Les premières priorités annoncées pour les Béninois par le Premier ministre Lionel Zinsou laissent croire qu’il est venu sauver un régime qui, durant neuf ans, n’a pu satisfaire les populations. Le Chef de l’Etat est fortement décrié actuellement dans l’opinion publique. En témoignent les résultats des dernières élections législatives. Dos au mur, Yayi est allé chercher « la perle rare» pour une meilleure sortie. En dix mois, que peut faire le Premier ministre si ce n’est une prolongation de règne qui se prépare !
C’est l’ancien ministre de Yayi, Réckya Madougou, qui aura résumé en quelques mots le sens qu’il faut donner à la nomination de Lionel Zinsou comme Premier ministre en ce moment précis. Pour elle, c’est «un bon casting dans un mauvais timing». Cette nomination, faut-il le rappeler, a déchaîné les réactions de toutes parts. Il y en a qui voit le nouveau Premier ministre béninois comme le dauphin de Yayi. D’autres trouvent que c’est l’homme qu’il faut pour aider le Chef de l’Etat à mieux terminer son mandat. L’homme de la situation en quelque sorte. Depuis qu’il est rentré de la France, après sa nomination, Lionel Zinsou tente de donner réponses à toutes les interrogations. Dauphin de Yayi ou pas, le Premier ministre a apporté sa réponse à la correspondance de Rfi au Bénin, dès sa descente d’avion le vendredi 19 juin 2015, au lendemain de sa nomination. «Je ne connais pas tout du Bénin. Donc, qui serais-je pour dire : « J’arrive pour être le dauphin « ? J’arrive pour écouter et j’arrive pour essayer d’être utile ». Au sujet de sa mission, il a été aussi clair : «Les priorités du pays, c’est de donner des emplois, c’est de s’occuper de la vie des gens, c’est de rendre leurs conditions meilleures, c’est aussi de valoriser toute la créativité incroyable qui existe au Bénin, toute cette volonté qui a beaucoup de mal à s’exprimer. Les politiques publiques ne vont pas forcément dans le sens de faciliter la vie. Les priorités, c’est évidemment autour de l’économie, mais pas pour l’économie ; c’est l’économie pour la société béninoise (…) [Le président] m’a demandé d’être le premier de ses ministres, m’a fixé des champs très précis et qui m’intéressent beaucoup, qui concernent le développement. J’ai fait un peu d’économie dans ma vie […]. C’est même mon métier d’être économiste. Et puis, il y a un champ qui concerne l’évaluation des politiques publiques. On peut sûrement améliorer l’efficacité de nos politiques publiques. Il m’a fixé un choix sur la gouvernance – gouvernance de l’Etat, gouvernance de l’entreprise – et si l’on améliore cette gouvernance, tous les citoyens béninois s’en porteront mieux», a-t-il encore confié à Rfi Cotonou.
Réponse à tout…
Peut-il réussir cette mission pendant le court temps qui reste à celui qui l’a nommé ? Le Premier ministre, dans une interview exclusive à nos confrères de La Nouvelle Tribune, a aussi apporté sa réponse : «En 10 mois, on change beaucoup de choses dans la vie des gens, on peut changer peu de chose dans la vie d’un pays. Mais la vie des gens, ça compte. Si on est capable de faire en sorte qu’en dix mois, des gens voient leur vie un peu changer, en se disant ça va être plus facile pour l’école, plus facile pour l’électricité, pour être mis dans un travail quand on a une formation ou être mis dans une formation quand on n’en a pas du tout, si on est capable d’accélérer ça en dix mois, ça fait beaucoup de changements pour la vie des gens. Mais dans la vie d’un pays, c’est autre chose. La vie d’un pays, c’est des décennies. Mais la vie des gens, il faut qu’on s’en occupe. Et je me félicite de pouvoir m’en occuper de façon pratique».
Autrement, Lionel Zinsou est venu pour redonner confiance aux Béninois, ce qu’ils ont perdu depuis des années à cause des choix politiques du régime du Changement. Seulement, l’homme ne connait presque rien de «ses compatriotes». L’administration publique béninoise est ce qu’elle est et sera toujours ce qu’elle est. Ce n’est pas en quelques mois qu’elle va perdre ses mauvaises habitudes. Or, pour changer les choses et avoir des résultats, donc redonner confiance aux Béninois, il va falloir transformer l’administration béninoise. Pendant neuf ans et plus, Boni Yayi a essayé et n’y est pas arrivé. Il a usé de toutes les stratégies, ça n’a pas margé. Plus grave, les choses vont de mal en pire. La corruption s’installe au fil des jours. Le Béninois, de façon générale, ne travaille pas comme il le faut. Lionel Zinsou ne peut pas se démultiplier et travailler à leur place. Alors, à moins d’avoir une baguette magique, on voit mal comment le Premier ministre peut-il avoir les résultats qu’il veut en dix mois. La chose parait tellement impossible qu’on se demande si sa nomination n’est pas une sorte de transition pour plus de responsabilités après ! D’ici quelques mois, ce sera l’heure du bilan. Ce sera aussi l’heure des vérités. Dauphin ou pas, on le saura aussi.
Jean-Marie Sèdolo
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