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Quand la cour constitutionnelle privilégie la politique au droit
Publié le jeudi 3 mars 2016  |  Les 4 Vérités
Michel
© aCotonou.com par DR
Michel Adjaka, Le président de l`Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab)




Suivant requête en date du 22 février 2016, cinq (05) magistrats, candidats évincés au poste de coordonnateurs d’arrondissements, ont saisi la Cour Constitutionnelle pour s’entendre :

Suivant requête en date du 22 février 2016, cinq (05) magistrats, candidats évincés au poste de coordonnateurs d’arrondissements, ont saisi la Cour Constitutionnelle pour s’entendre :
- ordonner en avant dire droit le sursis à l’exécution de la décision querellée avant de la faire déclarer par la Haute Juridiction contraire aux articles 28 du code électoral et 35 de la Constitution du 11 décembre 1990, le président de la CENA ayant personnellement manqué aux devoirs de probité, de compétence et de conscience que requiert sa charge ;
- ordonner en conséquence à la CENA de rétablir dans leurs droits tous les magistrats-candidats au poste de coordonnateurs d’arrondissements pour le compte des élections présidentielles de 2016.
En répondre à la mesure d’instruction ordonnée par la Cour, le président de la CENA a écrit que « La CENA en tant qu’institution est une autorité administrative indépendante qui dispose d’une réelle autonomie par rapport aux institutions de la République »
En tant que telle, l’article 28, alinéa 1er du code électoral reconnaît à la CENA le pouvoir discrétionnaire de désignation et de nomination des coordonnateurs d’arrondissements sur toute l’étendue du territoire national parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, les avocats inscrits au barreau, les greffiers en chef titulaires de maîtrise en droit ayant au moins cinq (05) années d’exercice, les greffiers en chef ayant vingt (20) années de pratique professionnelle, les greffiers ayant le niveau de maîtrise en droit (baccalauréat + quatre (04) ans d’études supérieures) ayant au moins sept ans d’exercice et les greffiers ayant plus de vingt (20) années d’exercice.
A défaut de magistrat, d’avocat ou de greffier, le coordonnateur d’arrondissement peut être désigné parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite. »
Il a par ailleurs précisé que « le décret N°2014-299 du 24 avril 2014 portant modalités de désignation du coordonnateur d’arrondissement dispose en son article 2 que « le candidat au poste de coordonnateur d’arrondissement doit nécessairement produire les pièces suivantes :
- une autorisation d’absence signée du supérieur hiérarchique ;
- une attestation de service ou une attestation d’inscription au barreau ;
- une déclaration attestant sur l’honneur qu’il n’est pas candidat à la fonction élective concernée. »

Le président de la CENA ajoute que « les coordonnateurs d’arrondissements devront rejoindre l’arrondissement dont ils ont la charge sept (07) jours avant le jour du scrutin et y rester sept (07) jours après le jour du scrutin de façon consécutive toutes les fois. » Cette obligation de présence de quinze (15) jours consécutifs sur le territoire de l’arrondissement de leur mission de coordination des activités électorales et de démembrement de la CENA impose forcément un aménagement de leur temps de travail à travers une autorisation d’absence dans leur juridiction respective.
Paradoxalement, la liste des magistrats et des greffiers telle que proposée par les organisations syndicales et reçue par la CENA est le seul document dont dispose la CENA sans aucun autre document justificatif d’une autorisation d’absence tant des magistrats que des greffiers conformément à l’article 2 du décret N°2014-299 du 24 avril 2014 ci-dessus cité. De plus, et à toutes fins utiles, le vocable « prioritairement » contenu dans l’article 28 du code électoral n’accorde pas l’exclusivité à une seule catégorie de professionnels du droit, fût-elle, la corporation des magistrats. En effet, le législateur, en légiférant comme il l’a fait à travers cet article 28 du code électoral, a plutôt défini dans un ensemble globalisant des catégories différentes de corps de professionnels praticiens du droit, à savoir, les magistrats, les avocats, les greffiers, sans pour autant les hiérarchiser les unes sur les autres, mais plutôt en leur accordant tous la priorité sans aucune exclusivité entre elles.
Enfin, il a expliqué que la nomination par la CENA des coordonnateurs d’arrondissements pour l’élection du président de la République a pris également en compte, dans une large mesure, les résultats d’une évaluation organisée par l’institution sur les performances des précédentes missions effectuées par les coordonnateurs d’arrondissements lors des élections législatives, municipales et communales de 2015.
La Cour Constitutionnelle, vidant son délibéré sur les vingt sept (27) à elle adressés, à travers la décision EP 16-21 du 1er mars 2016, a décidé que « La Commission électorale nationale autonome (CENA) dispose d’une réelle autonomie par rapport aux institutions de la République » ;
Que « la CENA en tant qu’autorité administrative indépendante dispose d’une réelle autonomie et d’un pouvoir discrétionnaire pour la nomination et le positionnement des coordonnateurs d’arrondissements, ceux-ci devant être désignés en priorité parmi les magistrats, greffiers, avocats à condition qu’ils soient disponibles et aptes à assumer sous l’autorité de la CENA la mission de coordination définie par le législateur et produisent :
- une autorisation d’absence signée du supérieur hiérarchique,
- une attestation de service ou une attestation au barreau et une déclaration attestant sur l’honneur qu’ils ne sont pas candidats à la fonction élective concernée ;
Que l’autorisation d’absence ainsi exigée constitue une pièce essentielle relativement à la désignation des coordonnateurs d’arrondissement parmi les magistrats en fonction ;
Considérant que les requérants demandent à la Cour l’annulation des décisions n°024/CENA/PT/PV/CB/SEP/SP et n°025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 de la CENA portant nomination et attributions des coordonnateurs d’arrondissements et sollicitent pour certains d’entre eux, le sursis à exécution desdites décisions ;
Considérant que dans sa décision EP 16-019 du 11 février 2016, la Cour, en autorisant le report du 1er tour du scrutin de l’élection présidentielle du 28 février au 06 mars 2016, a rappelé que le président élu doit prêter serment le 06 avril 2016 ; que ce délai est impératif et conditionne les autres délais ; que l’annulation des décisions n°024/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP et n°025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 de la CENA portant nomination et attributions des coordonnateurs d’arrondissements aura pour effet immédiat de reporter la date du scrutin et de renvoyer au-delà du 06 avril 2016 la date d’entrée en fonction du nouveau président élu en violation de l’article 124 de la Constitution ; qu’il suit de tout ce qui précède que les requêtes sous examen tendent, donc en réalité, au report du scrutin du 06 mars 2016 ; qu’un tel report constituerait une violation de la Constitution ; qu’en conséquence ; il échet, pour la Cour, de rejeter la demande d’annulation sollicitée ;
Considérant qu’en, outre, pour éviter tout blocage du processus électoral, et en sa qualité d’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, il échet, pour la Cour, d’ordonner toutes mesures utiles pour permettre à la CENA d’assumer pleinement et en toute indépendance son rôle d’organisateur et de gestionnaire de l’élection du président de la République ; qu’ainsi, il y a lieu de dire que la CENA devra, en cas de défaillance des coordonnateurs d’arrondissements, procéder sans délai à leur remplacement afin de garantir la tenue effective du scrutin présidentiel le 06 mars 2016.

Cette décision de la Cour Constitutionnelle appelle quelques observations.
Sur le sursis à l’exécution de la décision n°024/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 de la CENA
Sur le sursis sollicité, la Cour Constitutionnelle a estimé que « pour éviter tout blocage du processus électoral, et en sa qualité d’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, il échet, pour la Cour, d’ordonner toutes mesures utiles pour permettre à la CENA d’assumer pleinement et en toute indépendance son rôle d’organisateur et de gestionnaire de l’élection du président de la République. » La décision de la Cour soulève un véritable problème de cohérence et de méthode, boucliers de tout juge contre les critiques déstabilisatrices et mal inspirées.
En effet, les requérants ont sollicité de la Cour d’ordonner le sursis en avant dire droit. La Cour, dans sa décision a répondu à cette demande après avoir statué au fond et rejeté la demande tendant à voir déclarer contraire à l’article 28, alinéa 3 du code électoral, la décision de la CENA. Elle a officié non pas en avant dire droit, mais en après dire droit.
Pire, alors que la CENA n’a jamais fait état des difficultés qu’elle rencontrerait dans la reprise de la liste querellée, la Cour, en se substituant à ladite institution affirme que la correction de la liste attaquée sera source de blocage susceptible d’entraîner le report de l’élection présidentielle prévue pour le 06 mars 2016 et empêcher par voie de conséquence la prise de service du nouveau président de la République le 06 avril 2016.

Cette technique visant à prêter des intentions aux requérants et à valider les irrégularités des organes en charge de l’organisation du scrutin tend malheureusement à se généraliser et surtout à s’ériger en règle. En effet, suivant décision DCC 16-041 du 11 février 2016, alors qu’elle a déclaré contraire à la constitution le limogeage du Centre National de Traitement (CNT) par le COS-LEPI, la Cour a curieusement dit et jugé que « Les actes posés par le COS-LEPI installé le 26 août 2015, qui relèvent de la compétence du CNT, à partir du 02 septembre 2015 jusqu’à la date de la présente décision demeurent valables. »
Autrement dit, préoccupée par l’organisation, quelles qu’en soient les circonstances, du scrutin présidentiel et la prise de service le 06 avril 2016 par le nouveau président de la République, la Cour a délibérément fait l’option de sanctifier la violation du code électoral par le COS-LEPI.
Par ailleurs, sur le caractère impératif de la date du scrutin, le président de la Cour Constitutionnelle, alors que le serment qu’il a prêté lui impose « de bien et fidèlement remplir ses fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour. », a déclaré publiquement qu’aucun report du scrutin n’est possible. Or cette question peut être déférée à son institution par les candidats en lice ou par tout citoyen. Même si l’article 26 du règlement intérieur adopté le 05 juillet 1993 prévoit que « Tout membre de la Cour Constitutionnelle peut faire, à tout moment, des commentaires et publications sur les décisions et avis de la Cour. », lesdits commentaires et publications ne peuvent en aucun cas porter sur une question dont la Cour pourrait connaître.
Cet acte du Professeur HOLO ajouté à certaines décisions de la Cour incline à sérieusement se pencher de lege ferenda sur le régime disciplinaire et pénal des membres de cette Haute Juridiction.
Sur l’autonomie et l’indépendance de la CENA
Sur cette question, alors qu’aucun requérant ne discute à la CENA ses exorbitantes prérogatives, la Cour constitutionnelle, contre toute attente, a crû devoir réaffirmer que « La Commission électorale nationale autonome (CENA) dispose d’une réelle autonomie par rapport aux institutions de la République » ; qu’« en tant qu’autorité administrative indépendante elle dispose d’une réelle autonomie et d’un pouvoir discrétionnaire pour la nomination et le positionnement des coordonnateurs d’arrondissements. »
L’indépendance et l’autonomie de la CENA ne la mettant pas au dessus de l’ordre juridique, il va sans dire que ses pouvoirs sont limités par le respect de la loi, notamment la constitution et le code électoral.
Or l’article 28 de la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin impose à la CENA de désigner le coordonnateur d’arrondissement prioritairement parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, les avocats inscrits au barreau et les greffiers replissant certaines conditions de diplôme et/ou d’ancienneté.

« A défaut de magistrat, d’avocat ou de greffier, le coordonnateur d’arrondissement peut être désigné parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite.
A défaut d’administrateur civil, le coordonnateur peut être désigné parmi les cadres de la catégorie A ou équivalent en fonction ou à la retraite. »
Les requérants reprochent à la CENA, alors qu’ils sont magistrats, avocats, greffiers de les avoir évincés au profit de candidats sans profit requis. Il n’est pas en l’espèce discuté à la CENA son pouvoir discrétionnaire de nomination ou de positionnement des intéressés. Il est en l’espèce querellé la violation de la priorité accordée par la loi aux magistrats, avocats et greffiers. Nul n’a contraint la CENA de confondre l’adverbe « prioritairement » et l’expression « à défaut » qui, lus de manière croisée, défendent à la CENA de recourir à la catégorie des administrateurs civils tant qu’il y a de magistrats, d’avocats et greffiers insatisfaits.
La Cour aurait pu vérifier si les critères exigés par l’article 28 du code électoral ont été respectés. En tant que garante de la régularité et de la transparente du scrutin, elle devrait demander à la CENA de révéler l’origine professionnelle des candidats retenus. En faisant mystère sur cette préoccupation, et surtout en autorisant la CENA à fait usage de ses pouvoirs discrétionnaires pour nommer les coordonnateurs d’arrondissements, la Cour s’est substituée au législateur.

Sur le défaut de production des pièces exigées par l’article 2 du décret n°2014-299 du 24 avril 2014
L’article 2 dudit décret portant modalités de désignation du coordonnateur d’arrondissement prescrit que « Le candidat au poste de coordonnateur d’arrondissement doit nécessairement produire les pièces suivantes :
- une autorisation d’absence signée du supérieur hiérarchique ;
- une attestation de service ou une attestation d’inscription au barreau ;
- une déclaration attestant sur l’honneur qu’il n’est pas candidat à la fonction élective concernée. »
Pour la Cour constitutionnelle, la CENA, en tant qu’autorité administrative indépendante, a les pleins pouvoirs pour nommer et positionner les coordonnateurs d’arrondissements, ceux-ci devant être désignés en priorité parmi les magistrats, greffiers, avocats à condition qu’ils justifient de :
- une autorisation d’absence signée du supérieur hiérarchique,
- une attestation de service ou d’inscription au barreau et une déclaration attestant sur l’honneur qu’ils ne sont pas candidats à la fonction élective concernée ;
Que l’autorisation d’absence ainsi exigée constitue une pièce essentielle relativement à la désignation des coordonnateurs d’arrondissement parmi les magistrats en fonction. »
Suivant lettre en date à Cotonou du 24 décembre 2015 adressée à Madame le Garde des Sceaux, dont l’UNAMAB a reçu ampliation, le président de la CENA a sollicité la liste des magistrats qui désirent officier en qualité de coordonnateurs d’arrondissement pour le compte de l’élection présidentielle de 2016. Cette lettre ne mentionne nulle part les conditions à remplir par les candidats au poste de coordonnateurs d’arrondissements. En d’autres termes, la CENA n’a pas rendu public, contrairement au protocole par elle adopté en 2015, les pièces à fournir par les candidats.

Mieux, il n’est pas établir que les candidats évincés sont ceux qui n’ont pas fourni les pièces exigées ou failli à leurs missions lors des précédentes élections. En clair, la CENA ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. A contrario, elle ne rapporte pas la preuve que les candidats retenus sont ceux qui ont satisfait aux conditions exigées par le décret n°2014-299 du 24 avril 2014.
La Cour aurait pu, pour la crédibilité des élections du 06 mars 2016, gage de paix et de stabilité, faciliter l’implication des acteurs de la justice, plutôt que de contribuer à leur éviction par des motivations peu convaincantes, voire politiques que juridiques.

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