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Bénin : remaniement ministériel ou la bourde de trop
Publié le dimanche 21 juin 2015  |  Afrika7.com
Lionel
© AFP par Thomas Samson
Lionel Zinsou, nouveau Premier ministre du Bénin.




Attendue depuis plusieurs jours déjà, la composition de la nouvelle – et dernière ? – équipe gouvernementale du président Boni Yayi vient enfin d’être rendue publique, mettant ainsi un terme aux nombreuses supputations auxquelles donne souvent lieu, sous nos latitudes béninoises, ce genre de non-événement davantage destiné à donner le change et à divertir de l’essentiel qu’à faire véritablement sens.


Au-delà de toutes autres considérations relevant de l’épiphénomène, trois constats me paraissent devoir un tant soit peu retenir l’attention de tout observateur averti de la vie nationale :

1- La nomination de Lionel Zinsou comme premier ministre : le mythe de l’oiseau rare plus vivace que jamais L’homme à qui il échoit désormais d’assumer les responsabilités de premier ministre du Bénin est loin d’être un illustre inconnu. On pourrait même dire, sans risque de se tromper, qu’il est un homme du sérail bon teint si, abstraction faite de son parcours professionnel pour le moins impressionnant dans les milieux politiques et des affaires de l’Hexagone, l’on tient compte du bon bout de chemin à son actif aux côtés du président Boni Yayi en qualité de conseiller technique à l’économie. En effet, ce franco-béninois atypique à plus d’un titre et qui a pour habitude de revendiquer avec fierté sa double nationalité, fut notamment la principale cheville ouvrière de la Table ronde économique organisée en juin 2014 à Paris par le gouvernement béninois et présentée à l’époque comme un succès inédit mais dont les retombées concrètes en termes d’afflux massifs d’investissements étrangers se font toujours attendre. C’est dire combien parlent d’eux-mêmes les états de service et les qualités intrinsèques de cet économiste et banquier d’affaires de haut vol, membre influent du parti socialiste français très proche de Laurent Fabius, homme de réseaux, chantre de l’afro-optimisme, co-auteur avec Hubert Védrine (ex-ministre de la Coopération sous François Mitterrand) en décembre 2013, du célèbre rapport qui porte désormais leurs deux noms et initiateur de la Fondation franco-africaine pour la croissance; laquelle, plus que jamais, s’impose, dans le paysage institutionnel, comme l’un des instruments privilégiés de la nouvelle politique africaine de la France. En somme, fort de tous ses précieux atouts, Lionel Zinsou peut valablement servir de caution morale de taille pour restaurer la confiance des INVESTISSEURS étrangers vis-à-vis d’un pays dont la gouvernance, au cours de la dernière décennie, n’aura pas toujours été de nature à rassurer les milieux d’affaires et à promouvoir l’indispensable partenariat public-privé dont on n’a cessé de se gargariser à profusion mais qui, hélas, est demeuré, à ce jour, un simple slogan vide de contenu. Par ailleurs, vu l’interminable succession de scandales politico-financiers d’envergure à mettre au passif du régime du changement-refondation, une reprise en mains par ce technocrate hors pair – à la suite du non moins méritant Antonin Dossou et de son aîné Marcel de Souza – des volets « évaluation des politiques publiques », gouvernance » et « développement » pourrait, à tout le moins théoriquement et toutes choses égales par ailleurs, contribuer à conférer un minimum de consistance, de visibilité et de lisibilité à la prétendue volonté du gouvernement de combattre la corruption endémique, de promouvoir une croissance saine, soutenue et inclusive, créatrice d’emplois durables et décents, préalable sine qua non à une réduction effective de la pauvreté et, par ricochet, à un développement humain durable. Même si on peut déplorer qu’à neuf (9) à peine d’une fin de mandat, le réflexe réparateur arrive un peu tard. Mais ne dit-on pas qu’il n’est jamais trop tard pour mieux faire ? Du strict point de vue des raisons qui viennent d’être énumérées, le choix de Lionel Zinsou au poste de premier ministre pourrait donc se justifier pleinement. En revanche, le principal talon d’Achille potentiel, pour ainsi dire, du nouveau premier ministre se décline en (5) points, comme ci-après :

(i) Eu égard à l’immensité des défis inscrits à son agenda (développement, évaluation des politiques publiques et bonne gouvernance) et du temps relativement court dont il dispose pour opérer des changements économiquement et socialement perceptibles, c’est-à-dire assortis d’une obligation de résultats immédiats, il est très peu sûr qu’il sorte gagnant d’une course contre la montre aussi périlleuse ;

(ii) La fonction de premier ministre n’étant pas constitutionnel au Bénin et quand on sait le style de leadership propre au président Boni Yayi, caractérisé par l’omni-présidence, il est fort à craindre que le nouveau premier ministre n’ait pas toutes les coudées franches pour conduire les nécessaires réformes. Au demeurant l’histoire récente du Bénin, à travers les exemples d’Adrien Houngbédji et Pascal Irénée Koupaki avec Mathieu Kérékou et Boni Yayi respectivement, prouve à suffisance que, dans le contexte spécifique du Bénin, l’artifice consistant à créer un poste de premier ministre n’a jamais constitué la panacée. Ses effets ont été plutôt mitigés sinon contre-productifs, à ce jour.

(iii) Pour une bonne partie de la classe politique et des citoyens du Bénin, bien qu’étant de nationalité béninoise et, qui plus est, neveu du président Emile Derlin Zinsou, figure emblématique majeure de la vie politique de ce pays, Lionel Zinsou est davantage perçu comme le représentant attitré d’une Françafrique laborieusement remise au goût du jour au moyen d’artifices sémantiques du genre « Afriquefrance », « croissance partagée », etc. A titre d’exemple, il est de notoriété publique que l’intéressé ne fait d’ailleurs point mystère de sa vision foncièrement conservatrice quant au maintien du statut quo des accords de coopération monétaire qui lient la France à ses anciennes colonies. Quel anachronisme quand on songe qu’au même moment et juste à côté du Bénin, un ministre togolais en exercice – en la personne de Kako Nubukpo, pour ne pour ne pas le nommer –, ose braver l’omerta séculaire en remettant ouvertement en cause lesdits accords réputés très peu bénéfiques pour les économies des pays de la Zone Franc! Un fait d’apparence anodine certes, mais qui ne fait que renforcer la défiance que la génération montante des économistes et intellectuels africains et béninois pourrait légitimement nourrir vis-à-vis de Lionel Zinsou. A cet égard, aux yeux de ses détracteurs, sa nomination au poste de premier ministre équivaut ni plus ni moins à faire délibérément entrer le loup dans la bergerie, à s’offrir en holocauste à l’ancienne puissance coloniale de plus en plus avide de reconquérir progressivement et par tous les moyens à sa portée, son ancienne sphère d’influence. Nous aurions ainsi commis, selon les tenants de cette thèse, la pire des erreurs en consacrant, de ce fait, le mépris souverain d’un principe cardinal et universel des relations internationales énoncé par le général Charles de Gaulle : « La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts ».

(iv) Le fait que la désignation de Lionel Zinsou fait suite à la toute récente visite en France du président Boni Yayi et a lieu quelques semaines seulement avant la première visite officielle déjà annoncée de François Hollande à Cotonou accrédite tout naturellement le sentiment prévalant, en ce moment, au sein d’une frange non négligeable de l’opinion nationale, et selon lequel une telle nomination surprise n’est que la conséquence logique d’une transaction occulte qui vient d’être conclue dans l’Hexagone, sur le dos du vaillant peuple béninois. Troublant hasard du calendrier en effet ! Un peu comme si nous nous trouvions encore à l’époque des réseaux Foccart de sinistre mémoire et dans la plus vulgaire des républiques bananières. Que de régression et d’humiliation, cinquante-cinq (55) ans après l’accession à l’indépendance et 25 ans après la Conférence nationale inaugurée en Afrique par le Bénin, ex-colonie française d’Afrique de l’Ouest ayant la réputation de figurer jadis parmi les plus frondeuses! Qui l’eut cru? En conséquence, le premier ministre devrait se rendre à l’évidence, en intégrant d’emblée dans sa démarche ce lourd handicap inhérent à l’image véhiculée par sa personne, de sorte à en minimiser, autant que faire se peut, les impacts négatifs en termes d’adhésion du corps social et de résultats.

(v) En tout état de cause, les diplômes les plus prestigieux, l’expertise la plus pointue, la meilleure des réputations et un carnet d’adresses des plus fournis ne sauraient remplacer la nécessaire expérience du terrain, car, ainsi que les militaires ont coutume de dire, « c’est le terrain qui commande ». Et en l’occurrence, force est de reconnaître que Lionel Zinsou n’est certainement pas un expert en matière de connaissance du microcosme politique béninois dont l’extrême complexité n’en finit pas de surprendre plus d’un acteur averti. Il devra donc s’armer d’une bonne dose de courage, de patience et de perspicacité pour décrypter certains signaux et paramètres de l’environnement, anticiper à bon escient, mais surtout se doter sans délai d’un dispositif adéquat de coaching accéléré. L’expertise d’un certain François Abiola, vice-premier ministre, entre autres, pourra utilement être mise à contribution.

2- La création d’un poste de vice-premier ministre : un strapontin superfétatoire La création de ce second poste réputé anticonstitutionnel semble répondre au souci du Chef de l’Etat de suppléer sans grand dommage à l’indisponibilité potentielle du premier ministre, du fait de l’appartenance de ce dernier à de multiples instances et de la mobilité quasi permanente attachée à ses fonctions, par un collaborateur justifiant, à l’instar de l’ancien ministre d’Etat François Abiola, d’une parfaite connaissance des réalités sociopolitiques béninoises, d’une bonne expérience de la coordination de l’action gouvernementale et dont la parfaite loyauté n’est plus à prouver. Cependant, il pourrait parfois en résulter, si l’on n’y prend garde, quelques conflits d’attributions, préjudiciables à la cohésion gouvernementale. Hormis son caractère faussement honorifique et le volet « Enseignement supérieur et recherche scientifique », ce poste apparaît davantage comme une coquille vide dont but réel est de combler un vide qui sinon ne manquerait pas de se faire gravement sentir et donc de sauver les meubles in fine. Autant dire que François sera amené, par la force des choses, à exercer le rôle de premier ministre de facto ou par procuration, devant se coltiner la part la plus ardue et ingrate des attributions dévolues à la nouvelle primature, le titulaire du portefeuille se taillant, quant à lui, le beau rôle de premier ministre fantôme, une sorte de Vice-président de la République ou Sherpa du Chef de l’Etat qui n’ose pas dire son nom.

3- La catégorie « ministre d’Etat », une prime de fidélité à quelques lieutenants triés sur le volet On assiste à une prolifération subite et sans précédent de ministres d’Etat, désormais au nombre de trois (3). Il s’agit des personnalités ci-après :

- Alassane Soumanou, ministre d’Etat chargé de l’enseignement secondaire, de la formation technique et professionnelle, de l’Insertion des jeunes ;

- Fulbert Géro Amoussouga, ministre d’Etat à la Présidence de la République chargé de la coordination des politiques de mise en œuvre des objectifs du millénaire pour le développement, des objectifs du développement durable et des grands travaux ;

- Komi Koutché, ministre d’Etat chargé de l’économie, des finances et des programmes de dénationalisation.

Pour les attributaires de ces « nouveaux portefeuilles » dont les contenus n’ont pas varié d’un iota, il s’agit incontestablement d’une véritable promotion, destinée avant tout à récompenser leur fidélité au Chef de l’Etat. En effet, mis à part l’effet recherché en termes de fidélisation et de valorisation personnelle ainsi que le prestige et la dimension honorifique attachés à l’appellation « ministre d’Etat », une telle nomination n’est porteuse d’aucun impact réel du point de vue de l’efficacité organisationnelle stricto sensu. Il est seulement à souhaiter que cette élévation dans l’ordre protocolaire ou de préséance ne conduise pas les nouveaux promus à se comporter vis-à-vis de leurs autres collègues comme de super-ministres, trop imbus de leurs prérogatives additionnelles; ce qui, à terme, pourrait représenter une sérieuse menace à la cohésion gouvernementale.

4- La nomination de Spéro Mensha au ministère en charge de l’énergie : le choix de l’efficacité A mon avis, le cas de Spéro Mensah, ingénieur énergéticien, titulaire d’un Ph.D. en physique nucléaire et cadre senior ayant servi dans plusieurs multinationales aussi bien en France qu’aux USA, mérite que l’on s’y attarde quelque peu. En effet la nomination de cet expert de rang mondial du domaine énergétique a la particularité de sortir du lot et semble s’inscrire en parfaite cohérence avec un besoin pressant exprimé par la majorité des béninois. Elle témoigne surtout, dans une certaine mesure, de la réelle détermination du Chef de l’Etat à apporter enfin un début de réponses idoines aux multiples dysfonctionnements d’un secteur ô combien névralgique qui compte parmi ceux qui auront enregistré les plus graves contreperformances tout au long des deux mandats successifs du président Boni yayi.

Toutefois, certaines des limites objectives identifiées supra, s’agissant de Lionel Zinsou, demeurent tout autant applicables, il est vrai, à un niveau un peu moins élevé, à cet autre oiseau rare. Autrement dit, il serait parfaitement illusoire de s’attendre à ce que se produise le miracle énergétique, du seul fait de sa nomination à ce poste. Tout dépendra de sa capacité à faire adhérer l’ensemble des acteurs du secteur à la vision qui est la sienne, à définir un bon cap et à proposer u plan d’action à la fois ambitieux et réaliste, mais également à manœuvrer convenablement auprès du premier ministre et du Président de la République pour se donner tous les moyens de sa politique.

- Gardons-nous de prendre des vessies pour des lanternes -

Contrairement à ce que l’on voudrait bien nous faire croire à travers ce dernier remaniement ministériel, la nouvelle équipe gouvernementale ne produira pas le miracle escompté ; ceci, pour la simple raison que, comme d’habitude, la thérapeutique proposée n’est pas en adéquation avec un diagnostic qui fait désormais l’unanimité.

En effet, le Bénin a, avant tout, un problème de vision, de leadership et de gouvernance qui appelle essentiellement des réponses d’ordre systémique, lesquelles ne sauraient dépendre d’un seul homme ou d’une poignée d’hommes providentiels quand bien même ceux-ci auraient la science infuse, tant il est vrai qu’une seule hirondelle ne fait pas le printemps. Etant donné qu’à l’épreuve des faits, et ce, depuis plus d’un quart de siècle, le vieux mythe de l’oiseau rare fait de moins en moins rêver les béninois qui ont de plus en plus tendance à se comportent à la manière du chat échaudé craignant l’eau froide, nous gagnerions plutôt à œuvrer en faveur de la constitution d’une masse critique d’agents du changement, résolument tournés vers le progrès.

Au total, pour en revenir à sa configuration, la nouvelle équipe qui comporte quatre (4) catégories de ministres (premier ministre, vice-premier ministre, ministre d’Etat, ministre ordinaire), a tout d’une vraie armée mexicaine, porteuse de risques élevés de manque de cohésion et d’inefficacité organisationnelle.

En prenant la décision de former un tel gouvernement, Boni Yayi aura opté pour l’antique principe de « diviser pour régner » si cher à Machiavel mais qui, sur la durée, n’est pas toujours de nature à sauvegarder la paix sociale et l’unité nationale. Sans compter que la situation d’austérité que traverse le pays, en ce moment, s’avère très peu compatible avec l’incidence budgétaire découlant, d’une part, de l’accroissement de l’effectif global (qui passe de 27 à 28 portefeuilles) et d’autre part, des nouvelles créations de postes, à savoir : un premier ministre, un vice-premier ministre, trois ministres d’Etat au lieu d’un seul précédemment.

A quelques mois de la fin d’un mandat, tout cela incline à penser qu’Il ne s’agit là rien d’autre que de la énième bourde d’un « gaffeur » notoire (pour utiliser une expression certes triviale mais qui a l’indiscutable mérite de rendre fidèlement compte du ressenti intime du plus grand nombre), sinon de l’ultime baroud d’honneur d’un leader complètement désabusé pour se donner in extremis bonne conscience sans frais et pour divertir de l’essentiel les honnêtes citoyens épris de justice. Car la vraie question que l’on est en droit de se poser est bien celle-ci : pourquoi seulement maintenant ? Pourquoi avoir attendu tout ce temps ? Pourvu qu’une telle stratégie se révèle, en fin de compte, payante pour son initiateur et peu coûteuse, voire bénéfique pour un peuple trop longtemps ignoré, bafoué, martyrisé par ses dirigeants successifs.

L’avenir proche nous se chargera de nous dire, en temps utile, si le président Boni Yayi aura été bien inspiré d’opérer les choix ayant sous-tendu la composition de cette nouvelle équipe ou, au contraire, – et ce serait alors bien dommage ! – s’il se sera, encore une fois, fourvoyé. Wait and see.

ROCH S. NEPO
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