation du Conseil consultatif foncier, dont le rôle est central dans la mise en œuvre effective du code est également attendue.
Le Rapport souligne encore que faute de mise en place des institutions prévues par le nouveau Code, les innovations procédurales restent toujours en attente d’application. Ainsi, les anciennes règles continuent d’être appliquées au détriment des nouvelles censées faire accélérer les procédures… Puis, il ressort du Rapport que pour 61% des personnes ciblées, il est plutôt à craindre un véritable recul en droit de propriété foncière, du fait de la fragilisation du nouveau titre de propriété dont la précarité vient bémoliser l’apport positif des différentes innovations…
Pour toutes ces raisons non exhaustives, le Rapport émet des recommandations.

Des recommandations

A propos du code de procédure pénale, le Rapport appelle à mieux encadrer les activités des OPJ ou tout au moins à rendre effectives les dispositions du nouveau code en la matière, contribuer à l’amélioration des relations OPJ/parquet, œuvrer à plus de diligence dans les informations à porter au Parquet sur les enquêtes préliminaires, mieux encadrer les activités des OPJ par le Parquet tant pour l’efficacité des procédures que pour la rigueur et l’efficience dans la notation de ceux-ci. Il plaide aussi pour le renforcement des ressources humaines dans un contexte où le problème de déficit en ressources est aggravé par les nouvelles institutions créées par les nouvelles réformes. Il s’agirait surtout de pourvoir prioritairement et en nombre suffisant, les juridictions en greffiers, de faire prêter serment aux greffiers en attente, de doter les juges des libertés et de la détention de cabinets, de doter certaines localités de prison afin d’éviter de longs déplacements dans les transferts de détenus (par exemple entre Porto-Novo et Pobè ou entre Savalou et Abomey). Il s’agirait aussi de multiplier les cabinets d’instruction en vue d’une célérité des dossiers pour éviter le long séjour des détenus dans les maisons d’arrêt au-delà des prescriptions légales en matière de délai. De renforcer l’inspection des services de la justice, et mettre en place un tableau de bord de suivi des détenus.
A propos du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, le Rapport suggère que le juge de la mise en état soit installé dans toutes les juridictions avec possibilité de délégation de compétences en cas de besoin ; que soit améliorée aussi la collaboration entre les huissiers de justice et les forces de l’ordre dans le cadre de l’exécution des décisions de justice, condition fondamentale de la jouissance effective de leurs droits par les citoyens.
Relativement au Code foncier et domanial, il prescrit, s’agissant des régisseurs et des animateurs de l’ANDF, que les acteurs chargés d’animer ces institutions soient non seulement des fiscalistes mais qu’ils aient également des compétences avérées en matière de sûreté et de droit foncier. Il serait également souhaitable que ces animateurs en particulier les régisseurs, jouissent d’une véritable stabilité au poste pour une meilleure capitalisation de leur technicité. A ce titre, il est suggéré la création d’un corps autonome pour ses animateurs.
A propos du cadastre, il est suggéré de rendre effective son institution, car il est un véritable instrument de sécurisation des propriétés foncières.
S’agissant du nouveau titre de propriété, il faudrait initier dans un délai raisonnable une loi modificative pour revenir à l’ancienne terminologie de « Titre Foncier », et au caractère inattaquable et définitif qu’il confère, recommande le Rapport.
Quant aux expulsions massives, pointant du doigt la lenteur et la lourdeur habituelle des procédures de décaissement des fonds publics, le Rapport souhaite qu’au titre du dédommagement des propriétaires terriens dépossédés de leurs droits, ceux-ci obtiennent leur indemnité dans un délai maximum à fixer par voie de décret (deux ans par exemple). Et que soit créé un fonds autonome pour assurer le paiement de ces indemnités en temps réel…


Wilfried Léandre HOUNGBEDJI
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