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A la loupe: et si la jeunesse était un crime?
Publié le samedi 13 fevrier 2016  |  Visages du Benin
Lancement
© Ministère par DR
Lancement de l`édition 2014 du camp de vacances professionnelles
Mardi 26 Août 2014, Tours administratives, Cotonou : Le Ministre de l`Enseignement Secondaire, de la Formation Technique et Professionnelle, de la Reconversion et de l`Insertion des Jeunes procède au lancement de l`édition 2014 du camp de vacances professionnelles destine aux apprenants des lycées techniques




Ce jour-là, j’ai vécu l’expérience la plus improbable de toute ma vie. C’était un dimanche. Je m’étais rendue au distributeur, dans une tenue très décontractée. J’attendais mon tour le nez dans mon smartphone quand débarqua à ma suite un Monsieur, la soixantaine. Il avait également le nez plongé dans son smartphone, ce que j’ai trouvé rafraîchissant. Quand vint mon tour, la dame chargée de la sécurité me dit, avec fermeté: “ Laisse passer Papa”. Je m’apprêtais à abdiquer quand j’entendis la plus incroyable chose qu’il m’ait été donné d’entendre de toute ma vie au Bénin: “Non. Elle était là avant. Vas-y, ma fille.”. Puis, ce monsieur, venu de je ne sais quelle planète, dont j’ai oublié le visage et dont je n’oublierai jamais la grandeur, ajouta:
“Il faut respecter la jeunesse”.

Et ce fut le déclic. Cette phrase est la raison d’être de cet article. Mais avant d’aller plus loin, laissez-moi vous raconter d’autres histoires. Peut-être me comprendrez-vous mieux.
A, jeune entrepreneur: “ Généralement, je préfère travailler sans contact physique. Il y a des clients dès qu’ils voient que tu es jeune, ils tentent de diminuer ta facture. Comme si tu étais trop jeune pour des certaines sommes.
B, jeune cadre: “On m’a déjà refusé un travail parce que j’étais trop jeune. J’avais pourtant les compétences”.
C, jeune étudiant: “Plusieurs fois, on m’a interdit de parler, de critiquer. On me disait: Toi tu es qui? Tu n’es qu’un petit. “
D, fils: “Mon père et son grand-frère sont brouillés. L’aîné a toujours raison dans notre tradition, même quand il a tort. Donc mon père a été lésé parce qu’il était le cadet”.
Je pourrai le faire pendant des heures, vous lister tous ces cas, toutes ces expériences qu’on a dû vivre, toutes ces brimades et discriminations, toutes les injustices, ce manque de considération et de respect du fait d’un âge pas trop important. Je pourrai vous dire comment j’ai perdu deux heures à chercher une citation qui rende hommage à la jeunesse, où on ne verrait pas la jeunesse comme un état de sénilité. Je pourrai vous raconter également ma rage lors de cette émission où l’on attendait de moi que je réagisse dans un canevas “Jeunesse-Inconscience-Ignorance”, où l’on voulait que je ne dise pas des choses que l’invité adulte devrait dire. Je pourrai vous parler de l’absence des jeunes à des événements qui leur sont dédiés, des slogans pro-jeunesses et des actions gérontophiles, des tribunes de “jeunes” où s’expriment des vieillards aux tons paternalistes. J’aimerais vous raconter tout ceci, mais ça, vous le vivez déjà chaque jour.
“Il faut respecter la jeunesse”. Je n’arrive pas à croire que j’ai vraiment entendu cela. Puis, ça m’est revenu. Tous ces moments où l’on vous chante que la valeur n’attend point le nombre des années mais qu’on vous regarde de haut dès lors qu’on entend votre âge. Toutes injustices à vivre, à supporter parce que le respect des personnes âgées induit indubitablement le non-respect des droits de la jeunesse. C’est drôle que j’écrive tout ceci, aujourd’hui où mes congénères Camerounais célèbrent “La journée de la jeunesse”. Mon œil, La Journée effectivement. 24h illusoires de respect.
Ce Monsieur a fait preuve d’une grandeur rare sous nos cieux. Il m’a fait comprendre à quel point notre société nous éduque comme si être jeune était un crime. J’ai su pourquoi nous avions si hâte de grandir au point d’en oublier de vivre. J’ai su par cette simple mais forte phrase “Il faut respecter la jeunesse” que nous ne l’avons jamais été. Au point où un âge jeune devient une honte.
Quand prend t-on la peine de nous écouter véritablement, sans suffisance, sans paternalisme? Quand prend t-on la peine de ne pas juger sur nos joues d’enfance, nos regards brillants et nos styles décontractés? Quand est-ce qu’on cessera de nous faire représenter par des bureaucrates, ermites d’une époque révolue, pédants de savoirs dépassés, enfermés dans des préjugés dépassés?
On nous juge à notre physique ! Et pourtant, j’en connais des millionnaires en couche-culotte. On nous piétine, juste parce qu’on est jeunes. On nous traite comme si nos intérêts n’étaient pas importants. Comme si nos quotidiens étaient vains et sans valeur. Le plus absurde, c’est que nous ne nous en rendons pas compte. Et pourtant, qu’y a t-il de plus défraîchi qu’un esprit muselé?
Encore une élection où nous serons utilisés comme du bétail, des statistiques gonflants. Ils nous utiliserons pour faire du bruit dans la ville, battre campagne. Il nous parlerons de chômage à régler, d’emplois à créer, de jeunes à nommer et nous y croirons comme des jocrisses. Attitudes sodomites ou naïveté?
Pardonnez-moi mon insolence, je suis juste une jeune-criminelle. Et à mes compagnons de cellule, je ne dirai que ceci:
Le plus révoltant n’est pas d’être dans une société sans liberté. Le plus révoltant, c’est d’être dans une société libre où les esclaves ne veulent pas se libérer.

Par Mylène Flicka
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