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L’Honorable Assan Séibou sur l’actualité nationale : « Nous sommes pris en otage par la Cour…
Publié le vendredi 28 aout 2015  |  Fraternité
Assan
© aCotonou.com par DR
Assan Séibou , député Alliance pour un Bénin triomphant (Abt)




Avec un sourire furtif et un regard volontaire, Assan Séibou nous a reçus dans un décor modeste. Député des 4ème et 5ème législatures il a encore fait apprécier son franc-parler et ses formules drôles. Né vers 1967 à Copargo dans la Donga, l’ancien député Madep qui a, pendant 10 ans, été le vice-président du parlement de la Cedeao est aujourd’hui membre influent de l’Alliance pour un Bénin triomphant (Abt). D’ailleurs, l’homme politique qui est aussi un homme d’affaires est le conseiller politique du président Abdoulaye Bio Tchané. Dans cet entretien exclusif, l’opposant à Boni Yayi revient sur les grands sujets qui ont marqué l’actualité nationale ces derniers mois. De la bataille du perchoir aux dernières déclarations du chef de l’Etat à Djougou en passant par la probable candidature de Patrice Talon et la décision à polémique de la Cour constitutionnelle, l’ancien député a donné son point de vue. Lisez plutôt.
On vous a entendu, il y a très longtemps. Qu’est-ce qui explique ce long silence ?
Assan Séibou : Mon silence est dû à un certain nombre de choses. La vie politique elle-même, la manière dont elle évolue, demandent que l’on réfléchisse avant d’agir. Ce n’est pas qu’on ne réfléchissait pas avant d’agir mais je ne suis plus tellement devant la scène, là où il faut porter la parole. Je suis dans une équipe politique dans laquelle on a réorganisé les choses, et il faut une certaine retenue parce que tout ce que je peux dire peut devenir une responsabilité pour les autres dans un certain sens, et vous n’ignorez pas que je suis membre de l’alliance Abt et je soutiens fermement le président Bio Tchané Abdoulaye depuis quelques années. Et donc par rapport à ça, il faut garder une certaine norme qui souhaite qu’on soit plus ou moins discret. Je le fais comme je le peux, mais à des moments, je parle même si ce n’est pas par vos canaux. Il y a aussi le fait que je sois de l’opposition et je l’ai toujours été. Ça n’a pas été du tout facile pour les journalistes de nous approcher pour des raisons que nous connaissons tous, soit des représailles, soit parfois même la ligne éditoriale. Sinon, qu’il y a des moments où véritablement, il est arrivé qu’on nous ait esquivés poliment des organes de presse d’une certaine façon et nous avons compris. Vous aussi ne me preniez en interview parfois que lorsque, soit vous avez décidé de vous battre, soit votre ligne éditoriale vous en permet. Donc, c’est une responsabilité commune. Voilà des raisons pour lesquelles vous ne m’avez pas vu pendant un moment.

Vous avez dit que vous êtes membre de l’alliance Abt qui s’en est sortie avec deux députés lors des dernières élections législatives et pour la bataille du perchoir, vous avez soutenu maître Adrien Houngbédji. Qu’est-ce qui explique ce choix ?
D’abord, pour ce qui est des élections législatives, bien sûr que nous avons eu deux députés. C’est le premier essai. Mais, le combat législatif est différent de celui présidentiel, communal ou local et il n’est pas simple de tenir la ligne en face d’un adversaire comme Yayi, c’est-à-dire un homme qui est prêt à tout, un chef d’Etat qui n’a pas de scrupule en matière électorale et qui ne s’encombre de rien pour atteindre un objectif. Lui-même est en campagne et cherche à vous désorganiser. Il ne donne pas la chance aux formations politiques d’exister. Donc, nous sommes rentrés dans la ligne tracée par lui-même parmi des formations politiques qu’il fallait détruire sur le terrain. Nous n’avons fait que nous donner la chance d’exister sur le plan national. Avoir un député aux élections législatives en face du président Yayi, c’est vraiment une prouesse. Un seul déjà, c’est une prouesse. Et il faut être déterminé, il faut tenir à exister et il faut se battre dur contre lui. Ce n’est pas la même chose avec les chefs d’Etat qu’on a eus avant lui et qui laissent jouer le jeu démocratique. Ici, il y a peu de jeux démocratiques qui se font. Il y a plutôt des intimidations. Vous avez suivi même après les législatives, c’est dans la Donga, là où nous avons un ou deux députés, c’est là où le président porte le plus de coups. Vous l’avez suivi lors des communales. Vous avez vu les péripéties. Et c’est ça qui a permis de faire le choix de Maître Adrien Houngbédji.
Et à l’arrivée, quand vous gagnez vos places de députés, vous avez une ligne. Nous ne pouvons pas avoir affronté Yayi de cette façon là, nous ne pouvons pas avoir été dans le registre des partis adversaires et faire un autre choix. Le président Yayi ne classe pas l’alliance Abt parmi ses adversaires transversaux. Chez lui, il y a seulement des ennemis, il n’y a pas des adversaires. Et il ne peut pas tolérer que l’alliance Soleil, l’alliance Abt, nous nous exprimons dans une région comme le nord. Sur tous les plans, les positions régionalistes du président Yayi ne sont plus à expliquer aux Béninois. Il se dit que là-bas, personne n’a le droit et c’est lui seul qui doit exister. Donc, quand on revient d’un tel combat, on est dans une ligne. Maître Adrien Houngbédji est dans notre ligne. Si c’est nous qui avions eu la majorité, nous aurions pris le perchoir sans regarder à gauche ou à droite. Maître Adrien Houngbédji fait partie du groupe politique avec lequel on s’est concerté et qui nous paraissait bon pour ce moment là, ce moment de l’histoire de notre pays.

Vous avez eu deux députés, le score était de 41 à 42. Ça veut dire que vos députés ont pesé lourd. Mais, pourquoi n’avoir pas négocié des postes puisque jusque là, on ne sait pas véritablement ce que l’alliance Abt a eu avec son soutien à Houngbédji ?
Il faut dire d’abord que nous sommes très heureux que les deux députés aient soutenu maître Houngbédji. Vous me connaissez, les compromissions, ce n’est pas ma chose. Je suis très heureux que nos deux députés aient pesé dans cette balance là. On a dit qu’on avait deux députés et que c’est insignifiant. Aujourd’hui, je me réjouis que pour les deux députés, le président Houngbédji reconnaît et tout le Bénin avec, que nous avons pesé de notre poids pour que cela se passe ainsi. Vous savez, dans une élection du président de l’Assemblée nationale, c’est une décision qui détermine le destin du pays. Si nos deux députés n’avaient pas pesé de cette façon, le cours de l’histoire de ce pays ne serait pas ce qu’on est en train de vivre. C’est comme si on est remonté à un niveau donné pour changer le cours de ce qui veut se passer. Nous avions tous des craintes. Tout le Bénin avait des craintes. Seul le président Yayi n’avait pas de crainte parce qu’il y avait le spectre de révision de la Constitution, le spectre de blocage…Ce n’est quand même pas ce jour là qu’on a commencé par voir le président Yayi en face, c’est depuis très longtemps. Cela faisait plus de huit ans que nous l’avons vu pratiquer, que tout le Bénin l’a vu pratiquer et je crois qu’il n’y a pas un Béninois qui n’ait pas été soulagé. J’ai vu des députés de la mouvance avec qui j’ai échangé qui étaient aussi soulagés. Ils étaient contents de ce qui s’est passé. Vous savez un vote politique n’est pas un vote souvent de conscience ou un vote serein. On fait la discipline de groupe, mais nous avons porté notre choix sur Maître Adrien Houngbédji et je suis heureux de ce choix.
Nous devrions négocier. On ne fait pas un vote sans négociation, mais la priorité pour l’alliance Abt et pour le président Abdoulaye Bio Tchané était de faire un vote de sauvegarde de la démocratie. Pour nous tous, il fallait voter dans ce sens pour assurer la continuité dans la sérénité du processus démocratique. Il faut équilibrer le jeu. Quand vous faites un choix politique, ce qui est prioritaire, c’est votre objectif principal. Ce que vous appelez négociation, c’est le partage de postes. Et c’est ça qui a tué ce pays. On abandonne l’idéal pour le partage de postes. Vous voyez des gens au Bénin, des fonctionnaires prêts à tout, prêts à aller se faire humilier parce qu’ils tiennent juste un à poste et ils ne veulent pas qu’on dise demain que le président les a enlevés de ce poste. Quelqu’un est radicalement opposé, il exprime son opposition sur la manière de gouverner le pays. Mais le lendemain, vous apprenez qu’il est déjà là-bas, dans cette mare là juste parce qu’on lui a promis un poste. Et ce n’est encore qu’une promesse. On lui a promis un poste ou on lui a donné un poste, à l’alliance Abt, nous ne jouons pas à ça.

Est-ce qu’au-delà du partage des postes, ce n’est pas aussi un vote politique, sachant que l’adversaire de maître Adrien Houngbédji est du Nord, donc un adversaire potentiel ?
Vous pensez qu’à l’heure où il y a l’enjeu national, où l’unité nationale est en train d’être en péril, nous tenons à ces détails là ? Komi Koutché aurait même pu être de la Donga, nous n’aurions pas voté pour lui parce que c’est un choix politique que nous avons fait. Vous avez dit que le vote est politique, mais nous sommes à l’hémicycle, nous sommes à l’Assemblée Nationale ! L’Assemblée Nationale est le temple de la démocratie et c’est l’expression du choix de la ligne politique. Un homme politique, c’est qui ? Ou faire la politique, c’est quoi ? Mais, c’est se consacrer à la gestion de la cité. Faire des options de pratiques politiques qui assurent le bien-être à chacun. Vous ne pensez pas au bien-être individuel pour dire que vous voulez faire la politique. C’est impossible. Dans la politique, on regarde le tout, globalement, de façon nationale. On fait des options dans lesquelles on pense que le pays va s’épanouir, se développer et d’où chacun de nous peut trouver son salut. C’est la gestion de la cité. Mais quand des hommes politiques peuvent oublier que c’est de la gestion de la cité qu’il est question, ils ont déraillé. Et quand on va aborder le côté des considérations régionales et dire que Houngbédji est de l’Ouémé, l’autre est des Collines, l’autre est de l’Atacora, on n’est plus dans la considération de la gestion de la cité ; on est dans des considérations individualistes. Et si c’est des considérations individualistes, c’est plus de la politique de développement. Donc, c’est vrai, nous avons fait un vote politique et nous ne pouvons que faire un vote politique. Ce qui veut dire que personnellement, nous n’avons aucun problème avec Komi Koutché. On est des amis. Déjà, votre question prouve que nous devons nous montrer plus frères avec lui qu’avec l’autre. Oui, c’est possible. Mais, qu’est-ce qui vous fait dire que nous ne sommes pas plus frères avec Houngbédji qu’avec lui ? Parce que le frère, ce n’est pas nécessairement sur votre territoire géographique. Vous pouvez même être de même père, même mère, et être de territoire géographique isolé. Le jeu politique n’est pas pour nous, une affaire de fraternité. C’est une affaire d’option pour le pays.

Nous allons décrypter un peu la dernière décision de la Cour constitutionnelle. Est-ce que vous trouvez logique cette décision par rapport à la limite d’âge de 40 ans à la date de dépôt des candidatures ?
Cette décision de la Cour constitutionnelle, je la trouve farfelue. Notre Constitution exprime quoi ? Elle exprime la volonté du peuple, ce que nous avons voulu à la conférence nationale, ça a été clairement exprimé que pour nous, quand quelqu’un depuis le jour de sa naissance jusqu’au dépôt de candidature n’a pas 40 ans comme entendu au sens populaire, ce n’est pas des juristes qui se sont retrouvés à la conférence, c’est toute la nation et nous avons exprimé ce que cela veut dire, avoir 40 ans. Vous prenez quelqu’un dans notre pays, il vous dira je fête mon anniversaire à telle date, j’aurai 40 ans à cette date. Et nous savons que quand quelqu’un est né à une date, il ferme une année à la même date de l’année suivante. Donc, avoir 40 ans pour quelqu’un qui a une date de naissance, c’est l’avoir à un jour précis. Il y a des exceptions. Même le Général Kérékou l’a dit, l’âge que vous me donnez, ce n’est pas mon âge, c’est pour les Blancs. C’est-à-dire qu’on a estimé l’âge des gens. Moi-même, je suis né vers 1967. Ce n’est pas précis, mais le législateur depuis très longtemps a dit que celui qui est né vers, le 1er janvier déjà, fête son anniversaire. Cela peut avoir des avantages comme des inconvénients. Et la Constitution a été claire, 40 ans à la date de dépôt. C’est-à-dire, à la conférence, tout le monde n’était pas imbécile pour savoir qu’il s’agit d’une date. Et une date, il s’agit du jour, du mois, de l’année et même parfois l’heure. Quel est le Béninois qui ne sait pas ce qu’on appelle la date. Depuis qu’on allait à l’école depuis le CI, on savait déjà ce qu’on appelle date au tableau. Vous ne commencez pas à écrire dans votre cahier sans mettre la date. Tout ce qu’on nous a enseigné n’a pas de sens, vont-ils dire ? Il faut des juristes pour venir nous parler d’un adage européen. La volonté populaire nationale sait que la date, c’est un jour de naissance et il ne faut pas jouer avec ce fait. Ce n’est qu’un jeu et il ne faut pas jouer avec la volonté de tout un peuple.

Est-ce-que vous dites là indirectement que c’est une décision politique ?
C’est la Cour constitutionnelle, ce n’est pas une cour judiciaire, c’est une cour politique et elle le démontre chaque jour, on taille les décisions selon ce qu’on veut obtenir. Et là-dessus, je n’ai pas de doute, il doit avoir dans le cadre politique béninois, des gens qu’on veut qu’ils soient candidats et qui n’ont pas 40 ans, mais qui approchent les 40 ans. Nous avons appris à voir des décisions dans ce pays qui ne peuvent plus surprendre. Le jeu bas se fait même par ceux qui doivent être les plus sages au monde. Cette cour là, n’est plus la cour des sages, c’est plutôt la cour des tailleurs politiques. Ils taillent les choses à la mesure de celui qui les a mis à leur poste.

Et que compte faire la classe politique pour remédier à cette situation ?
Quand vous laissez le lionceau grandir, quand il devient un lion mature, vous ne pouvez plus le chasser avec un bâton. Vous ne pouvez l’arrêter ni l’abattre avec un bâton. Aujourd’hui, nous avons fabriqué quelque chose qui s’impose à nous, parce que c’est une clé de l’équilibre de notre démocratie. Le jour où nous allons refuser de reconnaître que la décision de la cour va s’imposer à nous, le jour-là, nous allons casser un des piliers sur lesquels est basée la stabilité démocratique. Nous allons subir des coups. Mais, nous nous concertons pour voir de quelle manière, il faut remédier à long terme au problème. Nous envisageons avec les autres dans quelle mesure revoir la Constitution de notre pays. Revoir dans quelle mesure nous ne nous ferons pas gouverner sur la base des adages et sur la base de la volonté d’un individu. Le seigneur que nous attendons n’est pas la Cour constitutionnelle. On sait comment ceux qui se disent sages de la Cour constitutionnelle sont arrivés là. Il n’y a aucun Béninois qui ne pense pas que notre Constitution doit être revue dans une certaine proportion.

Vous ne pensez pas que ce sera fragiliser la démocratie que de s’opposer aux décisions de la Cour constitutionnelle ?
Tout dépend de la façon dont la cour rend ses décisions. La cour rend ses décisions sans se référer à qui que ce soit. Elle n’a pas de freins. Comment pouvons-nous fabriquer une institution qu’on ne peut pas contrôler ? Ses décisions sont irrévocables. On ne peut l’orienter ni retirer personne. Ces sages là sont à la portée du chef de l’Etat. Certains sont désignés par le bureau de l’Assemblée nationale. A l’Assemblée nationale, il y a toujours une partie qui soutient le chef de l’Etat ou qui ne le soutient pas. Et les critères de sélection ne sont pas exempts de reproches. Les députés proposent n’importe qui. La dernière fois que le président Yayi contrôlait l’Assemblée nationale, nous avons vu que la plupart des cadres sont désignés par lui et nous savons comment cela se passe. Ce qui est dangereux dans ce pays, c’est que nous voyons les choses, nous savons comment cela se passe. Et pourtant, certains ont un langage hypocrite.

Quelles réformes apporter afin de rendre la Cour plus performante ?
Je n’ai pas la clé ou la formule magique, néanmoins, les décisions de la cour, avant d’être rendues, doivent passer quand même par un certain nombre de mailles. Par exemple, quand ils disent 39 ans plus un jour dans l’année de dépôt, avec qui ils ont discuté, ces 7 sages ? Et je suis sûr que parmi les 7 membres de la cour, il y a certains mêmes qui n’ont pas participé au débat. Je connais cette instance et je sais qu’il y a une ou deux personnes qui s’imposent aux autres. Mais, si une interprétation soulève autant de polémique, s’il y avait la possibilité de recourir dans ce type de décision à l’Assemblée nationale pour requérir l’avis des députés quand cela devient critique, ce sera bon. La décision de la cour est sans recours, toutefois, si une contestation est formulée par un certain nombre de députés, le débat peut reprendre à l’Assemblée nationale afin que les décisions de la cour soient revues. Cette réforme peut être salvatrice. Sinon, nous sommes pris en otage par ces membres de la cour. Le président de la Cour se lève, écrit une lettre dans son bureau, publie sans consulter les autres et cette décision s’impose à tout un peuple.

L’actualité, c’est aussi la présidentielle de 2016. Quelle est votre réaction à propos du potentiel candidat du nom de patrice Talon qui s’annonce ?
Honnêtement, Patrice Talon est un compatriote béninois qui est très discret, un homme d’affaires connu. C’est un excellent homme d’affaires. Je ne suis pas fonctionnaire, je suis un homme d’affaires aussi. C’est une grosse pointure des affaires au Bénin. Dans son interview, ceux qui l’on suivi seront d’accord avec moi qu’il se sent satisfait de son parcours jusque-là. Il s’est fait une certaine fortune et nous tous, on se plaît à dire que c’est la plus grosse fortune au Bénin. Il est un Béninois comme tout le monde, s’il est candidat, c’est un Béninois et il a ce droit. Pour le moment, tous les candidats s’expriment. Je ne trouve pas d’inconvénient à cette candidature là. Mais, on ne peut pas dire que parce qu’une personne est un homme d’affaires, il est au dessus ou qu’il n’a pas les compétences pour être président de la République. Chacun a la compétence nécessaire pour être président de la République. Il suffit d’avoir l’âge, jouir de ses droits civique et morale. Tous les candidats s’annoncent avec beaucoup de réformes, Abdoulaye Bio Tchané est un candidat qui s’annonce avec beaucoup de réformes et c’est de la même manière que Talon annonce les réformes qu’il veut faire. Je crois que l’intervalle de cette interview ne me suffit pas pour apprécier toutes les réformes proposées par Patrice Talon. Nous avons quelques grandes lignes de ces réformes ; cinq points ou six qu’il a exposés et qui sont aussi la préoccupation de tout le monde. Il a dit un certain nombre de choses dans son interview qui sont bien et qui constituent nos préoccupations exprimées ailleurs. Il faut sortir ce pays de la honte. Que chacun de nous se sacrifie pour sauver cette nation. Plus qu’un programme, c’est un appel. Ça nous concerne tous et Talon n’a pas pu aller à la télévision dire ces choses sans y avoir réfléchi profondément. D’ailleurs, vous avez fait beaucoup de communication médiatique parce qu’il faut annoncer ça. Donc, ça veut dire que c’est bien préparé. Ce qui est dit est mesuré et il a été très mesuré sur ce qu’il était en train de déclarer. Il n’a pas pris trop de risque, mais il a annoncé là une décision de rentrer au pays, parce qu’il n’était pas quelqu’un qui devait rentrer au pays il y a quelque temps. Et puisque jusqu’à présent, tout le monde doute de son courage et de sa capacité à rentrer dans la mesure où pour moi, la cendre ne s’est pas encore refroidie et on peut craindre que le brasier reprenne à l’intérieur… Je crois aussi que très honnêtement, chacune des personnalités politiques du Bénin ou chaque Béninois doit se dire qu’il y a quelque chose dans cette candidature qui n’est pas ordinaire. C’est pourquoi vous me posez la question. Pourquoi ne venez-vous pas me poser la question sur les autres candidats. Il y a quelque chose d’extraordinaire. C’est l’entraîneur ou le directeur technique d’une équipe de football qui décide subitement de s’habiller et de monter sur le terrain. C’est exactement ce qui se passe. Patrice talon a toujours été vu comme un mentor des hommes politiques. C’est-à-dire, un bailleur, un fabricant. Yayi Boni est la fabrication de Talon. Moi, je dis, il a pris un essaim d’abeilles et il s’est couvert avec depuis 2006. J’étais convaincu, à un moment donné quand j’ai vu le Président Yayi Boni faire que tous ceux qui fabriquent Yayi, s’habillent d’un essaim d’abeilles. Vous pouvez marcher avec, mais attention ! Au moindre geste, les abeilles sont prêtes à trouver un objet pour sucer et quand on les énerve aussi à se défendre. Donc à un moment donné, c’est lui qui a amené sa chose, c’est lui qui en subit les conséquences. Mais, il a quand même été un mentor. En 2011, nous sommes convaincus au sein de la classe politique que s’il n’était pas revenu à ses côtés, son élection aurait pu être difficile parce que financièrement, il a contribué. Maintenant, fabriquer ou soutenir des présidents n’est plus son credo, il veut être président. Alors, ce ne sera plus évident qu’il garde les mêmes réflexes d’entraîneur ou de coach que ceux de joueur sur le terrain. Est-ce que cela veut dire qu’il veut se retirer un peu des affaires et se consacrer à la politique ? Le jeu dans lequel il est plus fort dans le monde des affaires, aura-t-il encore les mêmes instincts dans la politique ? C’est le challenge qui attend cette candidature. Et également dans la classe politique, il y a beaucoup qui voulaient compter sur lui et qui ne devront plus le faire. Donc, ça va recomposer ou réviser certaines ambitions. Ça va créer quand même du trouble sur le terrain politique.

Parlant toujours des réformes avec Talon, il a parlé de mandat unique. Est-ce que vous, vous y croyez ?
Non, moi je ne crois pas. Même l’entourage du président Yayi avait émis cette idée de mandat unique. Cela a ses avantages et ses inconvénients, et moi je pense que l’inconvénient est plus grand. Lorsque quelqu’un vous gouverne et qu’il n’y a pas un moment où vous pouvez le sanctionner, vous lui donnez cinq ou dix ans par exemple pendant lesquels il ne craint personne. Oui, Talon dit que c’est pour lui donner la sérénité des réformes. Mais aussi, ça peut avoir des revers. Et ce sera le plus dangereux. C’est lui donner aussi la possibilité de bêtise et de tyrannie pendant cinq ou dix ans. S’il vient et qu’il ne craint pas que le peuple le sanctionne, il n’aura pas de recul. Aucun homme ne peut bien gouverner ou faire bien ce qu’on attend de lui si une sanction, au moins morale, n’est pas à l’arrivée. Vos critiques vont lui faire quoi puisque ça n’a aucun impact sur son mandat. Qu’il veuille entrer dans l’histoire ou pas, ça dépend de la manière dont chacun veut entrer dans l’histoire. Le Président Yayi fait sa pratique politique en voulant entrer d’une certaine manière dans l’histoire. Le Président Kérékou est entré dans l’histoire d’une certaine façon. Ce serait dangereux de se retrouver devant un président de la République qui a des pratiques exécrables. Et quand vous ne pouvez pas changer pendant longtemps, il y aura un coup d’Etat puisque les gens seront fatigués. Au moins l’espoir de descendre un président au bout de cinq ans permet à ceux qui ne sont pas d’accord avec lui de travailler pour lui succéder dans un intervalle ou dans une durée acceptable. S’ils n’arrivent pas à lui succéder, ils se disent quand même qu’il reste cinq ans. Et la démocratie doit avoir à mon avis un système de décompression. Pourquoi dit-on qu’une opposition est indispensable dans une démocratie ? C’est qu’elle permet de décompresser. Celui qui n’a pas le pouvoir est un homme blessé, insatisfait, mort... On lui laisse la possibilité de s’extérioriser, d’exprimer ce pourquoi il n’est pas d’accord, parce que quand un homme finit d’extérioriser ce qui est en lui, il devient un peu plus serein. S’il n’a aucune possibilité de le faire, la seule chose qui lui reste est la force, la révolte. L’opposition dans une démocratie permet d’étouffer les révoltes parce que dès que le citoyen a la possibilité de s’exprimer, le pouvoir se réajuste un peu pour éviter que le pire n’arrive. Alors, si vous donnez un mandat long, les adversaires du président seront asphyxiés, étouffés et ils vont exploser.

À l’Assemblée nationale, nous avons enregistré un rejet de la levée de l’immunité de l’honorable Kassa. Quelle réflexion cela vous inspire-t-il ?
D’abord, je salue ce jeu démocratique par lequel on a tenté d’appliquer les lois de la République pour dire le droit et respecter le droit des citoyens, particulièrement des députés, et de l’honorable Kassa Barthélémy en l’occurrence. Ce vote suscite aujourd’hui une certaine polémique. Et dire que cette demande de levée d’immunité était simple ne serait pas à mon avis traduire la vérité. Dans ce dossier, tel que tout s’est passé, il y a des raisons d’être surpris par un certain nombre de tournures. De la façon dont cela s’est passé, il y a des éléments de surprise. Mais, il y a de même des éléments qui permettent d’expliquer ce qui s’est passé et qu’on ne devrait pas être aussi surpris de l’issue de cette affaire. J’ai été surpris moi particulièrement par le fait que le Chef de l’Etat ait demandé une levée d’immunité même si ce n’était pas la procédure, demande qui a été entre-temps corrigée par le Procureur général dans la procédure, et qu’à l’arrivée, la mouvance du Chef de l’Etat ait voté en bloc contre cela. Il y a une surprise. J’ai été député et le jeu à l’hémicycle n’a pas de secret pour moi. Et connaissant toute la procédure, il y a de quoi être surpris. Ce genre de vote est déjà intervenu à l’Assemblée nationale sur d’autres dossiers et il est arrivé que la mouvance vote contre le budget de l’Etat. C’est toujours en intelligence avec le gouvernement que cela se produit. Mais dans ce dossier, le président pouvait ne pas aller à cette levée tout de suite. Pourquoi il y va et en même temps, il ordonne le contraire ? A quoi cela rime-t-il ? Il y a peut-être d’autres voies pour investiguer. Cela veut dire que le Président a fait la demande sans être sûr que le monsieur est coupable ou il s’est passé quelque chose juste après la demande. Et il se rend compte qu’il s’est trompé et qu’il faut arrêter le processus. Il y a un certain nombre d’éléments qui permettent de ne pas être surpris de l’issue du dossier. D’abord, la manière dont la levée a été demandée. C’est suite à la pression des bailleurs de fonds.
Deuxièmement, la façon dont le dossier a été déjà enclenché au niveau de la sélection du cabinet, je m’étais déjà dit qu’on va aboutir à du pipeau. Le cabinet Kroll a travaillé avec d’autres. Mais ceux qui ont dirigé ce travail des experts, c’est d’abord Michel Dognon qui est un expert dont je ne conteste pas les compétences. Il a été appelé à moins d’un an avant ce dossier par le président Yayi pour travailler avec lui. Je considère sur ce point qu’il est un complice du président Yayi. Et connaissant comment Yayi fonctionne, je dis encore que Dognon pourrait être un expert habilleur, ce que veut le président, au lieu d’un expert neutre. Et cela n’a pas raté. Troisièmement, le rapport même et ses conclusions. Le peuple béninois veut savoir qui sont les auteurs des malversations. Dans sa conclusion, le rapport dit que le ministre Kassa n’est mêlé ni de près ni de loin à ce dossier. Mais, puisqu’il endosse la responsabilité morale de l’institution, il faut le juger. C’est plutôt les membres du cabinet qui ont rendu flou le dossier. Le cabinet doit rétablir la responsabilité financière. L’administratif, selon moi, ne les regardait pas. Dans leur investigation, ils ont dit qu’ils n’ont rien trouvé. Vous ne pouvez pas dire que vous n’avez rien trouvé contre quelqu’un et dans le même temps le juger. Cela veut dire aussi que le travail est biaisé, parce qu’il ne s’agit pas d’un seul ministère. Les projets au Bénin se pilotent d’une certaine manière et nous le savons. Les marchés publics ne sont pas logés dans le ministère de Kassa. La mise à disposition des fonds n’est pas du ressort du ministère de Kassa. Le ministre fournit les cadres pour exécuter. C’est de cette façon que les projets sont exécutés au Bénin. Vous avez le ministère du plan, celui des finances et autres. Ils auraient pu tout nous dire, puisqu’ils n’on rien vu pour les autres, c’est-à-dire ceux qui ont assuré la mise à disposition des fonds. C’est plutôt les administratifs et quelques agents le cabinet a pu épingler.
Le rapport Kroll laisse donc à désirer ?
Je suis satisfait que les mouvanciers à l’Assemblée nationale aient dit eux-mêmes que ce rapport est fallacieux. Donc, les cabinets ne sont pas sérieux. C’est eux qui ont sélectionné les cabinets et c’est eux qui les ont qualifiés. Cela rejoint mes inquiétudes. Quatrième élément, l’Assemblée nationale est une maison politique. On a vu avec quelle hargne Yayi cherchait à avoir des députés et à contrôler l’Assemblée. Il était prêt à tout, en tout cas, nous qui avons compéti sur le terrain, savons avec quelle détermination, il le voulait. Vous avez parlé de la différence de voix (42-41) à l’Assemblée. C’était serré, parce que Yayi voulait avoir la majorité. Mais pourquoi chercher une majorité, si on sait qu’on est en fin de mandat ? C’est un coin de voile qui vient d’être levé à l’Assemblée sur le rôle des députés. On a envoyé des gens qui ont géré des dossiers sur lesquels les responsabilités ne sont pas encore établies et qu’on peut craindre de rattraper. Ils sont tout d’abord à l’Assemblée et il a ‘‘amassé’’ un minimum de garantie qu’il peut mettre en œuvre à tout moment, si vous voulez le poursuivre ou poursuivre ses proches. Donc, la présence de tels hommes à l’Assemblée pouvait présager du fait que les loups ne vont pas se manger entre eux.
5ème point, la commission spéciale à l’Assemblée nationale s’est réunie, et elle n’arrive pas à conclure, puisqu’il n’y a pas de suggestion stable. Ils ont dit qu’ils sont arrivés à un désaccord, parce qu’on est à l’hémicycle. Et c’est la configuration politique de l’Assemblée qui guide la formation d’une commission spéciale ou à une commission ad hoc. Et la mouvance doit avoir presque le même nombre de membres de groupe parlementaire que l’opposition. Donc, ce groupe sera équilibré. Ensuite, le ministre Kassa a été auditionné par la commission spéciale. Ce monsieur soutient et le dit à qui veut l’entendre : « je n’ai aucune responsabilité…je n’ai jamais géré cet argent ! ». Mais ce que tout le monde attendait, c’est qu’il dénonce ce qu’il sait. C’est un ancien ministre qui avait une obligation de réserve. Il attend qu’on le questionne pour répondre. Mais cette attitude de sérénité de Kassa devant la commission et devant tout le monde et le fait qu’on sait aussi comment les choses sont gérées dans ce pays, font qu’il y avait eu un soupçon d’injustice à son égard. Je sais que ceux qui ont voté contre dans le rang des opposants, il y en a qui avaient envie de ne pas accéder à la demande de Yayi, mais plutôt lui demander d’envoyer les vrais coupables. Je crois que toute l’Assemblée voulait qu’on envoie les vrais mis en cause. Ce dossier ressemble fort étrangement à des dossiers qu’on a amenés devant l’Assemblée. Armand Zinzindohoué et l’affaire ICC-Services. Pourquoi voulait-on le juger ? Pour avoir donné un permis de port d’arme. Cela ne répond pas à ce que nous voulons. Nous voulons savoir qui a détourné l’argent des gens, qui a couvert cela. Si c’est la responsabilité morale qu’il faut poursuivre, il y a alors Kassa, mais il y aura le Chef de l’Etat. Il y a aussi la responsabilité administrative et morale. Il y a le ministre des finances et le ministre du plan. Chacun d’eux connaît ce dossier et a signé des papiers. Ma conclusion sur cette affaire est que ce n’est pas surprenant qu’on arrive à cela. Même si quelque part, on pouvait permettre l’enquête préliminaire, sachant très bien qu’ils vont se rendre compte que Kassa n’était pour rien. Le Président Yayi, juste après avoir demandé la levée, s’est comporté comme si c’est un acte de décompression. Parce que, quelque temps après, on a distillé une communication sur le fait qu’on vient de vérifier sur le terrain et que les puits ont été réalisés. En quelque sorte, Kassa ne devrait pas être interpellé. C’est comme si on venait de justifier et d’exprimer un certain regret. C’est l’inconséquence dans la gestion. Il fallait faire cela avant de tirer une conclusion qui oriente tout le monde. C’est cela que la mouvance avance comme justification. C’est pour ça que le matin du vote, les tractations ont révélé que les députés de la mouvance allaient voter par principe. De ce point de vue, le vote devient politique. Et quand c’est un vote politique, chacun reste dans son camp. Comment voulez-vous que cela aboutisse ? En un mot, c’est une poudre aux yeux.

Bloquer l’enquête préliminaire n’est-il pas mauvais pour l’image de notre pays ?
Dans l’esprit du commun des Béninois, dès qu’on lève votre immunité, vous êtes d’office en prison. Ce qui n’est pas juste. Si tout le monde comprenait de quoi il s’agit réellement, Kassa, lui-même, serait allé réclamer sa levée d’immunité. On a pris quelqu’un qui n’est pas au centre de la chose. On ne peut pas prendre le risque qu’il aille parler du centre qu’il connaît ou qu’il aille révéler la vérité sur ce qui se passe. Il est peut être lavé de tout soupçon, mais ce que cela va entraîner sera dramatique pour certains. Et donc, on peut protéger.

Les deux députés de l’Alliance Abt ont voté pour la levée d’immunité du député Kassa. Ne craignez-vous pas qu’il y ait des représailles, sachant bien que Kassa est après tout un poids politique au Nord ?
Savez-vous un jour où nous n’avons pas eu de représailles ? Nous sommes en représailles depuis huit ans. Depuis qu’on a commencé par militer pour Bio Tchané, nous subissons des représailles, nous venons des représailles et nous sommes encore sous représailles. Le président Yayi ne cesse de nous agresser sur le terrain. Nous avons des raisons de nous sentir en insécurité dans notre pays. Mais nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, au prix de notre vie.
Nous avons fait un vote à l’Assemblée que nous assumons. Cela peut avoir des conséquences. Mais vous vous rendez compte que cela n’a pas été non plus aisé. De façon objective, nous avons aussi fait le débat en notre sein, pour en arriver à la dernière minute à faire ce qu’on a fait. Parce qu’on s’est rendu compte que le vote devient un vote de principe. Ce n’est plus un vote de sérénité. Alors qu’au début, chacun devrait s’exprimer comme il veut.
Vous avez dit que Kassa est un poids politique. Et personne ne veut endosser un poids politique. Nous avons essayé d’échanger sans succès avec lui. Maintenant qu’il est serein, on va discuter tranquillement. Vous comprenez qu’ils étaient dans une certaine logique, parce que tout était calculé et mesuré pour arriver à leur fin. Nous n’avons pas vu Kassa nous approcher pour des négociations politiques. Il est resté dans son camp. Nous restons dans la même posture. Vous savez qu’en politique, rien n’est immuable. Tout évolue. Nous pouvons nous retrouver demain, comme nous pouvons être des adversaires. Cela n’arrêtera pas notre motivation à être président de ce pays.

Croyez-vous encore à la lutte contre la corruption après ce qu’on a vu à l’Assemblée nationale ?
Je vous avais dit que je ne trouvais plus ce régime qualifié. Je ne le trouve pas décidé à lutter contre la corruption. On fait un discours contraire aux actes. Le vote qu’il y a eu à l’Assemblée prouve que la corruption ne veut pas être combattue. Il y a eu des gens qui ont pesé lourd dans ce vote. Il peut donc y avoir lutte contre la corruption, mais contre les menus fretins, contre ceux qui ne vont pas bénéficier du paratonnerre de l’immunité. Mais il faut avoir foi qu’on peut lutter contre la corruption. Parce que les crimes sont imprescriptibles. Ces dossiers peuvent rebondir demain au moment où l’immunité ne serait plus. Si on avait limité à 10 ans l’imprescriptibilité, les gens vont s’arranger pour dévier cela….Mais maintenant, on peut vous poursuivre jusqu’à la tombe.

Nous allons terminer par les déclarations du Chef de l’Etat à Djougou. Qu’avez-vous retenu de ce discours ?
Dans la forme, je ne suis pas surpris. Ce n’est pas la première fois que ce langage est tenu par le président Boni Yayi. Ça devient récurrent. C’est devenu une marque de fabrique qu’il ne serait pas bon d’en faire une référence. Moi, j’attends le lion dans la forêt. Je ne n’attends pas dans la basse-cour. Cette façon de parler fait descendre le Chef de l’Etat dans une arène où on ne devrait pas l’attendre. Je ne lui dénie pas le droit de répondre quand il est accusé. Mais il y a des formes auxquelles il ne faut pas se référer. On peut bien dire qu’on n’a rien à voir dans le meurtre de Dangnivo sans dire qu’un Adja a tué un Adja. Même si un Adja a tué un Adja, c’est un évènement assez grave pour que le Chef de l’Etat s’exprime aussi banalement, avec un ton qui n’est pas recommandable ? Je dois regretter cela. Mais je respecte le Président, sa fonction. Ce n’est pas facile d’être président. Mais il faut se mettre dans cette toge quand on veut s’exprimer pour ne pas descendre d’une certaine manière.
Dans le fond, j’ai eu comme l’impression que le Président a piqué une colère. Il devient susceptible à l’évocation de certains dossiers. Malheureusement, il n’échappera pas à la règle de tous les chefs qui, après leur mandat, sont hantés par le diable. Avec Yayi, ce sera plutôt Icc-services, Affaire Dangnivo, Affaire Censad. Il devrait, de plus en plus, se décoller de cela. Il peut ne pas être directement lié à certains dossiers, mais il endosse la responsabilité morale. Répondre à des gens à l’hémicycle, c’est alimenter la polémique. Car, un opposant ne peut se nourrir que de ce qu’il peut critiquer. Donc, c’est un jeu normal ; cela ne devrait pas amener Yayi à perdre son sang froid à ce point. Il faut qu’il retrouve sa sérénité. Maintenant, le lieu choisi, c’est Djougou. La Donga est devenue le terrain où tout le monde attend Yayi. Pendant quelque temps, il s’est assagi. Mais vers la fin du mandat, il a trouvé que ce qu’il a donné pour ce département est insignifiant devant ses promesses et ses engagements. Il a construit une maison à Djougou et il voudra souvent y revenir pour être applaudi, mais je crois que c’est trop tard car là bas, les populations sont désabusées.

Votre mot de la fin ?
Le Bénin est un pays où chacun de nous doit consentir un sacrifice et se ressaisir. Parce que nous allons vers une dernière échéance capitale. Il faut tout faire pour ne pas embraser le débat. Il faut garder la foi. Ce pays est pour nous tous. Il n’y a pas ce défi que nous ne pouvons pas relever, en l’occurrence le défi de la lutte contre la corruption. Il faut donc continuer tous les jours à éveiller la conscience des uns et des autres sur la nécessité de préserver le bien commun. Il faut un président qui va mieux faire, qui se maîtrise et qui mène des débats objectifs. Pour les prochaines échéances, je suis avec un candidat que je sais le meilleur, il a bien étudié ce pays. Et, il faut doter notre pays de dirigeants qui peuvent mieux faire et qui ne feront pas ce qui se fait aujourd’hui. Il faut qu’au Bénin, nous ramenions la sérénité.

Propos recueillis par : Angelo DOSSOUMOU et Arnaud DOUMANHOUN
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