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La Presse du Jour N° 1940 du 30/7/2013

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Point de vue : « La création du RAMU par décret viole la Constitution », selon Me Migan
Publié le jeudi 1 aout 2013   |  La Presse du Jour


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© Autre presse par DR
« Si le RAMU est réalisable, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale l’aurait réalisé » dixit Me Jacques Migan


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La polémique s’enfle toujours autour du Régime d’assurance maladie universelle lancé à grand renfort de publicité par le Chef de l’Etat. Pour Me Jacques Migan, Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Bénin, « la création du RAMU et de son Agence d’exécution par décrets n’est pas conforme à la Constitution ».
Le Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) a été décidé en conseil des ministres le 21 mai 2008. Il a été lancé le 19 décembre 2011. Ensuite, il a donné naissance à l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (ANAM) par décret N° 2011-089 du 8 mai 2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie. Quelle réflexion cette succession de faits vous inspire-t-il ?
Le RAMU est du domaine exclusif de la sécurité sociale qui désigne un ensemble de dispositifs et d’institutions ayant pour fonction de protéger les individus des conséquences d’événements ou de situations divers généralement qualifiés de risques sociaux. Quatre branches sont en général couvertes par la sécurité sociale : La branche maladie (maladie, maternité, invalidité, décès), la branche accident de travail et maladie professionnelle, la branche vieillesse et veuvage (retraite), la branche famille. Par ailleurs, deux notions fondent la sécurité sociale : la solidarité et l’universalité. Cette dernière notion est notamment prescrite par l’article 22 de la déclaration universelle des droits de l’homme qui prévoit que toute personne a droit à la sécurité sociale. Nous retrouvons d’ailleurs cette notion d’universalité dans l’article 8 de notre constitution : « La personne humaine est « sacrée et inviolable.L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il assure à ses citoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi ». La sécurité sociale moderne est organisée et fonctionne chez nous au Bénin selon le modèle bismarckien et paritaire ; c’est-à-dire qu’elle est financée par les cotisations des employeurs et des salariés.
Depuis quelques jours, la polémique s’enfle autour de la base juridique du RAMU. Pour certains, notamment les centrales syndicales, le décret N° 2011-089 du 08 mai 2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie est contraire à la constitution. Qu’en dites-vous ?
A mon sens, ce décret est contraire à la constitution. En effet, la Cour constitutionnelle dispose en son article 98 tiret 21 que « sont du domaine de la loi les règles concernant : … la sécurité sociale … » ; que malgré cette disposition, le Gouvernement a pris le décret N° 2011-089 du 08 mai 2012 créant l’Agence dite ANAM pour la mise en application du RAMU en territoire du Bénin en l’absence de toute loi. Un décret ne peut pas créer ce qui est du domaine de la sécurité sociale. Pour s’en convaincre, on peut rappeler la loi N° 98-019 du 21 mars 2003 portant Code de sécurité sociale en République du Bénin. A l’article premier de cette loi, il est institué sur le territoire de la République du Bénin : « Un régime général de sécurité sociale en faveur des travailleurs du secteur privé soumis aux dispositions du Code de travail et un régime spécial en faveur des travailleurs indépendants, agricoles et du secteur informel. » Mieux, l’article 7 de la loi N° 98-019 du 21 mars 2003 a édicté que : « l’organisation et le fonctionnement du régime spécial en faveur des travailleurs indépendants, agricoles et du secteur informel sont fixés par une loi spécifique ». Au lieu de créer l’ANAM par décret pour gérer le RAMU, le Gouvernement aurait simplement dû élaborer un projet de loi et l’adresser à l’Assemblée Nationale pour être conforme à l’article 7 de la loi N° 98-019 du 21 mars 2003 et par ricochet conforme à l’article 98 de la constitution. Je tiens à rappeler que chaque fois que le Gouvernement prend un décret pour instituer, créer, … les règles qui sont du domaine de la loi, la Cour Constitutionnelle le déclare contraire à la Constitution. Il en est ainsi du décret 98-258 du 30 juin 1998 créant le corps des Agents d’affaires en République du Bénin jugé contraire à la Constitution par la Cour Constitutionnelle par décision DCC.02-023 du 03 avril 2002. Il en est également ainsi du décret N° 95-318 du 18 octobre 1995 portant création de charges de Commissaires-priseurs près les tribunaux du Bénin jugé par la Cour Constitutionnelle contraire à la constitution par décision DCC 02-007 du 16 janvier 2002.
Le Gouvernement a-t-il bien fait en créant le RAMU ?
Pour ma part, cette question qui renvoie à la pertinence de cet instrument dans la résolution des problèmes sanitaires auxquels sont confrontés nos compatriotes ne se pose pas ou ne devrait pas se poser car la constitution impose à l’Etat « … d’assurer à ses citoyens l’égal accès à la santé … » (article 8 de la constitution).
Le RAMU aujourd’hui est-il réalisable ou irréaliste ?
Avant de répondre à une telle question, il s’ impose de faire un audit de la prise en charge des Agents permanents de l’Etat relativement à la maladie, la maternité, l’invalidité, le décès, la maladie professionnelle, l’accident de travail ; puis la prise en charge des travailleurs du secteur structuré soumis aux dispositions du Code du travail. Ensuite, tirer toutes les conséquences dudit audit avant la création du RAMU. Sénèque disait : « qu’il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ». Tenez – la loi N° 98-019 du 21 mars 2003 portant Code de sécurité sociale en République du Bénin en son article 20 point 2 a prévu qu’ « aucune prestation ne peut être instituée si son financement n’est pas garanti … » ; ce qui fait qu’à ce jour la caisse nationale de sécurité sociale n’a pas institué une branche maladie proprement dite. En lieu et place, il a été prévu à l’article 51 de la loi N° 98-019 du 21 mars 2003 une action sanitaire dont les bénéficiaires sont « les femmes des travailleurs et les femmes salariées en état de grossesse ou ayant donné naissance, sous contrôle médical à un enfant – les enfants de ces femmes régulièrement inscrits au livret familial d’allocataire » article 53 de la loi précitée. Je déduis de ce qui précède que la CNSS qui gère un régime de sécurité sociale en faveur des travailleurs du secteur structuré et dont les cotisations (employeurs et salariés) constituent l’essentiel des ressources de la caisse article 20, n’a pu instituer une couverture maladie – Comment pourrait procéder le RAMU dont le financement par prestataires est de 1 000 f par mois. Je rappelle que la cotisation versée par l’employeur pour le compte du salarié à la CNSS varie entre 16 et 20% du salaire mensuel. A supposer que le salarié gagne 33 000 F, soit le SMIG, il est reversé au titre de sa cotisation mensuelle à la Caisse de Sécurité Sociale 33 000X 16% = 5 280. En conclusion, celui qui cotise 5 280 F ne bénéficie pas de la couverture maladie ; comment celui qui cotise 1 000 f pourrait-il en bénéficier. Si le RAMU est réalisable, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale l’aurait réalisé. Je ne dirai pas que le RAMU est irréaliste étant entendu qu’il est une prestation. Mais il suffirait qu’un jour les conditions pour sa réalisation soient garanties et il sera réalisé. En l’état, les financements pour sa réalisation ne me paraissent pas suffisants pour qu’il (RAMU) dure dans le temps. Je crois fortement qu’il serait sage de réaliser le RAMU à travers la Caisse Nationale de Sécurité Sociale d’une part parce qu’elle a déjà prévu sa réalisation en vertu de l’article 7 de la loi N° 098-019 du 21 mars 2003 et aussi pour son expérience acquise dans le domaine de la couverture sociale.


Affissou Anonrin

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