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Faux en écriture publique et détournement de deniers publics (8e dossier Cour d’assises): Au postier Alassane 10 ans de réclusion et une forte amende
Publié le jeudi 31 decembre 2015  |  La Nation
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Prestation de serments de 14 nouveaux avocats
Jeudi 21 Novembre 2013, Palais de Justice, Cotonou : 14 nouveaux avocats prêtent serment dans le cadre de la rentrée solennelle du Barreau Béninois






Il fait usage de faux en écriture publique et de détournement de deniers publics et l’apprend à ses dépens. Lui, c’est Salifou Mounirou Alassane, agent de la Poste du Bénin SA qui a soustrait frauduleusement la somme de 12 millions F CFA des comptes des clients de la Caisse nationale d’épargne (CNE) à Kandi. Au terme de l’audience qui s’est déroulée mercredi 30 décembre, la Cour d’assises l’a condamné à dix ans de réclusion criminelle, une amende de 10 millions F CFA au pénal, et au paiement de la somme soutirée avec intérêts sur le plan civil.

La Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou a connu mercredi 30 décembre, d’une affaire de faux en écriture publique et de détournement de deniers publics reprochée au sieur Salifou Mounirou Alassane. C’est le huitième dossier inscrit au rôle de la 2e session ordinaire de la juridiction au titre de 2015. Au pénal, la cour retient à l’encontre du prévenu la peine de dix ans de réclusion criminelle dont cinq ans ferme et cinq ans assortis de sursis et une amende de 10 millions F CFA dont 1 million F CFA ferme et 9 millions F CFA aux frais envers l’Etat. Elle fixe la durée de contrainte par corps à trois mois.

Au civil, la cour autrement composée (sans le concours des jurés) condamne l’accusé à payer à la Poste du Bénin SA la somme de 12 millions outre les intérêts au taux légal de 3,5% à compter du 30 décembre 2015. Elle le condamne en outre aux entiers dépens et fixe la durée de contrainte par corps au maximum.
La Cour est composée du président Edouard Ignace Gangny, des assesseurs Pascal A. Agboton et Kuassi David Anani et des jurés Yolande V. Guèdègbé, Fabrice Ahanhanzo Glèlè, Clarisse Mandopa P. Dogo et Djibril Dévi Domanou. Le secrétariat de l’audience est tenu par le greffier Alexandre Azélokonon. La défense de l’accusé est assurée par Me Serge Spéro Quenum. Les intérêts de la partie civile sont défendus par Jean-Claude Aviansou et Elie M. Dovonou.

Les faits

Sabine Boné Worou, cliente de la Caisse nationale d’épargne (CNE) de la Poste du Bénin SA, dépose courant novembre 2009, son livret d’épargne pour le calcul des intérêts annuels de ses avoirs à la Poste de Kandi. Le mardi 2 février 2010, elle reçoit son livret et constate une opération de retrait de 9 millions F CFA effectuée le 2 décembre 2009 et un versement - fictif - du même montant le 20 janvier 2010, pendant que le carnet n’était pas à sa portée. Pantoise, la cliente prend contact avec le receveur de la Poste qui, après vérification des registres, se rend compte d’une supercherie. L’agent Salifou Mounirou Alassane est interpellé et passe aux aveux. Une mission d’inspection dépêchée par la direction générale de la Poste du Bénin permet de relever deux autres cas portant ainsi le montant total du préjudice subi par la Poste du Bénin SA à 12 millions de francs CFA. En fait, Salifou Mounirou Alassane avait procédé le 23 juillet 2009 à une soustraction frauduleuse sur le compte d’Anatou Kissira pour un montant de 1 million F CFA, avant l’opération sur le compte de Sabine Boné Worou à hauteur de 9 millions F CFA le 2 décembre 2009. Puis, le 15 janvier 2010, il récidive avec 2 millions F CFA soutirés sur le compte de dame Véronique Kikpa.
Poursuivi d’abord des chefs de faux en écriture privée et abus de confiance puis de faux en écriture publique et détournement de deniers publics, le nommé Salifou Mounirou Alassane est renvoyé devant la Cour d’assises de Parakou pour y être jugé conformément à la loi.
L’extrait n°1 de son casier judiciaire vierge montre qu’il n’a pas d’antécédent judiciaire. L’enquête de moralité lui est favorable. Salifou Mounirou Alassane est décrit curieusement comme un agent modèle et comme un homme humble, courtois, sociable, aimable et de bonne moralité, jusqu’à la commission de l’infraction.
Le rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique conclut qu’il n’était pas en état de démence au moment des faits, donc accessible à la sanction pénale.

Le mode opératoire de spoliation des clients

C’est un homme svelte, de grande taille et au teint d’ébène, apparemment faible, qui se présente à la barre. Il décline son identité: Salifou Mounirou Alassane, né vers 1965 à Pénéssoulou (Bassila), père de cinq enfants. Puis, il se prête aux questions de la cour. Outre son poste d’agent de la Poste (du moins jusqu’à son incarcération le 5 février 2010), il exerçait aussi en tant qu’exploitant forestier. Il plaide d’office coupable dans sa narration des faits, quoiqu’il éprouve de la peine et de la gêne à expliquer le modus operandi et tous les contours de son acte. « Je ne sais pas ce qui m’a pris de faire ça », confie-t-il. L’accusé finit par laisser entendre qu’il prend les carnets des clients (ses victimes), remplit lui-même des fiches de prétendus remboursements aux propriétaires, met les références de leurs pièces d’identité, imite leurs signatures et effectue ainsi des mouvements de décaissement frauduleux sur leurs comptes épargnes avec mention dans leurs livrets qui étaient en sa possession. « Je fais comme si les clients avaient eux-mêmes retiré les fonds sur leurs comptes », avoue-t-il. Il souligne qu’il a opéré pour la première fois, parce que des créanciers étaient à ses trousses. Pour la somme de 9 millions F CFA soutirée, elle devrait servir au commerce du bois et l’achat d’un camion qu’une tierce personne lui aurait proposé. Aussi, Salifou Mounirou laisse-t-il croire qu’il voulait rouler les fonds pendant un temps, se servir des bénéfices et remettre l’argent ponctionné à sa place.
Il faut rappeler que l’arrêté de mise en débet le concernant porte sur un montant total de 12 millions F CFA représentant le préjudice causé à l’Etat, somme que la Poste du Bénin SA a dû rembourser aux clients spoliés après les faits.

Faux en écriture privée ou publique ?

Les débats achoppent par la suite sur l’appartenance des livrets d’épargne. Appuyé par son avocat, Me Serge Spéro Quenum, l’accusé dit qu’ils constituent la propriété des clients. Me Jean-Claude Aviansou, avocat de la partie civile, estime plutôt qu’ils appartiennent à la Caisse nationale d’épargne en se fondant sur le logo et les armoiries qui y figurent. Il réclamera par la suite au nom de la partie civile le remboursement intégral des 12 millions F CFA, quand la Cour lui a donné l’opportunité de faire ses observations. Rodrigue Comlan Aziakou, directeur régional Borgou-Alibori et Atacora-Donga de la Poste du Bénin appelé à la barre, confirme la constitution en partie civile de la structure qu’il représente. Il fait savoir que le sieur Salifou Mounirou Alassane a abusé de la confiance des clients en se servant de leurs livrets pour opérer des remboursements irréguliers, causant ainsi des préjudices non seulement aux clients mais aussi à la Poste. Il demande au nom de la société non seulement le remboursement des 12 millions perçus frauduleusement mais aussi des intérêts. « Il s’agit d’actes graves de faux en écriture publique et de détournement de deniers publics et non de faux en écriture privée et abus de confiance comme tentera de faire croire la défense », appuie Me Aviansou. Ce crime sera puni conformément à l’article 145 du Code pénal et de l’article 45 de la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. L’article 145 du Code pénal punit des travaux forcés à perpétuité, tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, aura commis un faux soit par fausse signature, soit par altération des actes, écritures ou signatures, soit par supposition des personnes, soit par des écritures faites ou intercalées sur des registres, ou d’autres actes publics depuis leur confection ou clôture.
L’alinéa 3 de l’article 45 de la loi 2011-20 stipule : « Lorsque le montant de la chose détournée ou dissipée est égal à 10 millions de francs et inférieur à 100 millions de francs, la peine sera la réclusion criminelle à temps de dix ans à vingt ans et une amende d’au moins 10 millions de francs sans que ladite amende puisse être supérieure à 100 millions de francs ».
Conformément aux dispositions desdits articles, Me Aviansou demande à la cour de condamner l’accusé à la peine maximale prévue par les textes, au motif qu’il s’agit d’une somme de plus de 10 millions F CFA et surtout d’une pluralité d’infractions commises séparément et successivement dans le temps. A entendre perpétuité, l’accusé Salifou Mounirou se fond en larmes à la barre. En sanglots, il reste inconsolable par son avocat pendant que le ministère public déroule son réquisitoire.

Amour de l’argent et déperdition

« Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est la racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments.» C’est par ces paroles tirées de 1 Timothée chapitre 6 versets 9 et 10 que le ministère public représenté par Géry Akuesson, explique la situation dans laquelle l’inculpé Salifou Mounirou Alassane se retrouve aujourd’hui. L’ambition démesurée et la course effrénée aux richesses du monde, c’est dans ce cadre que se situe ce dossier, fustige-t-il. L’avocat général retient, lui aussi, l’infraction de faux en écriture publique et détournement de deniers publics contre l’accusé. L’inscription des infirmations inexactes dans les carnets d’épargne des clients constitue l’acte positif qui fonde l’accusation, à en croire le ministère public. La volonté coupable et l’intention délictuelle sont manifestes et l’accusé sait, en son âme et conscience, que son acte porterait des préjudices aux clients et à sa société, poursuit-il. Il en déduit que les éléments matériel et moral du crime de faux en écriture publique sont réunis.
Pour ce qui est du volet détournement de deniers publics, il consiste à l’utilisation des fonds publics à une autre fin pour laquelle ils sont destinés au préalable. Là aussi, Salifou Mounirou Alassane a reconnu avoir prélevé l’argent d’autrui qui a servi plutôt à ses intérêts et il savait bien que son acte porterait préjudice aux clients et à la société. Fort de ce développement, Gery Akuesson conclut que les deux infractions: faux en écriture publique et détournement de deniers publics, sont constituées. Il relève que l’accusé peut bénéficier néanmoins de circonstances atténuantes, son casier judiciaire étant encore vierge et l’enquête de moralité lui est favorable. Mais étant lucide au moment de l’action, il est donc pénalement responsable des faits et écopera de dix ans de réclusion criminelle, requiert le ministère public au pénal.

La défense implore la clémence de la cour

« C’est l’histoire de la chute d’un homme, physiquement diminué, qui n’a plus rien, qui est fortement attristé et qui regrette amèrement son acte », affirme Me Serge Spéro Quenum, visiblement ému. L’avocat de la défense plaide d’emblée coupable et demande l’indulgence de la cour. Il estime que les dix ans de réclusion criminelle suggérée par le représentant de la société sont énormes et demande que la Cour condamne le prévenu au temps déjà passé en détention, soit un peu plus de cinq ans. L’accusé a subi des pressions de toutes parts, il a été même victime de l’arnaque, après avoir eu la faiblesse d’avoir recours aux fonds appartenant à des particuliers, explique la défense. Il a pensé qu’en quelques semaines il pouvait engranger suffisamment de ressources pour remplacer les fonds soutirés, croit-il savoir. L’avocat fait observer que depuis le début de l’affaire, son client n’a jamais fait entorse à la vérité. « Il reconnaît les faits et est conscient qu’il va rembourser. Il n’a fait que demander pardon dans ses différentes lettres aux magistrats », insiste Me Serge Spéro Quenum.
A l’opposé de la partie civile et du ministère public, la défense soutient qu’il s’agit plutôt de faux en écriture privée et d’abus de confiance, pour ce qui est de la nature des chefs de poursuite. «Tous les magistrats qui se sont succédé dans le dossier et même le procureur général ont évoqué cette infraction et non faux en écriture publique et détournement de deniers publics », fait-il remarquer. Il sollicite alors une disqualification des faits et leur requalification. Aussi, une loi de fond votée bien après l’infraction et qui punit sévèrement, ne saurait prévaloir pour la condamnation, indique-t-il, parlant de la loi contre la corruption votée en 2011.
«Que votre condamnation soit une source d’espoir pour l’accusé et sa famille », plaide Me Quenum qui qualifie la sanction proposée par la partie civile de «repoussoir». Quand il est donné la parole à l’accusé en dernier lieu, comme il est de coutume pour les assises, Salifou Mounirou Alassane implore la clémence et le pardon de la cour afin d’être libre de ses mouvements et songer à rembourser les fonds pris dans les caisses de la CNE. Un acte d’indulgence qui a dû certainement peser au délibéré, puisqu’au retour la cour le condamne au pénal à 10 ans de réclusion mais dont cinq ans assortis de sursis et à une amende de 10 millions F CFA dont 1 million ferme et 9 millions de sursis. Ayant déjà passé cinq ans et dix mois en tôle, il devrait être libre depuis hier si rien d’autre ne lui est reproché. Au civil, la cour a jugé sans le concours des jurés et condamne l’accusé à payer les 12 millions F CFA et les intérêts au taux de 3,5% comme souhaité par la partie civile, contre 5% suggéré par le ministère public.¦

Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori
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