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Entretien avec Bernardin AKITOBI : « Sans institutions fortes, il est difficile de lutter contre la corruption »
Publié le vendredi 19 aout 2016  |  Nord Sud
Bernardin
© aCotonou.com par DR
Bernardin Akitoby,(à g ), Beninois L’économiste-financier au FMI




Economiste au Fonds Monétaire internationale (FMI) et conseiller de plusieurs pays dans le monde, le béninois Bernardin AKITOBI eu à conduire le redressement budgétaire des pays européens lors de la fameuse crise économique internationale il y a de cela quelques années. Dans cet entretien, il dévoile les secrets de sa réussite et donne ses recettes pour la lutte contre la corruption, véritable frein au décollage économique des pays africains.
Bernardin AKITOBI, Comment fait-on pour devenir un brillant économiste et occuper un si haut poste au Fonds Monétaire International ?
C’est une grande histoire. Quand j’étais au cours secondaire, je rêvais de travailler un jour pour la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International parce que je m’étais rendu compte de l’influence que ces deux institutions pouvaient avoir sur le devenir de l’Afrique. C’est ainsi que, après avoir terminé mes études en Gestion ici au Bénin, j’ai décidé d’aller étudier l’économie pure. Je suis parti à Washington où j’ai fait mon Master et suis sorti major de ma promotion. J’avais eu la chance d’être appelé au Département des recherches de la Banque Mondiale par brillant économiste de cette institution. Après deux ans à la Banque Mondiale, j’ai postulé au FMI et mon rêve s’est réalisé. J’ai d’abord travaillé au département Afrique, avant de rejoindre le département des finances publiques qui est en fait le temple des finances publiques au niveau mondial. Je crois que le sommet de ma carrière dans ce département a été atteint en pleine crise financière internationale. En 2012, alors que le monde traversait la crise économique, on recherchait un brillant économiste, un manager pour prendre en charge les pays européens en crise. Suite à une sélection, j’ai été retenu pour prendre en charge les pays européens en crise. Ce qui a fait de moi, le premier noir à atteindre ce niveau de responsabilité dans une période aussi sensible pour le Fonds Monétaire International qui devait gérer sa crise la plus grave.
Qu’est-ce que ça fait, quand on se retrouve, le nègre le plus en vue au FMI ?
Ecoutez, Et quand vous avez un rêve, vous mettez en place une stratégie pour y arriver. Je puis vous assurer qu’il faut beaucoup de travail.
Vous avez commencé l’école au Bénin. Alors quel a été votre cursus dans votre pays?
J’ai fait mes études primaires, secondaires et universitaires au Bénin. J’aime beaucoup l’école béninoise, comme on le dit, au Bénin, tout le monde est premier et sans deuxième. En plus, nous sommes le Quartier latin de l’Afrique. A l’époque, j’étais le plus jeune a passé le BAC déjà en classe en 1ère. A l’école, il y avait une certaine émulation qui me permettait de me surpasser chaque fois. J’avai aussi la chance d’être curieux e même pendant les vacances, je dévorais tous les livres à ma portée. Ce qui fait que j’ai été souvent major de ma promotion. Le Bénin est un pays où tout est possible. A l’époque, j’étais le seul béninois à avoir passé avec succès ce concours pour avoir la bourse de la Banque Mondiale.
Vous avez fait aussi des études à Montréal ?
J’ai fait le doctorat à Montréal. En fait, je détenais déjà plusieurs diplômes en Gestion, management, comptabilité, etc, mais j’ai compris que pour percer au FMI, il fallait un doctorat en sciences économiques. Alors, j’ai dû tout reprendre, à Montréal, depuis le cours préparatoire. Après deux ans, je fini major en master, et donc je devais changer d’université pour m’inscrire au programme du doctorat. Mes professeurs m’ont octroyé une bourse et m’ont convaincu de rester à Montréal où j’ai obtenu le doctorat en sciences économiques.
Après le Canada, qu’est-ce qui vous emmène aux Etats unis ?
Je regagne les Etats unis pour rejoindre le département des recherches de la Banque Mondiale. Le responsable chargé de la finance publique m’a fait appel pour être en charge de la modélisation macro-économique parce que ma thèse avait porté sur cette manière de modéliser l’économie pour simuler les politiques économiques. Je suis porté sur la finance publique parce que, c’est ça l’économie. Pour moi, l’économie, c’est-à-dire l’allocation de ressources rares aux besoins illimités. L’Etat, c’est la ressource rare par excellence. Dans un pays, il n’y en a qu’un. Paul Valéry disait « quand l’Etat est trop fort, il nous écrase ; quand il est trop faible, nous périssons ». L’Etat est donc au centre de tout ce que nous faisons. Voilà une des raisons qui m’ont incité à me focaliser sur ce métier, « Le redressement budgétaire des Etats » et c’est ce que je fais actuellement à travers le monde.
Vous êtes donc un peu le cerveau des casse-couilles ?
Enfin!!!! En toute humilité, je ne peux me le permettre. C’est toute une équipe qui vous entoure. En revanche, pour ce qui est des finances publiques, nous nous chargions de fournir le leadership intellectuel à l’équipe de la Banque Mondiale dans chaque pays. Moi, j’étais en charge de la politique budgétaire.
A voir l’étendue de vos compétences, vous êtes l’un des exemples de ce que le Bénin ne devrait pas avoir des problèmes de compétences. Ce n’est pas votre avis ?
Ecoutez, les diplômes seuls, ne font pas la compétence. C’est aussi beaucoup de pratique…..
Vous semblez nanti d’assez de pratique et des connaissances suffisantes pour mieux conseiller les nôtres. Est-ce que l’idée vous tente ?
Je conseille déjà plusieurs pays en Afrique et ailleurs dans le monde. En tant que simple citoyen béninois, je donne aussi mes conseils à ceux que ça intéresse. Je me sens concerner par le développement de ce pays, mon pays, que j’aime beaucoup.
L’un des problèmes que les pays du Sud et particulièrement les pays africains rencontrent, c’est la corruption. Vous vous êtes beaucoup intéressé à la question à différentes étapes de votre vie. Alors, quelle solution préconisez-vous au problème de corruption en Afrique surtout au Bénin où le phénomène est endémique?
J’ai eu à diriger une vingtaine de cadres au FMI dans le cadre d’une étude sur la corruption. Cette étude a été dévoilée par notre Directrice Générale au sommet de la corruption à Londres. Nos pistes de solution figurent dans ce document dans lequel nous mettons en exergue les coûts socio- économiques de la corruption. A cause de la corruption, on n’a pas l’éducation, l’électricité et les infrastructures. La corruption est aussi la cause du chômage des jeunes parce qu’elle pollue l’environnement des affaires. Alors quelles sont les solutions ? En s’appuyant sur l’expérience de certains pays à travers le monde, nous avons identifié certains champs dans l’étude. Le premier champ, c’est la transparence. Elle est fondamentale. La transparence est comme la lumière qui chasse l’obscurité. Les Etats doivent adopter des normes internationales en matière de finances publiques et en matière de politique budgétaire. Spécialement, dans le secteur des ressources naturelles, la transparence est primordiale. Le deuxième champ que nous avons identifié, c’est la primauté du droit, parce que quand il y a une impunité généralisé, il est difficile de lutter contre la corruption. Donc il faut des mesures fortes et il faut que la loi s’applique. Dans les autres pays qui fonctionnent bien, quand on vous arrête pour corruption, vous ne pouvez plus revenir dans vos fonctions. J’ai l’impression qu’en Afrique, la personne reconnue coupable de corruption peut retrouver facilement son poste. Le troisième champ ce sont les réformes. Quand on a une discrétion totale la corruption est là. Donc il faut simplifier, essayer de réduire les secteurs de discrétion pour permettre aux gens de voir claire. Il faut que les textes soient transparents parce que quand les textes ne sont pas transparents, l’autorité en charge de les interpréter à tendance à choisir la discrétion. Un autre champ plus important, il faut construire des institutions fortes. Sans institutions fortes, il est difficile de lutter contre la corruption parce que c’est un phénomène de long terme. Dans certains pays, la corruption est presqu’une institution. Il faut une institution pour lutter contre cette pratique qui tend à s’institutionnaliser. Il faut aussi une fonction publique efficace et qui est fier d’être indépendante de l’influence politiques et de l’ingérence du secteur privé.
Quel challenge peut encore motiver un homme aussi accompli que vous?
Tout le continent africain est à transformer. Et donc je ne conçois pas que les jeunes africains soient au chômage. Je compte m’attaquer à ce problème fondamental dans les années à venir. Souhaitez-moi de résoudre ce problème.
Et, c’est quoi votre recette contre le chômage ?
Il faut apprendre aux gens à créer la richesse, à produire ce qui n’est pas encore le cas ans nos pays. Le travail bien fait crée la richesse. C’est ainsi que nous parviendrons mettre fin à la corruption.il faut permettre aux gens d’investir et créer ainsi de donner de nouveaux leaderships. Si nous le réussissons alors nous aurons fait des pas géants.


Réalisation Fiacre VIDJINGNINOU
Transcription : Florice SEDA
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