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Interview de Patrice Talon à Jeune Afrique :« On n’est pas candidat tout seul »
Publié le mardi 6 octobre 2015  |  Le Matinal
Patrice
© aCotonou.com par DR
Patrice Talon




Exilé en France depuis trois ans, l’opérateur économique béninois confirme son retour au pays au plus tard ce mois d’octobre. Sa candidature à la prochaine élection présidentielle, son activisme et ses relations avec la classe politique, la vérité sur l’affaire des 12 milliards Fcfa des cotonculteurs, le contenu de sa lettre d’excuses à Yayi Boni via Abdou Diouf en 2014, ce qu’il pense du premier ministre Lionel Zinsou…., après ses sorties sur des chaînes de télévision locale et sur Rfi, Patrice Talon parle à nouveau. C’est dans l’hebdomadaire Jeune Afrique.


Jeune Afrique : Quand comptez-vous rentrer au Bénin ?

Patrice Talon : En octobre au plus tard.

Votre retour a été plusieurs fois annoncé. Pourquoi l’avoir reporté ?

Je n’avais encore jamais fixé de date précise. Mon épouse est rentrée dans le courant du mois d’août et, comme c’est le cas à chaque fois qu’un de mes parents prend le chemin du retour, cela a suscité de l’effervescence.

Pourquoi rentrer maintenant ?

Il est temps. Trois ans d’exil, c’est beaucoup. Du temps a passé, les choses se sont apaisées. Les autorités m’ont fourni un laissez-passer fin août. Le Bénin est désormais dans une autre dynamique et je souhaite apporter ma contribution.

Ne craignez-vous pas la justice de votre pays ?

Elle a prouvé maintes fois qu’elle sait résister aux manipulations. D’ailleurs, dans mon cas, elle a même contribué à rétablir la vérité autant qu’elle a pu.

Pourtant, vous êtes toujours sous le coup de poursuites pour détournements de fonds publics lors de la dernière campagne coton que vous avez gérée, en 2011-2012…

Je n’ai pas l’impression que cette accusation continue d’avoir cours. Selon mes informations, l’État a fini par reconnaître qu’il n’avait pas versé les 12 milliards de FCfa qu’il était censé débloquer pour l’ensemble de la filière afin de subventionner l’achat d’intrants. Il a reconnu qu’il devait ce montant et s’est même engagé à le payer.

Mais les producteurs disent ne pas avoir reçu suffisamment d’engrais. Quant à ceux qui en ont eu, ils soutiennent qu’ils étaient périmés ou de mauvaise qualité…

Aucun paysan ne s’est plaint de la qualité des intrants livrés par les acteurs privés. Et même si c’était le cas, quel est le crime que M. Talon aurait commis ? A-t-on établi que les commandes effectuées auprès de ma société n’ont pas été honorées ? Jamais. Il est vrai que, pendant ces trois ans, je suis resté au cœur de l’action politique.

On imagine que ce n’est pas un hasard si vous rentrez à quelques mois de l’élection présidentielle…

Qu’il y ait une élection en 2016 ou non, je serais rentré. Il est vrai que, pendant ces trois ans, je suis resté au cœur de l’action politique. La révision de la Constitution, qui a été l’objet exclusif de la brouille entre le président Thomas Boni Yayi et moi, n’est plus d’actualité. Mais le pays est totalement sinistré et je veux apporter ma contribution à la restauration de l’édifice.

Serez-vous candidat ?

Je l’envisage.

Ne faites-vous pas plus que l’envisager ?

On n’est pas candidat tout seul, juste parce que l’on sent que l’on peut apporter sa contribution ou parce que l’on se sait capable. Il faut partager sa vision, acquérir l’adhésion de la classe politique.

Vous n’avez pas de parti politique. Allez-vous en créer un ?

Non, mon ambition est de rassembler la classe politique dans sa grande majorité.

Avez-vous fait part de vos ambitions à Adrien Houngbédji [président de l’Assemblée nationale], à Éric Houndété [vice-président] ou au général Robert Gbian, qui sont également présidentiables ?

Ce sont des amis. Je discute avec la plupart d’entre eux depuis bien longtemps. Il s’agit juste de voir qui est plus à même d’opérer une transition pendant laquelle il faudra réformer notre modèle politique et de fédérer autour de lui.

Pourriez-vous renoncer à vous présenter et soutenir une autre personnalité si elle paraissait plus à même de réussir ?
Si je me décide à franchir le pas, c’est parce que j’ai la conviction que j’ai les moyens d’opérer cette transition. J’ai bien l’espoir qu’un grand nombre adhérera à mon projet et me suivra.

Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer en politique ?

Le résultat des législatives d’avril et l’élection du président de l’Assemblée nationale ont fini par me convaincre que j’aurais tort de rester à l’écart.

Avez-vous participé financièrement à la campagne de certains députés ?

Cette question revient un peu trop souvent. Pourquoi tout réduire à la question de l’argent ? Je n’ai jamais nié que j’apporte mon soutien aux partis politiques. J’ai grand plaisir à contribuer à l’existence de la compétition dans nos pays. Les moyens financiers sont nécessaires pour permettre l’essor d’une opposition active. Tout le monde sait que j’ai eu une contribution active à l’élection de Boni Yayi en 2006. Cela ne m’a pas empêché de souhaiter qu’il n’ait pas la majorité au Parlement. Cela dit, j’estime qu’il faut encadrer le financement des partis politiques par les acteurs privés. Tant que les règles ne sont pas établies, il sera difficile d’être transparent.

Selon plusieurs sources, vous auriez injecté près de 4 milliards de F Cfa dans la dernière campagne législative…

C’est une somme énorme. Qui, au Bénin, est capable d’apporter un tel appui avant une échéance électorale ?

Fin août, l’Assemblée nationale a refusé de lever l’immunité de Barthélémy Kassa, député et ancien ministre de l’Énergie et de l’Eau impliqué dans une affaire de détournement de fonds. Qu’en pensez-vous ?

C’est une erreur morale monumentale. C’est dangereux pour le fonctionnement du pays et l’adhésion des citoyens à la politique. Si j’accède à la magistrature suprême, ma première mesure sera de modifier la Constitution en ce sens.

Quelles décisions faut-il prendre pour assainir la vie politique ?

Le principe du mandat unique en est une. Il faut supprimer la possibilité de renouvellement qui nuit à l’efficacité du pouvoir. Le premier réflexe d’un président élu est de s’assurer de sa réélection. Si j’accède à la magistrature suprême, ma première mesure sera de modifier la Constitution en ce sens. Et d’une manière générale, il faut trouver des mécanismes pour renforcer les partis politiques les plus représentatifs. Aujourd’hui au Bénin, il est devenu ordinaire que les acteurs politiques disent sans gêne ne plus vouloir être dans l’opposition parce qu’ils veulent être du côté du gagnant.

En vous construisant un monopole dans l’industrie du coton, n’avez-vous pas transposé à l’économie ce que vous décriez en politique ?

Je n’ai jamais eu le monopole de la filière coton. Dans le secteur de la distribution des intrants, nous étions six ou sept sociétés privées à opérer. C’est vrai que la mienne, la Société de distribution intercontinentale (SDI), avait la plus grosse part de marché. En ce qui concerne l’égrenage, j’ai le plus grand nombre d’usines [sa Société de développement du coton, Sodeco, en contrôlait 10 sur 18]. Mais fallait-il délaisser ce secteur pour ne pas être accusé d’hégémonisme ? Trois ans après mon départ, la filière est totalement sinistrée.

Le Bénin a depuis le 18 juin un nouveau Premier ministre, Lionel Zinsou. Que pensez-vous du personnage et de son action ?

C’est un personnage qui fait la fierté du Bénin. Il a des références avérées dans ce qu’il fait. Mais je dois avouer que je n’ai pas compris sa décision. Je ne sais pas ce qui l’a motivé à accepter cette fonction qui, à mon sens, pourrait plutôt nuire à sa réputation. Aujourd’hui, ne fait-il pas le constat que l’équipe en place n’est pas à la hauteur des valeurs qui sont les siennes ? Une chose est de servir sa nation, une autre est de se salir les mains.

Comment qualifieriez-vous votre relation avec lui ?

Je le connais bien.

L’avez-vous rencontré au cours de votre exil ?

Oui.

Et depuis qu’il est Premier ministre ?

Non.

Il pourrait lui aussi se présenter à la présidentielle…

Je préfère le voir candidat que Premier ministre de Boni Yayi.

Même face à vous ?

Cela relèverait le niveau de la compétition.

Pendant des mois, vous avez accusé le président Boni Yayi d’avoir voulu faire sauter le verrou constitutionnel pour se représenter en 2016. On est aujourd’hui certain qu’il ne le fera pas…

Il a tout tenté, et s’il n’a pas réussi, c’est parce qu’il n’a pas pu modifier la Constitution.

En avez-vous la preuve ?

Les événements politiques des douze derniers mois le prouvent.

Mais il a maintes fois répété qu’il ne se représenterait pas…

C’était une ruse.

En 2014, vous avez remis à Abdou Diouf une lettre manuscrite destinée à Boni Yayi. Que contenait-elle ?

Boni Yayi souhaitait que je lui présente des excuses publiques pour le tort que je lui avais causé. Je lui ai répondu que je n’avais pas agi pour mettre à mal son régime, mais contre son projet de révision de la Constitution. Et que si mon action avait nui à sa gouvernance, à sa tranquillité, à sa jouissance du pouvoir d’une manière ou d’une autre, je voulais bien m’en excuser. C’est ce que j’ai écrit dans la lettre.

Vous affirmez que les accusations portées contre vous ont été montées de toutes pièces ?

Les affaires dites de tentative d’empoisonnement et de tentative de coup d’État ont été des trouvailles destinées à me ramener au Bénin au moyen d’une extradition. Je n’ai jamais tenté de nuire à l’intégrité physique du président ou de renverser son régime. Avec le recul, je dois reconnaître que Boni Yayi est un véritable fighter. Si vous l’avez contre vous, il faut être préparé.

jeuneafrique.com

NB : Le surtitre, le titre et le chapeau sont proposés par la rédaction de "Le Matinal"
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