Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aCotonou.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Professeur Noël Gbaguidi, Titulaire de la Chaire UNESCO: «Le respect des droits humains est une caractéristique de l’Etat de droit »
Publié le vendredi 10 juillet 2015  |  La Nation




Le professeur Noël Gbaguidi est le Titulaire de la Chaire Unesco des Droits de l’Homme et de la Personne humaine à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin. Chaque année désormais, son organisme organise, avec des partenaires, une session de formation régionale portant sur des questions majeures de droits humains. Cette année, ladite formation met l’accent sur les «Voies de recours contre la violation des droits de l’Homme et des Réfugiés dans un Etat de droit». Les réfugiés étant généralement en position de vulnérabilité ou d’ignorance de leurs droits, le professeur Noël Gbaguidi, explique ici comment mettre en œuvre cette protection.

La Nation: Professeur, au cœur de votre formation régionale de cette année, on observe qu’au-delà des droits de l’Homme, vous voulez mettre l’accent sur la question de la protection des droits des réfugiés. Pourquoi un tel choix?

Noël Gbaguidi : Je dirais qu’au cœur de la formation de cette année se trouve la protection des personnes physiques et morales contre la violation de leurs droits, et surtout la question des voies de recours contre la violation des droits de personnes. Bien entendu, les réfugiés constituent un cas spécifique de personnes plus vulnérables qui méritent davantage de protection. C’est pourquoi nous travaillons souvent avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) pour traiter cette protection catégorielle préoccupante aussi bien pour la paix que pour la tranquillité et la quiétude des personnes où qu’elles soient. Qu’elles soient chez elles ou qu’elles soient obligées de quitter chez elles pour une raison ou pour une autre. Cette année nous avons notre 11e session avec le HCR et la 16è session en général. Cette session est consacrée aux recours contre la violation des droits de l’Homme dans un Etat de droit. Nous spécifions Etat de droit parce que dans un tel Etat nous estimons premièrement que les droits de l’homme sont proclamés, que les droits fondamentaux des personnes sont promus et que les droits fondamentaux des personnes doivent être protégés. Cette protection passe par l’établissement d’instances dans lesquelles les personnes victimes peuvent être écoutées et les auteurs des violations peuvent être éventuellement condamnés. Cela est d’autant nécessaire que l’esprit des droits de l’Homme se répand partout et doit être propagé partout et il doit être protégé. Protégé parce que le respect des droits de l’Homme est devenu une caractéristique, une marque de l’Etat de droit, de l’approfondissement de l’Etat de droit et une marque de la consolidation de l’Etat de droit. Un Etat dans lequel les droits de l’Homme ne sont pas protégés n’est pas un Etat de droit. Pour ce faire, on a tenté aussi bien à l’interne qu’à l’international de créer des instances devant lesquelles les victimes peuvent être écoutées. Il nous revient pendant cette session de montrer ces instances et de dire comment on peut saisir ces instances et, éventuellement, obtenir réparation. Puis d’évaluer le travail fait par ces instances aussi bien à l’interne qu’à l’international. A l’interne, nous avons les juridictions ordinaires mais nous avons notre Cour constitutionnelle qui en matière de droits de l’Homme fait un travail remarquable de réputation mondiale. Et puis nous avons des instances régionales, nous avons la Cour de justice de la CEDEAO, nous avons la Cour africaine des droits de l’Homme et nous avons d’autres Cours qui ont été créées pour des violations spécifiques par exemple la Cour pénale internationale (CPI) et les tribunaux ad'hoc. Mais devant chaque instance, en droit, il y a une démarche spécifique. Nous voulons montrer aux personnes que nous avons invitées, qui sont des activistes des droits humains et qui travaillent dans leurs Etats respectifs pour la protection des droits humains, comment elles peuvent davantage œuvrer à la protection de ces droits humains en exploitant toutes les voies de recours à leur disposition aussi bien à l’interne qu’à l’international.

En focalisant l’attention sur les réfugiés, entendez-vous bien enseigner que quoique réfugiées, ces personnes demeurent des sujets de droit ?

En effet. Et comme je le disais, où que soient les personnes humaines, chez elles ou à l’étranger, elles ont droit à une protection. Et si elles sont réfugiées, donc sujettes à la vulnérabilité, elles ont droit à une protection particulière. C’est justement pourquoi nous avons invité à cette session des personnes chargées de la protection de ces personnes particulièrement vulnérables. A rappeler que les personnes humaines sont égales partout et il n’y a pas à distinguer, en la matière, population autochtone et population étrangère. La personne, de par sa dignité, ce qui la distingue de l’animal, a droit au respect où qu’elle se trouve, dans son intégrité physique, dans sa manière de penser, dans ses croyances, dans sa manière de vivre, dans son environnement. On doit donc comprendre que le réfugié est une personne humaine qui a droit à égale protection que le national de son Etat d’accueil.

Si le réfugié apparaît en posture vulnérable, comment donc mettre en mouvement le mécanisme de sa protection sachant qu’il peut lui être difficile, par lui-même, de le faire en raison justement de sa vulnérabilité ?

Votre préoccupation est bien fondée. Et c’est l’intérêt de cette formation qui fait que nous avons invité des personnes qui s’occupent particulièrement des réfugiés, mais qui ne savent pas toujours qu’il y a des voies de recours qu’elles peuvent utiliser pour obtenir une meilleure protection des réfugiés.

Professeur Gbaguidi, l’on sait que les crises politiques génèrent des flux de réfugiés. Or l’Afrique est toujours en proie à des crises du genre. Ne craignez-vous pas de devoir recommencer chaque fois le même exercice ?

Je vous comprends parfaitement mais je reste optimiste. Je crois que malgré tout, malgré les difficultés qui sont réelles, les situations d’instabilité remarquables ici et là, l’Afrique a fait de gros progrès, de très gros progrès même. Vous savez, lors de la conférence inaugurale de notre formation, nous avons relevé que des Etats comme le Niger et le Togo ont été condamnés par des instances régionales et ont exécuté les décisions. Des Etats que certains voient parfois comme réfractaires à l’Etat de droit, se sont pliés aux décisions de ces instances, chose peut-être inimaginable il y a quelques années en arrière. Donc je dirais que l’Afrique est un continent en transition, avec des Etats qui se portent très bien, d’autres moins bien, d’autres encore se cherchent. Mais dans l’ensemble le continent progresse. Et contrairement à ce qu’on croit, il absorbe lui-même la majeure partie de ses réfugiés. Ainsi, ceux qui pensent que nous sommes de gros producteurs de réfugiés pour d’autres continents ont tout faux. C’est vrai que la stabilité, la paix à l’intérieur des Etats doivent être recherchées pour réduire le flux de réfugiés.

Vous postulez, professeur, que les instances régionales et continentales de sanction des violations des droits de l’Homme sont assez efficaces… ?

Oui, je dirais assez bien. Nous progressons. Voyons 30 ou 40 ans en arrière si des Etats condamnés à réparer les violations commises en matière des droits de l'Homme auraient exécuté les décisions de ces instances communautaires. Qu’on dise que l’Etat du Niger ou du Togo a violé les droits des citoyens et qu’ils se plient aux décisions, c’est une grosse avancée. En dehors des montants des indemnités qui peuvent être discutés, contestés ou querellés, il y a une réalité que les Etats en question ont d’abord accepté les décisions. Le Bénin aussi a été condamné par des Cours ou des instances non juridictionnelles… Le Bénin est un cas à part.

Justement professeur, faites-vous allusion à cette sentence de la CCJA dans le cadre de l’affaire PVI opposant l’Etat à une personne morale ?

Ce cas encore est différent parce qu’il donne lieu à un contentieux commercial ordinaire. Je parle de cas où il y a violation des droits humains, même si les violations de normes commerciales peuvent cacher des violations de droits humains. Mais le contentieux apparent est commercial. Là-dessus les voies de recours ont été exercées, se poursuivent comme les voies d’exécution vont s’exercer. C’est au moment où les voies d’exécution seraient impossibles et la brimade caractérisée, que nous parlerons de violation des droits humains et là les victimes peuvent saisir les instances appropriées, qui peuvent condamner le Bénin. On n’oubliera pas qu’il y a même des astuces techniques, comme les sentences flottantes, qui permettent, lorsque le pays décide de ne pas s’exécuter ou que ses juridictions nationales décident que la sentence n’est pas valide, de les faire exécuter à l’étranger. Donc dans cette conjoncture internationale globale, où l’esprit des droits de l’Homme se répand partout, on ne peut plus faire n’importe quoi. Cela, il faut le dire partout pour que les gens le comprennent bien.

Professeur Gbaguidi, vous disiez que les choses évoluent. La Cour pénale internationale en est probablement une illustration. Mais elle est de plus en plus dénoncée par des chefs d’Etat africains qui menacent d’en sortir. Quelle est votre appréciation ?

Sur la question, je reste partagé et j’ai eu l’occasion de le dire devant certaines audiences. Les réactions des Africains sont légitimes par rapport à cette partialité de la CPI, à sa promptitude à se saisir des cas des dirigeants africains, des militaires africains… Quand on observe ce qui se passe sur d’autres continents. Observez le Moyen-Orient, foyer des plus grosses violations des droits humains. Observez même aux Etats-Unis, en Amérique latine… Pourtant on ne les poursuit pas. Et qu’on ne nous dise pas que ces Etats n’ont pas ratifié le Statut de Rome. Ce serait trop court comme argument car la non ratification n’empêche les poursuites. Donc sur ce plan, je peux comprendre les frustrations des Africains. Mais à supposer que ce que font les responsables de la CPI vise à choquer les Africains pour qu’ils comprennent les enjeux des droits de l’Homme, alors je prends un mal pour un bien en me disant qu’au moins nos dirigeants auront désormais peur de faire n’importe quoi. Je vois par exemple certains Etats dont les dirigeants ont été menacés de CPI et où ils font très attention désormais. En somme, la CPI peut incidemment servir à la promotion des droits humains sur le continent.
Commentaires