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Entretien avec l’ancien président de l’Assemblée nationale du Bénin : Mathurin Nago fait le bilan de la gouvernance Yayi
Publié le vendredi 18 decembre 2015  |  Fraternité
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© APA par El Hadj Assane
Visite du président de l`assemblée nationale, Mathurin Coffi Nago au Sénégal
Vendredi 22 Fevrier 2014. Dakar. Le président de l’Assemblée nationale du Bénin, Mathurin Coffi Nago, arrivé à Dakar, pour une visite de travail de cinq jours, a rencontré son homologue du Sénégal, Moustapha Niasse pour une séance de travail. Photo: Le président de l’Assemblée nationale du Bénin, Mathurin Coffi Nago




isponibilité, vérités et beaucoup de confidences off-record. L’entretien accordé au journal Fraternité par l’ancien président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Nago a été tout simplement un régal. De la bonne maîtrise de son bilan à la tête du parlement, à celui de la gouvernance du régime Boni Yayi auquel, il n’y a pas encore si longtemps il appartenait, en passant par les tractations pour la bataille du perchoir et celles de la présidentielle de 2016, le président de l’Alliance Forces démocratiques unies (Fdu) n’a oublié aucun détail. Aussi, est-il revenu, au cours de cette rencontre d’exception, sur les vraies raisons de son départ de la mouvance présidentielle. Entretien.
Vous avez été deux mandats durant Président de l’Assemblée Nationale, quel bilan faites-vous des huit années passées à la tête du parlement béninois ?
Sans fausse modestie, je dirai que le bilan à l’issue des deux mandats est nettement positif, grâce aux efforts fournis, malgré tout, par l’ensemble des députés. J’ai été élu Président de l’Assemblée Nationale pour la première fois en avril 2007 et cela, grâce aux voix des députés Fcbe et de certains députés alliés. En entrant en fonction, j’avais défini trois objectifs majeurs qui constituaient pour moi d’importants défis à relever par l’ensemble de la 5ème Législature.
J’ai insisté en effet sur la nécessité de redorer le blason du parlement béninois et d’améliorer son image de marque, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, sur la nécessité d’améliorer le fonctionnement et la productivité de l’Assemblée Nationale, ainsi que les relations de l’institution parlementaire avec les autres institutions nationales et avec les autres parlements à travers le monde entier, et enfin sur la nécessité d’accomplir avec rigueur, efficacité et patriotisme la mission constitutionnelle confiée à l’institution parlementaire. Je pense qu’au terme de ce premier mandat, le bilan était positif au regard de l’importance des résultats obtenus, malgré les perturbations politiciennes que nous avons connues.
En effet, dès 2008, donc moins d’un an après mon investiture comme Président de l’Assemblée Nationale, nous avons perdu la majorité absolue au sein de l’hémicycle en raison du départ de certains députés alliés. L’objectif déclaré de la nouvelle majorité regroupée au sein de l’opposition, était de travailler pour ma destitution de la tête du Parlement. Non pas parce que j’avais failli, mais tout simplement parce que, selon certains députés de ce regroupement politique, je représentais un obstacle à la mise en œuvre avec succès d’une procédure susceptible d’aboutir à la révocation du Président de la République. Vous avez bien suivi les différents événements qui sont intervenus en cette période. En particulier, il y a eu des accusations à tort à l’encontre du Président de l’Assemblée Nationale faisant état d’une imaginaire mauvaise gestion. Alors, une commission d’enquête a été mise en place, qui a travaillé et qui a constaté qu’il n’y avait rien qui puisse être mis à l’encontre du Président de l’Assemblée Nationale, malgré les manipulations et les fausses preuves fabriquées. De même, il y a eu le rejet systématique des rapports d’activités du Président de l’Assemblée Nationale, bien que les députés de l’opposition avouaient publiquement qu’il s’agissait de très bons rapports. Tout cela n’était qu’un coup monté et n’avait donc aucun fondement objectif.
Malgré toutes ces perturbations, nous avons pu aboutir à l’adoption de près de 120 lois dont certaines lois organiques et certaines lois ordinaires majeures, notamment le code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes et d’autres lois très importantes. Par ailleurs, j’ai engagé et appliqué parallèlement, avec mes collègues du Bureau, différentes réformes qui ont amélioré le fonctionnement et la gestion du Parlement béninois et renforcé ses relations et sa crédibilité à l’extérieur. Je pense que ce sont ces résultats éloquents qui ont justifié ma réélection à la tête de la 6ème Législature, avec une majorité très confortable.
Au début de mon deuxième mandat, tirant leçon de mes expériences de la 5ème Législature, je me suis imposé une approche méthodologique qui est de construire un consensus objectif autour des méthodes de travail, des principales orientations et des dossiers majeurs de la Nation, afin que nos débats et nos décisions soient véritablement à la mesure des attentes de la Nation. Mais il fallait convaincre tout le monde du bien-fondé de cette approche. Cela a été mon premier combat. Certes, et je vous le rappelle, nous avions une forte majorité (une soixantaine de députés qui avaient décidé de soutenir le gouvernement), mais je m’étais dit qu’il ne fallait pas s’en contenter. Ceci, d’autant plus qu’il y avait des lois très importantes qu’il fallait, à mon sens, adopter de façon consensuelle pour prendre en compte toutes les sensibilités au niveau de la Nation. En conséquence, j’ai fait en sorte que nous puissions ensemble construire la confiance et l’accord pour l’approche consensuelle. Cela me semble particulièrement essentiel de construire la confiance pour obtenir un groupe transversal pour voter un certain nombre de lois majeures. Et Dieu merci, ma vision a été acceptée par les uns et les autres, aussi bien de la majorité que de l’opposition parlementaire. Mais, il m’a fallu quelques mois pour convaincre mes collègues, notamment de l’opposition qui, face à la majorité parlementaire quasiment écrasante, se disaient : « nous n’allons pas nous laisser faire parce que, avec leur nombre, ils risquent de nous faire avaler n’importe quoi ». Je le dis parce que cela m’a été répété plusieurs fois par certains responsables de groupes parlementaires. Mais mon comportement et mes actes ont montré que j’étais vraiment décidé à créer un mouvement consensuel au sein du Parlement. Ceci nous a permis de voter beaucoup de lois dont des lois organiques et des lois ordinaires. Nous avons adopté notamment une dizaine de codes importants dont les projets avaient été déposés à l’Assemblée Nationale depuis une dizaine, voire une quinzaine d’années avant le début de la 5ème Législature.
Les deux Législatures (5ème et 6ème) ont pris successivement en charge les projets et propositions importants pour les examiner, les amender et les voter. Au total, au cours de la 6ème Législature, il y a eu près de 155 lois qui ont été adoptées. Il s’agit d’un record que reconnaissent la plupart des parlementaires et des responsables politiques, notamment au niveau de l’Exécutif.
Mais, il faut voir non seulement la quantité, mais également la nature et la qualité de ces lois. Nous avons en effet retenu de consacrer particulièrement nos travaux à des projets et propositions de codes et de lois simples que j’ai qualifiées de majeures. Parmi les codes adoptés, on peut citer entre autres, le code de procédure civile, commerciale, sociale et administrative, le code des marchés publics, le code maritime, le code de procédure pénale, le code foncier et domanial, le code de l’aviation civile et commerciale, le code des douanes, le code de l’information et de la communication et le code de l’enfant. Parmi les lois dites majeures adoptées au cours de la 6ème Législature, il y a la loi contre la corruption et autres infractions connexes, la loi portant prévention et répression des violences faites aux femmes, et plusieurs lois liées au système électoral et à l’organisation des élections, que nous avons mis un point d’honneur à examiner parce que tirant leçon des expériences électorales passées. Comme vous le savez, des élections législatives et présidentielles ont eu lieu en 2011, dans un environnement apaisé, mais elles ont enregistré quelques contestations de la part des partis de l’opposition, notamment à propos de la Lépi que l’on expérimentait pour la première fois. D’un autre côté, nous étions proches des élections communales, municipales et locales. Or, ce sont particulièrement des élections à risque, tout simplement parce qu’il s’agit d’élections locales, d’élections de proximité. Il nous a paru très risqué d’organiser ces élections avec la Lépi de 2010-2011. Alors, nous avons décidé de revoir tous les textes liés aux élections et d’en initier d’autres qui pourront nous aider à éviter les troubles post-électoraux. C’est dans ce cadre que nous avons initié et adopté la loi portant apurement, correction et actualisation de la Lépi. Je voudrais dire qu’en dehors du Parlement, certains ne souhaitaient pas que cette loi soit votée. De plus, parmi nous, avant le démarrage des travaux sur le texte, il y avait deux camps : ceux qui soutenaient l’existence réelle de la Lépi et ceux qui soutenaient le contraire. C’était donc un véritable défi d’arriver à un consensus autour de cette loi. C’est pourquoi, j’ai engagé en dehors de la procédure parlementaire, une approche particulière pour me permettre de rassembler tout le monde autour de ce défi : un groupe ad’hoc paritaire a été mis en place pour les réflexions et les échanges et pour proposer au bout du compte une loi visant la correction de la Lépi. Nous avons réussi cette loi et l’avons votée quasiment à l’unanimité. Je pense que c’est une réussite pour notre pays, qui a été bien appréciée par les députés, le chef de l’Etat et certains partenaires étrangers. J’ai dit à l’occasion aux partenaires qui ne semblaient pas d’accord pour cette correction de la Lépi, que la recherche du consensus autour de cet outil électoral fondamental exigeait cette opération de correction, pour préserver et renforcer la paix et la sécurité au Bénin.
En dehors de cette loi sur la Lépi, d’autres lois majeures ont été adoptées au cours de la 6ème Législature, pour contribuer à l’organisation d’élections crédibles, transparentes et pacifiques. Il s’agit des lois relatives aux unités administratives locales, aux centres de vote et du code électoral. Pour ce qui est du code électoral en particulier, il s’agit d’un code très novateur qui s’est inspiré de plusieurs expériences électorales. Et tout ce qui est écrit dans ce code devrait nous permettre de faire les choses sans trop de risque et de proclamer les résultats très rapidement. Ce qui s’est passé au Burkina Faso, c’est exactement la même chose que nous avons prévu au niveau de chaque arrondissement où il devrait y avoir centralisation des résultats sous la supervision d’un coordonnateur. Les représentants de la CENA, de la Cour Constitutionnelle ou de la Cour Suprême, selon le cas, des partis et des candidats devraient être là pour participer à cette opération. Et cette centralisation devrait se faire avec l’accord de tout le monde. De l’arrondissement, on devait envoyer directement les résultats à la Cena d’une part et d’autre part à la Cour Constitutionnelle ou à la Cour Suprême, selon le cas. On ne devrait pas recommencer le comptage au niveau de la Cena ; c’est cela qui entraine cette lenteur énorme que nous avons constatée, ainsi que la manipulation des résultats. Nous avons carrément supprimé le niveau des Départements, parce que les manipulations des résultats se font également à ce niveau. Donc, nous avons fait un travail important au niveau du code électoral.
Au total, nous avons réussi des choses formidables au cours des 5ème et 6ème Législatures. Et le nombre de lois votées et leur qualité montrent qu’un travail nettement positif a été réalisé. Globalement, je ne peux donc qu’être satisfait de ce qui a été fait au cours des deux mandats passés à la tête du Parlement béninois. Je voudrais donc profiter de cette occasion pour remercier et féliciter tous les collègues qui se sont associés à ce travail remarquable.

Après tout ce travail abattu, à quel moment avez-vous senti la nécessité de prendre vos distances d’avec la majorité présidentielle ?
Je voudrais d’abord préciser que mon adhésion à une force politique ou mon appartenance à un gouvernement ne se fait pas au hasard. Ce n’est jamais par intérêt personnel. Je le dis en toute honnêteté et en toute sincérité. Cela se fait par conviction au regard de la vision, des orientations ou du programme qui sont ceux de la formation politique, du gouvernement ou du Président en question. En 2006, j’ai soutenu le candidat Yayi Boni. Non pas, parce que sa personne me plaisait car, je ne le connaissais pas particulièrement. Mais, c’est compte tenu de son programme politique, économique et social que j’ai décidé de le soutenir. J’ai donc vivement souhaité que son programme de changements que lui-même prônait soit entièrement mis en œuvre. Mais, au fur et à mesure qu’on évoluait dans le temps, beaucoup d’entre nous ont constaté qu’il y avait des comportements et des pratiques qui ne cadraient plus avec les principes et les règles de bonne gouvernance, notamment aux plans de la gestion politique, de la gestion des hommes et de la gestion socio-économique. Et, je me suis beaucoup battu pour que les politiques sectorielles et les programmes phares du gouvernement que j’estimais bons pour la Nation béninoise soient présentés à la Représentation nationale et soient mis en œuvre. Je me suis battu pour que tout ce qui avait été retenu par le candidat Boni Yayi puisse être effectivement réalisé. Je me suis battu pour que véritablement, l’instrument politique, l’Alliance Fcbe, qui devrait soutenir le gouvernement, puisse être mieux organisé, mieux structuré et bien décentralisé pour appuyer efficacement l’Exécutif pendant les deux mandats du Président actuel, mais aussi au-delà de ces deux mandats, parce qu’un parti ne vient pas pour gouverner pendant un ou deux mandats ; il a naturellement l’ambition de gouverner pendant plusieurs mandats puisqu’on sait très bien que rien de beau et de durable ne peut se réaliser complètement en quelques années. Nous avons à ce sujet de nombreux exemples éloquents en Afrique notamment en Côte d’Ivoire, Sénégal, Kenya, Tanzanie, en Europe avec la France, l’Allemagne, la Suède et en Asie avec le Japon et la Malaisie. C’est en effet dans la durée que les changements profonds et durables peuvent se faire. Donc, cela a toujours été mon ambition.
Mais, j’ai noté progressivement un certain nombre de choses qui m’ont finalement amené à me poser des questions par rapport à notre volonté réelle de respecter nos engagements. Pour être beaucoup plus précis, la première chose qui m’a amené à vouloir m’écarter quelque peu, après plusieurs tentatives de faire comprendre au premier Responsable de la majorité que ça n’allait pas, c’est le problème de confiance profonde. Il y a eu une crise de confiance. J’ai senti qu’à chaque instant, il y avait une volonté d’écarter du processus de décision tous ceux qui avaient une certaine responsabilité. Je pourrais donner plusieurs exemples à cet égard, mais je préfère ne pas rentrer dans les détails. Mais curieusement en même temps, on nous faisait porter la responsabilité de certaines décisions relatives aux remaniements, nominations, projets dans les communes dont nous n’étions nullement informés. Evidemment, les personnes et les localités qui se sentaient lésées, jusqu’à ma propre commune, s’en prenaient à nous. Est-ce que tout cela était fait délibérément ? C’est la forte impression que j’avais. Mais, à quelle fin ? On disait partout d’aller voir le Président Nago, si on voulait être nommé. Pourtant, je n’étais au courant de rien. Il y avait aussi une volonté de me détruire sur le terrain. Cela s’est remarqué à travers un certain nombre de faits concrets. Il y en a un particulièrement, la fameuse histoire de la bretelle de Bopa, un tronçon de 1,2 km qu’on a refusé d’aménager pendant près de 6 ans. Et, ce n’est pas une faveur que nous demandons. C’est un tronçon qui fait partie d’un projet routier qui avait été initié et dont le financement avait été obtenu par le Gouvernement du Président Kérékou avant son départ. Mais on a choisi de faire tous les tronçons prévus dans ce projet en abandonnant le petit tronçon de 1,2 km, malgré mes nombreux rappels. Autour de cette négligence, due entièrement au Gouvernement, on a organisé une campagne de destruction de ma personne. J’ai senti alors qu’il y avait une volonté manifeste de détruire tous ceux qui avaient une responsabilité dans la mise en œuvre du programme du Gouvernement ou dans la conduite des affaires politiques, dans le cadre de la mouvance présidentielle. Du coup, une crise de confiance s’est installée entre nous. Du reste, ce n’était pas moi seul qui en étais victime. Il y a donc eu véritablement un problème de confiance. Or, la confiance, quand elle est détruite, elle est difficile à reconstruire. Au sein de la même équipe, y compris politique, il doit régner une confiance réciproque.
En dehors de la question de la crise de confiance, il y a eu celle fondamentale de la corruption généralisée. On a même l’impression qu’elle est conçue, planifiée et mise en œuvre. Je dis que si nous voulons vraiment faire gagner notre camp, on ne peut pas accepter qu’on continue de nous coller cela. C’est pour cela que j’ai demandé que les questions orales et les interpellations puissent être suscitées, pas seulement par les députés de l’opposition, mais aussi par ceux qui appuient le Gouvernement. Pour permettre au chef de l’Etat d’être bien informé de ce qui se passe réellement dans le pays et autour de lui et au peuple de savoir que même les députés de la mouvance sont préoccupés par le phénomène de corruption, cette pathologie de la République.
Une dernière chose qui m’a amené à élever le ton, c’est la révision de la Constitution. Il y avait des rumeurs persistantes, même si cela n’avait jamais été dit officiellement. Mais certains actes et certaines sources crédibles, y compris dans l’entourage du chef de l’Etat, ont fini par me convaincre que, véritablement, il y avait une volonté de réviser la Constitution et de faire en sorte qu’il y ait un 3ème mandat pour le Président. A partir de ce moment, je me suis senti trompé. Je ne pouvais donc continuer de me taire et de me laisser berner.
Voilà un certain nombre de choses qui m’ont amené à démissionner de l’Alliance Fcbe. La vérité, la transparence n’y étaient plus acceptées. Quiconque qui osait dire tout haut la vérité, était harcelé, vilipendé et matraqué par les "chiens de garde", dressés à cette fin. J’ai connu cette épreuve dans mon village, vous le savez très bien, c’était le 04 septembre 2014, à travers un meeting de honte. Mais qu’importe, puisque l’histoire nous a finalement donné raison. Mais en réalité, le dernier acte qui a consisté à dire tout ce que je pensais, a été le point ultime d’un long processus. Je veux tout simplement dire qu’aussi bien au cours du 1er mandat que durant le 2ème mandat, chaque fois qu’il y avait des problèmes, je rencontrais le chef de l’Etat et je lui disais ce qui n’allait pas, et ceci franchement, sincèrement, parfois à deux, parfois avec des témoins. Quand on est au cœur d’un processus, on ne peut pas, contrairement à ce que certains pensent, claquer la porte au premier coup. On garde toujours l’espoir que les choses vont changer, vont s’améliorer. Mais, quand la situation ne s’améliore pas, et que cela résulte même d’une volonté délibérée de détruire et d’isoler, on tire sa conclusion. Et c’est ce que j’ai fait. C’est dommage pour le groupe politique pour lequel nous étions nombreux à avoir des ambitions nobles, ainsi que pour le pays. C’est une belle expérience politique qui reste, à mon sens, inachevée.
En tant qu’ancien Président de l’Assemblée nationale, quelle analyse faites-vous de la situation politique actuelle à quelques semaines du dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle de 2016 ?
J’ai quelques inquiétudes par rapport à la situation politique actuelle. Certes, il y a une première difficulté qui est résolue. C’est que tout le monde est d’accord qu’il ne faille pas réviser la Constitution et qu’il faille respecter scrupuleusement toutes les dispositions constitutionnelles. Donc, c’est heureux que chacun ait fini par comprendre cela, du moins, je l’espère. Maintenant, il faut préparer la suite. Mais pour préparer la suite, on n’a pas besoin d’être des centaines à briguer un fauteuil présidentiel. Ce n’est pas un banc, a-t-on dit. Je suis inquiet et relativement déçu de voir que certains compatriotes ne comprennent pas le caractère important et sacré de la fonction présidentielle. N’importe qui se lève et veut être président. J’ai eu l’occasion de vivre l’expérience avec un compatriote qui est resté longtemps à l’étranger ; il est venu me voir un jour pour dire qu’il veut être candidat. Je lui ai répondu qu’il devrait commencer par les niveaux inférieurs de responsabilité pour se faire davantage connaître par le peuple et pour savoir si ce dernier a besoin de lui ou pas. Donc, la multiplicité des candidatures montre que nous ne sommes pas du tout sérieux. Et je suis d’autant plus déçu et mal à l’aise que dans les pays voisins, la chose ne se passe pas de cette manière. La fonction présidentielle est une fonction qui a besoin d’être apprise à travers une progression dans les apprentissages et les expériences à différents niveaux de responsabilité sociopolitique. On ne se lève pas du jour au lendemain pour être Président. C’est vrai, il y a certains qui brûlent les étapes. Peut-être qu’ils ont des capacités qui leur permettent de brûler certaines étapes. Mais quand j’observe certaines candidatures, j’ai l’impression que ces gens ne sont pas conscients du caractère sacré et noble, mais aussi harassant et exigeant de la fonction. Quelque chose me dit que c’est surtout au Bénin que l’on observe cette banalisation de la fonction présidentielle.

Vous êtes membres de la majorité parlementaire, donc de l’opposition. Dites-nous pourquoi cette formation a du mal à s’entendre sur le choix d’un candidat pour la présidentielle de 2016 ?
Je pense que nous devons continuer à travailler pour cela. J’ai dit tantôt qu’on fait preuve de peu de sérieux, par rapport à la fonction présidentielle et nous nous laissons dépasser par nos ambitions. Tout homme peut avoir des ambitions, mais il faudrait qu’il essaye de redimensionner ses ambitions au regard du contexte et des exigences du moment. S’agissant de nous, les hommes politiques, surtout de l’opposition, je pense que le même mal dont j’ai parlé tout à l’heure, nous ronge particulièrement. On regarde d’abord soi-même, avant de penser à l’intérêt du groupe politique. En principe, chaque membre devrait regarder l’ensemble de la formation politique et après analyse, il peut se demander qui est le meilleur d’entre nous en ce moment pour porter le groupe politique plus loin. Mais ce qu’on observe, c’est que chacun se lève et se proclame candidat. Dans une formation politique digne de ce nom, et qui a déjà un certain nombre d’années de fonctionnement, on devrait pouvoir connaitre le potentiel candidat, surtout que l’élection présidentielle est quelque chose de planifié dans le temps, conformément aux dispositions constitutionnelles. On sait, en général, quand elle aura lieu et en fonction de cela, on devra retenir et déclarer longtemps à l’avance celui qui pourra représenter telle ou telle formation politique. Mais au Bénin, on a l’impression d’être dans un vaste marché où chacun veut faire le même commerce que l’autre. Finalement, le trop plein de concurrents ne permet pas d’écouler correctement sa marchandise, c’est-à-dire de se vendre, de se valoriser correctement. C’est l’ambition démesurée et le peu d’intérêt qu’on accorde à l’avenir des formations politiques qui font l’échec des partis et banalisent leur rôle, y compris par rapport à l’élection présidentielle. De façon concrète, au niveau de l’opposition politique, je pense que nous devons continuer à œuvrer dans le prolongement de ce qui a été fait à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire, dans une dynamique unitaire. Si nous n’avions pas œuvré ainsi, nous n’aurions pas pu contrôler le Bureau de l’Assemblée nationale et hisser au perchoir le Président Adrien Houngbédji. Soit dit en passant, je sais que beaucoup de personnes ont réclamé la paternité de cette victoire. Mais je dois aussi dire qu’il y a des gens qui ont beaucoup œuvré dans l’ombre qui peuvent également réclamer la paternité de cette victoire. Mais au lendemain de cette victoire, beaucoup de gens ont fait écrire des articles pour dire qu’elle a été téléguidée. Mettez 10 milliards par terre et demandez-leur d’aller arracher la victoire. Vous verrez ce qui se passera. A cet effet, je me dois de révéler que de nombreuses réunions ont été organisées et coordonnées, des concertations ont été initiées par certains Responsables politiques dont je suis également. J’ai donc su jouer ma partition, parce que je voulais qu’il y ait un changement pour casser un peu l’élan de certains qui voulaient coûte que coûte prendre la direction du Parlement pour préparer la révision de la Constitution. En réalité, ce n’était pas fondamentalement contre un individu, mais plutôt contre une volonté de porter un coup au processus démocratique. J’étais convaincu que si d’aventure, le Gouvernement arrivait à faire gagner le perchoir par l’un de ses partisans, il aura une volonté plus affirmée de réviser la Constitution. C’est pourquoi, j’ai beaucoup œuvré pour qu’il n’en soit pas ainsi, avec beaucoup d’autres collègues comme Sacca Lafia, Bruno Amoussou, Antoine Idji Kolawolé, Adrien Houngbédji, Léhady Soglo, Madame Rosine Vieyra Soglo, Candide Azannaï, etc.

Voulez-vous signifier que vous avez fait le bonheur de Houngbédji contre son gré ?
Oh ! Non, pas du tout. Je disais qu’il y avait eu une volonté de réviser la Constitution au niveau de la Mouvance présidentielle. Mais si celle-ci réussissait son coup au Parlement, elle cherchera à tenter une autre opération, celle de la révision de la Constitution, parce que requinquée par sa première victoire. Donc, à un moment donné, il faut des actes qui puissent la décourager, qui puissent casser son élan révisionniste. Et donc, j’ai fait le bonheur du président Boni Yayi contre son gré. Car, je considère que le bonheur du Président Yayi, c’est de ne pas vouloir tenter cette révision, puisque ça va lui amener des ennuis. Je voulais l’aider à ne pas aller dans ce sens.

Quelles sont actuellement vos relations avec le Président Houngbédji ?
Avec le Président Houngbédji, nous avons de bonnes relations. Nous continuons de discuter et d’échanger avec les uns et les autres politiciens, y compris les politiciens de l’Alliance Fcbe. Nous sommes tous des politiques et tous ceux qui ont un esprit progressiste et qui s’intéressent à l’avenir du Bénin doivent pouvoir se mettre ensemble pour mûrir leurs réflexions dans l’intérêt de la Nation béninoise. J’ai donc de bonnes relations avec eux tous.

Les Forces démocratiques unies (Fdu) dont vous êtes le leader auront-elles un candidat pour la présidentielle de 2016 ?
J’ai parlé tantôt de la multiplicité des candidats. L’Alliance Fdu est bien placée pour avoir un candidat. D’ailleurs, les militants et les responsables à divers niveaux et dans différentes régions en ont vivement exprimé la volonté, mais je pense qu’au moment opportun, nous devons prendre la décision en tenant compte du contexte et des conditions qui sont les nôtres. Le plus important, c’est de faire gagner, que ce soit un candidat de notre alliance ou d’une autre, quelqu’un qui soit capable de faire face aux enjeux actuels dans l’intérêt de la Nation béninoise. L’Alliance Fdu continue sa réflexion. Elle souhaite pouvoir présenter un candidat, mais elle reste tout à fait ouverte. Elle va examiner la situation, continuer ses réflexions par rapport aux conditions et au contexte actuel. Dans cette logique, nous sommes en discussion avec plusieurs forces politiques, notamment celles progressistes qui ont conquis la majorité au Parlement, afin qu’une solution consensuelle soit trouvée, si possible. Vous savez, à cet égard, que nous Béninois, avons un gros défi à relever, celui de défendre victorieusement l’honneur, la dignité et la souveraineté de notre pays contre l’impérialisme et le néo-colonialisme aux aguets.

Nous sommes à quelques semaines du dépôt des candidatures. A quand donc la décision de l’Alliance Fdu ?
Cela ne saurait tarder. C’est dans les tout prochains jours.

Dans ce contexte, il y a l’honorable Agbélessessi qui a déjà fait son choix. Il est allé vers Talon. Est-ce que ce choix reflète celui de votre alliance ?
C’est vous qui me l’apprenez, puisqu’il ne m’a l’a jamais dit. Nous nous sommes réunis plusieurs fois au siège de l’Alliance et à mon domicile, au niveau de notre principale instance. Il nous a toujours dit qu’il n’a jamais fait de choix et qu’il continuait de respecter la discipline de groupe. Y a-t-il eu d’autres développements ces derniers jours ? Nous attendons de le savoir.

Dans quelques jours, ce sera les fêtes de fin d’année. Quels sont vos vœux pour les Béninois ?
Je voudrais émettre des vœux de santé, de bonheur et de prospérité pour les Béninoises et les Béninois, et surtout des vœux pour que l’élection présidentielle de 2016 puisse se passer dans la paix, la sérénité et la sécurité pour l’ensemble de la Nation, et qu’au-delà de cet événement, le peuple puisse se réconcilier avec lui-même et repartir pour un nouveau processus de développement durable et harmonieux.
Entretien réalisé par : Angelo DOSSOUMOU et Isac YAI
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