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Loi portant Code de l’information et de la communication : Le juriste Marius Janvier Dossou-Yovo parle des innovations
Publié le lundi 6 juillet 2015  |  La Presse du Jour
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© Autre presse par DR
Palais de justice du Bénin




Alea jacta es !!! Le sort en est jeté, est-on tenté de dire, après la promulgation par le Chef de l’Etat, de la loi n°2015-07 du 20 mars 2015 portant code de l’information et de la communication en République du Bénin. Attendu depuis des lustres par les professionnels de la presse et de la communication et même aussi par les consommateurs et les distributeurs de contenus, ce texte aura connu moult fortunes depuis la première version en 2004. Ce retard aura néanmoins permis de vider les moutures antérieures de toutes les aspérités rétrogrades et liberticides et surtout de consacrer les innovations dans le secteur de la presse et de la communication.
De ces innovations, on peut retenir pour l’essentiel la définition du journaliste, des assimilés et des auxiliaires, la suppression des peines privatives de libertés pour les délits de presse, les modalités de financement des médias de service public, la protection du droit à l’image, la protection de la vie privée, l’accès aux sources publiques d’information, la consécration du régime de la publicité, la reconnaissance des publications multimédias en ligne, etc.
Rappelons à toutes fins utiles que l’ancienne règlementation constituée de textes épars, contenait des dispositions à la fois caduques et désuètes manifestement antinomiques de la dynamique qui s’observe dans le secteur. En quelques années, les médias sont ainsi passés d’un modèle fondé sur l’écoute d’un programme linéaire à une consommation reposant sur le libre choix du moment, du lieu et du support, d’un système reposant sur de nombreux intermédiaires à une pratique largement « désintermédiée »1, d’un domaine clos à un espace sans frontières. Par ailleurs, s’agissant de l’audiovisuel, les téléspectateurs peuvent utiliser plusieurs écrans de façon simultanée. Les réseaux sociaux offrent aux médias traditionnels une plateforme leur permettant de construire des communautés autour de leurs programmes et d’interagir avec les téléspectateurs. Ils permettent en outre à chacun de devenir prescripteur de contenus audiovisuels.2
Le dilettantisme juridique, semble-t-il, a été exorcisé par l’adoption de ce code qui permet au Bénin de rentrer de plain-pied dans la société de l’information qui apparaît aujourd’hui comme une réalité indéniable et dont nul peuple ne saurait se départir. C’est sur cet aspect particulier, à travers les publications multimédias en ligne et les communications électroniques, qu’il nous plaît de donner notre opinion afin d’apprécier la perspicacité des réformes opérées et suggérer au besoin de nouvelles orientations.

I- La consécration de la publication multimédia en ligne comme élément de la société de l’information

Le concept de société de l’information n’est plus une notion si nouvelle que cela. Elle est apparue dans la littérature relative à la presse et la connaissance dès lors que les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) y ont été introduites. Cela ne fait pas de son acception ou de sa définition un contenu univoque. MATTELART (A) voit dans le cheminement de l’expression « société de l’information », une trajectoire sinueuse et chargé d’ambiguïtés3. L’absence d’unanimité quant à sa définition a alors ouvert la voie à une divergence d’opinions sur le terme de « société de l’information ». Ainsi, certains préfèreraient-ils parler de « société du savoir », expression utilisée pour la première fois en 1969 par DRUCKER (P)4. Pour les tenants de cette appellation, la notion de société de l’information « est liée à l’idée d’innovation technologique alors que celle de société du savoir comporte une dimension de transformation sociale, culturelle, économique, politique et institutionnelle, ainsi qu’une perspective de développement plus diversifiée ». La société du savoir repose donc sur une vision de la société propice à l’autonomisation qui englobe les notions de pluralisme, d’intégration, de solidarité et de participation. L’utilisation des technologies dans ce cas se focalise sur les droits de la personne humaine, en accordant une attention particulière aux principes de liberté d’expression, d’accès universel à l’information, d’égalité d’accès à l’éducation, de respect de la diversité culturelle : tous principes qu’une simple logique de performance technique ou la confiance dans la logique du marché ne peut garantir naturellement5. Elle serait ainsi préférable « parce qu’elle fait une place plus large à la complexité et au dynamisme des changements qui sont à l’œuvre6».
Une autre partie de la doctrine préfère parler de « société de la connaissance » qui apparaît comme une capacité cognitive, alors que l’information serait un ensemble de données inertes et inactives tant qu’elles ne sont pas utilisées par ceux qui ont la connaissance pour les interpréter et les manipuler7. Retenons pour l’essentiel qu’au cœur de la société de l’information, il y a une dominance de l’immatériel où le savoir et la flexibilité sont des éléments déterminants avec comme perspectives irrémédiables des mutations dans tous les secteurs concernés.
Dès lors, la reconnaissance des publications multimédias en ligne apparaît comme les rails qui conduisent inéluctablement la presse béninoise vers cette société dite de l’information.

Situées aux frontières de la radiodiffusion, de la télécommunication et de l’informatique, ces publications sont entrées dans une phase de convergence technologique dont les contours juridiques ne sont pas suffisamment déterminés par le droit positif béninois. L’essor de ces médias comme le rappelle BALLE (F) entraîne comme conséquence, l’arrivée, en grand nombre, de médias « sur mesure », personnalisés, obéissant à une logique opposée à celle des médias traditionnels. Il développe aussi que, l’interactivité générée par les publications multimédias en ligne apporte avec elle une variété toujours plus grande de formes de communication. Entre les deux formes canoniques de la communication, le one to one et le one to many, entre la correspondance privée et la correspondance publique, le numérique a fait naître une grande variété de « communication » d’un troisième type, des services mixtes de type interactif, à la fois audiovisuels et de télécommunication qui empruntent leurs traits aux deux autres et qui s’apparentent, du même coup, plutôt à l’une qu’à l’autre8.

Sur ce point précis, le code de l’information et de la communication a consacré une avancée importante. En effet, le cadre juridique existant méconnaissait ce type de communication qui lui a préexisté. La publication multimédia en ligne y est définie comme toute publication grâce à un média qui, pour produire, recevoir et diffuser l’information via les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), associe sur un même support au moins deux modes de communication tels que le texte, le son et l’image. Aussi, les journaux et les télévisions qui utilisent l’internet comme support de communication devraient se conformer à la loi en soumettant à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) une demande d’autorisation conformément à l’article 252 du code.
Cette option presque singulière du législateur peut apparaître comme une hérésie ou un non sens juridique dans la société de l’information caractérisée par une liberté béate. Mais cette position rencontre notre assentiment pour plusieurs raisons majeures :
1- En soumettant les publications multimédias en ligne à un régime souple d’autorisation, le législateur a voulu solutionner la problématique de l’ancrage juridique de ce type de communication qui utilise un support qui a priori ne saurait être arrimé à un Etat donné. Internet est certes ubiquitaire et transnational, mais en légiférant de la sorte, le législateur s’inscrit dans la logique d’une reconnaissance de l’application du droit béninois aux activités de ces publications.
2- L’autorisation accordée par le régulateur de contenus qu’est la HAAC équivaut à une reconnaissance de ces publications ; ce qui entraîne en droit le bénéfice des « prestations » dont la HAAC est tenue à leur endroit. Il s’agit par exemple de l’obligation de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse. Il va sans dire que ceux-ci pourraient prétendre bénéficier de l’aide de l’Etat à la presse privée. De même et en retour, ils sont tenus de déférer aux injonctions du régulateur.
3- Le législateur clarifie également les confusions qui existent entre les publications multimédias en ligne, les blogs et les flux généraux d’information qui sont eux soustraits à la contrainte de l’autorisation. C’est la preuve qu’une différence marquée est faite entre ce qui est « média » ou « presse », soumis à une responsabilité éditoriale et une démarche professionnelle dans le traitement de l’information. Et pour cause, le bloggeur travaille seul. Il n’est soumis à aucune ligne éditoriale et ne doit prendre en compte aucune consigne en matière de style. Il dispose donc d’une liberté d’écriture totale et peut laisser libre cours à son franc-parler. Il est le premier et le dernier juge de ce qu’il écrit. Aucun rédacteur en chef ne lui rappelle les règles de base du journalisme9.
Mais la réforme sur cet aspect particulier n’est pas aboutie parce que la nature même des publications devrait induire une confluence qui doit être appliquée aussi bien à la règlementation qu’à l’instance chargée d’assurer la régulation.

II- De la dialectique de la régulation à une nécessaire convergence institutionnelle

Le code de l’information et de la communication a fait au niveau de la régulation des services convergents une option qui ne nous paraît pas courageuse. Et pire, la démarche consacrée pourrait créer des conflits positifs entre régulateur de contenus et régulateur de contenant.
Aux termes de l’article 12, « En matière de presse écrite, de communication audiovisuelle ou en ligne et de Global System for Mobil Communication (GSM), la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication est habilitée à prendre des décisions pour sanctionner les comportements des acteurs des médias qui portent atteinte à la déontologie et à l’accès équitable aux médias de service public. En ce qui concerne les manquements dans le domaine des communications en ligne ou par GSM, à l’exception des correspondances privées, les décisions de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, sanctionnant lesdits manquements, sont prises en collaboration avec l’Autorité de régulation des communications électroniques de la poste (ARCEP).
Les modalités de cette collaboration seront définies par décret pris en Conseil des ministres ».

Si cette disposition consacre des principes bien connus en matière de presse et de communication c’est à dire la distinction entre communication publique et correspondances privées et surtout celle relative à la distinction entre contenus et contenants, il faut bien s’inquiéter du dernier alinéa de cette disposition qui soumet dans un premier temps la régulation des services convergents à une collaboration entre la HAAC et l’ARCEP et dans un second temps, indique que les modalités de cette collaboration seront définies par décret.
Il y a à cela deux risques énormes :
- Le premier est lié à la lenteur qui caractérise en général la prise des décrets. Cette disposition signifie qu’en l’absence du décret sus visé, aucune sanction ne peut être prononcée et exécutée efficacement. Le cas du décret prévu à l’article 11 de la loi n°97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication en République du Bénin renvoie à une réforme inachevée de cette loi dont l’application a généré de nombreux conflits interinstitutionnels.
Le second conduira certainement à plomber le dynamisme constaté dans ce secteur car au-delà des publications multimédias, il faut relever la possibilité désormais ouverte aux GSM de faire de la Télévision Mobile personnelle (TMP). Mais là où le bât blesse, c’est que l’orientation de l’actuelle législation peut constituer un frein au développement du secteur et par conséquent un manque à gagner pour l’Etat étant donné que ces nouveaux services sont soumis à autorisation donc à conventionnement. De plus en plus, les opérateurs de télécommunications sollicitent une extension du périmètre de leur licence à l’offre de contenus audiovisuels10. De ce fait, on constate une tentative d’opérateur multinational de télécommunication d’entrer dans le marché de l’Audiovisuel en signant des conventions11 de partenariat avec des opérateurs du secteur de l’Audiovisuel12. Comme au Sénégal, où la SONATEL a sollicité une extension du périmètre de sa licence à la production de contenus audiovisuels, de nombreuses demandes sont adressées aussi bien à la HAAC qu’à l’ARCEP-BENINTRPT tendant à cette fin.

C’est pourquoi, nous préconisons, il n’est pas encore tard, la mise en place d’un régulateur convergent qui s’occupe simultanément des services convergents.

Déjà en décembre 1997, le Livre vert de la Commission européenne sur la convergence13, qui apparaît comme l’un des documents les plus aboutis dans ce domaine, posait la question de l’évolution future du cadre réglementaire applicable à la communication. Une des interrogations centrales soulevées par le Livre vert était de savoir si l’existence de différentes autorités réglementaires ou ministères responsables pour différents aspects des activités dans les télécommunications, les médias et les Technologies de l’Information correspondait à une structure adéquate pour l’encadrement réglementaire de l’environnement convergent.14
Les réticences observées à cette époque pour un régulateur unique étaient sous-tendues moins pas les implications de la convergence que par la simple volonté des acteurs de chaque secteur de maintenir leur hégémonie15. PRADIE (C) et SALÜN (JM) ont évoqué les réticences des deux secteurs d’activités qui rechignaient à converger mais qui sont obligés de revoir leur approche de la question. Néanmoins, quelques années après la publication de ce livre, il existe une tendance indéniable des instances de régulation nationales en faveur de la création d’une instance unique à l’échelle nationale.
Cette réalité n’est donc pas nouvelle. La nouveauté en revanche, c’est que ce rapprochement connaît un prolongement en termes d’usages et de marchés. Des domaines qui restaient nettement séparés, parce qu’ils s’adressaient à des publics distincts pour des usages différenciés, participent ensemble à la définition et à l’émergence de nouveaux services.
Une autre caractéristique de la convergence est qu’au-delà des profonds bouleversements technologiques et socioéconomiques qu’elle charrie, elle est l’amorce pour les utilisateurs citoyens d’une nouvelle manière de dialoguer avec la société, voire d’une « nouvelle géologie civilisationnelle »16.
Enfin, l’utilisateur de ces plates-formes n’est plus l’être passif d’hier mais devient acteur de la programmation. On y trouve là un enjeu important des publications multimédias en ligne quant au régime de la responsabilité éditoriale. Nous y reviendrons dans une autre publication.

L’expérience de la France dans ce secteur est la preuve de l’hésitation des régulateurs à aller à la convergence institutionnelle. En effet, le cadre législatif français a posé le principe de la neutralité technologique : des réseaux différents doivent être régulés selon la même logique, indépendamment des informations véhiculées17. La France qui se situe toujours dans la régulation sectorielle pourrait opter pour « un rapprochement institutionnel » qui conduira assurément à la convergence institutionnelle18.

D’autres pays européens ont, par contre, opté pour la convergence institutionnelle. Ainsi, au Royaume-Uni, la convergence a favorisé la fusion de différents organismes de régulation sectorielle. Cinq instances de réglementation, à savoir l’Independent Télévision Commission (ITC), la Broadcasting Standards Commission (BSC), l’Office of Télécommunications (OFTEL), la Radio Authority (RAU) et la Radiocommunication Agency (RA), ont fusionné pour former une nouvelle instance (OFCOM)19.

Au Sénégal, les réflexions semblent militer pour la mise en place d’un régulateur spécifique pour les médias en ligne20. Cette approche à notre avis est intéressante parce qu’une instance va s’occuper de la régulation de ce type de média. Mais cette institution ne sera efficace que si les attributions des régulateurs sectoriels (télécommunications et audiovisuels) lui sont dévolues. Ce qui paraît peu probable. Ce qui reviendrait à la posture de départ avec les mêmes difficultés que rencontre le régulateur de l’audiovisuel qui s’occupe du contenu.

La convergence institutionnelle apparaît comme le meilleur moyen d’assurer un contrôle efficace des contenus.
Cette difficulté sera résolue par une meilleure orientation des plaintes relatives à la violation des contenus ; ce qui va emporter une réduction des délais de traitements de celles-ci.

III- Une meilleure orientation des litiges impliquant les services convergents

Le développement de l’audiovisuel et des télécommunications marqué par leur sectorisation a donné l’impression de deux structures non pas complémentaires mais plutôt opposés au niveau institutionnel21. Les réticences de la HAAC à prendre réellement en charge la régulation des contenus des cybermédias sont dues aux craintes, d’ailleurs justifiées, relatives à l’effectivité des sanctions qu’elle aura à prononcer ; ce qui bien entendu pourrait entamer sa légitimité. De même, on peut imaginer que l’ARCEP-BENINTRPT fasse des injonctions à la HAAC qui au niveau institutionnel22 se trouve un pallier au-dessus du régulateur des télécommunications.

Or en pratique, un organe autorisé23 par la HAAC qui publie des contenus préjudiciables devra être sanctionné conformément à la gradation des sanctions telles que prévues par les textes régissant les médias. Les sanctions légères telles que la mise en demeure et le rappel à l’ordre qui ne nécessitent pas une intervention particulière du régulateur sont sans incidence sur le travail du média. Mais par contre, dans le cas des sanctions extrêmes telles que la suspension des programmes ou la fermeture des sites de diffusion, on imagine que des achoppements sont possibles si l’éditeur du site refuse de déférer aux injonctions du régulateur et s’il est suivi dans sa démarche par le régulateur des télécommunications. Or, c’est à l’aune des sanctions qu’elle prononce qu’il sera possible d’apprécier la capacité du régulateur à protéger les victimes des publications en cause. Il apparaît donc nécessaire que des réflexions soient menées sur la question au risque de laisser les acteurs conduire la convergence à leur guise.
C’est à cette situation que l’on est parvenu au Sénégal. Les opérateurs de l’audiovisuel et des télécommunications ont décidé de nouer des partenariats, et ce, au détriment des intérêts de l’Etat. Ces partenariats qui se créent en dehors de toute intervention des régulateurs posent une problématique que seul un régulateur multisectoriel peut régler.2424 Startimes, opérateur multinationale appartenant à des Chinois, a signé
une convention de consortium avec la Radio Télévision Sé
négalaise (RTS) pour offrir des services de transport audiovisuel et un service d’accès à l’’Internet ; Canal Horizon a signé une convention avec SONATEL pour que les clients de SONATEL TV sur ADSL puissent accéder au bouquet de CANAL; De même Hhizbut Tarqqyah TV a un partenariat avec SONATEL pour la diffusion de leur TV IP à travers le réseau de SONATEL;

La France, qui en principe n’est pas opposée à la mise en place d’un régulateur multisectoriel, opte pour une démarche qui allie collaboration et mutualisation. Le 1er août 2012, le Premier ministre français a demandé au ministre du redressement productif, à la ministre de la culture et de la communication et à la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, de réfléchir aux conditions d’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP dans les domaines de l’audiovisuel et des communications électroniques.

Le groupe de travail mis sur pied par le CSA a fait les deux propositions ci-après :
- Proposition n°1 : Un rapprochement progressif des deux institutions
Première étape : maintien des deux autorités, création d’une instance paritaire commune de régulation, coopération renforcée entre les services.
Deuxième étape : création d’une autorité unique, maintien de deux collèges, fusion des services

- Proposition n°2 : autorité et collège uniques
La forme d’intégration la plus radicale consisterait à créer une institution unique, dotée d’un seul collège. Elle présenterait des avantages comparables au dispositif précédent. Néanmoins, la fusion des collèges suscite des oppositions et peut paraître prématurée s’il n’y a pas de préparation en amont. Le risque de voir les logiques économiques et concurrentielles l’emporter sur les aspects culturels et sociétaux est souvent évoqué.
La posture adoptée par le CSA est certainement sous-tendue par la crainte d’hégémonie de l’ARCEP.

Au Bénin, la question doit être réglée autrement étant entendu que l’ARCEP-BENINTRPT n’est pas une structure suffisamment ancrée dans le paysage institutionnel. Il apparaît donc judicieux d’aller très rapidement à la convergence institutionnelle car comme le mentionne si bien le rapport sus cité « le secteur de l’audiovisuel, qu’il s’agisse de la télévision ou de la radio, a connu des évolutions profondes. Tout indique que ce mouvement n’a pas connu son point d’aboutissement. Au contraire, il est probable que l’audiovisuel soit appelé à connaître, dans un délai assez court, de nouveaux bouleversements. Ces évolutions plaident en faveur d’une réforme de la régulation »25.
En dehors de ces avantages, c’est le droit des citoyens victimes des contenus préjudiciables qui est assuré par un régulateur unique.

V- La réduction du délai de traitement des plaintes

Un autre intérêt de l’institution d’un régulateur multisectoriel se situe au niveau de la réduction du délai de traitement des plaintes impliquant les services convergents. Dans le système actuel, comme nous l’avons souligné supra, le régulateur ne dispose pas nécessairement de tous les moyens juridiques et opérationnels pour trancher des litiges impliquant les deux secteurs dans la mesure où la législation a été conçue pour entretenir une séparation entre ces deux secteurs. Et la collaboration proposée ne nous paraît pas la bonne solution.
Dans le cas de la saisine du régulateur des télécommunications, il ne peut que se déclarer incompétent dans l’hypothèse où la plainte concerne par exemple le contenu. Le régulateur des télécommunications dispose de deux options :
- dans le premier cas, il transmet la plainte au régulateur de contenu pour qu’il sanctionne la violation des droits en cause. Cette transmission pourra malheureusement être interprétée comme si le régulateur des télécommunications était le plaignant ; ce qui entraînera le rejet de la plainte pour défaut de qualité ou d’intérêt.
- Dans le second cas, il oriente le plaignant qui saisit le régulateur. Celui-ci tranche le litige mais aura du mal à mettre en application les sanctions parce que l’appui du régulateur des télécommunications lui est indispensable.
On note bien que les errements et autres hésitations ne sont pas de nature à accélérer le traitement de la plainte de ce citoyen dont les droits font l’objet de violation. Par ailleurs, il est admis que l’effet viral de l’internet appelle des actions urgentes pour arrêter la diffusion de l’information à travers le monde entier. Il ne reste que la voie de justice au plaignant. Or, la presse ne saurait s’accommoder des procès.
A contrario, les plaintes seront traitées plus facilement et plus rapidement lorsque le régulateur multisectoriel sera saisi. Le traitement des plaintes ne sera plus que l’affaire d’une direction qui dispose des bases juridiques nécessaires. La convergence des marchés expose la séparation organique des régulateurs de télécommunications et audiovisuel à un risque d’inefficacité.

Au niveau de l’organisation interne, les avantages suivants pourront être notés :

- une meilleure coopération interne : les objectifs de la politique des télécommunications et de l’audiovisuel sont traditionnellement conflictuels sur certains points ; ce qui pourrait générer des tensions entre deux institutions distinctes26. La création d’un organe unique viendrait apaiser ces tensions ;
- une amélioration de l’intelligibilité et de l’efficacité sur le plan réglementaire: ceci pourrait avoir en retour des répercussions positives pour l’investissement dans le secteur de la communication ;
- des avantages en termes de taille: un régulateur unique responsable à la fois des infrastructures et du contenu pourrait contrebalancer en termes de pouvoirs et de ressources les «géants de la communication»27 qu’il serait chargé de réguler ;
- une approche cohérente: un organe unique intégrerait plus harmonieusement les aspects d’intérêt général et d’efficacité économique de la régulation dans un seul cadre ;
- les liens entre contenu et infrastructures: est inhérente à l’idée de convergence la réalité qu’une stricte séparation entre la fourniture de services, d’une part, et la transmission et le transport, d’autre part, pourrait s’avérer impossible et créer des difficultés dans le traitement des questions de pouvoir des acteurs de marché ou d’intégration verticale. Un régulateur unique intégrant ces deux aspects serait donc un avantage28.
La convergence technologique devrait aller de pair avec la convergence juridique pour permettre à des acteurs issus de secteurs différents mais évoluant désormais sur un même marché, de disposer d’un cadre juridique homogène. L’affrontement des paradigmes brandi par certains auteurs ne nous paraît pas suffisant pour justifier la frilosité à l’égard d’une convergence institutionnelle qui pour nous peut être la bonne approche face au cloisonnement institutionnel.

DOSSOU-YOVO Marius Janvier
JURISTE – COMMUNICATEUR, Consultant Principal
Docteur d’Etat en droit privé
Directeur des Affaires Juridiques, de la Déontologie
et du Contentieux à la Haute Autorité de l’Audiovisuel
et de la Communication (HAAC)
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