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Absence de montée laiteuse après l’accouchement : Le Médecin Abdel Fréjus Kènali explique
Publié le jeudi 9 juin 2016  |  Matin libre
L`UNICEF
© Autre presse par DR
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Face à ‘’l’étrange’’ situation, Donnée Aditén’a pu rien faire. En effet, après l’accouchement de sa fille, nous raconte-t-il, cette dernière n’aurait pas goûté aux délices du lait maternel. Toutes les tentatives pour que le lait sorte des seins de la mère seraient restées vaines. Absence de montée laiteuse après l’accouchement, Abdel Fréjus Kenali, médecin à l'hôpital de zone d'Adjohoun, nous en parle.

Matin libre :Bonjour Docteur ! De plus en plus, il s’observe qu’après la maternité, les seins de certaines femmes ne coulent pas. Ce qui complique l’allaitement du nourrisson. Comment appelle-t-on cette anomalie ?

Abdel Fréjus Kènali : En médecine, ce phénomène est appelé, absence de montée laiteuse.Mais l’inquiétude la plus souvent exprimée par les mères est de ne pas avoir assez de lait pour leur bébé. Il est donc indispensable que ces nourrices soient correctement informées. En particulier, elles doivent savoir reconnaître une montée de lait absente ou retardée, et y remédier en veillant à ce que les besoins de l’enfant soient assurés. En effet, le premier stade de la lactogenèse(montée de lait) survient pendant la grossesse. La glande mammaire se développe et commence à sécréter du colostrum (lait sécrété durant les cinq premiers jours suivant l’accouchement). Après l’accouchement, survient le stade II de la lactogenèse. La lactation proprement dite se met en route, et la composition du lait évolue progressivement du colostrum au lait de transition. Ce phénomène, appelé couramment «montée de lait» survient habituellement 30 à 40 heures après la naissance d’un enfant à terme. La lactation est influencée par un certain nombre d’hormones comme la prolactine, les œstrogènes, progestérones, glucocorticoïdes, l’insuline, les hormones de croissance, et hormones thyroïdiennes. La prolifération des canaux lactifères est sous la dépendance de l’œstrogène, tandis que celle des cellules glandulaires est sous celle de la progestérone, de la prolactine, et de l’hormone lactogène placentaire. Pendant la grossesse, les taux élevés d’hormones placentaires inhibent l’action de la prolactine sur la glande mammaire. Après l’expulsion du placenta, ces taux d’hormones chutent brutalement, et l’augmentation du taux de prolactine déclenche la mise en route de la production lactée. Sous l’action de l’ocytocine, le lait sera éjecté des cellules sécrétrices. L’insuline semble agir essentiellement en régulant le flot de nutriments vers la glande mammaire. Les hormones thyroïdiennes sont essentielles pour une lactation adéquate. Lorsque la production lactée est bien lancée, un contrôle autocrine se met en place, la glande mammaire régulant elle-même la rapidité de sécrétion en fonction de la fréquence des tétées et de la façon dont les seins sont vidés pendant la tétée. Toutefois, le mécanisme de ce contrôle reste mal élucidé.

Qu’est-ce qui explique ce retard ou cette absence de montée laiteuse ?

La montée de lait est retardée lorsqu’elle survient plus tardivement que la normale. L’absence de montée de lait peut être primaire ou secondaire. Dans le premier cas, la mère est incapable de produire du lait, ou d’en produire en quantité adéquate. Dans le second cas, la mère aurait pu avoir une production lactée adéquate, mais un ou plusieurs facteurs ont induit l’échec de la montée de lait. Il n’existe aucune donnée fiable sur l’absence de montée de lait ou la montée de lait tardive, même si certains en estiment la prévalence à respectivement 5% et 15%. Certaines anomalies hormonales (diabète, obésité, hypothyroïdie…) peuvent retarder la montée de lait, ainsi que certaines conditions d’accouchement : césarienne, travail long et difficile, première mise au sein tardive, tétées trop espacées, don d’une sucette ou de compléments, démarrage très précoce d’une contraception hormonale. La montée de lait pourrait également être tardive si le bébé est inefficace au sein, si la mère prend certains médicaments. Parmi les causes d’absence de montée de lait, ou de production lactée notablement insuffisante, on trouvera certaines anomalies hormonales ayant empêché un développement normal de la glande mammaire pendant la grossesse, les lésions ou la chirurgie mammaire, la rétention placentaire, l'hypoplasie (croissance insuffisante d'un tissu ou d'un organe) mammaire, etc. Enfin, l’allaitement implique également des facteurs psychologiques et émotionnels. La prolactine et l’ocytocine ont également un impact sur le cerveau maternel, et favorisent un comportement maternant. Tous ces facteurs hormonaux, neurologiques, physiologiques et psychologiques internes ont un impact sur la lactation.

Que faire alors pour que le lait revienne ?

La première étape est de dépister le retard de la montée de lait. Cela se fera sur l’absence d’augmentation significative du volume des seins à Jour 5, la poursuite de la perte de poids chez l’enfant après Jour 3, l’existence de selles rares et/ou méconiales, et d’urines peu abondantes, la constatation d’une succion non nutritive au sein avec absence de déglutitions, le fait que l’enfant semble perpétuellement affamé, ou au contraire somnolent. En présence de plusieurs de ces signes, il sera indispensable de surveiller de près la situation, et de mettre en route un plan d’action destiné à augmenter la production lactée, essentiellement par le biais d’une stimulation suffisante des seins. La mère et l’enfant seront étroitement suivis jusqu’au moment où on sera sûr que tout va bien. Si une intervention rapide de stimulation intensive des seins ne donne aucun résultat au bout de quelques jours, un bilan exhaustif sera nécessaire à la recherche d’une cause d’échec de la montée de lait. La mère sera interrogée de façon détaillée afin de dépister un problème hormonal, une rétention placentaire…et les examens complémentaires appropriés seront effectués. Si une cause est retrouvée, son traitement, parallèlement à la poursuite d’une stimulation fréquente des seins, permettra habituellement d’augmenter la production lactée (révision utérine, traitement correct d’un problème hormonal…).

Quelles peuvent être les conséquences de l’absence de la montée laiteuse sur le nourrisson vu qu’il est recommandé à la femme un allaitement exclusif au sein pendant au moins les 06 premiers mois ?

Il est essentiel que le nourrisson soit correctement nourri. Les avantages de l'allaitement maternel sur la santé sont d'une évidence écrasante, comme le prouve la diminution de morbidité et de mortalité des enfants nourris au sein comparé à celui des enfants nourris au biberon. Ce sont principalement les deux tiers de la population mondiale vivant dans la pauvreté qui en tirent le plus de bénéfices, bien que des études aient aussi montré une diminution des taux de diarrhées et autres infections ainsi que d'hospitalisation, parmi les enfants nourris dans les communautés plus aisées. De nombreuses études ont montré un lien entre l’allaitement maternel et un développement cérébral optimal lié à de meilleures performances cognitives (aptitudes qui perdurent à l’âge adulte). Notons qu'il a été démontré que les femmes qui allaitent naturellement leurs enfants ont moins de risques de cancer du sein, et probablement de l'utérus, que celles qui n'allaitent pas. Un bébé qui est sous-alimenté n’aura pas l’énergie nécessaire pour téter efficacement. Et un bébé qui passe des heures à téter un sein qui ne donne pas de lait n’en obtiendra pas davantage si on augmente encore le temps qu’il passe au sein.L'allaitement maternel a trois avantages démontrés. D’abord immunologique (diminution de la fréquence de certaines infections, notamment digestives), ensuite psychologique (c'est un élément très positif de la relation entre la mère et le nouveau-né), enfin économique (son coût est nettement moins élevé que celui de l'allaitement artificiel). Le lait est une substance spécifique d'espèce. Le lait de femme diffère notamment du lait de vache par sa teneur et sa composition en protéines. Le lait de vache est plus pauvre en caséines, d'où sa couleur translucide. En revanche, il est beaucoup plus riche en protéines non-nutritives, et notamment en lactoferrine, immunoglobulines et lysozyme. Il est donc un peu moins énergétique mais beaucoup plus adapté à la protection d'un nouveau-né dont le système immunitaire est plus immature que celui des autres mammifères.

Des conseils à l’endroit des femmes en état?

Tout facteur de risque qui ne sera pas dépisté et adéquatement traité pourra induire un échec de l’allaitement. Toutes les femmes enceintes devraient bénéficier d’une évaluation de leur capacité à allaiter, afin de dépister celles courant un risque de production lactée insuffisante. On examinera les seins à la recherche d’une hypoplasie. La femme sera interrogée sur l’existence d’une chirurgie mammaire, et sur son éventuelle expérience antérieure d’allaitement. L’existence de mamelons plats ou rétractés pourra être à l’origine de difficultés de mise au sein. Après l’accouchement, les mères devraient être vues régulièrement pour évaluer le déroulement de l’allaitement. Le sein est le seul organe pour lequel nous ne disposons d’aucun test de laboratoire permettant d’évaluer son efficacité fonctionnelle. En cas de montée de lait retardée, le don de complément (laits artificiels) sera habituellement minime et ponctuel. Tout facteur qui fait que les seins ne sont pas suffisamment stimulés et vidés doit être corrigé. Si le bébé est inefficace ou peu efficace au sein, la mère devra tirer son lait après chaque tétée pour stimuler la production lactée. Si nécessaire, un galactogène (aliment qui favorise, chez les femmes, la production de sécrétion de lait maternel en vue de l'allaitement) sera utilisé. Lorsque la mère souffre d’engorgement ou de lésions des mamelons, le problème sera traité adéquatement. Peser l’enfant immédiatement avant et après chaque tétée sur une balance de bonne qualité permettra d’avoir une idée fiable de ses apports. Cela permettra également de savoir quelle quantité de compléments l’enfant a besoin de recevoir pour que ses besoins soient correctement couverts. La mère pourra tenir un journal de bord, dans lequel elle notera les heures des tétées, et la quantité prise par l'enfant.

Propos recueillis par Cyrience KOUGNANDE
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