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Lettre ouverte de Yahouédéou, Azanaï, Tidjani-Serpos et Fikara aux présidents des institutions de la république: Le retrait de la révision exigé pour défaut de consensus et de «l’avis préalable de la Cour suprême»
Publié le mardi 3 septembre 2013   |  L`événement Précis




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Dans une lettre ouverte adressée aux présidents des institutions de la république, les anciens députés Janvier Yahouédéou et Ismaël Tidjani-Serpos ainsi que Fikara Sacca et Candide Azanaï ont exigé le retrait pur et simple du projet envoyé par le gouvernement. Ils se fondent pour cela sur le fait que le projet envoyé n’a pas recueilli « l’avis préalable de la Cour suprême ». Ils ajoutent que le « projet de révision de la Constitution qui n’a pas été élaboré sur la base d’un consensus national préalable, expression d’une volonté sincère de dialogue politique, est également irrecevable par le Parlement auquel il ne revient pas de procéder au rattrapage de cette lacune par une simple vulgarisation du projet, ou une consultation après coup. » Cette lettre envoyée aux présidents de toutes les institutions intervient après la dernière réunion que ceux-ci ont tenue le 23 août 2013 autour des grandes préoccupations du pays.

Lettre ouverte à Madame et Messieurs les Présidents des Institutions d’Etat

Objet : les exigences du dialogue politique dans le processus de révision de la Constitution

Comme vous avez dû vous en apercevoir, l’un des points cruciaux du message de la Conférence épiscopale du Bénin sur le malaise politique actuel et la révision de la Constitution porte sur l’urgence de l’institution d’un dialogue politique dans notre pays. En effet on peut lire dans ce message historique :

« L’une des facettes les plus critiques du malaise ambiant est le malaise politique. La mouvance et l’ensemble de l’opposition se toisent. La vraie communication est absente, sélective par moments, mais toujours empreinte de méfiance et de suspicion. Notre démocratie se porterait mieux, si les règles d’une saine coopération consensuellement établies étaient cultivées et entretenues. Le malaise politique actuel appelle à un dialogue qui ouvrirait à une meilleure connaissance réciproque des parties, à une appréciation objective diversifiée, et par conséquent plus juste des problèmes ».

Suite à votre réunion conjointe du vendredi 23 Août 2013, votre porte-parole, le président HOLO, a déclaré ce qui suit : «…. Depuis 2007, la Cour constitutionnelle a déclaré le consensus comme valeur constitutionnelle. Toute révision de la Constitution doit se faire dans le consensus. Il faut d’abord que les populations puissent s’approprier le contenu du projet de révision. Le peuple ne peut pas être indifférent. Le peuple est le meilleur garant de l’ordre constitutionnel. Il faut travailler à ce que les acteurs puissent faire le débat. Nous notons qu’au niveau des maires, un travail a été fait. Ainsi, nous nous sommes entendus que chaque institution, dans les limites de ses prérogatives, doit jouer sa partition ».

Nous sommes totalement d’accord que la décision de la Cour Constitutionnelle DCC 06-74 du 08 juillet 2006 a mis en exergue que «même si la Constitution a prévu les modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment le consensus national, principe à valeur constitutionnelle».

Ceci étant, la première grande question qui interpelle tout analyste objectif, c’est de savoir si le projet de révision de la Constitution émanant du Gouvernement est recevable en l’état par le parlement si le passage obligé préalable de consultation de la Cour Suprême d’un projet de loi provenant de l’Exécutif a été escamoté. Quand l’irrecevabilité du projet de loi n’a pas été prononcée d’office par le Président de l’Assemblée nationale qui en a la prérogative, ce dernier ne devrait-il pas se rattraper quand le motif de l’irrecevabilité lui est apparu après coup ? Pourquoi votre réunion conjointe n’a pas cru devoir inspirer le chef de l’institution parlementaire et celui de l’Exécutif sur cette exigence légale ? Si le principe à valeur constitutionnelle qu’est le consensus a prévalu au cours de la réunion conjointe des présidents des institutions d’Etat, c’est tout de même curieux que le respect de la légalité que constitue l’exigence de la consultation préalable de la Cour Suprême par l’Exécutif ait été apparemment occulté au cours de vos échanges, à moins que vous n’ayez balayé du revers de la main, de propos délibéré, cette exigence, ce qui serait de nature à renforcer le doute criard qui prévaut pour des raisons diverses sur les institutions d’Etat de notre pays.

Le citoyen s’interroge même sur la crédibilité des étapes du circuit abrégé qui a amené à ce nouveau texte de la Constitution.

En effet, La première étape fut la création de la Commission «Ahanhanzo-Glèlè», une commission de relecture et non de révision de la constitution. La conclusion du rapport de cette commission est formelle:

« En créant la commission, le gouvernement lui a demandé de relire la Constitution de 1990 et non d’en rédiger une nouvelle. Il n’empêche que les modifications suggérées ne pourront être intégrées au texte initial de décembre 1990 que si elles reçoivent un large consensus de l’opinion publique et des forces politiques et sociales ».

Après cette conclusion, la suite apportée au rapport de la commission Ahanhanzo-Glèlè fut la naissance de la commission Gnonlonfoun. Mais les conclusions du rapport de cette dernière commission sont restées secrètes.

Quelles ont été les conclusions de la commission Gnonlonfoun et quelles ont été les modifications apportées au niveau du Chef de l’Etat ?

Autre préoccupation dont la juste résolution permet d’avancer rationnellement, c’est la compréhension qu’il convient d’avoir du concept de consensus? Eh bien, il s’agit dans le cas d’espèce d’une procédure qui consiste à dégager un accord, une concordance, une harmonie, une cohésion sans procéder à un vote formel, ce qui évite de faire apparaître les objections, les oppositions, les tensions et les abstentions. Le consensus n’est donc pas une question de rapport de forces entre majorité et minorité ; c’est le fruit d’un véritable dialogue ouvert qui aboutit à une formule à laquelle toutes les tendances politiques adhèrent ; dans ces conditions, si toutes les forces ne s’associent pas à l’opportunité de la révision, comme c’est massivement le cas actuellement, il ne peut donc pas y avoir de consensus transparent et limpide sur la question de la révision de la Constitution telle qu’elle se présente aujourd’hui.

En outre, en nous référant à l’expérience historique du Bénin qu’est la Conférence nationale des forces vives, quelles sont les composantes de cette procédure consensuelle de dialogue ? Pour faire du consensus un principe à valeur constitutionnelle, la Cour constitutionnelle dans sa décision en 2006 s’est bien référée aux paramètres de la Conférence nationale à laquelle ont pris part essentiellement diverses personnalités politiques, les organisations des forces sociales civiles et militaires, les délégués des différentes communautés religieuses, etc. Les partis politiques, en dehors du Parti de la Révolution Populaire du Bénin, n’y étaient pas officiellement représentés puisqu’ils n’étaient pas sensés existés en ce moment-là ; quant au Parti Communiste du Bénin, il s’est abstenu de participer à cette conférence, mais ce qu’il était convenu d’appeler sensibilités politiques, associations et mouvements politiques autres que le PRPB et ses organisations satellites officielles y ont été invités. La popularisation n’est aucunement un paramètre en matière de réalisation du consensus, qui suppose un vrai dialogue ouvert et sincère, et la prise en compte des conclusions synthèses qui découlent dudit dialogue. Aujourd’hui, la recherche d’un consensus ne doit-il pas être préalable à l’élaboration du projet de révision de la constitution, et ce projet ne doit-il pas être la traduction du consensus obtenu au lieu d’être l’inverse? La procédure de consensus doit aujourd’hui impliquer un dialogue franc et sincère entre les partis de la mouvance présidentielle, ceux de l’opposition, les forces sociales civiles et militaires, les communautés religieuses, les personnalités politiques et techniques….. ?
Enfin, la réalisation du consensus en ce qui concerne un projet de révision de la Constitution émanant de l’exécutif revient-elle au Parlement ? Revient-il au parlement de se substituer à l’auteur du projet de révision de la Constitution pour réaliser le consensus, principe à valeur constitutionnelle ? En principe non ! Si le projet de révision n’a pas été réalisé sur une base consensuelle, il ne revient pas au parlement de faire après coup une opération de colmatage en guise de réalisation d’un véritable consensus. Dans le cas de figure du projet dont notre Parlement est saisi, cette institution devrait conclure purement et simplement au rejet dudit projet pour défaut de consensus.

En conséquence, l’entente intervenue entre vous, selon les termes utilisés par votre porte-parole, comme quoi vous vous seriez entendus pour que « chaque institution, dans les limites de ses prérogatives, joue sa partition » ne doit pas être la porte ouverte ou l’appui à toutes les dérives combinatoires dans la gestion de ce dossier.

Vous vous êtes réunis le 23 Août 2013 au lendemain d’une réunion du bureau de l’Assemblée nationale au cours de laquelle, d’après la restitution publique qu’en a faite l’honorable André OKOUNLOLA, premier secrétaire parlementaire dudit bureau,
il aurait été décidé que le bureau du Parlement prendrait les dispositions nécessaires pour « vider les préalables inhérents pour une révision consensuelle de la loi fondamentale.
Dans ce cadre, a-t-il dévoilé, la sixième législature en accord avec la Commission des Lois de l’Assemblée nationale saisie au fond, et celle en charge du Plan, saisie pour avis, organiserait les concertations nécessaires avec toutes les Forces sociopolitiques du Bénin afin que soient vidées les questions d’opportunité ou non de la révision constitutionnelle ».

Si nous nous en tenons aux termes des propos tenus par l’honorable OKOUNLOLA, revient-il au Parlement de réaliser les préalables d’un projet de révision de la Constitution émanent du Président de la République ? En principe, si le constat est fait que lesdits préalables n’ont pas été réalisés avant l’élaboration du projet ou que ce dernier n’est pas conforme aux conclusions desdits préalables, le Parlement n’a rien d’autre à faire que de rejeter purement et simplement le projet de révision de la Constitution qui se serait révélé non conforme aux normes constitutionnelles.

En conclusion, nous pensons que dans l’exercice de la révision de la Constitution, la non réalisation des actes préalables à la confection du projet de révision rend ce dernier irrecevable sans aucune possibilité de correction après coup. Le rejet formel pur et simple dudit projet est imparable. Ainsi, un projet qui n’a pas recueilli l’avis préalable de la Cour suprême est irrecevable par le Parlement. De même, un projet de révision de la Constitution qui n’a pas été élaboré sur la base d’un consensus national préalable, expression d’une volonté sincère de dialogue politique, est également irrecevable par le Parlement auquel il ne revient pas de procéder au rattrapage de cette lacune par une simple vulgarisation du projet, ou une consultation après coup.
Avec l’assurance que notre présente contribution permettra aux institutions compétentes de corriger résolument les errements que suscite l’actuel projet de révision de la Constitution, nous vous prions d’agréer l’expression de notre sincère considération.

Janvier YAHOUEDEHOU Candide AZANNAÏ

Ismael TIDJANI-SERPOS Sacca FIKARA

03 BP 3772 Cotonou

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