Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aCotonou.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

L’Election de Patrice Talon, Le Nouveau Président Béninois, Une Victoire Menacée.
Publié le lundi 16 mai 2016  |  24 heures au Bénin
Chef
© Autre presse par DR
Chef de l`Etat Patrice Talon




L’annonce de la victoire de Patrice Talon aux dernières élections présidentielles du Benin a déclenché une onde d’euphorie dans les milieux africains fortement anti Françafrique. Pour autant que cette victoire est à saluer car elle constitue l’une des rares déculottées administrées à l’arrogance française en Afrique, l’on se doit de rester lucide, un rien pessimiste, quant à l’impact positif que cette brillante élection aura sur le quotidien du Béninois moyen.

De prime abord, Patrice Talon hérite d’un système qu’il ne contrôle pas. L’économie béninoise comme celle de la plupart des pays de la zone Franc est contrôlée à hauteur d’au moins 80% par la France. Bolloré règne toujours en maitre absolu sur les ports et les infrastructures stratégiques ; le franc CFA y a toujours cours, et le dernier sommet tenu le 9 Avril 2016 à Yaoundé au Cameroun nous a révélé une vérité que tout le monde semblait vouloir ignorer : la France est toujours la maitresse du jeu CFA. C’est la raison pour laquelle Michel Sapin s’est arrogé l’autorité de tenir des propos pleins d’hypocrisie : « la Zone Franc est une zone des africains, pour les africains. Toute décision sur son avenir appartient d’abord aux pays africains membres. La France est là pour les accompagner en garantissant la parité du Franc CFA. C’est la décision des pays africains qui s’impose et non celle de la France ». Le nouveau président va donc intégrer un système de mafia mondiale qu’il gagnerait à bien comprendre.

Les Stratégies de Contrôle

Dans un article précédent : « Afrique : Comment briser les chaines de la Domination Etrangère, Qui Contrôle l’Afrique ? », nous avons présenté la structure du pouvoir sur le plan global ; malheureusement, nous n’avons pas beaucoup insisté sur la façon dont ce pouvoir s’organisait de façon concrète au niveau local dans les pays dits de la périphérie afin d’assurer aux puissants, un contrôle absolue sur les institutions et les ressources naturelles, indépendamment des leaders en poste.

Afin d’achever le hold-up complet des ressources d’un pays sur la périphérie, la « communauté internationale » s’assure que le chef de l’Etat dudit pays remplisse les deux conditions suivantes :

1. Maitriser toutes les ficelles du pouvoir et être très peu populaire sur le plan interne i.e. par rapport à ses compatriotes. Cet objectif est généralement atteint sous les auspices d’un système fortement centralisé et tribaliste.

2. Etre extrêmement vulnérable sur le plan externe i.e. par rapport aux maitres du monde.

Ces deux conditions, n’étant pas toujours des acquis à la prise de fonction du nouveau chef d’Etat, pousse les maitres du monde à se mettre tout de suite au travail pour aider et/ou placer le nouveau président sous contrôle. Ils sont suppléés en cela par les institutions qu’ils ont pris la peine de mettre en place dans le monde, dont la dernière trouvaille n’est rien d’autre que la CPI.

Au cœur de la stratégie de contrôle, l’on retrouve entre autres, le couronnement des dirigeants très accommodants, et la diabolisation, et éventuellement le renversement des dirigeants récalcitrants, c’est à dire ceux qui s’opposent aux intérêts des puissants.

La présence militaire autour des points stratégiques, participe aussi de cette stratégie, l’une des missions de celle-ci étant l’assurance de l’accès ininterrompu aux matières premières dites stratégiques, et la création d’une menace silencieuse pour les dirigeants récalcitrants. Finalement, scenario idéal, lorsque les moyens le permettent, le renversement d’un obstructionniste, pour la cause qualifié de : « dictateur assassin de son propre peuple » devient une option viable. Le reste n’est qu’enjolivure et fumigation.

A titre d’exemple, les difficultés auxquelles font face respectivement Dilmar Rousseff du Brésil et Jacob Zuma d’Afrique du Sud correspondent au premier aspect de la Stratégie. Le Brésil et l’Afrique du Sud sont les maillons faibles des BRICS dont le programme pourrait compromettre d’une part, l’emprise des institutions de Bretton-Woods sur les économies du monde de la périphérie, et d’autre part remettre en cause le monopole du dollar américain comme principale monnaie de réserve de change. D’ailleurs, la récente admission du Yuan chinois comme monnaie d’échange dans la corbeille du FMI a aussi pour but de créer la discorde dans le groupe des BRICS. Le but visé est de détruire et d’éliminer dans le processus une menace au monopole économique dont jouissent les Etats-Unis et ses affidés.

La présence des bases militaires américaines autour du bassin capsien, dans le golfe persique, en Afrique, et dans bien d’autres foyers, ainsi que le positionnement de leurs flottes à travers les océans illustrent bien le 2e aspect de cette stratégie de contrôle. La France fait la même chose dans son pré carré.

Les Tactiques de la France Pour le Contrôle des Transitions Politiques en Afrique

Les récents dérapages verbaux de Patrice Talon ne sont pas fortuits ; ils sont à mettre sur le compte de ce que l’on peut appeler des maladresses induites. L’on profite de son inexpérience et de sa naïveté politique pour le pousser à des fautes qui vont détruire la côte de popularité dont il jouit en ce moment, et le rendre vulnérable, donc malléable dans le futur.

L’arrivée au pouvoir de Kaboré au Burkina Faso illustre également l’une des récentes tactiques adoptées par la France. L’on prend un « insider » (un ancien ministre, de préférence premier-ministre), l’on l’aide à se distinguer dans le travail ; à peine atteint-il un niveau acceptable de notoriété, que coup de tonnerre, il démissionne, et déclare de façon soudaine que le système auquel il a appartenu jusqu’ici et dans lequel il a passé de nombreuses années et a affermi sa philosophie politique est subitement corrompu. La presse française et internationale fait de lui un héro, et au travers d’un marketing politique bien rodé, on le présente comme le « messie » qui va sauver le pays. Il crée naturellement un parti politique et se présente aux futures élections présidentielles. Ce scenario s’est vu dans de nombreux pays africains.

Manœuvres de Déstabilisation Dès les Indépendances

Ce qui ne change pas par contre c ‘est le désir d’éloigner du pouvoir autant que faire se peut des nationalistes populaires et charismatiques. Ces hommes politiques et leaders courageux se sont distingués du reste de la classe en s’accordant tous sur au moins une chose : la non-négociabilité de la souveraineté nationale, et donc de la souveraineté de la nation sur les ressources naturelles, et sur tous les secteurs de la souveraineté. C’est exactement cette attitude qui les rend inacceptable aux yeux des prédateurs qui leur préfèrent des alternatives sans envergure, sans vision, et très accommodants.

Cette mise à l’écart des leaders charismatiques et visionnaires explique en partie l’état lamentable dans lequel se retrouve l’Afrique dans son ensemble. Elle explique également l’extrême vulnérabilité à la distraction. En effet, c’est la présence d’une vision et d’un idéal clair, incarnés par un leader charismatique, crédible et intègre qui mobilise en général toutes les forces productives et libère les énergies créatrices d’un pays. L’absence de ces éléments se traduit en général par l’émergence d’un peuple démoralisé, désorienté, moribond, sans repère culturel et qui se fait berner par le premier faux prophète venu. Très souvent cela se termine assez mal, car presque toujours, l’essentiel est pris pour l’accessoire et vice-versa, i.e., l’on concentre et dépense beaucoup d’énergie et de temps dans la poursuite des chimères, pendant que l’on recule sur tout ce qu’il y a d’important.

C’est ce qui s’est passe dans les années 90.

La Démocratie comme couverture de la prédation

Autour des années 90, l’Occident, essoufflé par de nombreuses crises récurrentes, est rattrapé par les péchés du passé. Les dictateurs qu’il a installés aux pouvoirs pendant les années 60 et 70 au mépris de la volonté des peuples victimes commencent à montrer des velléités d’émancipation. L’Occident panique et décide d’arrêter la propagation de ce phénomène qui atteint son point culminant avec la 1ere guerre du golfe. Les maitres du monde évaluent toutes les options à leur disposition, comprennent (grâce a leur déconfiture au Vietnam et face à d’autres forces de résistance) que la violence frontale serait très aventureuse et coûteuse, Ils choisissent la subtilité.

C’est dans ce contexte que les maitres du monde redécouvrent la démocratie comme valeur universelle, et la servent à l’Afrique sur un plateau en or ; l ‘Afrique adore et en devient folle amoureuse. Les soulèvements succèdent aux marches pour la démocratie et à l’exigence de la tenue de conférences nationales souveraines. L’on discute de tout sauf de ce qui est fondamentalement essentiel, à savoir le démantèlement définitif du système de la domination externe dans lequel tout dirigeant comme le président Patrice Talon aujourd’hui, aura du mal à réussir.

Entre-temps, le FMI et la Banque Mondiale accourent et servent « le remède miracle » : la privatisation de toutes les sociétés d’Etat et leur rachat par les multinationales étrangères. Les « experts » de ces institutions conseillent aux africains la réduction du train de vie de l’Etat, et l’accélération des plans d’ajustement structurel qui en vérité ne sont qu’une déclaration de guerre déguisée contre la classe moyenne africaine en plein essor. L’éducation et la santé sont principalement visées à travers une coupe drastique de leurs budgets. L’un des buts étant de provoquer le mécontentement des populations qui rend les dirigeants impopulaires, donc vulnérables vis-à-vis des financiers étrangers. S’en suivent un taux de chômage et une misère endémiques ferments de tous les maux sociaux que nous retrouvons aujourd’hui.

Autour de la 2e moitie des années 90 et le début des années 2000, l’Afrique est anéantie, l’Occident triomphe. Il semble avoir réussi à contenir le décollage de l’Afrique. C’est ce qui, probablement, inspire les propos cyniques de Lionel Zinsou : « l’Afrique appartient à l’Europe… ».

L’Affaire Intellar au Cameroun

Un cas illustre bien la façon dont le progrès en Afrique a été étouffé dans l’œuf : INTELLAR au Cameroun, une société de montage d’ordinateurs qui avait réussi à virer la compagnie française Bull du marché de la fourniture du matériel informatique au Cameroun, et au Burkina Faso (du temps du visionnaire Thomas Sankara). Dans le cafouillage des années de braise, Ndjeukam Tchameni, promoteur de cette compagnie s’implique fortement dans la lutte pour la démocratie. La France y voit une ouverture et en profite pour détruire INTELLAR, compagnie dont elle, contrairement à nos dirigeants comprend la valeur stratégique sur le long terme.

Imaginez une Afrique ou au moins un Cameroun avec 30 ans d’expérience dans la production d’ordinateurs. Où en serions-nous aujourd’hui si INTELLAR avait survécu et s’était développé ? L’on parlerait peut-être de smart phones africains. Le Cardio Pad, invention du génie Marc Arthur Zang (Polytechnicien Camerounais) n’aurait pas eu beaucoup de mal à être développé et à être produit en masse. Que d’occasions manquées !

L’Afrique Qui Renait de ses Cendres

Alors que tout a l’air perdu pour l’Afrique, émergent deux figures qui vont redonner aux africains une certaine dignité, inspirer la jeunesse en leur rappelant que la flamme de la résistance est plus que jamais allumée. Le premier, Mouammar Kadhafi, un vieux routier de la résistance, a été assassiné par les prédateurs, le 2e Laurent Gbagbo croupit dans les geôles de la CPI, dernière invention des prédateurs. Mais la dynamique qu’ils ont initiée continue de prendre de la vigueur, et l’élection de Patrice Talon en ait une conséquence.

Pour cette raison, le président Talon doit comprendre, assimiler, et assumer son rôle historique. Voici quelques éléments qui pourraient lui permettre de mener à bien sa mission :

• Ordonner un audit de l’état financier du pays ainsi que de sa dette extérieure.

• Eloigner Lionel Zinsou de tout poste qui pourrait lui donner une grande capacité de nuisance, car il ne faut pas perdre de vue que c’est le préféré du gouvernement français.

• Impliquer l’Assemblée Nationale béninoise dans la gestion du compte d’opérations béninois au trésor français, en votant une loi qui lui donne le pouvoir de surveiller la gestion des avoirs du Benin dans ce compte.

• Développer prioritairement des relations avec ses pairs africains. Essayer d’établir des accords de défense mutuelle avec les pays du bassin du lac Tchad, le Zimbabwe et l’Angola.

• Introduire l’idée du départ des français des conseils d’administration de banques dites centrales des pays de la zone Franc.

• Mettre sur pied un conseil de planning stratégique, et favoriser l’épanouissement des velléités panafricanistes de la jeunesse béninoise.

• Tout faire pour rester populaire au sein de la population béninoise car la popularité est un bouclier important contre le renversement.

Un mot en direction du Président Talon

Monsieur le Président, nous comprenons que vous prenez le pouvoir dans un contexte très difficile. Vous appartenez à un continent dans lequel la plupart des dirigeants sont des moribonds et des poltrons au niveau international. Mais c’est un continent en mutation dans lequel une jeunesse décomplexée et dynamique est entrain de se réapproprier tous les éléments de l’idéal panafricain, et est déterminée à reprendre entre ses mains le destin du continent.

Ne vous mettez pas comme certains de vos pairs du mauvais coté de l’Histoire. Choisissez d’œuvrer pour l’émancipation du Benin et de l’Afrique. Il y aura des moments de découragement et de solitude extrêmes. Vous serez constamment soumis à la pression des puissants. Si jamais il vous arrive d’avoir le sentiment d’être perdu, souvenez-vous d’une chose : vous présidez au destin du pays de Béhanzin dont l’âme est restée éternellement insoumise, et cela, ne l’oubliez jamais.

Bonne chance à votre présidence.

Paul Daniel Bekima pour le Sphinx Hebdo
Commentaires

Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment