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Cent jours du président Patrice Talon : du bon grain… et de l’ivraie
Publié le mardi 12 juillet 2016  |  La Nouvelle Expression
visite
© AFP par STEPHANE DE SAKUTIN
visite officielle de du Président Patrice Talon à Paris
Mardi 26 avril 2016. Paris. Le président Patrice Talon est en visite officielle à Paris. Il a été reçu à l`Elysée




Le 16 juillet prochain, le président de la République, Patrice Talon, bouclera ses cent jours à la tête de l’Etat. En trois mois et bientôt dix jours, le gouvernement et son chef ont réalisé des actions phares pour marquer la « Rupture » prônée d’avec le régime précédent, et tracer le chemin d’un Nouveau départ pour le Bénin. Mais dans l’ensemble, les Béninois, assez impatients, restent sur leur faim.

Le 6 avril 2016, le candidat Patrice Talon entrait officiellement dans les hautes fonctions de l’Etat, celles de président de la République du Bénin, au terme d’une présidentielle âprement disputée. Trois mois après, que peut-on retenir du nouveau mode de gouvernance instauré par ce régime qui a placé son mandat sous le signe de la Rupture et du Nouveau départ ? En termes clairs, Patrice Talon a-t-il pris un bon départ ? A cette question, nombre de Béninois répondent perplexe ; sans dire ni oui ni non, ils avouent se retrouver parfois dans certaines décisions du gouvernement, mais signalent également ne pas en approuver d’autres.

En tout cas, dès le départ, le président Patrice Talon a imprimé sa marque à la gestion de l’Etat, en formant un gouvernement « restreint de compétences » de 21 ministres. Seulement, même si le nombre paraît à la baisse et donc raisonnable par comparaison au dernier gouvernement de Boni Yayi composé de 28 membres, bien de Béninois déplorent la promotion de certaines personnalités qui, à leurs yeux, ne la mériteraient pas, parce qu’étant, soit des proches du président Talon, soit en conflit avec la justice.

Quelques pas encourageants

Quoi qu’il en soit, le chef de l’Etat a tenu parole en ne faisant pas de l’égalité du genre et du respect de l’équilibre régional ses priorités. Résultat, seulement trois femmes siègent au gouvernement actuel : Adidjath Mathys au ministère du Travail, de la fonction publique et des affaires sociales ; Rafiatou Monrou au ministère de l’Economie numérique et de la communication, et Marie-Odile Attanasso au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

Ensuite, la Rupture a progressivement pris son envol ; d’abord avec le conseil des ministres qui se tient hebdomadairement tous les mercredis ; et ensuite, avec les suspensions tous azimuts, notamment celle des concours à polémique de 2015 organisés au profit du ministère de l’Economie et des finances. D’ailleurs, la commission de vérification de ces concours a déjà déposé son rapport sur lequel s’est penché en partie le gouvernement pour décider, le jeudi 7 juillet dernier, de leur annulation et de leur réorganisation selon les textes en vigueur. A ce niveau le gouvernement a frappé un grand coup, car presque tous les Béninois l’attendaient sur ce dossier fumant. La décision d’annulation de ces concours est donc largement saluée.

En revanche, une autre décision phare du gouvernement n’a pas connu le même succès. Il s’agit de celle relative au redécoupage territorial, avec à la clé la création de six nouveaux chefs-lieux de département et la nomination de six nouveaux préfets. L’érection, par exemple, de Dassa comme chef-lieu du département des Collines n’a pas été du goût des populations de Savalou qui estiment que ce statut devrait revenir à leur commune ; à s’en tenir aux conditions légales prévues. Idem pour les populations de Ouidah, qui ne voient pas d’un bon œil que le chef-lieu du département de l’Atlantique soit fixé à Allada. Malgré les soulèvements et les appels de part et d’autre, le gouvernement est resté imperturbable. Ainsi, la pilule, certes difficile à avaler au départ, a fini par passer, consacrant une autre réussite à mettre à l’actif du gouvernement.

Talon, fin médiateur

En outre, le président Patrice Talon, qui tient à la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles, a très tôt mis sur pied une commission chargée de lui faire des propositions sur chaque axe d’intervention. Ladite commission, présidée par le Garde des sceaux, ministre de la Justice, Joseph Djogbénou, a rendu à l’autorité son rapport, dont le résumé lui a été présenté par le rapporteur, Joël Aïvo. Pour l’essentiel, les Béninois retiennent que la question cruciale du mandat unique n’a pas été tranchée et que les options, en la matière, restent ouvertes. Pour le reste, ils estiment qu’il ne s’est agi pour les commissaires que d’une formalisation des propositions du candidat Patrice Talon concernant l’élection, par leurs pairs, des présidents de la HAAC et de la Cour suprême, du rallongement du mandat du président de la Cour constitutionnelle de 7 à 9 ans, etc.

Par ailleurs, dans le souci de réduire drastiquement le train de vie de l’Etat, le gouvernement de la rupture a également procédé à la suppression de neuf représentations diplomatiques et consulaires béninoises à l’étranger, et à la mutation de trois ambassades (Abidjan, Libreville, Kinshasa) en consulats généraux. Dans le même sens, un collectif budgétaire a été proposé par le gouvernement au Parlement, qui l’a adopté.

Sur le plan social, le président Patrice Talon a récemment montré ses talents de fin médiateur, en réussissant à mettre d’accord les parties pour un règlement définitif de la crise qui perdurait au sein de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin. C’était le dimanche 3 juillet dernier.

Les tirs à corriger

Nonobstant ces quelques acquis importants, les Béninois ne manquent pas de rechigner. En premier lieu, ils désapprouvent fortement la manière de procéder du gouvernement en matière de nomination en conseil des ministres. Désormais, la traditionnelle litanie de nominations clôturant chaque compte-rendu du conseil des ministres, et à laquelle les différents régimes précédents ont habitué les populations, n’existe plus. C’est sur les réseaux sociaux que l’on découvre les photographies de courriers administratifs adressés par le secrétariat général du gouvernement aux ministres concernés par des nominations dans leurs départements respectifs. Cette attitude cachottière du gouvernement laisse penser que les nominations relèvent du « couvent » et, par conséquent, ne doivent pas faire l’objet de publication ou de communication.

Parlant de communication, celle gouvernementale est quasi inexistante. Des jours passent, sans qu’on n’enregistre une seule apparition du président de la République. Pratiquement, les seules activités de ce dernier donnant lieu à des compte-rendus médiatiques sont celles liées aux audiences accordées aux personnalités locales ou étrangères. Mieux, les ministères sont sans direction de la Communication, et les cellules de communication sont réduites à l’attaché de presse. Ce faisant, le gouvernement entend réduire les charges. Or, un minimum d’information est requis pour renseigner les populations sur les grandes actions et décisions du gouvernement. La direction de la Communication à la présidence de la République, en charge de la communication gouvernementale, est toujours attendue.

Les défis à relever

Les plaies réelles du nouveau départ restent le délestage et l’insécurité grandissante. En ce qui concerne le délestage, il connaît, ces derniers jours, une amélioration. Ceci étant, il faut reconnaître que beaucoup reste encore à faire pour que la lumière soit en continu à partir de décembre prochain, comme promis par le ministre de l’Energie. Quant à l’insécurité, elle continue de régner en maître. Le changement du nom de l’opération mixte « Djakpata » en « Mamba » par le gouvernement de la rupture n’aura rien changé. De plus en plus, les malfrats opèrent en plein jour, au nez et à la barbe des forces de sécurité et de défense, manifestement sans défense et sans sécurité. La vindicte populaire qui en a découlé a conduit le gouvernement à prendre ses responsabilités. Seulement, des actions puissantes méritent encore d’être menées pour décourager les hors-la-loi.

Au total, le gouvernement de la Rupture, avec à sa tête le président Patrice Talon, a entamé, depuis le 6 avril dernier, une œuvre de salubrité publique et de restauration de l’autorité de l’Etat. Là-dessus, il n’y a pas à redire. La sobriété et le décor solennel marqué du sceau de l’Etat, qui caractérisent les sorties des nouvelles autorités, en est la preuve patente. Le hic est que l’adoption des décrets portant attribution, organisation et fonctionnement (AOF) des ministères aura pris une durée anormalement longue, au point que les départements ministériels tournaient au ralenti du fait de nombreux postes importants, dont celui de Directeur administratif et financier (DAF), restés vacants. Le gouvernement a donc intérêt à corriger ces quelques couacs et à réorienter sa politique, pour que ses actions se ressentent enfin dans le quotidien des Béninois. Parce qu’un peuple qui a faim est un peuple en colère.

Prince AKOGOU
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