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Après la décision DCC 16-091 au sujet de la direction générale de l’ORTB : le Professeur Ibrahim Salami constate que l’intérim de Stéphane Todomè n’est pas ouvert
Publié le jeudi 21 juillet 2016  |  La Nouvelle Expression




Par décision DCC 16-091 du 7 juillet 2016, la Cour constitutionnelle a rétabli Stéphane Todomè dans ses fonctions de directeur général de l’ORTB. A travers un éclairage juridique, le Professeur agrégé des facultés de droit, Ibrahim Salami, affirme que l’intérim de l’intéressé n’est pas ouvert et que le gouvernement doit donner effet à cette décision de la haute juridiction constitutionnelle pour se conformer aux règles, dans un Etat de droit.

(LIRE L’ECLAIRAGE DU PROFESSEUR SALAMI)

L’intérim du DG de l’ORTB, Monsieur Stéphane Todomé, était-il ouvert?

Suite à l’élection du Président Patrice Talon, le Ministre de l’Economie numérique et de la Communication a procédé à la nomination de Monsieur Georges Amlon en qualité de DG de l’ORTB par intérim en remplacement de Monsieur Todomè.

S’agit-il véritablement d’un intérim ou d’une révocation déguisée? La question m’avait été posée par l’un des meilleurs journalistes de sa génération, Expédit B. Ologou; et je lui expliquais, à l’occasion d’une interview retranscrite sur le site de l’ORTB, la différence entre l’intérim et la suppléance. Le suppléant est la personne appelée à remplacer le titulaire d’une fonction en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci, alors que l’intérimaire est la personne provisoirement chargée de remplacer le titulaire soit pendant son absence, soit entre la cessation de ses fonctions et la prise des fonctions de son successeur.

Un exemple parfait de l’intérimaire est le Ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané assurant les fonctions de chef de gouvernement en l’absence du chef de l’Etat.

En ce qui concerne Monsieur Todomè, il n’était ni absent, ni incapable d’assumer sa fonction, ni démissionnaire. Il n’avait pas non plus fait valoir ses droits à la retraite. On ne saurait donc parler, en ce qui le concerne, d’intérim.

Une jurisprudence confirmée: la hiérarchie et le parallélisme des normes.

Pour apprécier la conformité à la Constitution de l’arrêté ministériel nommant Monsieur Georges Amlon et mettant fin prématurément aux fonctions de Monsieur Stéphane Todomè, la Cour constitutionnelle s’est simplement référée à l’article 6, 2ème tiret, de la Loi organique du 21 août 1992 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), qui prévoit que les directeurs des organes de presse publique sont nommés par décret en conseil des ministres sur proposition de la HAAC pour un mandat de 04 ans. Le même texte ajoute que sauf faute grave matériellement établie, son maintien en fonction ne peut être inférieur à 04 ans. Inutile de rappeler ici que dans le droit positif béninois, les lois organiques font partie du bloc de constitutionnalité en ce qu’elles mettent en œuvre des dispositions constitutionnelles.

Conformément à sa décision DCC 14-151 du 19 août 2014, la Cour constitutionnelle avait déjà jugé que la loi organique sur la HAAC ne prévoit aucune procédure de révocation et que dans ces conditions, à défaut de dispositions expresses déterminant l’autorité compétente pour mettre fin aux fonctions de directeur, au demeurant un emploi supérieur, ce pouvoir appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

Il n’en faut pas plus à la Cour constitutionnelle pour déclarer l’arrêté ministériel litigieux contraire à la Constitution.

Il faut retenir que le DG est indéboulonnable pendant 04 ans, sauf si l’on arrive à établir matériellement, c’est-à-dire preuve évidente à l’appui, qu’il a commis une faute grave. La notion de faute grave renvoie à la faute lourde, celle que même un novice ne devrait pas commettre, encore moins un homme de l’art.

Le technicien du droit ne manquera pas de marteler que la hiérarchie et le parallélisme des normes interdit qu’une décision prise par décret soit remise en cause par un arrêté dans les conditions non prévues expressément par un texte.

Mais ici, il ne suffira pas de respecter la hiérarchie des normes. Même un décret en conseil des ministres qui relèverait un directeur d’organe de presse publique de ses fonctions dans les mêmes conditions sera déclaré contraire à la Constitution.

Dans un pays civilisé en droit comme le Bénin, on ne devrait pas prendre un gouvernement à défaut sur ces fondamentaux.

Annulation, oui et après? Il faut exécuter la décision de la Cour.

Le gouvernement du Nouveau départ va t-il exécuter cette décision?

La question ne devrait pas se poser dans un Etat de droit. Elle devrait moins se poser dans une République que le nouveau chef d’Etat souhaite non bananière. Dans ces conditions, on peut dire que le poste de Monsieur Stéphane Todomè n’est pas vacant. Le processus de désignation d’un nouveau DG de l’ORTB doit être suspendu.

L’arrêté querellé n’a pas besoin d’être rapporté. Il est censé n’avoir jamais existé. Sur la foi de la seule décision de la Cour constitutionnelle, Monsieur Stéphane Todomè doit reprendre service et le rappel de ses droits versés.

Leçon à tirer



J’ai l’habitude d’apprendre à mes étudiants à distinguer le discours politique du discours juridique, même si le droit constitutionnel est le droit par excellence de la politique. Ehouzou, renouveau, changement, refondation, émergence, nouveau départ, rupture, etc., ne sont que des slogans porteurs ou non d’un discours politique et/ou d’une idéologie politique.

Quel que soit le discours, et les incantations politiques, le droit, l’administration et l’Etat maintiennent une certaine continuité, ce qui est gage d’une stabilité juridique sans laquelle il n’y a pas Etat de droit.

Or, l’Etat de droit, c’est un Etat qui obéit au droit et assure le respect des droits de la personne humaine.

Les hommes politiques agissent ou réagissent en fonction des choix politiques qui les engagent; les juristes ne devraient raisonner qu’en droit. A chacun son office.

En définitive, la Cour constitutionnelle, à travers l’une de ses premières décisions depuis l’élection de Monsieur Patrice Talon, rappelle qu’il faudra compter avec elle dans la mise en œuvre du programme politique du Président Talon.

Y aura-t-il nouveau départ ou rupture au sens administratif et/ou constitutionnel ? L’avenir proche nous le dira.

Ibrahim SALAMI

Agrégé des Facultés de droit

Avocat au Barreau du Bénin.
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