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Art et Culture

Les archives du photographe béninois Cosme Dossa sauvées des termites
Publié le samedi 16 juillet 2016  |  AFP
Portrait,
© Autre presse par Cosme Dossa
Portrait, 1962. Cosme Dossa avait son studio, il pouvait aussi être sollicité par des familles pour les immortaliser après des cérémonies.




Porto Novo (Bénin) - Des dizaines de boîtes en carton remplies de négatifs, éparpillées sur des tables, par terre, leur contenu souvent dispersé, le tout recouvert d'une épaisse couche de poussière : voilà ce qu'il restait des collections d'un des plus grands photographes africains, le Béninois Cosme Dossa.
Les termites avaient parfois endommagé ce trésor, mais 15.000 négatifs, bien conservés dans leur pochette de protection, ont pu être récupérés dans sa maison de famille de Porto-Novo.
Leur sauveur s'appelle Franck Ogou, archiviste passionné d'histoire, qui travaille à l'Ecole du Patrimoine Africain (EPA), établissement universitaire dédié à la conservation du patrimoine culturel.
Ancien ami de Cosme Dossa, décédé en 2003, l'archiviste a réussi à convaincre les héritiers de sauver ces images.
Ses enfants "n'avaient pas conscience de la valeur de cet héritage", explique-t-il. "Son matériel d'époque avait même été vendu, on a dû le racheter".
Photographe célèbre dans son pays des années 1950 jusqu'à la fin des années 70, Cosme Dossa avait appris la photo par correspondance.
Il se déplaçait pour immortaliser cérémonies, mariages, enterrements, remises de diplômes... Autant de scènes de la vie quotidienne du Bénin, au tournant de la décolonisation.
Une photo, parfaitement conservée, prise au studio en 1962 retient l'attention : c'est le portrait en pied d'un homme, le sourire fier, qui tient par la taille ses deux épouses. Ils portent leurs plus belles tenues locales pour la circonstance.
Sur un cliché de 1973, légèrement jauni, deux jeunes filles en coupe afro, mètre de couturière autour du cou, entourent leur patronne, elle-même bien installée derrière sa machine à coudre. Les jeunes diplômées tiennent fermement leur certificat de fin d'apprentissage, alors que leurs proches, vêtus de pagne, entourent la scène.
"Cosme Dossa faisait poser les gens pour les mettre en valeur. Pour moi, c'est un des meilleurs photographes du Dahomey", le Bénin d'avant 1975, s'enthousiasme Franck Ogou.

- 'Sauver notre patrimoine' -

La sauvegarde des archives de Cosme Dossa est un programme pilote lancé par l'EPA, qui prévoit un inventaire des collections de photo privées dans dix pays d'Afrique de l'Ouest.
"Les archives ne sont pas prises au sérieux dans nos pays. Elles disparaissent, déplore Franck Ogou. "On doit sauver notre patrimoine pour que les générations à venir aient des traces de l'histoire de notre peuple, de notre pays".
Les photos en noir et blanc de Cosme Dossa - plus de 600 -, ont le plus souffert: il a fallu les nettoyer délicatement avec du coton puis les fixer sur du bristol non acide.
Aujourd'hui tout est gardé précieusement à l'EPA, dans l'une des rares maisons afro-brésiliennes colorées encore debout au coeur de la capitale administrative béninoise.
M. Dossa fut également le photographe officiel d'Hubert Maga, premier président du pays à la décolonisation. On le distingue, sur des négatifs numérotés, en costume sombre queue-de-pie, recevant des autorités françaises au palais des gouverneurs à Porto-Novo, le 1er août 1960, jour de l'indépendance.
Franck Ogou assure que ce sont les rares images des cérémonies encore disponibles au Bénin, les autres se trouvant à l'INA en France ou dans des collections privées en Europe ou aux États-Unis.
Cette immense collection est actuellement numérisée pour être mise en ligne sur une plateforme destinée principalement aux chercheurs (www.photoafricaine.org), avant d'être remise aux Archives Nationales. Mais il faudra d'abord les équiper pour la conservation de photos, très sensibles à leur environnement.
Le peu de moyens attribués aux institutions patrimoniales est un frein à la valorisation des archives au Bénin, comme sur le reste du continent. Il faudra bien sûr de l'argent, mais avant tout une prise de conscience de la valeur de ces trésors.
Jean-Claude Dossa, un des fils du photographe qui vit toujours dans la maison familiale, témoigne: "On n'avait jamais imaginé que ces photos pouvaient intéresser et servir sur le plan de l'histoire et du patrimoine. Le plus important, c'est qu'il soit connu et reconnu".
db/spb/de/jhd
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