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Le cycle infernal de l’achat de conscience en période électorale au Bénin
Publié le lundi 15 fevrier 2016  |  Matin libre








Il est aujourd’hui un secret de polichinelle que le processus électoral au Bénin rime avec l’achat de conscience. Les deux sont des frères siamois. Il est très difficile, voire impossible que l’un passe une période sans son autre frère. Les deux ont traversé monts et vallées et continuent de faire leur bonhomme de chemin. Tout comme nombre d’observateurs de la chose politique, nous nous intéressons au phénomène de l’achat de conscience et à ces différentes facettes. Mais avant, il importe de faire sa genèse.

Historique de l’achat de conscience au Bénin

Le phénomène de l’achat de conscience a pris son envol au lendemain de l’historique conférence nationale des forces vives de la nation de Février 1990. Il a surtout connu sa propension exponentielle grâce au libéralisme observé dans le monde politique avec le système du multipartisme. Tout au début, c’était avec des sachets d’eau glacée que les candidats tentaient d’apprivoiser les potentiels électeurs. En effet, il était aisé de voir les candidats au terme de longues heures de meeting, distribuer des sachets d’eau glacée aux populations venues les écouter. Après les sachets d’eau glacée, les différents candidats ont amélioré leur système d’achat de conscience, avec la distribution des sachets d’eau citronnée glacée, de bissape, et des sandwichs (morceaux de pains avec du beurre, du fromage, de la friture, de la purée de poisson ou de viande cuits préalablement assaisonnés); de quoi fouetter la détermination des populations, qui sont les demi-dieux lors du scrutin. De la distribution des sachets d’eau glacée aux morceaux de sandwichs, en passant par les sachets de citron glacé et de bis sape, le système d’achat de conscience s’améliore au fil du temps.

Et le système se modernise

Ainsi dès les années 1996, après le premier mandat présidentiel de l’ère du renouveau démocratique, le système de distribution a été renforcé par l’introduction des gadgets. C’est comme cela que des sucettes (Bonbons et chewing-gum), des mouchoirs, des foulards, des tee-shirts, des soutien-gorge (pour les femmes), des chapeaux (casquettes) et même des dessous (caleçons) ont été introduits dans le système d’achat de conscience en République du Bénin. Cette dernière trouvaille a été amplifiée avec la distribution des porte-clés, sacs, sacoches, des sachets de riz et de maïs (généralement 1 ou 2 Kilogrammes) et autres pagnes à l’effigie des candidats. Lobjectif de cette méthode est de rester longtemps dans les cœurs et pensées des électeurs. Mais les statistiques ont démontré que ces pratiques ne duraient que le temps pour les électeurs de quitter le lieu du meeting pour leurs domiciles respectifs. Il était donc urgent de trouver une nouvelle méthode qui résisterait aussi longtemps au temps et aux époques. Ainsi guidés par le but de toujours faire l’effet auprès des électeurs, les candidats ne lésinent pas sur les moyens. C’est ainsi que le nerf de la guerre, <> a fait son entrée dans le milieu de l’achat de conscience. Dans cette nouvelle approche, les couvents sont aussi mis à contribution. Avec cette nouvelle mode de corruption électorale, on apprend que les candidats passaient par l’entremise de certains chefs couvents, pour « signer des pactes de fidélité » avec des électeurs. Dans cette nouvelle politique, les candidats distribuent de l’argent (500f, 1000f, et 2500f CFA d’alors) aux électeurs qui le désirent. Mais avant, ils leurs faisaient boire, ingurgiter des breuvages, décoctions spécialement préparés par des chefs de couvents. L’objectif de ce « pacte politique » étant de contraindre l’électeur à respecter scrupuleusement la parole donnée au candidat chez qui il a pris les sous, à travers l’expression positif du suffrage une fois dans l’isoloir. Mais cette politique de pacte a tôt fait de montrer ses limites. Car, il est souvent constaté qu’après le scrutin, certains électeurs trouvent mystérieusement la mort, certainement parce qu’ils n’auraient pas tenu parole.

Le renforcement du phénomène avec l’entrée en scène des artistes

On était à l’étape de la distribution des gadgets et assimilés, et du « pacte politique » dans lesquels les états-majors des différents candidats rivalisent d’ardeurs, quand en 2001, le système de « chanson en l’honneur des candidats » est introduit dans le processus électoral. Ainsi, des artistes nationaux comme étrangers sont sollicités pour composer des morceaux très dansant, peu importe le rythme et le style, aux fins de faire l’éloge des candidats, de vanter autant qu’il se peut leur mérite, histoire d’amener les électeurs à voter pour tel candidat au détriment de l’autre. De Mathieu Kérékou en 2001 (avec Nel Oliver et un groupe d’artiste) à Boni Yayi en 2006 et 2011 (avec GG-Lapino, et plusieurs autres artistes), le système attalakou est encore très en vogue en cette année 2016. Pour le compte du scrutin présidentiel de cette année, les candidats autant qu’ils sont, se sont fait composer des morceaux pour appâter les électeurs. Dans ce registre on retrouve le candidat Patrice Talon (avec les articles Alèkpéhanhou, Stan Tohon, Vi-Phint,…), Sébastien Ajavon (avec l’artiste Rabbi Slow), Lionel Zinsou (avec l’artiste GG-Lapino), etc… Il faut préciser que ce nouveau style vise à amadouer, apprivoiser, voir tromper la vigilance des électeurs. Mais cela ne suffit toujours pas pour fidéliser les électeurs très rigoureux et éternels insatisfaits.

L’argent et les gadgets restent maîtres dans l’arène

Chassons le naturel, et il revient au galop. Les candidats ont expérimenté les différentes méthodes de corruptions électorales. Et ils en sont arrivés à la conclusion que la distribution de l’argent et le partage des gadgets ne peuvent plus être exclus du processus électoral. C’est du moins ce que l’on déduit avec la campagne électorale des législatives de 2015 et de la pré campagne des élections présidentielles 2016. En effet, lors des différentes sorties des candidats, qu’il s’agisse de la campagne proprement dite dans le cadre des législatives de 2015, de la pré campagne des candidats pour les présidentielles 2016 ou encore des sorties dans le cadre de la sensibilisation des populations sur les projets de société, les billets de banques sont massivement distribués. Avant, cétait des billets de 500f, 1000f et 2.000F CFA qui étaient distribués. Mais maintenant ce sont des billets verts (5.000f CFA) et des violets (10.000f CFA) qui sont déversés dans larène politique. A côté du numéraire qui est distribué, plusieurs gadgets sont aussi mis à contribution. Cest ainsi que les tee-shirts, les porte-clés, des téléphones portables, des pagnes, des éventails, des bols de cuisines sur lesquels sont collés des autocollants à l’effigie des candidats, sont distribués aux potentiels électeurs. Aujourdhui, le phénomène est tellement encré dans les pratiques au point où, c’est souvent des chapelets d’injures qui sont égrenés à l’encontre des candidats qui « osent » ne rien donner aux populations à la fin d’un meeting qui aura duré des heures.
Parfois, ce sont des scènes de bagarres très violentes qui s’en suivent quand on soupçonne le responsable ou les mobilisateurs de foules d’avoir « coupé » la cagnotte déposée par le candidat au profit de l’auditoire de circonstance. Le phénomène résiste au temps et tenaille d’une main de fer, les hommes politiques, même les plus durs, qui finissent par céder à son diktat. En clair, le phénomène de l’achat de conscience encore appelé la « corruption électorale » a encore de beaux jours devant lui.

Par : Is-Deen O. TIDJANI
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