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Entretien avec Koba Marcellin, conseiller en orientation professionnelle « Aucune formation n’a la garantie de l’insertion professionnelle »
Publié le jeudi 10 septembre 2015  |  Autre presse




Après le Bac, certains apprenants sont confrontés à la réalité du choix de la filière de formation en adéquation avec l’ambition professionnelle. Dans leurs recherches, certains se perdent et hypothèquent ainsi leur avenir. Pour éviter cette situation, Marcellin Koba, coach en développement personnel et conseiller en orientation professionnelle prodigue quelques conseils aux apprenants ainsi qu’aux parents d’étudiants.

Après le Bac, certains bacheliers sont confrontés à un problème d’orientation. Selon vous, que faire pour réussir le choix de sa filière ?
Pour réussir le choix de sa filière de formation après le Bac, il y a plusieurs éléments qu’il faut considérer. Le tout premier, c’est de connaître nos rêves. Je vais être plus concret. Un élève qui vient d’avoir le Bac A doit savoir pourquoi il a choisi de faire la série A ? Que veut-il devenir en obtenant le Bac A ? Généralement, les élèves n’arrivent pas à répondre à ces questions car, ils n’avaient rien comme vison au départ. Ils y sont allés par hasard. Et comme la série a été choisie par hasard, après le Bac, ils commencent par scruter l’horizon pour savoir les possibilités qu’un Bac A peut offrir. Et après avoir choisi une filière, s’ils arrivent à s’en sortir, ça devient compliqué pour eux de s’insérer dans la vie active.
Donc, pour réussir un bon choix, il faut d’abord considérer ses aspirations personnelles. Le deuxième élément, consiste à connaître ses aptitudes. Ce n’est pas parce que j’ai eu un Bac A que je suis excellent en philosophie. Si on n’est pas fort en philosophie, il faut donc éviter les filières où la philosophie ou les analyses… seront prédominantes. Troisième élément, il faut connaître le contenu des enseignements de la formation ciblée. Il ne faut pas découvrir le contenu après s’être inscrit. Le 4ème élément, c’est l’opportunité de l’insertion professionnelle après la formation. Est-ce qu’à la fin de la formation, je pourrais être embauché ou travailler à mon propre compte ? Un autre critère, c’est le coût de la formation. Est-ce que mes parents ont les moyens nécessaires pour couvrir la formation ciblée ? Ou bien, est-ce que j’ai une bourse pour la faire ? Il faut aussi considérer la durée de la formation. Si vous avez eu le Bac à 23 ans, vous ne pouvez pas faire une formation qui va durer 7 ans. Car, c’est 7 ans d’activités intenses, de mouvements, de dépenses… Le dernier élément, c’est l’accompagnement des parents car, le choix de la filière doit se faire en complicité avec les parents. Cela est nécessaire car, c’est eux qui vont financer la formation et ce que je deviendrai demain les engage aussi. Il ne faut donc pas faire le choix de sa filière en se braquant contre la famille. Quand on considère tous ces éléments, on aurait moins de difficultés à choisir.

Selon la catégorie de Bac obtenue, quelles sont les filières qui s’offrent aux bacheliers ?
Il y a un travail de fond que les parents et les nouveaux bacheliers doivent faire. On limite le plus souvent tout aux rumeurs. "Le fils de tel a fait telle formation et il n’a pas pu s’en sortir, donc mon fils ne fera pas ça…". Aujourd’hui, il y a assez de publications sur les formations selon chaque série de Bac. Par exemple, quelqu’un qui a eu le Bac A peut faire tout ce qui concerne l’administration générale et territoriale, le commerce, la communication d’entreprise, les relations internationales et la diplomatie, le développement communautaire en andragogie, en assistance sociale, la formation en histoire, en géographie et aménagement du territoire, marketing et action commerciale, la littérature et civilisations étrangères, le journalisme, management des ressources humaines, la sociologie, le tourisme, les sciences de langage… Mais le plus souvent, les nouveaux bacheliers de Bac A vous citent seulement les lettres modernes, le droit et c’est fini. Ils ignorent qu’avec un Bac A, on peut faire la communication et autres. Il ne faut pas que les parentes se limitent à ce que le fils de quelqu’un a fait et n’a pas d’emploi depuis des années.

Quels sont les critères sur lesquels les nouveaux bacheliers peuvent s’appuyer pour faire le choix de leur filière de formation ?
Nous avons des critères non objectifs et des critères objectifs.
Quand nous parlons des critères non objectifs, il s’agit des critères sur lesquels les parents et même des enseignants se basent pour orienter les nouveaux bacheliers. Parmi ces critères non objectifs, nous avons le fantasme. On remarque quelqu’un dans le quartier qui a une voiture 4x4, une grande villa. On se renseigne et on découvre qu’il travaille dans une banque. On décide du coup de faire Banque et finance pour avoir de l’argent comme l’autre. Alors qu’il n’a aucune idée de ce que l’autre fait à la banque. Ce n’est pas la banque et finance qui envoie quelqu’un à la banque. La banque est une institution financière où on retrouve plusieurs corps de métiers : on peut être comptable à la banque, secrétaire de direction, agent commercial, informaticien, même gardien… Tous ces métiers conduisent aussi à la banque. Il suffit que la banque exprime ses besoins, vous postulez et si vous êtes compétents, on vous sélectionne.
Un autre critère non objectif, c’est l’imposition des parents. Certains parents imposent à leurs enfants des rêves qu’ils n’ont pas pu réaliser sans tenir compte des aptitudes et des réalités dans lesquelles l’enfant évolue. Il y a aussi ce que nous appelons le suivisme. Il s’agit de suivre sans raison le choix effectué par des amis de classe, de groupe d’étude… Sur le campus, au moment où les inscriptions se faisaient sur place, il y a certains nouveaux bacheliers qui observent le mouvement et s’alignent dans le rang le plus long car, on se dit certainement ce qui est là est bon, raison pour laquelle le rang est long. On nous dit souvent qu’avec le Bac D, on peut faire plusieurs choses. Voilà qu’on ne peut pas tout faire à la fois. Conséquence, après le Bac, certains font le tirage au sort de ce qu’ils veulent faire comme formation. C’est dommage car, on ne peut pas tirer au sort son avenir.
Donc, l’utilisation des critères non objectifs est fortement déconseillée dans le choix des filières de formation des nouveaux bacheliers.
A côté de ces critères non objectifs, il y a des critères objectifs : les aspirations personnelles, les aptitudes du nouveau bachelier, les opportunités d’insertion après la formation. Souvent, les gens analysent l’opportunité d’insertion professionnelle par rapport à la réalité d’aujourd’hui, ce n’est pas vrai. Il faut regarder le temps que vous passerez à la formation. Si votre formation durera cinq ans, vous projetez votre insertion professionnelle sur cinq ans. Et l’environnement change à une vitesse de lumière. Ce qui fait que les réalités de 2015, ce n’est pas évident qu’on les retrouve en 2020.
Un autre critère objectif à considérer, c’est le coût de la formation et sa durée. Il faut voir ces deux paramètres pour savoir si vous pourrez tenir financièrement et physiquement jusqu’à la fin de la formation.
Le dernier critère objectif, c’est le rôle des parents. Il est important de se concerter avec les parents pour choisir sa filière de formation car, c’est eux qui vont débourser. Il faut donc avoir leur avis car, il faudrait qu’ils soient fiers de mon choix et qu’ils me soutiennent.
Ces critères objectifs ne doivent pas être pris isolement, il faut les croiser.

Il y a des bacheliers qui ont les aptitudes, les moyens et pourtant, ils échouent dans leur choix. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ?
Les critères évoqués sont les éléments dont il faut tenir compte de façon objective. Après avoir choisi, pourquoi certains peuvent réussir et d’autres peuvent échouer ? Il y a deux éléments qui expliquent cette situation. Le premier, c’est l’individu lui-même. Comment vous vous comportez dans une formation tout au long de l’année ? Il y a certains qui ne prennent pas les études au sérieux. Ils se disent, c’est la première année, ce n’est pas difficile et ils n’apprennent pas. En se comportant ainsi, ils n’arrivent pas à combler les attentes en matière de performance et ils sont surpris par les résultats de fin d’année.
Le deuxième élément à prendre au sérieux, la formation peut être la meilleure possible, mais pendant que vous y êtes, vous devez avoir une vie para-formation qui vous permet d’être collé aux réalités de la vie active. Réussir ne signifie par seulement avoir le diplôme, mais c’est accomplir le rêve et le rêve ici, c’est l’insertion professionnelle après la formation.
Dans un système d’enseignement supérieur comme le nôtre, les conditions dans lesquelles les gens étudient ne peuvent pas garantir le succès même si vous avez bien choisi votre filière. Si nous prenons ceux qui font la faculté de droit. Les conditions d’étude de 8000 étudiants ne peuvent pas être les mêmes que celles de 100 étudiants. Un étudiant qui vient fraîchement de la terminale où ils étaient 45 élèves et qui est plongé dans cet univers de 8000 étudiants, il est mentalement et moralement déstabilisé. L’autre chose, est-ce que les enseignements donnés sont actualisés par rapport aux enjeux d’aujourd’hui ? Quand on observe aussi les conditions d’évaluation, un enseignant qui a 8000 copies à corriger, comment va-t-il s’arranger pour les rendre à temps ? On parle de moyenne dans les formations, mais on constate avec amertume que dans certaines filières, c’est une seule composition qui tient lieu de moyenne. Quand c’est évalué de cette manière et que l’apprenant a mal travaillé ce jour là, c’est qu’il a simplement raté sa moyenne. Ainsi, à la délibération on voit que c’est seulement 40 étudiants sur 8000 qui sont admis à la première session. Peut-être encore 100 à la deuxième session. Et les autres, ils sont passés où ? Les autres, au bout de deux ans, ils abandonnent et c’est fini. Dans ces conditions, on ne peut pas dire qu’ils ont mal choisi, mais c’est le système éducatif qui les aurait découragés.

Pour éviter ces effectifs pléthoriques, certains parents décident d’envoyer leurs enfants dans des universités privées. Que pensez-vous de cela ?
Je vais peut-être décevoir certains parents qui envoient leurs enfants dans des établissements privés. Le fait que cela soit un établissement privé ne garantit pas les meilleures conditions d’étude et de formation. J’ai vu ici à Cotonou, des établissements d’une certaine renommée qui n’arrivent pas à présenter aux étudiants un emploi du temps. C’est à la fin d’un cours qu’on vous informe qu’il y aura cours demain ou tout à l’heure. Ça, ce n’est pas une école. C’est à 99% les enseignants des universités publiques qui interviennent dans ces établissements privés. Donc, rien n’a changé si ce n’est que le cadre. Ce que je préconise, avant d’aller inscrire son enfant dans un établissement privé, il faut au moins réclamer un programme et le curriculum de formation, l’emploi du temps de la première période de formation. Certains établissements ne disposent rien de cela. Ils font leur emploi du temps en fonction de la disponibilité des enseignants et aussi de leurs copains à qui ils veulent rendre service. Ce clientélisme ne permet pas d’assurer une très bonne formation aux apprenants. Le tableau n’est pas très reluisant et il sera très difficile d’arbitrer car, les parents tombent le plus souvent dans le piège de publicités de co-signature et de reconnaissance au Cames. Même si le diplôme est cosigné par l’Etat béninois et que la qualité de la formation qu’on a dispensée à l’apprenant ne lui permet pas de faire face à la réalité du travail, il ne pourra pas s’en sortir. Il y a des établissements où les parents ont payé cher pour la formation de leurs enfants, mais l’établissement n’a pas été capable de trouver à ces apprenants, un stage quelque part pour la préparation des mémoires de fin de formation, c’est inadmissible.

Quels conseils pouvez-vous prodiguer aux nouveaux bacheliers et aux parents afin qu’ils évitent des choix hasardeux ?
Je dirai aux parents d’aider leurs enfants en s’informant au même titre que ces enfants. Il ne faut pas qu’ils restent à la maison pour laisser les enfants seuls faire les courses. Je déplore que c’est souvent après le Bac que les gens sont préoccupés par le choix de la filière de formation. Le choix de la filière se fait depuis le bas âge, bien avant la terminale. Il faut dialoguer avec l’enfant et surtout l’observer afin d’identifier ses penchants, ses aptitudes, ses loisirs, ses ambitions… Comme cela, on peut l’aider à mieux s’orienter. Les parents doivent s’informer au fur et à mesure que l’enfant évolue dans ses études et l’enfant aussi doit s’informer sur l’environnement de travail.
Je voudrais dire aux apprenants qu’aucune formation n’a la garantie de l’insertion professionnelle. La différence entre ceux qui arrivent à s’insérer rapidement et ceux qui n’y arrivent pas, c’est la capacité à être connecté à l’environnement hors de l’école. Il faut alors évoluer dans des associations qui vous permettent de toucher à certaines réalités de la vie active. En faisant cela, on peut limiter les dégâts.

Propos recueillis par Isac A. YAÏ
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