Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article



 Titrologie



L`événement Précis N° 1151 du 3/9/2013

Voir la Titrologie

  Sondage



 Autres articles



Comment

Politique

Entretien avec Eugène Azatassou, Coordonnateur national des Fcbe: «L’Eglise n’a pas à prendre une position politique »
Publié le mercredi 4 septembre 2013   |  L`événement Précis




 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Le Coordonnateur national des Forces Cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), Eugène Azatassou fustige l’allure que prend le débat actuel sur la révision de la constitution. Convaincu que ce projet ne vise qu’à moderniser la loi fondamentale béninoise, il dit regretter la position qu’adopte la Clergé catholique dans ce débat. Dénonçant aussi l’initiative «Mercredi rouge » et autres actions récentes, Eugène Azatassou continue de croire en la « bonne foi et sincérité » du Chef de l’Etat quant à son départ effectif du pouvoir en 2016.

L’Evènement Précis : Quelle appréciation faites-vous de l’intense débat qui se mène actuellement autour du projet de révision de la constitution ?

Eugène Azatassou : La révision de la constitution fait partie de l’une des réformes que le Dr Boni Yayi a bien voulu engager. Il y a un certain nombre de réformes comme ça qu’il tient à conduire à terme. Le projet envoyé à l’assemblée nationale est transmis par une lettre qui demande au Parlement de mener le débat partout, dans toutes les organisations et les structures, que ce soit de l’Etat comme du privé. Mais dès que le projet a été transmis, certaines personnalités n’ont pas attendu que cela se fasse sous cette forme avant de lancer le débat sur la révision de la Constitution, en personnalisant le débat, en mettant en avant une crise de confiance vis-à-vis du Chef de l’Etat. Le chef de l’Etat a dit sur tous les toits qu’il n’essaiera pas de rempiler en 2016 et qu’il fait son dernier mandat. Il l’a dit partout et il continue de le répéter. Cela n’a pas rassuré un certain nombre de personnalités qui s’accrochent à cet aspect du problème pour refuser la modernisation de notre loi fondamentale. Alors, les questions qui me viennent à l’esprit face à tout ceci sont les suivantes : cette constitution ne sera-t-elle plus jamais révisée? Est-ce qu’il faudra attendre la fin du monde, l’apocalypse pour réviser la constitution ?

L’apocalypse, vous dites ?
J’utilise ce terme à dessein parce que lorsque vous avez une loi fondamentale qui régit un pays et que vous vous refusez constamment à la moderniser, à la mettre au goût du jour, à y intégrer les aspirations actuelles du peuple, ce sont d’autres forces politiques ou la rue qui viendront la réviser à votre place. Or, lorsque ce débat arrivera à terme et que, pour nos contradicteurs, la bonne personne arrivera à la tête du pays pour vouloir réviser, il est évident que nous, on peut trouver que cette personne n’est pas la bonne, et ainsi de suite. Quand est-ce que cela prendra fin ? Nous sommes aujourd’hui dans une situation où le peuple béninois a la chance d’avoir, à sa tête, un chef de l’Etat qui a affirmé devant tous qu’il ne fera pas une révision opportuniste ; il a affirmé devant tous qu’il s’en va et par conséquent, c’est l’occasion rêvée qu’on ne retrouvera peut-être plus jamais de réviser cette constitution. Supposons un instant qu’on arrive effectivement, malgré tout ce débat, à réviser cette constitution et que le chef de l’Etat ne se présente pas, ne serait-ce pas un exemple de plus que le peuple béninois aura donné à l’Afrique ? ça sera un exemple de plus, un peu comme la conférence nationale, peut-être pas à la même hauteur. Mais le peuple béninois aura, en ce moment – là, administré une nouvelle leçon à l’Afrique et au monde entier. C’est vers cela qu’il faut aller. Il faut commencer par faire confiance à nous même, à notre peuple, à nos dirigeants. Tant qu’on ne leur fera pas confiance, on tournera en rond, on prêtera des intentions et c’est sur la base des intentions qu’on va agir, prendre des dispositions. Ce qui est totalement inopérant et ne fait pas avancer.

Mr le coordonateur, quelle interprétation faites-vous de la déclaration du Clergé catholique et du Bureau de l’Assemblée nationale par rapport à la révision de la constitution ?
Le Bureau de l’Assemblée nationale a rétabli ce qui devrait être son rôle. La lettre du Chef de l’Etat lui a indiqué clairement qu’il faut mener le débat partout. L’assemblée nationale a joué ce rôle et c’est ça qu’il faut. Faut-il quelques injures, quelques débordements que l’on prépare savamment ? Ce n’est pas ça qu’il faut ! Ce qu’il faut, c’est de mener le débat. Que le peuple béninois adhère ou n’adhère pas, c’est une réforme que le chef de l’Etat engage. Le peuple peut adhérer et peut ne pas adhérer. On tirera les conclusions. Pourquoi refuser le débat en faisant obstruction pratiquement au débat? En ce qui concerne le clergé, je pense que la hiérarchie catholique est intervenue en quittant un rôle qu’elle a toujours joué à la perfection jusqu’ici. Parfois, quand il y a des débats vifs comme celui qui se déroule actuellement, la hiérarchie catholique a l’habitude d’appeler les différentes parties, de les faire asseoir devant elle et de leur demander ce qui se passe. Quand elle le fait, tout le monde lui parle d’abord. Mais à force d’échanger les arguments, on commence par se parler entre voisins, et on trouve un terrain d’entente et même si ce n’est pas suivi après, chacun a écouté l’autre. Aujourd’hui, on ne s’écoute pas. Le clergé a quitté son rôle et s’est mis dans une position. Je crois qu’il vaut mieux que le clergé ne se mette pas dans une position, sur une des parties, mais continue de nous faire asseoir parce que c’est du Bénin qu’il s’agit. A partir de ce moment-là, nous avons tous notre rôle à jouer. Le clergé a, par exemple, parfaitement joué son rôle avec la Lépi, et avec d’autres débats. Mais là, je pense que le clergé a mis les pieds dans le plat. Ce qui devait arriver est arrivé. Quand vous vous mettez dans un camp, les coups partent et vous pouvez en recevoir et c’est tout à fait dommage. Il faut, aujourd’hui, que la hiérarchie catholique comme les autres religions, se mette en position d’accueillir tout le monde. Il faut qu’il y ait des instances de recours. Il faut qu’il y ait des gens, que l’on puisse aller voir, quand ça risque de chauffer, pour trancher. Mais lorsqu’on n’a plus ça, on va vers le chaos! Et le chaos ce n’est pas pour les autres pays seulement.

Pour la campagne présidentielle de 2011, nulle part dans le projet du chef de l’Etat, il n’a été question de moderniser la constitution. Ne pensez-vous pas un instant que c’est le fait qu’il ait donné un projet de société qui jusqu’ici n’est pas exécuté à 50% qui amène tout ce débat ?
Non. Le chef de l’Etat a parlé de moderniser la Constitution depuis le début. Ne vous arrêtez pas en 2011, c’est depuis 2006. Et ce sont même les forces politiques regroupées dans ce qu’on a appelé ‘’Wologuèdè’’ qui lui ont suggéré qu’il faut moderniser la constitution. Le chef de l’Etat avait donc mis une commission sur pied formée de hautes personnalités juridiques de ce pays. Par conséquent, il avait cela à cœur depuis longtemps. Il n’a pas besoin de répéter que ce qu’il a voulu faire en 2006 et qu’il n’a pas pu faire, il faut qu’il le fasse. Il n’a pas besoin de dire ça. Ce n’est pas quelque chose qui est arrivé subitement. Ce n’est pas vrai. Le chef de l’Etat pense, et nous avec, qu’il faut moderniser cette constitution. On a parlé de pérenniser la Céna, de l’imprescriptibilité des crimes économiques. C’est important ! Parce qu’aujourd’hui, lorsque quelqu’un pille, il se débrouille avec l’argent du pillage et va se cacher au Parlement parce qu’il sait que là-bas il est à l’abri et quand il sort de là finalement, plus personne ne se pose de question et c’est terminé. Quand on mettra dans la Constitution que les crimes économiques sont imprescriptibles, cela voudra dire qu’il faut l’appliquer. Donc, dès que vous aurez des problèmes, même si on vous élit parce que vous avez bien distribué le fruit de vos pillages, on vous attendra car vous reviendrez et on vous interrogera. C’est ça qu’il faut pour assainir la gestion des biens publics dans ce pays. Et par conséquent, je ne peux même pas comprendre que des gens s’opposent à cela.

Vous disiez tantôt que l’Eglise catholique a joué un rôle important dans ce pays. Aujourd’hui qu’elle s’oppose à ce projet de révision constitutionnelle, ne pensez vous pas qu’il serait bien de chercher à comprendre pourquoi elle le fait, d’autant que dans sa lettre, elle a évoqué d’autres problèmes plus urgents pour les Béninois ?
Il y a la réalité qui est en face de nous tous. Mais, l’analyse que l’on peut faire de cette réalité peut différer selon votre position politique. L’Eglise n’a pas à prendre une position politique. L’Eglise a à nous faire asseoir et à nous mettre en face de la réalité. Quand vous prenez, par exemple, la lutte contre la corruption, on dit qu’il y a beaucoup de pillages, beaucoup d’affaires. C’est vrai, c’est une réalité qui est en face de nous. Mais, comment l’interpréter ? Moi, je l’interprète comme le fait que la corruption est un phénomène social dans lequel nous baignons. Mais ceux qui disent qu’il y a beaucoup de corruption, d’affaires, dès que c’est à l’un d’entre eux qu’on demande de s’expliquer, c’est le branle-bas général, ce sont des marches, etc. Voilà un phénomène social par rapport auquel les interprétations diffèrent. Le clergé n’a pas à s’appuyer sur un phénomène qui existe devant nous et nous demander de le retirer.

A propos des marches, comment comprendre qu’on puisse interdire à certains citoyens de marcher contre la révision tandis que d’autres sont autorisés à marcher pour ?
Si quelqu’un veut marcher, il peut marcher, mais il y a des formalités à remplir.
Mais la Convention patriotique des forces de gauche affirme avoir rempli toutes les formalités
Le ministre de l’intérieur a trouvé que ce n’était pas vrai et en dehors des formalités, il faut que l’autorité chargée de la sécurité puisse apprécier l’ensemble de la situation au regard des informations qui lui parviennent pour prendre des décisions. On ne peut pas lui dénier cette prérogative. Dans tous les pays, on voit des manifestations qui sont réprimées, certainement parce que n’ayant pas rempli toutes les conditions, ou alors parce que des groupes organisés s’apprêtent à faire des casses. Laissons le soin à l’autorité administrative chargée de gérer cette situation d’apprécier et de prendre les décisions qui s’imposent.

Que pensez-vous du mouvement ‘’mercredi rouge’’ ?
C’est pour être contre la révision de la constitution. Discutons, ne faisons pas effet, ne cherchons pas des effets, ne cherchons pas des mouvements de masse qui troublent, mais confrontons nos arguments. Me Djogbénou dit que si votre locataire en fin de bail, arrange la maison, c’est qu’il veut vous la voler. C’est grave comme argument, c’est extrêmement grave parce que le Dr Boni Yayi n’a pas loué le Bénin. Au contraire, quelle que soit la position dans laquelle nous nous trouvons, nous devons travailler pour développer le Bénin. Que nous soyons président sortant, président entrant ou même maçon, enseignant, quel que soit notre rôle dans le pays, nous devons constamment travailler et c’est ce que nous enseigne le Chef de l’Etat. Il court partout, il s’occupe de tout. Et on pense que s’il fait tout cela, c’est qu’il ne veut pas partir. Or, si on interprète les choses de cette manière, cela veut dire que ceux-là ne doivent pas prendre le pouvoir. Car, quand ils seront sûrs de partir, ils ne feront plus rien. Ils vont considérer qu’ils ont loué, qu’ils doivent consommer et cela va corroborer l’idée répandue selon laquelle l’Etat n’appartient à personne. Il ne faut pas développer cela vis-à-vis de la jeunesse. La jeunesse a déjà trop d’exemples négatifs devant elle. Je crois qu’il vaut mieux qu’on ne dise pas des choses du genre, et que l’on argumente sérieusement. Ce sont des arguments sérieux dont on a besoin pour dire si on peut réviser ou pas. Ces gens-là, il faut réfléchir par deux fois avant de leur confier le pouvoir.

Est-ce que vous croyez vraiment en la bonne foi et en la sincérité du Dr Boni Yayi quand il dit qu’il partira en 2016 ?
Que le Dr Boni Yayi soit sincère, moi je n’ai aucun doute là-dessus. Le peuple écoute et c’est lui qui décide. Le peuple béninois n’est pas un peuple comme les autres. Il a sa philosophie et ses réflexes. Vous avez vu ce qui s’est passé au Sénégal quand Abdoulaye Wade a voulu se maintenir au pouvoir ? Je pense, pour ma part, que l’essentiel c’est de prendre les choses positivement, de se faire confiance, de régler les problèmes tels qu’ils vont arriver et d’avancer.

Entretien réalisé par Flore S. NOBIME

 Commentaires