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Nécessité d’un assainissement du système partisan au Bénin : Une réflexion de Tissou Félix Héssou, Général à la retraite
Publié le mardi 5 avril 2016  |  La Tribune de la Capitale




«La vérité est que les peuples n’y ont rien gagné sinon de nouveaux maîtres. Je doute que la misère du paysan noir lui paraisse encore plus supportable, car la délégation de son pays à l’Organisation des Nations Unies (ONU) descend la 5ème avenue dans une Cadillac à cocarde.» Ainsi avait conclu Jacques Soustelle sa Lettre ouverte à vous mes frères noirs qui furent français comme moi. Elle fut une véritable psychanalyse de l’ensemble de la classe politique de l’Afrique noire indépendante. Cet ouvrage illustre et décortique parfaitement les contre-performances génératrices de la mascarade politique brodée de la catastrophe socioéconomique de l’élite politique africaine en général et celle béninoise en particulier.
En effet, depuis l’accession des nations africaines à la souveraineté internationale, leurs leaders éprouvent beaucoup de peine à assumer la plénitude de leur mission historique. Dans notre pays, la preuve est longtemps faite qu’excepté le Parti Communiste du Bénin (PCB), toutes les formations politiques se comportent comme de piteux regroupements électoraux autour d’un propriétaire, à base foncièrement régionaliste, voire ethnique.

1. Impéritie de l’ensemble de la classe politique béninoise.
Complètement aux antipodes des principes cardinaux de l’Etat de droit; les politiciens, dans leur grande majorité, brillent par leur incongruité et semblent méconnaître entièrement les aspects et les formes de l’expression de la vitalité authentique du pluralisme démocratique. Leurs pratiques sociales caractérisées par de multiples déviances sociopolitiques embrouillent la bonne conscience et égarent toute logique de responsabilité. Ils s’empressent de gagner des élections mais méconnaissent totalement les grands axes de la bonne gouvernance ; ils remportent des suffrages, sans rien connaître de la gestion de la vie publique ; ils cultivent à tous les niveaux la vilaine manie de se jeter sur le pouvoir pour le pouvoir, sans vouloir en évaluer les opportunités et les contraintes ; ils embellissent du verbe la réalité, croyant tout réaliser en parole, sans action, mais en perpétuelle improvisation tous azimuts.
Au demeurant, après plusieurs décennies de pratique de vie démocratique, il est aisé de faire l’amer constat de l’incurie qui règne dans cette sphère fondamentale de la nation. La création et l’animation d’un parti politique ne sont pas en phase avec le souffle qui fonde et féconde les préoccupations légitimes des populations. Elles s’enlisent plutôt dans l’accompagnement des aventures opportunistes de quelques regroupements d’amis rêveurs et nostalgiques de la brocante. Au demeurant, fonds de commerce de politiciens reconnus comme de vrais experts en calcul d’épicier et en manipulation mesquine, les partis politiques ne s’activent réellement que lorsqu’arrivent les périodes de consultations électorales. La rareté dans l’arène politique béninoise des valeurs référentielles de compétence, de talent, de probité, d’honnêteté, de moralité et d’honorabilité bat en brèche la conviction, tout en promouvant la médiocrité, le laxisme et la délinquance. Les conditions favorables à l’éclosion et à l’expansion d’élites sont noyées dans le flot insipide de fastidieux et vils débats autour de stériles procédures. L’argumentaire irresponsable, la préférence du sang, le soutien aveugle au fils du terroir détournent l’ensemble du parti d’une ligne authentiquement patriotique.

1. Corruption et compromission de la caste politique.
« Rien n’est plus dangereux que l’influence des intérêts privés dans les affaires publiques », avait prévenu Jean-Jacques Rousseau dans Le contrat social. Dans sa pratique, l’homme se révèle le plus grand prédateur de la démocratie et l’espèce la plus nocive à l’Etat de droit. C’est pourquoi il ne suffit pas de n’avoir que de très belles institutions, il faut aussi disposer d’élites vertueuses en charge de leur animation ; il faut aussi qu’elles travaillent et agissent dans le sens du respect et de la protection des droits des individus; il faut aussi qu’elles veillent à la sauvegarde et à la prise en compte des spécificités de la société ; il faut enfin qu’elles assurent le fonctionnement harmonieux et efficace de l’appareil judiciaire. Or, notre pays, le Bénin traîne la maladie de l’incurie et de la trahison de bon nombre de ses cadres intellectuels et particulièrement de sa caste politique qui excellent en matière de corruption et de compromission. Les exemples abondent et confirment, s’il en était encore besoin, que les politiciens béninois étalent une voracité bien souvent pour des raisons d’intérêt d’ordre privé et personnel. Ils affichent une capacité déconcertante à faire dévier les institutions de leurs utilisations normales et de leur rôle originel, mettant constamment la paix sociale et la stabilité des populations en péril, sans aucune gêne morale.
On dit souvent que « la République ne vaut que ce que valent ses citoyens », chacun d’eux étant placés devant le choix de vertus à accomplir dans sa vie privée comme dans sa vie publique. La valeur que représente la République béninoise aujourd’hui relève d’un environnement politique qui se retrouve, à l’évidence, investi par des vils acteurs. Le Président Justin Tometin Ahomadegbé les qualifiait, au congrès de l’U.N.D. à Ouidah, le 23 novembre 1991, d’homme avec petit « h », à savoir : « jouisseur, magouilleur, amant de la facilité, laxiste, insolemment bourgeois, arriviste, parvenu, menteur, cherchant le confort, prêt à tous les avilissements, acceptant toutes les turpitudes, indigent au plan moral comme d’ailleurs au plan intellectuel, mesquin, envieux, un individu pleutre qui n’a pas confiance en soi, qui cherche toujours un appui.» Il y a lieu de reconnaître avec cet homme d’Etat, pétri d’expériences, que tant que l’intérêt privé et le prestige personnel restent au gouvernail, les politiciens se comporteront toujours comme des hommes sans envergure et sans vision au-delà de leur nombril, s’arrimant sans cesse à une politique et à une stratégie à courte portée.

1. Espace politique peu performant.
«L’homme est perfectible», se console-t-on habituellement. Cette formule de bonne conscience ne doit pas faire oublier que « le séjour dans l’eau n’a jamais transformé un tronc d’arbre en crocodile.» La meilleure intelligence noyée dans une ambiance de haine, de rancœur et dans les effluves de la jalousie ne peut féconder que de la mesquinerie et de la mésintelligence des agissements préjudiciables à la cohésion nationale. Avec cette allure, l’espace politique ne saurait progressivement prendre corps sous un éclairage avisé pour s’afficher judicieusement et se raffermir avec rigueur et bon sens. Dès lors, la transhumance politique va se justifier au nom des libertés d’association et de pensée. Sans un idéal politique, sans aucune idéologie, totalement dépourvue de conviction profonde, la classe politique béninoise végète dans une impéritie totale. Aussi, leurs leaders politiques s’embarquent-ils dans des alliances contre-nature qu’ils n’hésitent pas à défaire, sans aucune gène, au gré des ambitions privées.
Aux élections législatives, municipales, communales et locales, le scrutin de liste achève de noircir le tableau de la compétition ; il suffit d’entretenir de très bonnes relations avec le leader et ou de trouver sa bonne liste fortunée, de payer la bonne place au bon moment pour que se poursuive le marchandage. Bien entendu, l’équilibrisme seul ne suffit plus. Tous les moyens sont utilisés au mépris de tout souci d’éthique et d’esthétique. Calomnies, usurpations, montages grotesques ont droit de cité. Plus besoin de conviction ! Point d’engagement vertueux ! Au cours de ce jeu de panier à crabes opposition et mouvance se talonnent, se jalonnent, se taclent et se neutralisent.

1. Méthodes et pratiques contraires à l’expression démocratiques.
Dans l’univers politique béninois actuel, les modèles devant servir de tremplin sont rares ou plutôt diabolisés ou déshabillés par irrévérence. Des allégations fantaisistes meublent tous les compartiments de la vie publique sans que réellement personne ne s’en soucie a priori. Ce faisant, le mensonge, la corruption, le favoritisme, le détournement des biens publics ne sont plus considérés comme des comportements déviants, des attitudes indélicates, des fautes graves qui relèvent de l’incivisme. En revanche, ces agissements sont au contraire, adoubés, félicités comme des exploits habiles, comme de bonnes stratégies qui conduisent à la victoire. Alors, la mauvaise conscience, les combinaisons louches, les compromissions entachent d’immoralité la politique. S’exclut fatalement tout environnement de vérité, de moralité, d’honnêteté et d’idéal. Avec la marchandisation des relations humaines et son cortège de trafic d’influence, avec l’amour et la soif de l’argent débouchant sur la tyrannie du sexe, nos acteurs politiques ne prennent pas d’initiative en dehors du prisme à intérêts financiers ; ils jaugent toute démarche à l’aune de la manne pécuniaire et des dividendes immédiats et instantanés. Aussi, pensent-ils tout acheter avec l’argent. Dans ces conditions, ils poussent le cynisme jusqu’à transformer les consultations électorales en ventes aux enchères. Ne sortent des urnes que des compétiteurs fortunés, entourés d’équipes d’illusions et de désillusions. L’offre politique ne se décline plus en projet de société, mais s’expose en distribution d’espèces sonnantes et trébuchantes dans la rue, au marché et en tous lieux; l’offre la plus alléchante étant la mieux pourvue en suffrage, la raison du plus riche se fait souvent la plus pourvoyeuse en voix. Toutes les manœuvres d’indignité y ont cours au mépris de toutes réglementations. Dès lors, survient l’inflation en achat de conscience au cours de l’opération « porte à porte » dans la nuit qui précède le vote, et même le jour du scrutin où officiellement toutes opérations de campagne restent strictement prohibées. On fait n’importe quoi à la recherche de la victoire à tout prix ; l’art de la tricherie devient triomphant ; l’imagination se met au service du pouvoir de la fraude ; la corruption s’enfle et se propage à tous les niveaux; l’inconscience se met en action ; on achète des cartes d’électeur ; on appâte les électeurs ; on les impacte même aux endroits au-dessus de tout soupçon ; on n’hésite pas, dans cet élan de corruption des électeurs, à souiller le cœur du sanctuaire de la République. Avec cette profanation, nous avons atteint l’indescriptible ; la force de l’argent emporte toute conscience dans ses flots. Sans commentaires !
« C’est le moment ou l’occasion pour nous de prendre notre part, car une fois élus ces politiciens affairistes ne s’occupent plus de nous », avoue sans détour un paysan. Ces attitudes et images hautement négatives, et ces comportements d’indignité de nos pseudo-démocrates laissent à désirer et nous éloignent des rives authentiques d’un Etat de droit. A la faveur de la campagne, ils érigent toute période électorale, en un marché de dupe qui sacrifie sans ménagement les intérêts supérieurs de la Nation. Le mandat électif ainsi monnayé auprès de citoyens enfarinés ou victimes consentantes au grand dam de l’intérêt général ne peut hélas jamais contribuer à impulser la prospérité du pays.

1. Quête d’un homo democraticus.
Et pourtant, très souvent, à la fin de ces ténébreuses manigances, les instances commises aux consultations électorales encensent les uns et les autres, à travers des discours aseptisés, se félicitant du progrès qu’afficherait la bonne marche démocratique au Bénin. Si de façon globale la sérénité, la convivialité, l’enthousiasme et l’esprit de paix caractérisent les jours de vote, il ne demeure pas moins vrai qu’en amont des pratiques peu reluisantes et contraires à la volonté d’équité ont cours et ternissent gravement le fonctionnement de tout le système démocratique. Ces actes à envergure peu démocratique jettent du discrédit sur la sincérité du choix ; on pourrait même logiquement être tenté de douter de la réalité des résultats sortis des urnes. Les populations se laissent abuser ou se font complices de bons nombres de déviances.
• Dans ces conditions, pouvons-nous prétendre sans hypocrisie que nos leaders affichent des réflexes de démocrates convaincus ?
• Avons-nous de véritables raisons d’être fiers du bon fonctionnement de notre démocratie ?
Ces questionnements interpellent tout citoyen qui éprouve la nécessité de veiller au renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit dans notre pays. Dans tous les cas, au Bénin, la démocratie est en quête constante « d’un homo democraticus, qui est un homme ayant pris la décision juste de s’arrimer au train des valeurs éthiques, de faire des vertus de la démocratie, les référents de sa vie publique et de sa vie privée ». C’est un choix personnel qui engage en même temps qu’il implique une mutation, puisque tant que l’homme n’aura pour seule préoccupation majeure que sa sécurité, la stabilité de sa vie, l’accroissement de son bien-être, sans aucune illusion, il ne trouvera nulle part la vertu nécessaire pour faire vivre la démocratie. « L’homo democraticus » se présente comme le citoyen aguerri par l’esprit de défense, rayonnant l’amour de la Patrie, donc averti et converti non pas à une certaine idéologie politique, mais « parfaitement en accord avec son être intérieur, celui de sa conception même de la vie, celui de ses présuppositions et de ses mythes. » Si cette conversion n’a pas lieu, alors toutes les élaborations constitutionnelles, les études sur la démocratie et les enquêtes sociologiques rassurantes sur l’homme et la société démocratique ne peuvent être que de vains efforts de justification dévoyés par le vécu quotidien que rencontre la nature réelle de la démocratie au Bénin.

1. Promotion de l’excellence dans les affaires publiques.
De la sociologie et de l’histoire politique, on peut retenir que la noblesse de la mission de représentation du peuple s’accompagne d’esprit de justice et d’équité, et s’appuie sur la morale. C’est dire que la réalité du leadership éclairé ne se décrète pas mais se légitime. Même si un peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite, il n’est pas superflu ou exagéré de prôner l’élitisme. Pourquoi ne pas veiller à l’éclosion du militant convaincu au-delà du partisan conjoncturel ? Chercher à privilégier l’émergence des conditions de débats d’idées sans fard, sans calomnie, sans fanfaronnade, c’est promouvoir l’avènement d’une nouvelle classe politique de patriotes bien formés. Prôner l’excellence dans les affaires publiques dans notre pays reviendrait à opérer des réformes pour soustraire l’esprit partisan de son ignorance, de son immaturité, de son amoralité et de son indigence. La première étape passe par la formation du militant convaincu pour rompre avec le partisan conjoncturel. Les meetings et les marches de soutien improvisés ou subventionnés ne suffiront plus pour engranger des victoires sans péril. Personne ne peut prétendre ignorer la vertu de la formation qui permet de doter le militant des aptitudes et capacités d’une meilleure appréciation des situations complexes afin d’éviter les dérapages. En vérité, la formation offre à la base les éléments essentiels du militantisme où se trouve le sacrifice de soi qui élève vers le sommet où culmine la cause commune réelle qu’est la Patrie. Au demeurant, former des partisans avant tout patriotes amènerait certainement à placer l’intérêt général national au-delà de celui des partis politiques. Ceci assainirait considérablement le dialogue social et politique. Animer la vie nationale serait alors synonyme de plus de sacrifice que d’honneur et de privilèges. Alors et alors seulement, il pourrait se produire le passage salutaire des clubs électoraux ethno-centrés à de véritables partis politiques.
Ensuite, il conviendrait de porter un regard attentif sur leur financement aux fins d’un réel éclairage à l’horizon de l’animation de la vie politique dans notre pays. Cela permettrait un relatif assainissement de la compétition dans le sens de l’équité des règles du jeu politique. Ce passage urgent à tout point de vue, doit être accompagné par le toilettage de la charte des partis et se poursuivra par l’incontournable et impérieux critère d’envergure national. Un suivi, une évaluation et un examen de conformité des conditions d’existence en tant que parti permettraient une mise à jour annuelle et régulière de la nomenclature des partis. L’exigence de la tenue régulière de congrès à l’interne des formations politiques dans un délai péremptoire de cinq ans viendrait parfaire cet espace. La recherche des ressources financières pour le fonctionnement et le bon déroulement de leurs activités les obligerait et les contraindrait à être plus regardants vis-à-vis de leurs membres quant aux cotisations et contributions statuaires payables et parfois payées sur papiers mais réellement jamais versées.
1. Assainissement de la compétition et des règles de jeu politique.
Naturellement, l’assainissement de la compétition et des règles du jeu politique en leur sein se ferait moins opaque, chacun y mettant du sien pour le contrôle mutuel. Le partisan mieux éclairé puisque formé, prendra la mesure des choses et de la chose politique. Il comprendra que la politique n’est pas et ne peut pas être une affaire de famille, de monades socio-ethniques, de messes d’actions de grâce et de marches de soutien, mais un don de soi pour l’intérêt de tous et une vision de tous pour l’intérêt de chacun, dans le but de promouvoir la liberté collective au profit des libertés individuelles. Ainsi, les partis « fonds de commerce » tomberont en faillite ; les partis « clubs-électoraux » entreront dans les rangs ; les partis fantômes et fantoches disparaitront ; les partis « clan familial » nargueront moins, fusionneront et s’ouvriront ou périront de leur plus belle mort. En somme, de réels partis politiques verront le jour sur la base d’une réelle liberté d’association qui libère les énergies, la parole, analyse les opportunités, définit des stratégies gagnantes pour la conquête du pouvoir et de sa gestion dans une vision prospective élaborée auparavant, sans amateurisme. Ainsi, le multipartisme intégral se disciplinera de lui-même dans la mesure où la liberté d’association emporte la liberté de non association. Cette orthodoxie éclairante du paysage politique béninois véhiculera incontestablement la vertu de son influence éducative positive sur la frange juvénile de la Nation en quête des aptitudes au savoir, au savoir-faire, au savoir-créer et savoir-devenir, et piaffant d’impatience de conquérir le monde.
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