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Nouveau modèle de financement du Fonds mondial en matière de PTME au Bénin
Publié le lundi 7 septembre 2015  |  La Nouvelle Expression




« Même si l’institution subventionne, les pays doivent augmenter leur contribution », dixit la directrice pays de l’ONUSIDA



Pas de génération sans Sida en dehors d’un apport financier substantiel des Etats à côté de l’appui du Fonds mondial. C’est la conviction de Margarète Molnar, directrice pays de l’ONUSIDA, partagée avec la rédaction, le mardi 7 juillet, à Cotonou, qui peut être une piste de plaidoyer pour les ONG, à l’instar de CeRADIS-ONG, en pleine interpellation des autorités pour l’efficacité des interventions du Fonds mondial en matière de PTME au Bénin.





Nouvelle Expression : Que peut-on entendre par nouveau modèle de financement du Fonds mondial ?

Margarète Molnar : Nous allons expliquer le nouveau modèle de financement du Fonds mondial (FM) en adoptant une double démarche. D’abord en évoquant la genèse et ensuite en décrivant le processus de sa mise en œuvre.

Pour ce qui est de la genèse, le nouveau modèle de financement du Fonds mondial (FM) a été mis en place, en 2014 et fait suite à une interruption, en 2011, d’un mode de financement du FM appelé 'les rounds'. Cette interruption des subventions du FM est intervenue à cause des scandales financiers observés dans certains pays bénéficiaires où même des ministres de la Santé ont été interpellés et incarcérés. Conséquence, les pays donateurs du FM se méfient désormais des ressources à allouer et d’autres ont menacé de retirer leurs subventions. Ce qui a entraîné en 2011, la non-mobilisation des ressources nécessaires pour assurer le lancement des rounds annuels du FM. Ainsi, de 2011 à 2014, le FM a mis en place un mécanisme transitoire de financement pour pallier les mesures les plus urgentes en assurant un service minimum et en repensant son modèle de financement.

S’agissant du processus de mise en œuvre de ce nouveau modèle de financement du FM, nous observons qu’il tient compte du contexte d’amenuisement des ressources au niveau de l’aide internationale et de la nécessité d’investir plus stratégiquement pour obtenir un impact maximal dans la lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose. De ce fait, ce nouveau modèle de financement a introduit plusieurs changements fondamentaux. Une illustration : contrairement aux financements intervenus sur les rounds, où les Etats soumettaient leur projet avant que l’enveloppe nécessaire ne leur soit allouée, ici, le financement est prévisible. A l’avance, on sait combien le FM met à la disposition des Etats bénéficiaires. Et c’est à partir de cette enveloppe que le pays élabore et dresse sa liste d’interventions qu’il soumet au FM. Cette subvention accordée aux Etats est déterminée selon certains critères, notamment, le profil épidémiologique du pays.

Outre ce changement, la procédure est devenue beaucoup plus souple. Auparavant, avec le financement par round, il y avait une date fixe à laquelle les propositions devraient être soumises au FM. Aujourd’hui, le pays dispose de quatre différentes dates dans l’année, dont une par trimestre, pour dresser et soumettre sa liste d’interventions au FM. Autre changement de taille, une plus grande attention a été accordée au dialogue-pays. Autrement dit, tous les acteurs de la lutte contre les trois maladies prioritaires, y compris les cibles, doivent participer à la conception et à l’élaboration des différentes lignes de la subvention. Un autre axe, qui a été renforcé, dans ce nouveau modèle de financement, est 'la volonté de payer' des Etats. Ce qui voudrait dire que le pays doit aussi mettre la main à la poche. C’est d’ailleurs une condition sine qua non pour recevoir l’entièreté des ressources allouées par le FM.

Nous pouvons retenir de manière globale que ce nouveau modèle de financement du FM vise à favoriser des investissements plus efficaces dans des pays où il y a une charge de morbidité plus élevée et où il y a une faible capacité de paiement.



Pour accéder aux nouvelles ressources mises à la disposition par le FM, les Etats doivent soumettre des propositions appelées « Note conceptuelle ». Au regard de ces notes conceptuelles soumises, peut-on déduire que les pays bénéficiaires ont cerné ce nouveau modèle de financement et qu’en est-il du cas spécifique du Bénin ?

Notons dans un premier temps que ces notes conceptuelles participent aussi à la simplification des procédures et ont été très bien cernées par les Etats. Car, à partir de 2014, quand le FM a annoncé ce nouveau modèle de financement, des Etats ont été choisis pour conduire une phase-pilote dans la rédaction et la soumission des notes conceptuelles. Bon nombre de pays se sont donc inspirés de ces expériences pour rédiger les leurs, quoique des notes conceptuelles aient été rejetées.

Pour ce qui est du cas du Bénin, le pays a soumis ces trois notes conceptuelles en avril 2015. Initialement, cette soumission devrait intervenir en janvier 2015, mais le pays n’était pas prêt. Les raisons sont connues. Le FM a des exigences par rapport aux instances nationales de coordination, qui ont pour mission de coordonner au niveau national les subventions du FM et de s’assurer que les conditions émises par le Fonds sont respectées. Ces instances nationales de coordination doivent répondre à certains critères et le Bénin était en réforme par rapport à ces instances nationales de coordination : l’ancien Conseil national de coordination (CNC) est devenu le Conseil national de coordination et d’orientation des subventions du FM (CNCO).

Ce nouvel organe a été mis en place en décembre 2014. Visiblement, l’échéance de janvier 2015 ne pouvait être respectée au regard des conditions à respecter pour la soumission des notes conceptuelles. En outre, il appartenait au CNCO de coordonner cet exercice de soumission des notes conceptuelles. Le Bénin a donc soumis ses notes conceptuelles en retard, toutefois, il a réussi son exercice en réformant son CNCO afin que cet organisme soit en pleine conformité avec les exigences du FM, notamment en termes de représentativité des populations clés et il a soumis ses notes conceptuelles selon le nouveau modèle de financement. Nous attendons, d’ici le mois d’août, pour voir si ces notes conceptuelles seraient acceptées.

Avant d’enclencher ce processus de soumission des notes conceptuelles, nous rappelons que l’ONUSIDA de concert avec un autre partenaire, en décembre 2014, a donné un appui technique aux membres du CNCO pour l’appropriation du contenu des notes conceptuelles et leur rédaction selon le canevas du nouveau modèle de financement.



Une chose est de soumettre les notes conceptuelles et l’autre est d’exécuter le paquet d’interventions prévues. Prenant le volet VIH/Sida, l’une de ces interventions concerne l’Elimination de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant (ETME). Avec ce nouveau modèle de financement, qu’est-ce qu’on est en droit d’attendre des Etats ?







L’Elimination de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant (ETME) est un axe important de la riposte à la maladie au point où, au niveau mondial, il y a un plan d’ETME 2010 – 2015 qui sera évalué cette année, duquel le Bénin s’est inspiré pour adopter son plan national ETME 2012 – 2015. Maintenant, que peut-on attendre des Etats ?

Dans le cadre du nouveau modèle de financement du FM, le budget disponible, en ce qui concerne le Bénin, sur la note conceptuelle de la lutte contre le VIH/Sida pour la période 2015 – 2017 est de 27,5 millions d’euros (environ plus de 18 milliards de FCFA). Et dans la dizaine de modules prioritaires retenue par le Bénin, l’un des volets concerne la Prévention de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant (PTME) pour un budget de 2,7 millions d’euros (un peu plus de 2 milliards de FCFA). Mais le Bénin est déjà bien avancé en matière de PTME.

Il s’est fixé une cible de passer de 14% de transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant en 2012 à moins de 5% en 2015. Aujourd’hui, le pays est à un taux de 7,6%. Au regard de ces statistiques globales, le pays n’a pas encore atteint sa cible, mais il lui reste six mois pour le faire en dépit du fait que cette moyenne nationale cache des disparités considérables. En effet, quatre départements ont atteint la cible de moins de 5%. Il s’agit de l’Alibori 0,3% ; du Littoral 2,6% ; de l’Atlantique 3,5% et de l’Ouémé 4,8%. Le Zou et le Plateau, avec respectivement 5,8% et 6,9%, sont, quant à eux, proches des 5% et de la moyenne nationale de 7,6%. Par contre, il y a des départements qui sont dans le rouge comme la Donga 20,9%, l’Atacora 18,3%, le Mono 15,5% ou le Couffo 10,7%. Et ceci, malgré une offre de service PTME performante. D’où la nécessité de s’interroger sur le paradoxe.

Dans tous les cas, la note conceptuelle du VIH/Sida dans le cadre du nouveau modèle de financement porte une attention à cet axe d’élimination de la transmission de la mère à l’enfant et il s’agira, suite à la mise en lumière des variations des taux de transmission par département, de bien tenir compte de ces vulnérabilités au moment de l’élaboration des plans d’action de la note conceptuelle pour développer des actions là où le besoin est le plus grand.

L’ONUSIDA a déjà attiré l’attention sur cette problématique puisque, nous-mêmes, sommes dans une stratégie accélérée de la riposte au VIH/Sida dans les 5 ans à venir pour pouvoir mettre fin, d’ici 2030, à l’épidémie du VIH/Sida. Alors, pour tous les financements qui arrivent dans cette période, nous souhaitons qu’ils adoptent ce principe de l’ONUSIDA qui demande d’accentuer la riposte là où le besoin est le plus grand, dans les localisations géographiques et les populations où le besoin est le plus important.

Vous avez commencé par donner des pistes de solutions pour que le pays atteigne sa cible de moins de 5% de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant. En plus de ce que vous venez de dire, quels sont les axes que doivent revisiter le Bénin pour ne pas manquer le rendez-vous, en 2017 ?

En tout premier lieu et dans tous les Etats, il faut aller là où le problème est prévalant en s’appuyant sur la connaissance de la situation dans le pays et de la réponse qui est apportée. En ce qui concerne le cas du Bénin, nous avons observé que le secteur privé sanitaire ne soutient pas suffisamment, dans certains départements, la réponse des interventions PTME, c’est surtout le secteur public qui porte ce volet. Il s’agira d’impliquer ce secteur privé ainsi que d’autres acteurs.

Par ailleurs, il y a des départements où l’offre des services est bonne et paradoxalement, le taux de transmission est dramatique. Ce qui pourrait signifier que les services ne sont pas utilisés ou qu’ils ne sont pas bien utilisés. Là, il faudrait analyser les causes et voir pourquoi les femmes enceintes séropositives n’utilisent pas les services. Serait-on en présence d’un problème d’accès géographique ou culturel ? Il y a donc lieu de rechercher, là où se situe le problème d’accès.

Il faudrait aussi améliorer et comprendre la déperdition que l’on observe dans la cascade de l’élimination de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant. Prenons le cas général des femmes enceintes qui viennent à la première consultation prénatale. Une proportion importante n’accepte pas le dépistage du VIH/Sida. Alors que ce dépistage est capital à double titre : pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Il permettra de voir si elles sont séropositives et les mettre sous traitement pendant la grossesse, au moment de l’accouchement et au cours de l’allaitement pour éviter que leurs enfants ne soient contaminés. Parce que l’idée de l’élimination de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant est d’arriver à une génération sans Sida, afin qu’aucun enfant ne naisse encore séropositif. Ce qui sera une grande force pour le pays qui va d’office diminuer ses charges parce qu’il n’aura plus des générations entières à traiter.

Ces mêmes déperditions sont constatées dans le rang des femmes qui ont accepté de faire le test et qui sont séropositives. Il a été noté qu’elles ne bénéficient pas toutes des traitements. Le comble, au nombre de celles qui en bénéficient, dès la naissance du bébé qui doit être dépisté et mis sous traitement s’il est infecté, on enregistre des femmes qui ne se présentent pas avec le nouveau-né. En plus de tous ces cas de déperditions, il y a celles qui sont purement et simplement perdues de vue.

C’est dire, qu’à chaque étape du processus de suivi de la femme enceinte séropositive, il y a de nouvelles déperditions. Le futur va donc se jouer à ce niveau où il faudrait trouver des mécanismes pour réduire ces différents cas de déperdition. Autrement dit, il faut emmener plus de femmes enceintes à se dépister et les mettre systématiquement sous traitement si elles sont séropositives.

Le rôle de la mobilisation communautaire pèsera également dans la balance et le pays doit s’y engager.



Vous l’avez évoqué, il faut un engagement des Etats, notamment financier, dans un contexte d’amenuisement des ressources extérieures. Quelle prise en charge des mères séropositives et de leurs enfants, infectés ou non, envisagez-vous, s’il advenait que les financements nationaux ne soient pas au rendez-vous ?

Il faut souligner que les pays font des efforts et pour ce qui est du cas du Bénin, il a amélioré les ressources qu’il met dans la riposte au VIH/Sida. Entre 2012 et 2014, il a triplé les ressources injectées dans la lutte. En outre, dans le cadre du nouveau modèle de financement du FM, le pays doit mettre la main à la poche et a déjà annoncé une augmentation de ses contributions.

Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas anticiper sur le futur. Bien que nous ayons un bon espoir de recevoir le financement dans le cadre du nouveau modèle, s’il arrivait que la subvention ne soit pas accordée, il y a des approches de solutions à envisager. Parmi elles, il faudrait introduire une communication en Conseil des ministres pour solliciter que la contribution annoncée par le pays soit revue à la hausse. Il faudrait également que certaines activités prioritaires soient privilégiées. C’est le cas de l’acquisition des réactifs et des médicaments ainsi que de leur suivi. De même, le pays aura besoin de se tourner vers d’autres donneurs ou partenaires potentiels. Le Bénin devra en outre envisager des réponses nationales comme arrimer la PTME au Régime d’assurance-maladie universelle (RAMU) pour qu’elle reste gratuite. Et pourquoi ne pas aussi étudier la possibilité que les patients contribuent, partiellement et sous forme de forfait en fonction de leur statut économique, à leur traitement.

Voilà quelques pistes de solutions. Dans tous les cas, il y a un vrai défi qui se pose à l’avenir en ce qui concerne le financement du VIH/Sida et les Etats doivent s’y préparer. Même si le FM subventionne actuellement les notes conceptuelles, les pays doivent augmenter leur contribution et aller encore plus loin, c’est-à-dire, commencer par explorer les pistes du financement innovant.

Finalement, à quoi serviront les 2,7 millions d’euros pour la PTME au Bénin de 2015 à 2017 ?

Avec cette ressource du FM, le Bénin va principalement continuer d’augmenter l’offre de services. Selon le Plan national d’élimination de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant, 100% des sites offrant la consultation prénatale devrait offrir la PTME, le pays n’y est pas encore. Restant toujours avec le Plan, 85% des femmes séropositives devraient être mises sous antirétroviraux, mais ce n’est pas encore le cas. Il y a donc lieu d’accentuer les interventions par rapport à ces objectifs. Même chose par rapport à la prise en charge des enfants séropositifs, car le pays n’a pas encore atteint le niveau escompté. La note conceptuelle sur le VIH/Sida prend donc en compte tous ces aspects. Autre point que touche cette note conceptuelle, le passage à l’échelle de l’option B+, à savoir la mise systématique à vie sous traitement de toutes les femmes enceintes séropositives, dont la phase pilote a commencé en 2013. C’est un défi majeur qui nécessite d’énormes ressources financières à mobiliser. Le secteur privé qui n’avait pas été pris en compte et la mobilisation communautaire sont aussi des axes qu’alimenteront les 2,7 millions d’euros pour que le Bénin puisse aller vers l’élimination de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant, les années à venir.



Propos recueillis par Vadim QUIRIN
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