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Accusés de vol à main armée et tentative de meurtre (5e dossier): Bouraïma Edeh condamné à 10 ans de prison, Boubé Zakari acquitté
Publié le mercredi 8 juillet 2015  |  La Nation
Cour
© Autre presse par DR
Cour d’appel de Parakou




C’est d’une affaire de vol à main armée et tentative de meurtre sur de jeunes appelés au Service militaire que la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou a connue lundi 6 juillet dernier. Bouraïma Edeh et Boubé Zakari sont les deux accusés à la barre. Le premier est condamné à 10 ans de réclusion criminelle alors que le second est acquitté au bénéfice du doute au terme de l’audience dans le cadre du 5e dossier de ces assises.

Voici les faits qui ont motivé le renvoi de Bouraïma Edeh et Boubé Zakari, deux Nigériens respectivement âgés de 27 et 37 ans, devant la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2008, de retour d’une partie de divertissement aux environs de deux heures à Gogounou, les nommés Hermann Noudémalin Tobi, Alain Agbégnonhou Kakpo et Euloge Oké, tous appelés du Service militaire d’intérêt national de la première promotion, se rendaient à la brigade où ils étaient logés. Arrivés au carrefour du marché de la ville, ils sont interpellés et menacés par deux individus armés de gourdins. Ils prirent tous la fuite, mais Euloge Oké fut rattrapé par les assaillants qui l’ont frappé et mis à poils. Ce dernier fut grièvement blessé et dépouillé de ses biens. Hermann Noudémalin Tobi et Alain Agbégnonhou Kakpo qui eux, ont pu échapper aux assaillants, sont arrivés sains et saufs à la brigade. Ils ont raconté leur mésaventure au commandant de la brigade qui diligenta aussitôt une patrouille pour retrouver Euloge Oké. Environ une heure plus tard, ce dernier parvint à la brigade, complètement nu et le corps ensanglanté. Les investigations menées par la gendarmerie de Gogounou permirent d’appréhender les nommés Bouraïma Edeh et Boubé Zakari qui étaient hier lundi dans le box des accusés.

L’audience de leur comparution s’est déroulée sous la houlette de Jean-Pierre Bandé Yérima, assisté de Maximilien Claude Olympio et Lié Norbert Dadjo. Quatre jurés tirés au sort faisaient également partie de la Cour : Oumar Baparapé, Sylvestre Sacca Lafia, Mêmounatou Bio Tchané et Ibrahim Aboudou. Le greffe est tenu par Brice Dossou-Yovo.

Des débats

Comme aux étapes précédentes de la procédure judiciaire, Bouraïma Edeh a reconnu hier les faits à lui reprochés avec forces détails. Mais contrairement à ses déclarations à la gendarmerie et devant le juge d’instruction, il soutient avoir agi seul alors qu’il avait toujours dit qu’il a commis l’acte avec Boubé Zakari, son aîné qui l’a hébergé et aidé à trouver un pousse-pousse pour un job. «Boubé n’en est pour rien. J’ai menti à cause du traitement qu’on m’a fait subir à la brigade», ravise Bouraïma Edeh. Il indique que c’est dans l’intention d’avoir de l’argent qu’il s’en est pris à la victime à qui il reconnaît avoir asséné plusieurs coups, sans pour autant préciser les endroits où elle a encaissé les coups. «C’est la nuit et dans l’obscurité», précise-t-il.


Quant à Boubé Zakari, il a toujours nié son implication dans cette affaire. A la barre hier, il est resté constant. «Je ne suis mêlé ni de près ni de loin à cette affaire», répète-t-il à l’audience. Cet homme a un destin particulier, au regard de son parcours relaté dans le rapport psychiatrique et médico-psychologique réalisé par le professeur Francis Tchégnonsi C. Tognon. Mécanicien automobile après avoir arrêté les études en classe de 4è, il a perdu sa femme de la même profession et deux enfants dans un accident de circulation avant de venir en aventure au Bénin où il exerce comme cordonnier. Ici, il est impliqué à tort ou à raison dans une affaire de braquage par un jeune compatriote qu’il a voulu aider en l’hébergeant et en lui trouvant un job à faire.
L’enquête de moralité réalisée auprès de ses codétenus à la prison civile de Kandi, lui est favorable même s’il est reconnu au départ par certains comme «violent, impulsif» avant de s’assagir complètement. Son co-accusé Bouraïma Edeh, lui aussi, se comporte également bien en détention. Il est respectueux, calme et n’a d’antécédent avec personne, à en croire les enquêtés.
Aussi, les deux accusés n’ont-ils pas d’antécédent judiciaire, leurs casiers étant encore vierges.

Boubé Zakari impliqué, selon le ministère public

Pour l’avocat général, Richard Limoan, Bouraïma Edeh n’aurait pas agi seul. Il n’en veut pour preuve que les propos tenus par les victimes qui parlent de deux agresseurs. «Je dis : il n’est pas seul. Entre temps, quelque chose s’est passé. Sinon pendant sept ans, il aurait écrit pour demander de mettre hors de cause son co-accusé. Il a certainement eu du remords par rapport au service que celui-ci lui a rendu», estime le ministère public. Parlant de Boubé Zakari, il a choisi la stratégie de «dénégation systématique», allègue Richard Limoan. «Il ne prouve pas à suffisance, qu’il n’est pas impliqué», affirme-t-il.
Revenant aux faits, il fait observer que l’article 381 du Code pénal est le siège de l’infraction de vol à main armée, punie de la peine de mort quand la soustraction frauduleuse de biens est accompagnée de violences, avant, pendant ou après l’acte. L’élément matériel réside dans la violence exercée et les objets dérobés. En ce qui concerne l’élément moral, il tient à la volonté des accusés de soustraire volontairement des biens de la victime et d’anéantir tous ses efforts.


Par rapport à la tentative de meurtre, l’avocat général évoque l’article 2 du Code pénal qui stipule que toute tentative de crime est considérée comme le crime même, bien que l’action soit suspendue pour une raison ou une autre. Il cite également l’article 295 du Code pénal qui qualifie de meurtre un homicide volontaire. En l’espèce, Bouraïma Edeh et Boubé Zakari ont choisi de donner la mort à la victime par des coups et blessures à lui infligés. L’intention est manifeste ; elle est même déjà concrétisée pour les accusés qui ont cru la victime morte, elle qui n’a eu la vie sauve que parce qu’elle a simulé le mort, fait-il remarquer.
L’avocat général soutient l’implication de Boubé Zakari dans les faits mais lui trouve des circonstances atténuantes. Par rapport à la sanction, il requiert qu’il plaise à la Cour de déclarer les deux accusés coupables mais de condamner Bouraïma Edeh à 10 ans de travaux forcés et son compère, Boubé Zakari, à sept ans de travaux forcés.

Insuffisances et plaidoiries

«Mon pays va mal. Les gens ne font pas correctement le travail pour lequel ils sont payés». C’est ainsi que Me Jean de Dieu Houssou, avocat de Bouraïma Edeh, exprime sa désolation par rapport aux insuffisances notées dans ce dossier. Il déplore que des officiers de police judiciaire se contentent juste de relater des faits sans apporter des éléments concrets. Nulle part à l’enquête préliminaire, il n’est fait état de ce que les gendarmes se sont déplacés sur les lieux pour vérifier si les faits sont réels et retrouver si possible le gourdin, signale-t-il. «Aucun scellé ne figure au dossier, or nous sommes en présence d’une infraction matérielle. Il ne suffit pas d’avoir des aveux pour condamner », indique-t-il. Mieux, si les victimes sont en tenues militaires comme on le fait croire, les accusés peuvent-ils vraiment les agresser ?», s’interroge Me Jean de Dieu Houssou. Et si on veut voler, pourquoi emporterait-on des habits et même des sous-vêtements ?, poursuit-il avant de conclure que la réalité des faits n’est pas ce qui est dit. «Dans notre pays, quand on a peur, on se met nu pour marcher. C’est peut-être ce qu’Euloge Oké a fait », suppose-t-il.
Le moindre certificat médical de la victime n’est versé au dossier, s’indigne-t-il. De plus, on ne dispose que d’une photo et Dieu seul sait si c’est vraiment la photo de la victime ; car cette photo est de quelqu’un qui ne peut même pas parler, à plus forte raison marcher, soutient-il.


Après avoir noté ces insuffisances, Me Jean de Dieu Houssou fait remarquer que son client a narré tout autre fait au psychiatre lors de son examen et en conclut que Bouraïma Edeh n’a pas toutes ses facultés mentales. Pour ce qui est de l’infraction, il pense que c’est un «vol de misère ». «Sinon comment comprendre qu’on puisse porter des coups à la tête de quelqu’un pour 10 000 francs CFA ou moins?», s’interroge-t-il. Puis, il surfe sur la foi des membres de la Cour pour implorer leur clémence dans le jugement, en évoquant cette période de carême où Dieu lui-même est amené à pardonner les infidélités et autres bêtises des hommes. «Faut-il lui couper la tête, puisque mon client a avoué ? Que vont devenir ces deux jeunes gens si la sanction est trop lourde ?», se demande Jean de Dieu Houssou.

Autre défense, puis le verdict

Me Mouftaou Bah Salifou qui défend les intérêts de Boubé Zakari, tente de démonter les arguments évoqués par le ministère public pour requérir la condamnation des deux accusés. «L’avocat général ne nous a pas dit ce en quoi consiste la participation, le degré d’implication de Boubé Zakari et quel acte matériel il a pu poser concrètement dans cette affaire. Ce n’est pas à l’accusé de prouver son implication ou non, mais plutôt au ministère public», regrette-t-il. Aussi, déplore-t-il l’absence de la partie civile et le fait qu’aucune perquisition n’ait été faite sur les lieux du crime ou au domicile des accusés. Revenant à son client, Me Mouftaou Bah Salifou souligne que si son client se reprochait quelque chose, il allait fuir et n’allait pas attendre que les gendarmes viennent l’arrêter chez lui. Malgré les sévices corporels à lui infligés, Boubé Zakari n’a pas varié dans ses déclarations. L’intéressé dit avoir été tellement bastonné à la brigade, si bien qu’il ne pouvait pas se lever pendant un mois.


En matière pénale, chacun est responsable des actes dont il est auteur. Et pour cela, la défense souhaite «une discrimination utile» en faveur de son client. Me Mouftaou Bah Salifou demande à la Cour d’acquitter, d’absoudre purement et simplement Boubé Zakari.
De retour du délibéré, la Cour rend un arrêté de condamnation et d’acquittement. Elle déclare non coupable le nommé Boubé Zakari des faits mis à sa charge et l’acquitte effectivement mais au bénéfice du doute. Il recouvre ainsi sa liberté.


Quant à Bouraïma Edeh, la Cour le déclare coupable de tentative de meurtre et de vol à main armée, faits prévus et punis respectivement par les articles 3, 295, 304 et 381 alinéa 1er du Code pénal. Il est ainsi déclaré pénalement responsable d’avoir tenté de donner la mort au nommé Euloge Oké, laquelle tentative est manifestée par un commencement d’exécution (le fait de donner des coups de gourdins sur la tête et le corps) et qui n’a manqué son effet que par suite de circonstance indépendante de sa volonté à savoir la fausse impression que la victime avait déjà succombé aux coups. Aussi, est-il déclaré coupable dans les mêmes circonstances de temps et de lieu d’avoir frauduleusement soustrait une somme de 5000 F CFA, un téléphone portable, un pantalon, un sous-vêtement au préjudice d’Euloge Oké qui en était légitime propriétaire avec cette circonstance qu’il était porteur d’une arme apparente. La Cour condamne Bouraïma Edeh à 10 ans de réclusion criminelle et aux frais envers l’Etat, fixe la durée de la contrainte par corps à deux mois. Le mis en cause bénéficie d’un délai de trois mois pour s’en acquitter. La Cour avise également le condamné qu’il dispose de trois jours francs pour se pourvoir en cassation.
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