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Pour un projet agricole compétitif, financièrement rentable : Ganiou Soglo diagnostique les problèmes et propose des solutions
Publié le vendredi 11 decembre 2015  |  Matin libre
Ganiou
© aCotonou.com par CODIAS
Ganiou Soglo, l`ancien ministre, ancien député et promoteur agricole
Cotonou, le 27 novembre 2015. C`était au Café Médias plus N 79 à la Maison des Médias.




Dans un entretien publié ici par votre Quotidien Matin Libre, l’ancien ministre Ganiou Soglo, engagé dans l’agriculture fait le diagnostic du secteur et propose des solutions. Pour Ganiou Soglo, il faut l’aide de l’Etat pour un projet agricole rentable financièrement, une sécurité alimentaire. Aussi, les gouvernements doivent pouvoir faire une différence entre les grands promoteurs agricoles et les petits producteurs dans leurs politiques agricoles. Lire l’interview dans son intégralité.

A quelques jours de la Cop 21 où il a été en partie question de l’impact des dérèglements climatiques sur l’agriculture en Afrique, les projets à petite taille visant la sécurité alimentaire sont préconisés, comment percevez vous la question?

Ganiou Soglo: Je pense que c’est une très bonne chose. Ce que nous espérons est que ça ne soit pas lettre morte. Les changement climatiques frappent de plein fouet l’ensemble des populations de la planète, en particulier ceux qui nourrissent les peuples, c’est à dire les éleveurs et les producteurs. J’ai eu la chance d’écouter le Président Hollande, qui avait reçu les éleveurs et les producteurs français et leur avait signifié que l’État français allait les accompagner parce que les changements climatiques avaient un impact direct sur leurs productions. En tant que promoteur agricole, j’espère que le Bénin va suivre cette recommandation dans la mesure où nous, nous avons été touché de plein fouet par les changements climatiques. Il a énormément plu cette année et les petits producteurs et les promoteurs agricoles béninois ont été durement touchés par les précipitations que nous avonsvécu. Malheureusement je peux vous dire que nous n’avons pas senti le soutien du gouvernement béninois. Peut être que je suis un cas à part et que les petits producteurs béninois ont senti l’aide du gouvernement parce que c’est bien d’avoir des réunions internationales où on parle des changements climatiques, encore faudrait-il qu’au niveau de notre pays, les responsables politiques, en particulier le ministère de l’agriculture, accompagnent réellement ceux qui sont touchés par ces changements. D’autant plus que nous nourrissons les populations.

Nous entrons dans le vif du sujet des Présidentielles, comment comptez vous faire entendre la voix des exploitants agricoles?

En tant que promoteur agricole, j’ai la chance de faire partie de la chambre d’agriculture et nous discutons très souvent avec les petits producteurs des départements de l’atlantique et du littoral et nous souhaitons un certain nombre de choses par rapport à ces élections à venir. La première, c’est le vote de la loi sur la chambre d’agriculture. Aujourd’hui, on ne peut pas comprendre que cette chambre qui devrait soutenir les producteurs locaux ne soit pas accompagnée par une loi. Nous sommes actuellement dans une situation anachronique parce que vous avez une chambre d’agriculture qui depuis 2010 n’a pas été renouvelée et dont les chambres départementales ne jouent pas pleinement leurs rôles. C’est-à-dire que si nous avions cette loi, elle encadrerait les chambres départementales afin quelles puissent venir réellement en aide aux petits producteurs et surtout qu’elles puissent prélever auprès de la CCIB par exemple les recettes qui lui reviennent de droit. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Je pense qu’on ne peut pas continuer à accepter que ceux qui nourrissent les populations soient laissés pour compte. Il est important que les populations se rendent compte que la sécurité alimentaire est
quelque chose de crucial.

Vous vous faites depuis quelques années le défenseur des petits producteurs agricoles, comment concrètement l’État peut-il leur venir en aide?

Au vu des discussions que nous avons eu avec les petits producteurs en particulier ceux de la chambre départementale atlantique-littoral, nous pouvons lister six grands problèmes. Le premier, c’est la question du foncier. Malgré la loi à l’Assemblée Nationale, les petits producteurs ont du mal à travailler dans de bonnes conditions parce qu’ils n’ont pas accès à la terre. Le deuxième grand problème, c’est la question des semences agricoles qui coûtent chères aux petits producteurs. Nous espérons que l’État pourra subventionner cela. Le troisième problème que nous avons vécu avec eux, c’est la question des engrais, en particulier des engrais organiques qui aujourd’hui touchent l’ensemble de la profession dans la mesure où si vous voulez proposer une agriculture de qualité et saine, il faut à la fois préserver les sols et augmenter les rendements. La quatrième question qui revient sans cesse, c’est la question de la gestion des eaux et donc de l’irrigation. Je pense que c’est fondamental dans notre pays. Nous souhaitons que le gouvernement apporte des solutions viables pour les petits producteurs d’autant plus que nous avons aujourd’hui énormément de précipitations au Bénin et il y a des solutions à apporter dans ce domaine. La cinquième question qui revient régulièrement au cours de nos discussions, c’est bien évidemment pour les grands promoteurs dans ce secteur particulier, la question des machines agricoles. Mais là encore, il faut être prudent. Les petits producteurs n’ont pas forcément besoin d’avoir des machines agricoles car vous avez aujourd’hui au Bénin une multitude de petits producteurs mais sur des petites superficies. Donc, il faudra prioriser les grands promoteurs agricoles avec un soutien effectif. C’est déjà le cas aujourd’hui. L’État a exonéré l’achat des machines agricoles pour les grands producteurs. La dernière question qui revient sans cesse, c’est le juste prix pour les petits producteurs. Aujourd’hui ils sont confrontés à l’arrivée des commerçants qui leur achètent leurs produits dans les zones paysannes ou rurales et les revendent dans les grandes métropoles comme Cotonou ou Porto Novo à des prix totalement ridicules. Et ils ne peuvent
pas vraiment vivre de leurs activités.

Vous évoquiez il y a quelques semaines les difficultés liées à un projet agricole, quelles sont les urgences dans ce secteur?

Au vu de notre expérience, je peux vous dire qu’un projet agricole qui se veut à la fois industriel ne peut avoir une rentabilité financière qu’au bout de la quatrième voire la cinquième année. Au vu de ce constat, l’aide de l’État est primordiale. Nous avons souhaité être accompagnés par L’INRAB car nous avons très tôt pensé que sans des experts dans ce domaine si particulier qui est de nourrir les populations, on ne pouvait pas s’en sortir. Et c’est au vu de ce constat que je suis à même de pouvoir vous dire qu’en aucun cas, un jeune quelqu’il soit, s’il est jeté dans ce domaine sans assistance de la part de l’INRAB et des experts béninois dans les différents secteurs où sous-secteurs agricoles ne peut pas s’en sortir parce que la rentabilité de son projet doit être vue à moyen et à long terme. Voyez ce qui se passe aujourd’hui en Europe où il y a une crise au niveau des producteurs et des éleveurs. Sans l’aide des États et de la communauté européenne, beaucoup auraient mis la clé sous la porte. Il faut ainsi faire une différence entre les grands promoteurs agricoles et les petits producteurs. Donc l’État doit pouvoir différencier dans sa volonté d’accompagner les petits producteurs, une politique adaptée à leurs besoins et pour les promoteurs les plus importants, une politique adaptée à des besoins différents car ils travaillent sur des hectares qui ne sont pas les mêmes que ceux des petits producteurs. Mais j’en reviens toujours à la question de l’expertise. Sans une aide d’experts, il est très difficile de pouvoir réaliser un projet. Nous, nous constatons aujourd’hui que dans le domaine du maraîchage, sans l’aide des experts de L’INRAB, nous ne pouvions pas nous en sortir. Alors qu’à côté de ça, vous faites de l’élevage ou de la pisciculture, c’est encore d’autres difficultés, d’autres problématiques et donc au vu de tout ça, l’État doit avoir une approche beaucoup plus dynamique et plus concrète en se disant qu’il ne sert à rien de donner des millions de francs CFA à un promoteur si derrière il n’y a pas un accompagnement à la fois financier et d’expertise.

Votre engagement pourrait-il vous emmener à vous décider à porter les aspirations du monde paysan aux prochaines élections présidentielles?

Je pense que c’est une question qui mérite d’être encore réfléchie. Pour ma part, je sais qu’au Bénin, il y a des personnalités dans le monde des affaires et de la politique qui depuis un certain nombre d’années sont résolument engagés dans ce qu’il convient d’appeler désormais la sécurité alimentaire. J’ai beaucoup entendu certains candidats nous rappeler que la question énergétique est importante, et c’est vrai! En tant que promoteur agricole, nous souhaitons avec nos partenaires, pouvoir pourquoi pas, monter une activité industrielle autour du maraîchage. Donc l’énergie est quelque chose de fondamental. Mais il faut pas sauter les étapes. Toutes les nations, au départ, ont vocation à nourrir leurs peuples. Si les gens n’ont rien dans le ventre, ils ne peuvent ni étudier, ni être performant dans leur travail. Je crois que la question de la sécurité alimentaire et donc du défi agricole qui est une constante réelle au Bénin depuis de nombreuses décennies doit en 2016 être résolue. La révolution verte se doit réellement de frapper à nos portes. Je vois dans ce paysage, certaines personnes qui depuis un certain nombre d’années nourrissent nos populations et créent des emplois. Sans me défausser, d’ici quelques semaines, je pourrai donner une réponse définitive. A savoir, si je serais moi-même candidat ou si j’appuierai quelqu’un qui nous démontre que le premier secteur qui doit être résolument attaqué au Bénin est le secteur de l’agriculture. Il faut faire comprendre à nos compatriotes que le secteur agricole a un prolongement dans tous les autres secteurs de la vie économique. Que ce soit à travers les désertes rurales, les transports, à travers le transit, la question liée à la publicité ou la communication, de l’expertise comptable. Vous touchez des secteurs qui impactent un nombre incalculable de gens. Rappelez-vous qu’aucun pays aujourd’hui industriel n’a commencé sans s’occuper de son premier secteur, qui est le secteur primaire. Nous devons donc nous occuper du projet «secteur primaire». Cela consiste à nourrir les béninois de façon régulière, qu’ils puissent avoir trois repas équilibrés par jour. Toutes les études nous montrent qu’à peine vingt pour cent de nos terres arables sont actuellement exploitées au Bénin.

Beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer le monopole du coton dans la politique agricole ces dernières années, quel est votre avis sur la question?

Je pense qu’ils n’ont pas tout à fait tort. Cela fait près de trente ans que les gouvernements successifs Béninois ont priorisé la politique agricole par le coton. Cela montre un manque de diversification de la part des autorités béninoises. Je pense que d’autres filières devraient avoir la même attention que le coton. Vous avez l’anacarde, qui est aujourd’hui en passe d’être une filière très importante en Côte d’Ivoire alors que pendant des années en Côte d’Ivoire on parlait du café, du cacao, de l’ananas, de la banane, de l’hévéa. Le Président Ouattara a fait en sorte qu’une unité de transformation voit le jour à Abidjan. Nous souhaitons donc que le gouvernement béninois puisse diversifier de façon réelle, et quand je dis de façon réelle, c’est-à- dire mettre des moyens à la fois dans des filières comme la noix de cajou, le riz local, le maraîchage, l’élevage. Aujourd’hui beaucoup d’acteurs se trouvent dans la volaille et il serait donc indiqué que le gouvernement puisse changer de fusil d’épaule. On ne peut pas continuer à avoir une seule culture de rente et nous vanter les mérites de ce secteur quand on sait que la COTEB qui avant, transformait le coton béninois n’existe plus. C’est bien dommage! Ces voix-là, n’ont pas tout à fait tort. La Côte d’Ivoire, c’est près de vingt cultures au niveau continental voire mondial et notre grand voisin de l’Est, le Nigeria est aujourd’hui résolument tourné vers le secteur agricole à travers des usines de transformation de tomates par le milliardaire Dangoté, à travers la volaille, le riz, le mais, le manioc. Je crois que ça nous interpelle tous et nous souhaitons que le gouvernement béninois puisse mettre des moyens dans les autres filières agricoles de notre pays.

Votre mot de fin pour conclure cet entretien Monsieur le ministre

A l’orée de la nouvelle année, je manquerai à mes devoirs de ne pas souhaiter à toutes les béninoises et à tous les béninois, une belle fête de fin d’Année même si nous savons que la situation du panier de la ménagère est difficile. Malgré tout, je les embrasse tous très fort. Au vu des prochaines joutes électorales dans notre pays, on ne peut que souhaiter la concorde et la paix pour le plus grand bien de notre peuple.

MM
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