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Stanic Adjacotan au sujet de la décision Dcc 15-092 du 14 avril 2015 : « Le juge a mis fin au jeu de ping-pong interinstitutionnel »
Publié le vendredi 17 avril 2015  |  Matin libre
Stanic
© aCotonou.com par DR
Stanic Adjacotan, doctorant en Droit public




Une analyse sérieuse et objective de cette dernière décision de la Cour constitutionnelle requiert de faire deux observations préliminaires :

Primo, le juge constitutionnel exerce l’une de ses prérogatives classiques telles qu’il ressort de l’article 114 de la constitution du 11 décembre 1990 : la régulation du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics.

Secundo, il intervient à nouveau, dans un débat hautement politique, mais dont la solution ne pouvait venir que de lui seul en tant qu’acteur juridictionnel de premier plan dans un système de démocratie constitutionnelle.

Mais tout d’abord, interrogeons nous. À quoi pouvait ressembler l’espace politique béninois sans la présence de ce juge ?

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas la Cour constitutionnelle, l’on peut tout au moins lui rendre hommage pour son utilité dans les moments où nous négocions les virages politiques les plus dangereux.

Pour revenir à votre question, la décision de la Cour recueillera des interprétations et commentaires d’acteurs venus d’horizons divers et surtout de la part de politiciens intéressés. Mais il faut déjà faire observer que nous jouons à des jeux extrêmement dangereux qui, si ne nous ne prenons pas garde à l’avenir risquent de nous emporter tous un jour.

Fondamentalement, c’est la porte de non-retour sur la date des législatives du 26 avril 2015 en ce que le juge a définitivement cadenassé cette dernière. Retenons aussi que la décision du 09 janvier 2015 et celle qui fait l’objet de cette interview feront l’objet d’analyses doctrinales plus approfondies en ce qu’elles marquent un tournant décisif dans l’office du juge constitutionnel béninois qui chaque jour prend de l’espace. D’emblée disons-le, le juge intervient pour mettre un terme au jeu de ping-pong interinstitutionnel entre le gouvernement et le Cos-Lépi. Au-delà même de la question du dessaisissement agité par la presse, il faut lire la décision et attendre pour toucher du doigt sa mise en œuvre pratique. Son efficacité et son efficience doivent se mesurer sur ces deux aspects. Le tout nouveau Code électoral qui est dans sa phase d’expérimentation subit depuis son entrée en vigueur de rudes épreuves de la part d’acteurs institutionnels qui semblent vouloir jouer en dehors de lui. En toute honnêteté, le piège est encore grand ouvert.

À la lecture de la décision, on peut retenir que le juge s’est attelé à l’interprétation du Code électoral en redéfinissant les rôles entre les deux principales branches de l’opération en cause à savoir le Cos-Lépi d’une part et le Cnt d’autre part. La première est une structure administrative et indépendante aux termes des dispositions de l’article 219 du code électoral pendant que la seconde s’occupe de toute l’activité technique d’élaboration du fichier. S’il était alors donné de rechercher les raisons qui sous-tendent l’ordre donné au Cos-Lépi de se retirer immédiatement du processus de production et de distribution des cartes d’électeur, il faut se rapporter au considérant de la décision du juge qui fait constater que la mission d’actualisation était censée avoir pris fin depuis le 15 janvier 2015 mais qui a exceptionnellement été prorogée jusqu’au 25 février 2015. Entendu comme tel, le Cos-Lépi à partir de cette date n’avait plus aucune légitimité, vu qu’il devait son existence à la première décision du juge.

Par ailleurs, il y a dans cette décision d’intéressants éléments auxquels il convient de prêter une attention particulière en ce qu’ils seront d’une grande importance quand il s’agira de corriger toutes les carences notées aujourd’hui. Ainsi, la question de l’illégitimité du Cos-Lépi refait encore surface. Et c’est justement à ce niveau que le vrai problème se situe puisqu’il est évoqué la question de la transparence et de la sincérité du processus d’actualisation de la Lépi. Encore une fois, on ne peut pas jeter la pierre au juge d’avoir à soulever ces questions en ce sens que c’est le Parlement qui a imaginé tout le système d’actualisation en désignant dans les différentes les acteurs impliqués. Il aurait dû réfléchir pour constater que l’on ne peut être juge et partie.

Aujourd’hui plus qu’hier, les gouvernants ne travaillent pas à garantir la pérennité du système démocratique en place depuis plus de 25 ans. Le dialogue de sourds entre le Cos-Lépi et le Gouvernement nous conduisait tout droit dans une situation de vide juridique et chacun sait que nos voisins qui en sont arrivés là continuent de panser les plaies créées. Si nous décidons de faire une telle aventure ambiguë, ce serait la condamnation définitive de tous les acquis démocratiques en sécrétion depuis. Il faut attendre qu’on finisse la traversée du désert politique créé par les acteurs institutionnels avant de pousser le ouf de soulagement. En l’état actuel des choses, rien n’est encore gagné et le précipice n’est pas loin. Plus sérieusement, nous sommes en face d’acteurs politiques de premier plan qui jouent avec les principes élémentaires de la démocratie.

Il faut attendre de voir le passage de témoin entre le Cos-Lépi et le Cnt. Tout est question de délai et en droit, c’est une question cruciale, surtout en matière constitutionnelle. Nous sommes à moins de 12 jours des législatives et jusque là aucun citoyen n’a encore obtenu sa carte d’électeur. L’expérience a montré que toutes les autres étapes de l’actualisation, ont débouché sur la prolongation des délais pour permettre aux populations de sortir se manifester. Si le Cnt ne sort pas le grand le jeu, des régions entières de notre pays risquent de ne pas aller aux élections faute de la non-disponibilité des cartes électorales.

Il faut dire que le gouvernement tient un important rôle dans cette affaire en ce que c’est lui qui détient le cordon de la bourse. La cessation immédiate des activités du Cos-Lépi en ce moment précis du processus ne changera pas grand-chose à la situation. C’est un secret de polichinelle que tous les principaux acteurs impliqués dans le processus sont intéressés par les élections. Autant la plupart des membres du Cos-Lépi sont candidats, autant ceux du gouvernement le sont. Il faut prier pour sortir de ce spill over institutionnel. Le juge en enjoignant le ministre requérant d’affecter les ressources nécessaires au bon déroulement des opérations de distributions, semble être bien conscient des dangers qui guettent le processus.

En définitive, nous sommes à la croisée des chemins. Et nul oracle ne peut prédire l’état dans lequel le Bénin se réveillera au lendemain du 26 avril 2015. En 25 années de pratiques démocratiques, nous pouvons sans doute affirmer que notre pays a entamé avec la gouvernance politique actuelle, une phase de recul dans l’affermissement des règles et principes démocratiques.»

Propos recueillis par Allégresse SASSE


Philippe Noudjènoumè dénonce un recul de la démocratie

Candidat aux législatives prochaines sur la liste de l’Alliance pour une nouvelle gouvernance (Ang), Philippe Noudjènoumè, ne partage pas l’impression de bon nombre de Béninois qui considèrent la décision de la Cour constitutionnelle comme un acte salvateur du processus électoral. Pour lui, les 7 sages, en confiant les attributs du Cos-Lépi au Centre national de traitement (Cnt), ont mis à mal la démocratie béninoise. A l’entendre, le Cnt est le prolongement du ministère de l’intérieur donc un appendice du gouvernement. Fort de cela, par cette décision, le Professeur Théodore Holo et son équipe, a-t-il confié, ont imposé une pratique déjà bannie des processus électoraux au Bénin

A.S.
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