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Entretien avec le Professeur Phyllis Adokaley du Ghana : « One Health », un nouveau paradigme dans la lutte contre les maladies infectieuses
Publié le vendredi 12 aout 2016  |  La Presse du Jour




Le représentant du ministre ghanéen de la santé a déclaré lors de la clôture du troisième symposium de la Société Africaine Anti-Sida qui s’est tenue la semaine dernière à Accra au Ghana que : « Dieu nous a créés en tandem. Ceci veut dire que les hommes et les animaux doivent vivre ensemble. C’est le mot clé du concept « One Health ». « One Health » veut dire en français « Une seule santé ». Et c’est l’un des principaux thèmes abordés par les experts au cours de cette rencontre. Ce concept permettra selon eux de renforcer les communautés dans la pratique d’une seule santé en cas de maladies infectieuses. Phyllis Adokaley est Professeur Assistant à l’Institut Mémorial de Recherches Médicales à l’Université du Ghana. Elle fait partie de l’équipe de chercheurs qui travaillent sur ce concept. Interview.
Qu’est-ce que le concept « One Health »?

« One Health » est actuellement un nouveau concept qui prend en compte la coexistence des hommes et des animaux au sein d’un même environnement. C’est un nouveau paradigme dans la lutte contre les maladies infectieuses. Par le passé, lorsque nous avons un problème de santé, nous nous concentrons seulement à le résoudre sur les humains. Aujourd’hui, « One Health » tire notre attention sur quelque chose que nous avons oublié ou que nous traitons dans d’autres domaines. Vous ne pouvez pas être dans un environnement qui n’aura pas d’effets directs sur vous ou que vous, en retour, n’ayez pas d’effets sur cet environnement. Donc, aussi longtemps que les hommes et les animaux seront ensemble, ils échangeront d’une manière ou d’une autre des choses qui pourraient être des maladies ou autres pathologies.

Est-ce qu’il y a des études qui ont prouvé l’utilité de cette approche ?
Tout à fait. Les résultats des différentes recherches montrent que 70 % des maladies qui existent dans le monde sont causées par les animaux. Cela ne veut pas dire que les hommes ne peuvent pas aussi être des vecteurs de transmission de maladies aux animaux. Dans ce cas précis, les statistiques sont vraiment faibles. « One Health » se base sur le fait que, lorsqu’un homme a une maladie, que nous savons pertinemment, qu’elle pourrait se retrouver chez les animaux, la meilleure démarche est d’examiner aussi les animaux qui pourraient se retrouver dans cet environnement. Donc, si vous voulez résoudre un problème sur la santé humaine, il faut nécessairement avoir en idée que nous devons le résoudre également au niveau des animaux. Sinon, vous allez gaspiller les ressources car seulement une partie du problème sera résolue. Résultat, les infections vont réapparaître lorsque l’homme retournera dans l’environnement avec les animaux.

Quels sont alors les défis de ce nouveau concept ?
L’un des grands défis est l’orgueil de l’homme. En Europe ou aux USA par exemple, on respecte beaucoup les vétérinaires. Mais en Afrique, les médecins sont considérés comme des dieux et eux-mêmes sont fiers de cette position. Ceci fait que lorsque nous arrivons sur le terrain de « One Health », ce ne sont que les vétérinaires qui s’expriment. Les autres médecins ou docteurs pensent que nous voulons leur arracher leur position. Certains parmi eux reconnaissent l’existence de cette relation entre les hommes, les animaux et l’environnement. Ils acceptent aussi difficilement d’être dirigés par d’autres. Mais, si nous voulons quelque chose de bien pour une nation ou pour les populations, nous ne devons pas nous soucier de celui qui veut diriger ou non. Pendant des années, nous avons appris à nous concentrer sur nos propres domaines, à budgétiser nos activités et à les réaliser comme nous le voulons. Il est maintenant temps de raisonner d’une autre manière. Si nous disons qu’il est temps d’apporter des changements, ce qui veut dire de faire certaines choses ensemble, nous devons nécessairement avoir des changements au niveau de la structure, des politiques. Si par exemple un chef d’Etat dit : « Je supporte « One Health », il serait difficile de ne pas aller dans la même direction que lui.

L’être humain a tendance à croire en la parole d’une grande personnalité que de croire à un individu qui parle d’une importante chose. Il y a deux ou trois décennies au Ghana, le vaccin contre la rage était intégré dans le programme Elargi de Vaccination du pays, tout simplement parce que les chiens et les chats cohabitent avec les hommes à la maison et peuvent transmettre cette maladie par leur morsure. A l’époque, ce vaccin était gratuit. Tout le monde vaccinait ses animaux. Qui n’aime pas la gratuité ? Personne. Le jour où le ministère de l’agriculture a fait savoir qu’il ne disposait plus suffisamment de ressources pour continuer de financer le vaccin et que désormais chaque propriétaire d’animaux devrait payer avant d’avoir accès au vaccin, c’était la catastrophe. Les propriétaires ont refusé d’amener les animaux à la vaccination. Ce comportement a augmenté le taux de rage car les chiens mordaient les gens dans la rue et dans les maisons. Alors, « One Health » s’adresse au ministère de la santé car il s’occupe de la santé humaine. C’est douloureux pour lui de perdre un homme que de perdre 1000 animaux. Pour « One Health » ,si le ministère de l’agriculture qui est responsable des animaux dit qu’il n’a plus assez de ressources pour continuer la gratuité de la vaccination, le ministère de la santé devrait se porter volontaire pour lui venir en aide en continuant de vacciner les animaux. C’est une autre manière de protéger les populations.

Propos transcrits par Victorin Fassinou
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