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Michel Adjaka décrypte le dernier discours du chef de l’Etat Boni Yayi sur l’Etat de la Nation.
Publié le mercredi 30 decembre 2015  |  Actu Benin
Michel
© Autre presse par DR
Michel Adjaka, magistrat et président de l`Unamab




Le magistrat Michel Adjaka n’a pas attendu longtemps avant de réagir face aux propos tenus par Boni Yayi dans son discours sur l’Etat de la Nation ce lundi 28 décembre au palais des gouverneurs de Porto-Novo. Un discours qui n’a pas convaincu le président de l’Union nationale des magistrats du Bénin Unamab. A en croire Michel Adjaka, le président de la République dans sa déclaration n’a pas été sincère envers le peuple à plusieurs niveaux. Lire ci-dessous son analyse publiée sur sa page facebook.

« Dans son 10ème et dernier discours sur l’Etat de la Nation, en application des dispositions de l’article 72 de la constitution, Le Président de la République a reconnu que malgré la création de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption, la mise en place d’une stratégie anti-corruption compatible avec les exigences du Millenium Challenge Corporation (MCC), les progrès n’ont pas été à la hauteur des attentes. Pour rechercher les causes de ce retentissant et historique échec, le Président de la République s’est demandé si l’échec de la lutte contre la corruption est lié à un manque d’efficacité de nos institutions, à une insuffisance de moyens ou à une démission collective.
A mon humble avis, il est clair que la dernière question ne paraît pas indiquée. Dans aucun pays au monde, le peuple n’a pris la décision d’en découdre avec une gangrène sociale aussi redoutable et cruelle que la corruption par un engagement collectif. Le peuple lutte toujours par procuration à travers ses dirigeants. Il appartient à ceux-ci de se doter de visions aptes à résoudre les problèmes auxquels leurs mandants sont confrontés. Au Bénin où la constitution fait du Président de la République une institution monarchique, aucune lutte contre la corruption ne peut réussir sans la détermination de celui-ci.
Dans sa volonté de lutter contre la corruption, le Chef de l’Etat a fait voter la loi portant lutte contre la corruption qui a consacré la création de l’ANLC. Dans le rapport 2015 de cette institution, il est mentionné :
- à la question de l’ANLC de savoir si les ministères disposent de manuel de procédures, il a été constaté que sur les vingt-huit (28) ministères que compte l’administration publique béninoise, seuls dix sept (17) ministères ont répondu à cette question de l’ANLC. Sur les dix-sept (17) réponses obtenues, seulement les ministères chargés de l’emploi des jeunes, des petites et moyennes entreprises et le ministère de l’industrie et du commerce, disposent de ce manuel. Les quatorze (14) autres ministères sont sans cet outil de bonne gestion et se sont simplement, pour la plupart, contentés de notifier à l’ANLC des manuels de procédures des directions sous tutelle.
- en ce qui concerne la déclaration de patrimoine exigée par la loi sur la corruption, il ressort qu’un seul ministre du gouvernement actuel a déclaré son patrimoine à l’entrée en fonction, douze (12) anciens ministres n’ont pas déclaré leur patrimoine à la fin de leurs fonctions, deux (02) anciens ministres n’ont déclaré ni à l’entrée ni à la sortie de leurs fonctions leur patrimoine,
- le répertoire des Hauts Emplois Techniques adopté pour placer « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » et induire une efficacité du service public est régulièrement occulté et des centaines de nominations à des postes techniques se font essentiellement sur des bases politiques en violation flagrante des textes.
- beaucoup de personnalités et certaines institutions, y compris la Présidence de la République, n’ont pas collaboré avec l’ANLC.
En ce qui concerne la Présidence de la République, l’ANLC a vainement réclamé le rapport Moïse MENSAH sur le concours organisé par la Ministre Kora ZAKI LIADI aux fins de tirer les conséquences de droit de la décision DCC 14-090 du 15 mai 2014 à l’encontre des personnalités citées dans cette décision de la Cour constitutionnelle ainsi que la liste des dossiers de corruption en souffrance devant les juridictions,
- par rapport aux concours de recrutement au profit du ministère de l’économie et des finances, édition 2015, l’ANLC a recommandé de :
- surseoir à la prise de service des candidats déclarés admis aux derniers concours, sources de polémiques en attendant que toute la lumière soit faite sur ce dossier,
- faire toute la lumière sur ce dossier et situer les responsabilités dans les dysfonctionnements et irrégularités constatés,
- bâtir un système transparent, crédible, débarrassé de tout soupçon de toute fraude quelconque de recrutement du personnel de l’Etat,
- prendre des mesures pour décourager tous manquements et autres actes infractionnels entourant l’organisation des concours d’entrée à la fonction publique béninoise,
- associer toutes les parties prenantes à toutes les phases de l’organisation des concours d’entrée à la fonction publique pour rassurer l’opinion et crédibiliser les concours,
- afficher à l’avenir les résultats avec les numéros d’inscription des candidats aux fins de rassurer l’opinion que les admis sont effectivement des candidats inscrits aux concours.
Il ressort de ce rapport que l’ANLC n’a pas obtenu du Président de la République et de son Gouvernement l’accompagnement nécessaire à renverser la tendance haussière de la corruption. Au contraire, l’ANLC a été abandonnée aux subsides des bailleurs de fonds et a été supplantée par un budgétivore Bureau de l’Auditeur Général aux attributions concurrentes.
Au-delà des questions, le Président de la République a identifié trois (03) causes majeures pour justifier l’échec des actions qu’il a engagées pour favoriser l’investissement au Bénin.
Au nombre de celles-ci nous pouvons citer :
- la grève des magistrats,
- la politisation d’un certain noyau de magistrats,
- l’inexistence d’un tribunal de commerce,
Sur la première cause, il est une évidence, vu la mobilisation générale qu’elles ont suscitée, que si les grève et marches de l’UNAMAB n’avaient pas été organisées, il y a longtemps que le Bénin aurait basculé dans une dictature de développement suicidaire pour la postérité et l’Etat de droit. L’histoire a retenu que c’est grâce à ces luttes de l’UNAMAB que le peuple béninois a renoué avec l’espoir et la démocratie.
En ce qui concerne la politisation de la magistrature par un noyau de magistrats, il n’est pas un secret de dire, sans fausse modestie, que face à la volonté de déstabilisation et de caporalisation de la justice par le Chef de l’Etat, le BE/UNAMAB, a fait preuve d’anticipation et de combativité pour déjouer et défaire toutes les manœuvres du pouvoir. Aucun membre du BE/UNAMAB n’est membre d’un parti politique. En tout cas, de tous les citoyens béninois, le Président de la République est mieux placé pour le savoir. A l’UNAMAB notre devise c’est la justice ou rien et sommes déterminés et mobilisés à poursuivre cet engagement au-delà de votre passage à la tête, excellence monsieur le Président, si votre successeur n’opère pas la rupture indispensable à l’indépendance de la justice, gage de la paix, de la lutte réussie contre la corruption et de tout développement durable.
Je m’attendais à ce que le Chef de l’Etat saisisse l’opportunité que lui offre son dernier discours sur l’Etat de la Nation pour faire la paix avec la justice. Malheureusement, le Président de la République est resté fidèle à sa logique de dénonciations, d’humiliations, de provocation et de bras de fer à l’égard des magistrats.
Sur la création des tribunaux de commerce, la position du BE/UNAMAB sur l’inanité de cette proposition de loi opportuniste et irréaliste est bien connue. Elle s’articule autour des points ci-après :
1-L’article 38-1 de la proposition de loi prévoit que « Les tribunaux de commerce comprennent un Président, un ou plusieurs vice-présidents, des magistrats, des juges consulaires, un greffier en chef et des greffiers ainsi que des personnels administratifs ». L’article 38-9 de la même proposition de loi précise que « Les fonctions de Procureur de la République auprès du tribunal de commerce sont assurées par le Procureur de la République près du tribunal de première instance dans le ressort duquel est établi le siège du tribunal de commerce, ou par le substitut désigné ». Il ressort de la lecture croisée et combinée de ces deux dispositions que les juridictions commerciales auront le même parquet que les juridictions de droit commun de leur lieu d’érection. Une telle approche, en raison de son caractère atypique, est en contradiction avec la vision de célérité, de qualité des décisions de justice et de spécialisation des magistrats consulaires invoquée par les initiateurs de la proposition de loi. En effet, les magistrats du parquet qui accompagnent les juridictions commerciales n’étant pas spécialisés, il y a de fortes chances que ces objectifs ne soient atteints. Mieux, une juridiction n’est pas une chambre d’un tribunal. Elle suppose un greffe et un parquet autonomes. Malheureusement, la proposition de loi soumise à l’Assemblée nationale envisage la création de juridictions sans parquet autonome.
En ce qui concerne la participation des juges consulaires, autrement appelés juges non professionnels, il convient de faire observer que cette composition mixte expose les juges professionnels à de sérieux risques de fuite de secret de délibérations et de responsabilité. En effet, l’office du magistrat s’exerce par des professionnels assermentés et régis par un régime de responsabilité dérogatoire du droit commun. Même si l’option de composition mixte a cours sous d’autres cieux et a même été essayée au Bénin en droit traditionnel de la famille et des biens, il y a lieu de relever que cette expérience n’est pas digne d’être rééditée.
Mieux, la sociologie et la psychologie du Béninois, coutumières de suspicions et d’accusations gratuites, ne favorisent pas l’expérimentation à nouveau de compositions juridictionnelles panachées. Pour une justice efficace, le magistrat auteur d’une décision doit y engager son entière responsabilité sans possibilité de se dédouaner par la nature de la composition qu’il a présidée ou à laquelle il a appartenu.
Par ailleurs, l’effectif des magistrats en service à la chancellerie et dans les juridictions du fond est actuellement estimé à environ à 200 magistrats. Ce nombre dérisoire explique qu’en première instance les chambres officient à juge unique au lieu de la collégialité prévue par la loi, les cours d’appel soient, au grand dam des justiciables, quasiment sans magistrats et la chancellerie malheureusement remplie d’halogènes à qui des fonctions essentielles du Ministère sont confiées.
Pire, les juridictions de première instance sur l’étendue du territoire national sont en sous-effectif et confrontées de ce fait à des vacances criardes de postes. Loin de toute inflation législative, la logique commande de préalablement précéder à la mise en œuvre de la carte judiciaire existante, définie par le parlement en 2002, avant d’envisager toute création de nouvelles juridictions.
Par ailleurs, du fait de la radiation massive de magistrats impliqués dans les frais de justice criminelle, la magistrature béninoise est actuellement confrontée à une pénurie sans précédent de magistrats de grade terminal que nécessitera la réforme programmée pour exercer les fonctions de chef de juridiction, de substituts généraux ou de conseillers. Créer des juridictions commerciales en première instance et en appel pour simplement soigner la performance de notre pays dans le classement Doing Business, alors que les juridictions et la chancellerie souffrent actuellement de déficit chronique de personnel magistrat, aggravera la misère des justiciables et contribuera inévitablement à la déstabilisation maintes fois tentée du système judiciaire béninois.
C’est pourquoi, le BE/UNAMAB sollicite de la Commission des lois de reporter l’étude de cette proposition de loi afin qu’elle soit intégrée dans le vaste chantier de modernisation du système judiciaire béninois envisagé par le Ministre de la justice à travers le projet de développement du secteur de la justice.
2-Relativement à la compétence territoriale des juridictions commerciales, il importe de signaler que la proposition de loi envisage la création d’un tribunal de commerce pour quatre départements, soit trois (03) tribunaux de première instance pour tout le pays. Elle prévoit également l’érection de trois (03) cours d’appel à Cotonou, Abomey et Parakou. Pire, en attendant la création des cours d’appel d’Abomey et de Parakou, il est prévu que la cour d’appel de Cotonou connaisse des appels interjetés contre les décisions rendues par les juridictions consulaires d’Abomey et de Parakou.
De cette option, il ressort que les tribunaux et les cours d’appel de commerce ont le même ressort territorial. Ce qui est une innovation paradoxalement inquiétante et atypique. Mieux, les initiateurs de cette proposition de loi, qui prétendent accélérer les procédures commerciales, ont éloigné les juridictions des justiciables. Concrètement, un opérateur économique établi à Porga ou à Malanville doit s’adresser en première instance, quelle que soit l’importance de sa cause, au tribunal de commerce de Parakou en première instance et, en cas d’appel, à la cour d’appel de Cotonou au cas où la Cour d’appel de Parakou n’aura pas été installée. Un tel éloignement projeté est source de perte de temps et de frais frustratoires et irrépétibles de procès.
En ce qui concerne la matière de compétence des juridictions commerciales, l’article 51-1 tel que libellé viole les dispositions de l’article 772 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce qu’il concède à la juridiction commerciale moins de matières que ne prévoit ledit article. Il en résulte la consécration de potentiels conflits de juridictions.
Plus qu’un conflit de juridictions, l’article 60 en prévoyant la création en appel d’une chambre de droit traditionnel instaure en marge des reformes législatives récemment intervenues une chambre sans matières. A contrario, en créant une chambre d’accusation en appel et une juridiction d’instruction en première instance, les députés signataires de la proposition de loi auraient pu envisager, pour éviter de violer les dispositions du code de procédure pénale, l’institution de juridictions des libertés et de la détention en première instance et en appel.
Enfin, la proposition a épousé le découpage administratif dans la détermination de la compétence territoriale des juridictions consulaires. Selon la cartographie administrative, la Commune de Comè relève du département du Mono et au regard de la cartographie judiciaire de la juridiction de première instance de Ouidah sise dans le département de l’Atlantique. Dire que les populations de Comè comparaîtront pour leurs affaires de droit commun devant le tribunal de première instance de Ouidah alors que pour le contentieux commercial, elles devront s’adresser au tribunal commercial d’Abomey s’apparente à un chemin de croix qu’il urge de conjurer.
Ces incohérences de la proposition de loi révèlent le défaut d’articulation et la précipitation qui handicapent sa genèse. Le report de son examen pour une meilleure prise en charge contribuera à alléger le calvaire des justiciables.
3-L’article 58.2 de la proposition de loi sous étude crée une autorité nationale d’évaluation et de suivi des juges et conseillers consulaires. Une telle institution s’apparente à une seconde inspection des services judiciaires.
Le BE/UNAMAB propose au parlement de suggérer aux initiateurs de la proposition de loi de sensibiliser le Gouvernement à convenablement assurer le fonctionnement de l’inspection des services judiciaires inexistante depuis peu. Mieux, le Gouvernement gagnerait à affecter les ressources destinées au fonctionnement de cette autorité à l’inspection et aux juridictions. Ce faisant, il est fort probable de freiner la lenteur judiciaire en toute matière sans risquer multiplier de nouvelles juridictions sans ressources humaines qualifiées.
Enfin, la création d’un parquet financier ne peut être le remède à l’émergence de la corruption et le rayonnement de sa sœur siamoise l’impunité si la gouvernance par l’exemple et la sanction ne sont pas la chose la mieux partagée » .
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