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Le Matinal N° 4183 du 11/9/2013

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Révision de la Constitution : Le consensus en question
Publié le mercredi 11 septembre 2013   |  Le Matinal




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La transmission par le gouvernement au parlement le 6 juin 2013 du projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990, alimente depuis lors et prioritairement tous les débats politiques, aussi bien en ce qui concerne les innovations normatives défendues par l’Exécutif que sur le processus de gestion de ce dossier. Parmi les mots clés de ces débats qui créent des antagonismes dans notre pays, se trouve en grande préoccupation, l’expression «consensus ».

Elle est utilisée par les divers acteurs et personnes qui se préoccupent des affaires publiques de notre pays, notamment dans l’examen ou la discussion de la question dudit projet. Bien qu’ils réagissent différemment devant la question, citoyens, syndicalistes, activistes de la société civile et religieux en particulier, responsables politiques, membres des institutions de l’Etat, tous s’expriment par ce mot pour traduire leurs points de vue, leurs sentiments et leurs engagements.

En parlant du consensus, tous disent-ils ou parlent-ils de la même chose ? Préconisent-ils les mêmes procédures et s’attendent-ils tous aux mêmes résultats, à savoir, aboutir, comme Larousse décrit le consensus, à « l’accord et au consentement du plus grand nombre, de l’ensemble ou d’une large majorité de l’opinion publique », et dans les faits, parviendront –ils à s’entendre pour agir ensemble ?
Pour répondre à ces questions pressantes, relisons studieusement les différentes lectures de l’expression « consensus » qui se font.

Le président coordonnateur national des Forces cauris pour un Bénin émergeant (Fcbe), Monsieur Eugène Azatassou, affirmant, lors d’une émission de débats de la Radio Capp Fm, que les Fcbe soutiennent à bloc, avec vigueur et conviction la révision de la constitution, adhère au principe du consensus qu’il explique de la manière suivante : « On va parler avec le peuple afin qu’il puisse adhérer », ajoutant que c’est ce qui est en train d’être fait.

De leur coté, les Secrétaires Généraux des Confédérations et Centrales (Cstb, Csa-Benin, Cgtb, Cosi-Benin et Cspib) qui se sont réunis à Cotonou, à la Bourse du Travail, le Vendredi 26 Juillet 2013 ont précisé qu’en raison de l’absence d’une large popularisation du contenu du projet de révision de la Constitution, de concertation préalable avec les forces vives de la nation, ne serait-ce que pour obtenir un minimum de consensus autour d’une question aussi sensible, leurs Confédérations et Centrales syndicales, s’opposent avec force et vigueur à toute modification ou révision opportuniste de notre Loi fondamentale.

A défaut de la Présidence du Synode Général de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin, c’est le Président du Rassemblement des Cadres et Leaders Protestants Méthodistes, une organisation genre société civile, qui réclame des discussions larges autour de la question de révision de la Constitution. Il souscrit aussi au consensus.

Le Clergé Catholique pour lequel le projet de révision de la Constitution du 11 1990 survient dans un contexte de mal-être, recommande dans sa Lettre Pastorale du 15 Aout 2013, aux acteurs politiques de notre pays, « …de revenir à l’esprit consensuel et convivial de la Conférence nationale des forces vives, pour instaurer le dialogue politique et restaurer la confiance… ».
De grands dignitaires islamiques dont les prises de position contrastent avec la Déclaration de l’Union Islamique du Bénin qui n’a rien proposé comme approche sur la question de révision de la Constitution, sinon qu’elle s’est plutôt élaborée à critiquer le Message de la Conférence Episcopale du Bénin, ont aussi recommandé à tous les acteurs politiques d’aborder ladite question avec esprit de compréhension, de paix et de consensus. Dans un communiqué signé par quatre vingt neuf (89) imams se réclamant de la Commission de Réflexion pour l’Unité de la Communauté Islamique du Bénin, ces grands dignitaires se démarquent ainsi totalement de l’Union Islamique du Bénin, et soutiennent l’appel au dialogue.

Dans sa lettre au clergé catholique, suite à sa correspondance du 09 juillet 2013 et du message de la Conférence Épiscopale de notre pays, le Président de la République répondra : « Nous devons retenir que dans la lettre adressée au Président de l’Assemblée Nationale, j’ai toujours rappelé la nécessité d’une approche consensuelle. Le Président de l’Assemblée Nationale travaille sur cette base tout en respectant les procédures de l’Assemblée Nationale. Nous sommes tous d’accord avec vous qu’aucune modernisation ne peut se faire sans le consensus ». L’approche consensuelle du Gouvernement a été aussi respectivement soutenue par l’ex Garde des Sceaux, Madame Reckya Madougou Yedo et le Ministre des Affaires Étrangères, Arifari Bako qui nuancera aussi qu’il revient au Parlement d’en juger de l’opportunité et des conditions de sa mise en œuvre.

A l’issue de la dernière rencontre périodique des Présidents des Institutions de la République, tenue le vendredi 23 août 2013, le Professeur Théodore Holo, Président de la Cour constitutionnelle désigné porte-parole de ses pairs présidents des institutions de la république, a rappelé que conformément à une décision de la Cour Constitutionnelle en 2007, toute réforme, toute révision de la constitution doit se faire en essayant, comme fait à la conférence nationale, d’avoir le consensus ; s’interrogeant sur « comment travailler pour que ce consensus soit réalisé », il pense que les différents membres des institutions présentes à cette rencontre vont continuer à réfléchir sur la question pour que dans le débat qui se mène, se crée les conditions pour que ce consensus puisse être réalisé. En attendant, il trouve nécessaire, que la population puisse s’approprier les éléments du projet de loi qui a été envoyé à l’Assemblée Nationale, comme il a eu à le faire quand il était question d’adopter la constitution du 11 décembre 1990. Enfin Il pense que la question doit être discutée dans le cadre du processus d’élaboration ou d’adoption des lois au niveau de l’Assemblée Nationale.

Les membres du Bureau de l’Assemblée Nationale dans un communiqué lu le lundi 26 août 2013 par le premier Secrétaire Parlementaire, Alfred Biaou Okounlola, « rassurent tous les protagonistes (forces politiques, Organisations de la société civile etc.…) que dans le processus de l’examen de ce dossier, tout sera mis en œuvre pour associer tous les acteurs dans le but de rechercher un consensus sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire. »
Après cette abondante moisson des réactions des uns et des autres, et à l’analyse de celles-ci, on se rend compte que ce sont plusieurs positions politiques, parfois antagonistes, qui y sont défendues :

Les uns sûrs de la justesse des nouvelles normes constitutionnelles projetées ne se proposent que de convaincre les populations sur leur bien fondé et le fait quelles n’offriraient aucun danger. Ils ne recherchent que la caution des populations pour légitimer le projet et obtenir une garantie pour la préservation de l’ordre constitutionnel.

Qu’une telle position provienne des Fcbe, cela parait respecter la logique des choses.
Mais curieusement, une telle position est aussi défendue, malgré sa proclamation de réserve, par le Professeur Théodore Holo, Président de la Cour constitutionnelle, fût-il porte-parole de ses pairs. Cette analyse se dégage de l’écoute citoyenne de ses propos :

« Il est évident que dans le projet de loi tel que nous en avons pris connaissance, projet de loi portant révision de la constitution, il y a des éléments positifs qui contribuent au renforcement du processus démocratique, ne serait-ce que par rapport à la question de l’imprescriptibilité des crimes économiques, ne serait-ce que par rapport à l’exigence de la création d’une Cour de Comptes qui est une directive de l’Uemoa, ne serait-ce que par la professionnalisation de la Commission Electorale Nationale Autonome qui doit être le garant de la qualité des élections qui sont organisées au Bénin. »
Par ces propos, il a vidé l’essentiel des débats. Reste-il encore autre chose à faire quand il ajoute :
« Ce débat suppose que nous soyons prêts à faire les compromis et les concessions utiles. Cela suppose que nous sachions de quoi il s’agit. Et j’ai eu le plaisir de savoir qu’au niveau déjà des maires, un travail d’appropriation à été fait (Il fait peut être référence à la dernière réunion des maires de la mouvance présidentielle qui ont adhéré au projet de révision de la Constitution). Au niveau également des députés un travail a été fait.

Il y a aussi les acteurs politiques ; il y a aussi les organisations de la société civile qui ont besoin de s’approprier les éléments de ce projet de révision pour que si le débat doit se faire, que cela se fasse dans un esprit apaisé ; que chacun sache de quoi il s’agit et que nous comprenions que ce qui est fait va dans le sens de la consolidation des acquis démocratiques ». La clarté de la position est manifeste et indiscutable.
D’autres en parlant de consensus, se limitent à la consultation de la population qui devrait, au préalable, être accompagnée pour s’approprier les éléments du projet de loi qui a été envoyé à l’Assemblée Nationale.

C’est sans doute la position de l’Exécutif et de la mouvance présidentielle au parlement qui est majoritaire dans son bureau. L’approche « consensuelle » du Bureau de l’Assemblée Nationale est trahie dans son communiqué en ce sens que dit-il : « Aucune disposition constitutionnelle ou légale n’interdit à l’Assemblée Nationale d’adopter la méthode qui lui semble la mieux adaptée, non seulement pour rassurer la population béninoise que rien ne sera fait contre ses intérêts, mais également pour recueillir et exploiter (souligné par nous) » au mieux toutes les préoccupations qui font aujourd’hui le lit des débats et déclarations dans l’opinion publique. ». Une telle démarche est celle de la consultation.

Enfin, d’autres prônent le dialogue politique et la concertation préalable des forces vives de la nation pour aboutir au consensus autour d’une question qui divise. C’est indéniablement la position des Confédérations et Centrales syndicales, des organisations de la Société Civile, des religieux (catholiques et un pan appréciable de la communauté musulmane se réclamant de la Commission de Réflexion pour l’Unité de la Communauté Islamique du Bénin). L’Union fait la Nation et le Pcb, partis d’opposition réclament aussi le dialogue politique ; à défaut (ce qui est évident à leurs yeux), ils s’opposent à la révision. La Rb et le Prd, même s’ils l’expriment par un style feutré, ne sont pas contre un dialogue politique profitable à la classe politique.
Que faire alors pour « concilier » ces positions politiques différentes, voire contraires ou opposées ?
Initiateur du projet, l’Exécutif s’est déchargé sur la Représentation Nationale pour la mission de conciliation des positions. A l’analyse, les deux institutions, appuyées d’ailleurs par le Professeur Théodore Holo, semblent privilégier le cadre habituel des débats internes à l’Assemblée sur des lois ordinaires et, au besoin, après consultation d’experts ou de représentants de certains groupes sociaux, au lieu de l’organisation d’un dialogue politique que réclament certains responsables et acteurs politiques et les citoyens (syndicalistes, activistes de la société civile et religieux en particulier), pour les reformes de la Loi Fondamentale.

Les membres des différentes institutions un peu en panne, veulent continuer à réfléchir sur la question pour que dans le débat qui se mène, ils créent les conditions pour que le consensus puisse être réalisé.

Il nous semble pourtant simple de nous convaincre tous que la recherche du consensus autour de la question de révision de la constitution relève du domaine de la démocratie participative, une forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique. Elle fait appel à la détermination de différents processus permettant la participation du public à l’élaboration des décisions.
C’est donc les valeurs de la démocratie et de la démocratie participative qui doivent interpeller les uns et les autres dans la recherche de la réponse à la question de savoir comment créer les conditions pour que le consensus puisse être réalisé.

La démocratie participative n’est nullement réductible à la « démocratie d’opinion » en cela qu’elle crée les conditions nécessaires au déroulement d’un débat public ouvert et démocratique. Inspiré par des penseurs de la délibération collective tels que Jürgen Habermas et James S. Fishkin, l’impératif délibératif de la démocratie participative se fonde sur une logique simple : meilleure est la qualité du débat, plus légitimes et efficaces sont les décisions qui en découlent.
Toute la question porte alors sur les conditions d’un bon débat et notamment la qualité de la procédure délibérative pour arriver à ce qu’ Habermas appelle « une entente rationnellement motivée » , notamment par :
la liberté des participants au débat (ils doivent être « actifs et ouverts », « exempts de toute forme de contrainte ») ;
la qualité du débat lui-même (il doit être public et potentiellement ouvert à tous).
La démocratie participative peut prendre la forme d’une consultation, d’une concertation, d’une co-élaboration ou d’un référendum.

Pour une question aussi sérieuse que celle de la Loi Fondamentale, en tout cas au Bénin où le consensus a valeur constitutionnelle pour toute reforme ou révision de la Constitution, la démocratie participative ne saurait se limiter à la simple consultation ; car la consultation n’implique pas la prise en compte des avis donnés par les cibles consultées. Dans le cas des enquêtes publiques, le commissaire enquêteur émet à la fin un avis personnel qui n’est pas nécessairement celui de la majorité des déposants. L’autorité publique n’est pas non plus tenue de suivre l’avis du commissaire enquêteur. La consultation n’est pas un examen des idées pour les comparer, encore moins une confrontation des différents points de vue.

En revanche, la Concertation impose des procédures en amont du projet, élargissant la transparence, impliquant des débats et favorisant la participation, même si le pouvoir décisionnel reste dans les mains de l’autorité publique ou de l’institution qui doit conclure sur le sujet. Les débats surtout publics découragent des décisions ou des conclusions de délibérations arbitraires, celles qui relèvent de la seule volonté ou des caprices d’une minorité, aux dépens de la justice ou de la raison, qui ne tiennent pas compte de la réalité et restant sans fondement démocratique.

Quant à la Co-élaboration, cette forme de participation incarne un niveau élevé de démocratie participative dans la mesure où certains projets relèvent de décisions prises collectivement. C’est le cas des décisions issues des conférences de citoyens et de celles relatifs au budget participatif. Le principe des conférences de citoyens, fréquemment utilisées dans des pays comme le Danemark ou le Canada, sans pratique courante dans le système politique français auquel nous sommes plus familiers, permet de tester différents scénarios et de voir celui qui emporte l’adhésion des citoyens.

Le référendum lui ne crée pas les conditions d’une conversation civile durable et demeure pauvre du point de vue de la culture de participation. Il est sporadique. Le référendum correspond au mécanisme de démocratie directe que de démocratie participative.

Devant les contraintes et les facilités des différentes formes de démocratie participative, et en l’absence chez nous d’un congrès parlementaire (Réunion des membres de deux chambres d’un parlement bicellulaire, l’Assemblée Nationale et le Sénat) convoqué souvent en France pour les révisions constitutionnelles, la concertation des forces vives de la nation reste la plus adaptée à la situation actuelle de notre pays. Cette approche différente de celle du Bureau de l’Assemblée Nationale dans son approche consensuelle de l’instruction du dossier de révision de la Constitution par la « concertation obligatoire », est primordiale en attendant, le cas échéant, un référendum national.

Ce qui suppose, après une vulgarisation loyale du projet et une appropriation par les populations de son contenu, la mise en place d’un mécanisme de débat public à l’image de celui de la Conférence des forces vives de la nation, même si l’évènement ne devrait pas recouvrer son importance politique. Ce serait des états généraux des forces vives qui se proposent de débattre en profondeur les innovations et garanties de la modernisation de la Constitution du 11 décembre 1990.

Il s’agit d’un débat national sur la constitution avec pour exigences immédiates,
la liberté de la presse et de l’accessibilité de l’opposition et des organisations de la société civile aux médias publiques ;
la liberté d’expression et de manifestation ;

et pendant les discussions,

la liberté des participants au débat ;
la qualité du débat qui doit être public.

La concertation préalable des forces vives de la nation est d’autant plus indiquée que la facilité avec laquelle le Haut Commissariat de la République (HCR), agissant en 1990 en qualité d’institution législative, a su dégager les différents scénarios et faire voir celui qui emporte le plus l’adhésion des citoyens, provenait des débats fructueux menés en amont ; au cours de la Conférence Nationale qui au préalable avait défini les grandes orientations du Renouveau Démocratique.

Conclusion

L’élaboration ou la reforme d’une constitution est une affaire sérieuse dans la vie d’une nation. La Constitution est le texte qui fonde l’organisation de l’État et qui garantit le respect des droits fondamentaux des personnes. Il est souvent difficile d’aboutir à des normes constitutionnelles communes ou valides pour la diversité des populations.

Quoique présumée (légalement) d’être la représentation nationale, l’Assemblée Nationale ne peut seule en décider. Il faut associer à la réflexion qui pousse à la modernisation de la Constitution du 11 Décembre 1990, toutes les forces citoyennes et toutes les catégories socioprofessionnelles de notre pays. Car chacune de celles-ci a son comportement durablement acquis et qui la caractérise. Tout autant, les visions de chacune d’elles sont profondément marquées et dépendantes de leurs conditions d’existence. L’Assemblée nationale ne saurait seule les porter toutes.

Avant l’adoption, par le Parlement, de la loi portant révision de la Constitution, un consensus national est obligatoire. Pour y arriver, seule une délibération collective, réflexion collective à peser le pour et le contre des innovations, lors d’un débat politique, est la garantie de donner vie à la valeur constitutionnelle de ce consensus.

Daniel Ataïgba

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