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Entretien avec le SG FESYNTRA FINANCES, Laurent Mètongnon: « Les travailleurs sont écartés des grands centres de décisions du pays sous la rupture »
Publié le lundi 6 juin 2016  |  L`événement Précis




Enfin, un citoyen sort de ses gongs et apprécie les actions du régime Talon. Il s’agit du secrétaire général de la Fédération des syndicats des travailleurs du Ministère des Finances (FESYNTRA FINANCES), Laurent Mètongnon. A travers une interview accordée à L’Evénement Précis, il a passé en revue les nominations dans les Ministères, notamment, au Ministère des finances. Sur la question, il a déploré une série de nominations qui ne tiennent pas compte des compétences. Toutefois, il pense que toutes les réformes ne sont pas encore à rejeter. C’est d’ailleurs ce qui l’amène à aborder la question du fonctionnement de la commission mise en place pour les réformes politiques et institutionnelles. A l’en croire, la manière est à revoir afin de permettre l’implication de toutes les couches de la société à travers ce qu’il appelle les états généraux des peuples.

L’Evénement Précis : Comment appréciez-vous la façon dont les nominations se font actuellement sous le régime Talon ?

SG/FESYNTRA FINANCES, Laurent Mètongnon : Avant d’apprécier ces nominations qui se font dans nos ministères aujourd’hui, il devient urgent d’interpeler le président Patrice Talon, les ministres d’Etat, Pascal Koupaki, Abdoulaye Bio Tchané pour qu’ils reprécisent à nouveau au peuple béninois et aux travailleurs le contenu de la rupture ; puisque par rapport au nouveau départ incarné par le président Talon, c’est beaucoup plus sur les réformes politiques et institutionnelles qu’il s’est fait remarquer pendant la campagne. Mais pour le peuple béninois et les travailleurs surtout, la rupture a un contenu précis. La rupture pour le peuple béninois ne signifie pas nécessairement qu’il fallait chasser Yayi du pourvoir et faire échouer celui qu’il voulait nous imposer. Ce n’était pas uniquement que ça. Mais c’est surtout par rapport à la mal gouvernance, que ce soit au niveau de l’administration publique, dans les placements des hommes aux postes stratégiques de notre pays, par la main mise sur les institutions de notre pays pour mieux s‘en servir, par rapport à l’impunité qui s’érige en système de gouvernance que le peuple béninois ne voulait plus voir. Ceci puisque pour les travailleurs, il est question aujourd’hui de ramener l’éthique et la morale dans le vécu quotidien des Béninois. Si je prends le cas des nominations, personne n’a obligé le gouvernement actuel à dire qu’il fera des appels à candidature. Encore que par rapport aux appels à candidature, je crois que c’est dans les domaines précis, où les compétences n’existent pas dans une entreprise, dans un ministère, qu’il faut faire des appels à candidature. Cela permet d’éviter la politisation de l’administration publique, et marquer une rupture. Ce sont les travailleurs des ministères et entreprises qui devraient élire leurs directeurs techniques, parce que ceux qui doivent travailler avec eux, doivent être des gens qu’ils connaissent et qu’ils peuvent choisir politiquement pour avoir un certain contrôle sur eux. L’on ne doit pas avoir aujourd’hui un contrôle sur ces directeurs techniques et généraux des entreprises. C’est pour cela que certains travailleurs avaient proposé que sur la base des critères bien précis, que les travailleurs élisent leurs directeurs techniques et puissent les révoquer à tout moment dès qu’ils ne remplissent plus le cahier de charges et les objectifs à lui fixés et qu’ils n’arrivent pas à avoir les résultats attendus des travailleurs et du gouvernement.

Dites-nous ce qui se passe aujourd’hui ?

Ce qui se passe aujourd’hui est que les appels à candidatures ne sont pas respectés. A défaut de ne pas donner le pouvoir aux travailleurs d’élire, on constate que ceux qui sont nommés aujourd’hui sont issus des partis politiques ou des regroupements d’alliance qui ont soutenu au second tour le président de la République, Patrice Talon. Alors là, il n’y pas encore là une rupture. Et c’est pourquoi, je pense qu’on interpelle aujourd’hui ceux qui nous gouvernent, pour que avec le peuple, on puisse savoir si le contenu attendu de la rupture est le même que celui que nous avons. On veut savoir si le pacte est respecté ou si c’étaient des promesses de campagne qui n’engageraient que ceux qui y croient, comme le disait l’autre.

Parlant du cas de notre ministère de provenance, le ministère des finances, comment appréciez-vous les nominations ?

D’abord toutes les nominations au ministère des finances ne sont pas mauvaises. Mais comment est-ce qu’on crée une direction centrale en charge des régies financières et qu’on va la remettre dans les mains d’un inconnu. Ce directeur technique pour les régies financières devrait être élu par les travailleurs. Et à défaut de l’absence de ces compétences au ministère des finances – ce dont je doute – c’est là où on peut faire un appel à candidature. Nous ne pouvons pas être en train de lutter contre la recolonisation et qu’on nous amène quelqu’un dont on découvre les origines sur les réseaux sociaux, où on nous dit qu’il est de Djougou, que sa maman est Olympio. Mieux, quel est l’appel à candidature qui a été fait pour les autres postes pourvus ? Je le demande puisque c’est au moins ce qu’ils ont promis. Quand on nous parle d’une direction des participations, je me demande de quelles « participations » il s’agit pour qu’on aille prendre quelqu’un qui est fraichement allé à la retraite pour occuper ce poste ? Ce sont des compétences qui manquent autant dans le pays pour que ce soit celui qui est allé à la retraite, il y a moins d’un (01) an, qu’on ramène ? C’est cela les parrainages.

Voulez-vous dire que la méthode n’a rien de différent par rapport à celle du régime Yayi ?

Mais c’est ce que j’essaye de vous dire. Il faut qu’on arrive à savoir le contenu de la rupture. Pour le nouveau départ, ce sont les réformes politiques et institutionnelles. C’est en réalité la base. Mais ce nouveau départ nous embarque et c’est tout comme si le véhicule veut rebrousser chemin. Si je prends le cas de Gilles Guérard au ministère des finances, je ne sais pas si le nouveau départ veut nous ramener à la recolonisation. C’est aussi possible.

D’aucuns estiment que cela fait partie des preuves qui poussent à dire que le président Talon était aussi le plan B de la France. Qu’en dites-vous ?

Oui, candidat de la France, on l’a préféré au candidat de François Hollande, de Laurent Fabius et de Yayi qui ont voulu nous imposer Zinsou au peuple. Que Talon soit un candidat en remplacement, c’est possible, mais le peuple a pensé qu’en le choisissant, il pourrait avoir une main mise sur lui. Au moins, on sait qu’il est Béninois de père et de mère et maitrise mieux les réalités du pays. C’est pour ça que nous avons dit, en luttant contre la recolonisation et le pacte colonial, il vaut mieux qu’on choisisse Patrice Talon, et comme certains le disent, le candidat à défaut. Mais si l’on constate aujourd’hui qu’il devient le candidat ouvert de la France, je crois qu’on ne doit pas attendre trois à quatre mois avant de commencer par le dire et crier. Donc ceux qui pensent que c’est trop tôt de juger le gouvernement, je pense qu’il faut commencer par le faire maintenant afin d’être sûr d’avoir le minimum demain….. Aujourd’hui, ce sont ceux qui veulent aider la gouvernance de Talon qui parlent actuellement comme je le fais. Il faut dire ce qu’il faut et non attendre les placements avant de se révolter.

Justement, il paraitrait que le fait que les nominations ne soient encore générales freine le fonctionnement de l’administration. Êtes-vous de ce avis ?

Mais c’est clair, puisque nous avons des dirigeants, qu’on écoute sur les médias extérieurs, faire des propositions. Combien écoutent ces médias extérieurs ? C’est un danger de ne pas faire un minimum à la télévision, à la radio et dans les journaux pour que le peuple vive les belles intentions ou le populisme de la rupture avec le gouvernement en place. A vouloir cacher trop les informations pour ne pas verser dans ce que Yayi faisait souvent sur toutes les chaines, on risque alors de tomber. Et ce n’est pas ça la rupture. Ce qu’on a appelé la rupture, c’est comment on peut commencer à instruire les dossiers à scandales connus. On peut déjà commencer par punir les gens. Il faut que les tribunaux commencent les procédures. Car, quand on le fera, on donnera l’alerte pour la bonne gestion de nos unités de production, sinon ceux qui viennent prendront aussi leurs parts. Ils diront que si on n’a pas puni hier, ce n’est pas aujourd’hui qu’on le fera. C’est donc ça l’attente des populations et des travailleurs. On est donc impatient, parce que ce qui se passe aujourd’hui donne matière à réfléchir. Que le Bénin ne soit plus un gros pachyderme qu’on a tué et qu’on est en train de dépecer. Ce n’est pas de ça qu’il est question. C’est pourquoi ceux qui parlent aujourd’hui avec des critiques et propositions sont les vrais acteurs qui aident le pouvoir.

Vous avez aussi des griefs contre la commission des réformes politiques et institutionnelles

Une commission technique, en fait, ne met qu’en forme ce que le peuple veut mettre dans la constitution. C’est tout comme vous allez chez un docteur. Quand il vous observe, il ne vous prescrit pas d’abord de médicaments. Mais, il vous écoute d’abord. Et c’est après cela qu’il pose le diagnostic pour vous donner un remède.

Comment ça se passe actuellement ?

Ce qui se passe est qu’on va regrouper les techniciens dits du droit constitutionnel panaché de quelques personnalités comme à la conférence, pour dire que c’est eux qui vont sortir le premier jeu de la constitution. La constitution repose sur les droits et les devoirs que les peuples veulent voir inscrire comme des lois. Les peuples devraient venir exprimer leur point de vue comme on l’a dit, puisque le président Talon même parle d’aspiration profonde présente et future. Mais c’est lorsque les gens l’auraient exprimé que les techniciens verront leur jargon constitutionnel pour mettre en termes de droit.

Comment ça devait se faire ?

On devait aller aux états généraux du peuple. Ce qui se fait maintenant est de l’escamotage. Ils sont obligés d’écouter les syndicats, les rois, la société civile et autres. Mais si on avait pu regrouper les groupes socio- professionnels en un seul lieu par centaine de personnes, en 15 jours, ils auraient sorti le premier jeu. Et ce serait plus facile pour nous. Car le danger qui guette ce système dans lequel chacun vient, expose et donne de copies, est que les résultats ne seront pas palpables. Dites-moi, le débat qui se fait autour des idées ? Moi, si je pose par exemple la question qui agite l’opinion au sujet de la durée du mandat, où on parle de 5 ans ou de 7 ans, je dis que ce n’est pas ce qui préoccupe les Béninois aujourd’hui. Je dis non et non parce qu’en 5 ans, on peut détruire un pays plus que celui qui a fait 10 ans ou 15 ans au pouvoir. Il faut comprendre que quelqu’un peut faire un mandat et échouer au second mandat. Alors pourquoi on penserait que c’est parce qu’il préparerait un second mandat qu’il ne gère pas bien ? Donc argument contre argument, on devrait aboutir à quelque chose qui serait plus logique. En 7 ans, il peut commettre toutes les gaffes. On serait en train de dire d’attendre qu’il finisse les 7 ans, comme on a attendu Yayi dans ce pays. Aujourd’hui, ce qu’on doit pouvoir affirmer dans cette constitution est d’abord la souveraineté de notre pays. Comment est-ce que notre pays et les dirigeants assurent la souveraineté de ce peuple ? Comment l’impunité doit pouvoir être combattue ? Puisque c’est elle qui a dressé le lit à toutes les malversations que nous avons connu. Comment la lutte contre le pacte colonial se fait où tout ce qu’on fabrique chez nous est exporté brut et ils fixent leur prix comme ils veulent, puis on nous renvoie les matières finies que nous payons cher ? Qu’est-ce qui empêche l’industrialisation de notre pays aujourd’hui ? Pourquoi nous ne leur demandons pas de venir nous aider à nous industrialiser ? Pourquoi ne pas leur demander de venir former les cadres techniques qui manquent chez nous ? Pourquoi, on serait encore là à tendre la main pour dire qu’on veut de l’assistance, plus de 50 ans après ? Ça c’est un manque de souveraineté. Lorsque vous voyez les nominations aujourd’hui, c’est bien dans un rayon donné. Il faut que cela s’arrête très tôt. C’est ceux qu’ils connaissent qu’ils proposent. Or, dans les ministères, on a des cadres très compétents mais qui ne sont pas utilisés parce qu’on ne veut pas d’eux. On estime qu’ils sont militants des alliances ayant soutenu un candidat. Où se trouve alors la rupture ? Je pense qu’il vaut mieux qu’on en parle très tôt sinon à midi ce serait déjà trop tard. Les travailleurs se battent pour chasser les dirigeants mais à la victoire, ils sont écartés des grands centres de décisions du pays.

Beaucoup pensent que c’est le ministre d’Etat, Pascal Koupaki, qui serait l’auteur principal des décisions, actuellement.

Ce qui est sûr, ce n’est pas lui que le peuple a élu. Si c’est de lui que sortent ces réformes, qu’ils sachent qu’en 2021, il ne pourra plus revenir. Si c’est vraiment de lui comme cela avait été sous Yayi, ça veut dire qu’il nous conduit dans la continuité. Si c’est vérifié, je dirai qu’il est donc en complicité avec Yayi et veut nous conduire dans le décor parce que ces réformes ne pourront pas nous conduire au développement.

Parlant des concours frauduleux, où en sommes-nous actuellement ?

Je crois que la commission mise en place travaille et nous n’avons pas que le devoir de leur apporter les preuves qui sont en notre possession. Nous l’avons déjà fait, et toutes les fois que la commission a besoin de nous, elle nous fait appel et on va les éclairer. Nous avons l’œil sur elle et pensons qu’elle complètera les autres preuves regroupées.

Selon les informations, l’étau se resserre contre l’ancien ministre de Yayi, Aboubacar Yayi.

Il a dit qu’il défie quiconque… Je pense donc que c’est la commission qui nous dira s’il a défié tous ceux qui avaient parlé avant Laurent Mètongnon, Jean Baptiste Elias, le Professeur Albert Tévoédjrè. On verra bien les résultats.

Laurent Mètongnon, à vous entendre, on a le sentiment que vous êtes déjà fatigués du nouveau départ dont vous êtes un acteur. Qu’est-ce qui se passe ?

Oui, c’est cette impression que vous avez de ma position qui m’amène à beaucoup bavarder aujourd’hui. Je suis frustré parce que ce qu’on nous a promis n’est pas en train d’être respecté. Le contenu de la rupture n’est pas en marche. C’est ce que j’ai démontré à travers les nominations et certaines réformes qui se font. Je ne dis pas que toutes les réformes ne sont pas bonnes, mais les décisions précipitées, certaines réformes non encore à maturité, je ne sais pas l’état des lieux qui se fait pour qu’on puisse aller à ça. Vous avez vu toute la comédie qu’il y a eu au niveau de la Direction des examens et concours (Dec) à Porto-Novo ? Ce n’est que cette place qu’il fallait donner à mon frère Cakpo Mahugnon ? Il n’y a que la DEC pour que l’on puisse dire que c’est lui qui doit aller remplacer celle qui est là ? Un poste où il est resté au moins pendant 5 ans ? Parce qu’on a donné ce poste à son alliance, c’est lui qui doit l’occuper nécessairement ? Ça pose un problème d’éthique. Là, c’est encore « Mamadou et Binéta » qu’on est en train de faire, or pendant 10 ans, c’est ce qui a arriéré notre pays et qu’on ne veut plus voir faire.

Propos recueillis par Emmanuel GBETO
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