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Entretien avec l’ancien ambassadeur du Bénin près le Gabon, Lassissi Adébo: « Yayi Boni a fait trop de mal à notre pays »
Publié le mercredi 15 juin 2016  |  L`événement Précis
Gabon:
© Autre presse par Presidence CI
Gabon: Le Président Ouattara accorde une audience au Président Yayi Boni
Dimanche 12 février 2012. Libreville (Gabon). En marge de la finale de la CAN, le Président Alassane Ouattara a reçu son homologue béninois, SEM Yayi Boni. Alassane Ouattara et Yayi Boni.




Nous sommes à 125 km au Nord-Est de Cotonou, dans le département du Plateau, au cœur de la ville de Pobè, au bord de la route Inter Etat. Le rendez-vous a été pris à l’avance avec Lassissi Adébo, l’ex ambassadeur du Bénin près le Gabon, pour ce jour, mercredi 08 juin 2016, à 11 h, dans sa résidence privée, un complexe résidentiel de haut standing. À l’entrée de la résidence, des jeunes attroupés sur le banc d’attente, échangent. A l’intérieur, l’ex ambassadeur, également Directeur général de l’Institut des Techniques Avancées (ITA), basé à Libreville, au Gabon, discute avec Thomas Guèdègbé, ancien directeur de l’administration et ministre plénipotentiaire des affaires étrangères. De bonne humeur, malgré la période de jeûne musulman, Lassissi Adébo est détendu. Il nous accueille, dans le vaste hangar installé au cœur de sa résidence, sise à Pobè. Adossé dans son fauteuil et visiblement pressé de se vider, il se prête immédiatement aux questions. C’est la première fois qu’il s’exprime, après la mise en liberté et l’acquittement, suite à l’arrestation, le 06 juin 2006, du président du Madep Séfou Fagbohoun, son mentor. Membre fondateur du Madep, de l’Union fait la Nation, et conseiller politique de Séfou Fagbohoun, Lassissi Adébo était, le samedi 4 Juin 2016, à la commémoration du dixième anniversaire de l’arrestation de son mentor. Pendant plus d’une heure, l’ambassadeur Adébo dénonce, accuse, met en garde et réclame justice. Dix ans après les mésaventures subies par le président du MADEP, les souvenirs sont toujours vivaces dans les mémoires de tous, notamment, les populations et acteurs politiques du Plateau. Très fâché contre l’ancien président Boni Yayi, Lassissi Adébo, les yeux rouges, accuse Boni Yayi d’être l’auteur des injustices dont a été victime, El Hadj Séfou Fagbohoun. Trahison, méchanceté… sont les mots utilisés par l’ambassadeur Lassissi Adébo qui exige que Boni Yayi réponde de ses actes, tant dans l’affaire Fagbohoun, que dans les autres scandales qui ont jalonné les 10 ans de sa gouvernance. Il appelle Patrice Talon à restaurer la justice.



L’Evénement Précis : Excellence, monsieur l’ambassadeur, vous avez représenté le Bénin au Gabon, en Centrafrique, au Cameroun, en Guinée Equatoriale et même à Sao Tomé et Príncipé. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ?

La mission diplomatique a été une très bonne expérience pour moi. Pour la petite histoire, j’ai été chargé d’affaires du Togo en Union Soviétique. Ce n’est donc pas aujourd’hui que j’embrasse une carrière diplomatique. Quand mon pays, le Bénin m’a appelé, comme chef de mission au Gabon, au Cameroun, en Guinée Equatoriale et à Sao Tomé et Príncipe, entre 2000 et 2005, beaucoup ne pensaient pas que j’allais faire une durée aussi longue en poste. C’est une bonne expérience, surtout en tant qu’enseignant au Gabon. C’est en ce temps que le président Mathieu Kérékou, paix à son âme, m’a nommé ambassadeur du Bénin près le Gabon. Personne ne connaissait mon expérience dans ce domaine. Au Ministère des Affaires étrangères, on nous traitait d’allogènes. « Quand une feuille reste à côté du savon, elle se transforme en savon ». C’est ce que je leur ai toujours dit. J’ai dignement représenté mon pays dans ces nations. Cela n’a pas été facile.



L’enseignant a donc appris à porter les cravates ?

Surtout ça ! Je n’en porte pas. Je porte mes boubous trois pièces et c’est ce qui représente mon costume traditionnel.



Vous représentiez donc le Bénin à travers votre personne et votre habillement ?

La culture béninoise plutôt. Nous y avons beaucoup travaillé.



Quels sont les autres souvenirs que vous avez gardés de cette mission républicaine ?

Au moment où je prenais fonction, les Béninois étaient un peu désemparés au Gabon. La première chose qu’il fallait instaurer était l’autorité de l’Etat. Vous êtes censé savoir que lorsqu’un ambassadeur présente ses lettres de créances, on dit souvent « Tout ce qu’il vous dira, c’est nous qui l’avons dit ». A partir de cet instant, il doit réfléchir et tourner plusieurs fois sa langue avant de prendre la parole. Ce n’est pas donné à tout le monde d’être ambassadeur ou d’être dans le milieu des chefs d’Etat. C’est un privilège et il faut savoir l’utiliser.



L’état des lieux de la mission diplomatique était alarmant, vous dites?

Très alarmant. Notre ambassade à Libreville était comme une boîte de pandore. Même les buvettes avaient plus de valeur qu’elle. Les pauvres secrétaires avaient le nerf sciatique qui les dérangeait en ce moment.

Et vous y aviez apporté du goût, n’est-ce pas, Excellence ?

Je leur ai d’abord redonné confiance puisque je n’étais pas venu pour les renvoyer de leurs postes, mais les amener à travailler. C’est le travail que nous avons fait. Je crois que certains sont encore en poste là-bas et ils vous le diront. Je n’ai qu’un bon souvenir. Il n’y a aucun travail sans embûches. Nous en avons connues aussi. Il y a des moments où nous avons rencontré des problèmes et il fallait trouver des solutions. Nous avons réfléchi et comme le disait feu Général Mathieu Kérékou, « Il faut fouiller son congolo » et savoir ce qu’il faut faire. Toujours pour les souvenirs, je note que nos compatriotes n’étaient pas en règle et on disait aux gens de payer 650.000Fcfa pour avoir la carte de séjour alors qu’ils n’ont même pas de quoi manger. Il fallait trouver une solution.



Il nous est d’ailleurs revenu que c’est sous votre impulsion qu’a commencé l’immatriculation des Béninois à l’étranger. Comment en êtes-vous arrivé là ?

Sans la carte d’identité consulaire, l’Etat gabonais ne peut vous délivrer la carte de séjour. Il fallait vous faire immatriculer et c’est écrit dans le passeport. Nous avons d’abord fait cette publicité pour leur faire comprendre qu’ils ont le droit et le devoir de s’inscrire.

Quels sont les grands actes que vous avez posés au cours de votre mandat à la tête de la mission diplomatique au Gabon ?

D’abord, j’ai horreur qu’on maltraite les enfants. Le problème de « Vidomègon », fait partie de ce que nous devons traiter dignement et rejeter cette nouvelle traite négrière. Il fallait le faire au détriment de ma vie. Il fallait aussi régler le problème des enseignants retraités qui ne peuvaient pas toucher leurs salaires de retraite au Bénin. L’autre acte était d’aller vers les autres pays de la juridiction. Mon souvenir en Guinée équatoriale est que j’ai délocalisé le siège de l’Africaine des Assurances. Un ambassadeur est nommé à vie et même si je ne suis plus en poste, l’Africaine des assurances a été délocalisée à la demande du président N’Guéma Obiang M’basogo. Il m’écoutait beaucoup et voulait que le Bénin vienne investir dans son pays. Ce qui a été fait. Mon mauvais souvenir est qu’on m’a annoncé la fin de ma mission quand j’étais en Guinée équatoriale. C’est quelque chose que j’ai mal vécu puisque le président Kérékou disait que la Guinée équatoriale était un pays à prendre. Mais aujourd’hui, le président N’Guéma Obiang M’basogo a investi au Bénin.

C’est au Gabon et dans les autres pays que vous avez travaillé à promouvoir la culture béninoise. En plus de porter les tenues traditionnelles, quels autres actes avez-vous posés dans ce sens ?

Nous avons fait venir la JCI-Bénin avec M. Alokpon pour animer leur grande réunion sur ma proposition. Nous nous sommes aussi organisés pour que les Béninois fassent la promotion de leur culture. Nous avons nos Zangbéto, nos Egun-égun au Gabon. Il y a plusieurs associations de Béninois au Gabon comme celle de Pobè-Kétou-Adja-Ouèrè, etc.



Il parait que les Béninois sont très nombreux au Gabon. Confirmez-vous cela ?

Je le confirme.

Combien sont-ils? Deux ou trois millions ?

Non. Je ne donne pas de chiffres, mais les Béninois sont nombreux et on peut chiffrer à dix mille ceux qui sont à jour.



Ce sont des usagers permanents de la mission ?

Non. Ce sont des usagers privés qui travaillent pour leur compte ou pour celui du Gabon. Il s’agit, par exemple, des enseignants, des conseillers techniques qui travaillent pour le Gabon.

Quel a été votre plus grand regret dans votre mission ?

Mon plus grand regret, c’est qu’on ne m’a pas laissé terminer ce que j’ai entamé. C’est dommage !



C’était à votre époque qu’une folle rumeur faisait état de ce qu’entre les deux tours de la présidentielle de 2006, des valises de milliards ont circulé entre le Gabon et le Bénin. Confirmez-vous cette rumeur ?

Je ne suis pas témoin des valises. J’entendais aussi parler de ça.



Mais il y avait des allers-retours d’hommes du côté du Gabon ?

Oui bien sûr ! C’est tout à fait normal. Le président Boni Yayi, alors candidat, venait me voir régulièrement au Gabon. Je peux vous assurer que nous avons participé à ce que Boni Yayi vienne au pouvoir.



Vous assumez donc sa gestion ?

Non. On l’a amené pour son premier mandat, mais avant son second mandat, tout était déjà gâté.



Que dites-vous par là ?

Au lieu de nous remercier, il a fait arrêter le Président de mon parti, Séfou Fagbohoun qui s’était sacrifié pour son élection.



Vous n’avez pas accepté cela ?

C’est un père de famille qu’on a quand même mis en prison et c’est le même sort que le président Talon allait subir.



On dirait que vos yeux rougissent ?

Bien sûr. Je suis très fâché contre Boni Yayi. Il ne veut pas voir les Béninois riches. Qu’est-ce qu’il n’a pas fait d’Ajavon ? Il a commencé par lui coller les affaires d’impôts au cou pour chercher à le couler. C’est parce qu’il est solide qu’il est resté et a résisté. Si le président Talon était resté, il serait sous terre.



Vous en savez quelque chose ?

Bien sûr. Nous en savons même beaucoup.



Vous voulez dire que Boni Yayi vous a dupé ?

Il a trahi tout le monde. N’avez-vous pas vu que ses meilleurs amis ont rejoint le président Patrice Talon lors de la présidentielle ? Yayi Boni a trahi tout le monde en commençant par son ami Késsilé Tchala.



On dirait que vous avez une liste des déçus de Boni Yayi, citez-les ?

Les déçus de Yayi sont légion. Laissez-moi ne pas tout citer. On dirait que Yayi Boni est né pour faire du mal. Il aime créer des problèmes là où il n’y en a pas. Moi j’étais à Paris quand on me parlait de produits « radioactifs » qu’il a dit qu’on a amené par avion pour l’empoisonner. J’ai dit qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans mon pays. Comment peut-on faire passer des produits « radioactifs » par Air France et venir au Bénin avec toute la sécurité qu’il y a dans les aéroports en Europe. C’est inimaginable ! Cela sort de l’entendement humain que le pays soit tombé si bas. Yayi Boni a fait trop de mal dans notre pays.

Mais d’aucuns disent que c’est le président qui a tout fait ?

Qu’est-ce qu’il a fait ? La route qui va à Kétou, c’est le président Kérékou qui est allé jusqu’à Bohicon pour la construire. Yayi Boni est venu plusieurs fois à Pobè pour poser des pierres, pour le gazon synthétique. C’est de là qu’il est d’ailleurs devenu musulman en disant « Allah Akbar, ne me permettez pas de remettre le pouvoir à celui qui veut me tuer ». Yayi Boni l’a dit publiquement au stade, devant tout le monde.



Ambassadeur, n’est-ce pas parce que vous aviez cru en l’économiste Boni Yayi que vous aviez lutté pour qu’il arrive au pouvoir en 2006 ?

J’avoue qu’on a cru en lui, mais il nous a déçus. Quand le président d’un parti politique ose maintenant dire qu’il ne veut pas des commerçants, ce n’est pas juste. Les candidats étaient tous des commerçants. Le premier, Lionel Zinsou, est un commerçant d’argent. Talon est commerçant du coton et Ajavon, un commerçant de produits congelés, entre autres.

Visiblement, c’était un défi pour vous de faire partir Boni Yayi et de faire échouer son protégé Lionel Zinsou.

Oui. Je suis venu m’asseoir ici à Pobè pendant trois mois lors de l’élection présidentielle parce qu’il fallait mettre en place la stratégie. J’ai promis prendre la mairie, la députation et la présidentielle. Maintenant, on a tout. Et je suis fier. Je suis plus heureux. Dieu n’a pas voulu et n’a pas béni ce que Yayi a fait.

C’est uniquement l’arrestation de Séfou Fagbohoun qui vous donne tant de rancœur contre Boni Yayi ?

Il y a non seulement l’arrestation de Fagbohoun, mais aussi ce qu’il a fait au président Talon. Les présidents Talon et Séfou sont Béninois. Ajavon aussi est un Béninois alors qu’on a dit que les Béninois ne vont pas s’entendre. Sur les 27 candidats, plus de 17 ont soutenu Talon pour dire non à Yayi Boni qui a voulu faire comme l’Union Soviétique, à la Poutine. Il voulait devenir premier ministre après fait élire son premier ministre en tant qu’un président par procuration. Ainsi il va continuer de gouverner à la place de son protégé, mais il a échoué.

Vous voulez dire que vous avez pris votre revanche sur Yayi ?

Oui, on a pris une première revanche. On n’a pas fini de le faire. Nous demandons au président Talon de nous aider à faire l’audit réel de la situation de ce pays. On doit nous dire où est passé l’argent de ICC Services. Le peuple attend beaucoup de choses du président Talon. Nous ne voulons pas d’une chasse aux sorcières, mais nous voulons la vérité. Quand un sorcier vous hante, on le chasse. Regardez le nouveau siège de l’Assemblée nationale. Les Chinois voulaient le faire à 18 milliards, mais les amis de Boni Yayi ont dit 14 milliards. N’ont-ils pas atteint les 45 milliards aujourd’hui de dépenses sans que ce soit terminé ? Le peuple béninois a besoin de savoir ce qui s’est passé dans ces dossiers. Ce n‘est pas une question de revanche. Je suis fâché contre Boni Yayi pour le désordre qu’il a occasionné dans le pays et plus jamais au monde, on ne doit plus élire un Président de la République comme lui.



Vous avez longuement bataillé pour qu’une nouvelle ère s’ouvre sur le Bénin avec le nouveau départ incarné par le président Talon. Quelles sont vos appréciations sur les deux premiers mois du régime de la rupture?

C’est trop tôt pour apprécier. Le Président Talon n’a même pas eu le temps de poser ses jalons et les gens s’agitent déjà. Quand on parle de Nouveau départ, il faut qu’il y ait vraiment un nouveau départ.

Avez-vous cru au miracle que le président Patrice Talon a promis aux Béninois ?

Le miracle s’est déjà produit lorsque Boni Yayi est allé chercher Lionel Zinsou à Paris, quelqu’un qui n’a jamais voté au Bénin, pour l’imposer aux FCBE et qu’il a échoué à le faire élire président de la République par procuration. Si Lionel était même candidat sans que les autres ne le supportent, l’affaire pourrait changer de camp. C’est comme si on est venu exposer la vie du pauvre Lionel ici alors qu’il ne connaît pas le Bénin. C’est une manière de se moquer du peuple béninois. Nous ne voulons plus revivre la France-Afrique. C’est tellement flagrant et cela justifie la multitude de candidatures qu’il y a eu pour la présidentielle, rien que pour contrecarrer, non pas Zinsou, mais Yayi.

Vous assimilez cela au miracle ?

Le miracle béninois s’est produit. Il n’y a pas eu d’incidents majeurs. 27 candidats se sont présentés et on a fait des élections crédibles. C’est un miracle. J’ai même appris que Yayi Boni aurait simulé que Boko Haram allait nous envahir pour que le second tour de la présidentielle ne se tienne pas. Le miracle est là. Les élections ont eu lieu. Ceux qui doivent se mettre ensemble pour former l’équipe de la rupture, l’ont fait et Lionel Zinsou a compris qu’il a perdu. Nous devons maintenant aider le président Talon à réussir dans sa mission.



Pensez-vous qu’avec le président Talon, il y aura des progrès économiques ?

Venez m’interroger sur cette question dans six mois. Pour le moment, il est en train de préparer quelque chose de formidable.

Certains Béninois murmurent que Patrice Talon se sert plutôt que de servir le pays. Que pensez-vous de cette affirmation ?

Il y avait un dossier que Boni Yayi avait créé. Si vous vous rappelez, il disait face au corps diplomatique qu’il n’a jamais gagné un procès. Comment voulez-vous qu’il gagne des procès quand il est sur du faux. Il dit ne pas connaitre la quintessence de ce qu’il signe. On a eu un drôle de chef d’Etat. S’il perd un procès, c’est le peuple béninois qui l’a perdu. Les gens doivent à Talon beaucoup de milliards et on doit les payer.



Dans quels dossiers on doit des milliards au président Fagbohoun ?

Ne m’amenez pas à réveiller les chats qui dorment. Croyez-vous que l’affaire Sonacop est finie ? Vous saurez d’autres choses bientôt. Ne soyez pas pressé.





Lors de la commémoration, le 4 juin dernier des dix ans de l’arrestation du président Fagbohoun, vous disiez que cet acte ne devrait pas rester impuni. Que vouliez-vous insinuer ?

Ces actes ne doivent pas rester impunis. Comment comprendre que le dossier pour lequel Séfou Fagbohoun a été emprisonné soit vide ? C’est la Cour suprême qui a fait sortir Séfou Fagbohoun sans qu’il n’ait payé un seul sou. Il est innocent. Comment pouvait-il ne pas être blanchi par la justice ? Je suis allé boire du champagne à Adja-Ouèrè le 4 juin dernier, pour célébrer l’échec de Boni Yayi qui avait pour objectif de faire mal, je dirais de « tuer » Séfou Fagbohoun en prison. Quand on l’a amené à l’Hôpital Hubert Koutoukou Maga, c’est la Cour suprême qui a fait évacuer Séfou Fagbohoun en France. C’est nous qui avions mené la campagne pour que Séfou Fagbohoun soit élu député alors qu’il était en prison. Yayi Boni a voulu quelque chose qui n’a pas été réalisé et c’est pour cela que nous avons remercié Dieu le 4 juin dernier par des prières.

Que voulez-vous dire, monsieur l’ambassadeur, en affirmant que « cet acte ne doit pas rester impuni » ?

Il faut que Yayi Boni rende compte de tous ses actes. Nous avons l’affaire Icc-Services et d’autres affaires en cours. Que le président Talon m’écoute. S’il était allé en Côte d’Ivoire pour rencontrer ce monsieur, ce n’était pas pour signer des accords d’amitié. Pour nous, dans le Plateau, il n’y a pas d’accord d’amitié à signer entre Yayi Boni et vous. Il faut que Boni Yayi réponde de tous ses actes, même jusqu’à l’affaire Dangnivo.



Mais cette affaire est finie ?

Non. « Quand vous mettez dans votre voiture un cochon que vous avez cogné dans la rue, il devient encore méchant si vous ne lui cassez pas la tête ».



Vous disiez que l’expérience sombre de Séfou Fagbohoun a beaucoup aidé le président Patrice Talon qui a presque subi les mêmes situations ?

Les présidents Talon et Boni Yayi étaient des amis intimes, des complices et ils l’étaient aussi avec le président Séfou Fagbohoun. Si les trois sont des commerçants, pensez-vous que Boni Yayi ne l’est pas aussi ? C’est avec Talon qu’il faisait le coton. Dans ma langue maternelle, on dit que « quand deux éléphants se battent, ce sont les gazons qui en pâtissent ». Aujourd’hui, il faut que le président Talon se démarque de Boni Yayi. C’est ainsi que le peuple béninois va le croire.



S’il vous était demandé de donner des conseils à Patrice Talon pour réparer les préjudices faits à Séfou Fagbohoun, que diriez-vous ?

Même si Patrice Talon est aujourd’hui le président de la république, il faut que l’Etat lui paie ce qu’il lui doit, comme à Fagbohoun aussi, ainsi que tous les autres qui ont été des victimes innocentes du régime de Yayi. Ce n’est pas la peine de jouer à la béninoiserie. Un préjudice est créé par l’ancien président et le président Talon ne peut pas passer cela sous silence.



C’est parce que vous êtes conscient de la capacité de Talon à résoudre ces problèmes que vous l’avez élu ?

Bien sûr. Il venait chaque fois rendre visite, à Adja-Ouèrè, au président Fagbohoun et ils sont tous deux de vrais amis. Nous avons tout fait pour qu’il soit élu. Nous avons d’abord pris par Sébastien Ajavon et au second tour, le mot d’ordre, avec Fagbohoun et Ajavon, était de voter pour Patrice Talon. Nous avons reçu des instructions fermes dans ce sens et nous avons mouillé sérieusement le maillot pour atteindre cet objectif, malgré tout. Parce qu’en face, ils sont venus avec des mallettes d’argent envahir tout le Plateau. Leurs lieutenants étaient restés à l’hôtel Pacha du Plateau. Nous le savons, mais ils ne connaissaient pas notre stratégie qui était une stratégie de guerre. Quand deux chefs s’affrontent, chacun a sa stratégie. Nous l’avons fait et nous rendons grâce à Dieu pour avoir réuni 120.000 voix au président Talon.



Le président Talon prône, à l’occasion des réformes politiques, un mandat unique. Comment voyez-vous cette réforme ?

Au départ, quand j’entendais le président Talon parler de mandat unique, c’est qu’il veut rester au pouvoir pendant cinq ans et partir. Mais, quand je vous écoute, vous journalistes, certains disent que c’est un mandat de sept ans qui sera dans la constitution. Ce qui lui permettra de faire deux mandats. Je crois qu’il doit revoir sa copie. Les deux mandats de cinq ans que nous avons connus sont bons. Je parle d’expérience. Car, sept ans, c’est beaucoup plus long et beaucoup de choses peuvent se passer. Le chef devient roi et c’est un problème après. Il ne faut pas qu’il enlève le volet des 70 ans.

Selon vous, de quelle réforme fondamentale a besoin le Bénin pour son envol ?

Je crois que la constitution doit être revue de fond en comble. On doit réduire le pouvoir de la Cour constitutionnelle surtout celui relatif aux nominations. Il doit y avoir une élection du président au sein des institutions comme la Cour constitutionnelle, la Haac et la Cour suprême.



Votre conclusion Monsieur l’Ambassadeur ?

Je souhaite bonne chance au président Talon.

Entretien réalisé pour l’événement précis par Gérard AGOGNON
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