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Projet de révision constitutionnelle et crise de destitution des maires : Le plaidoyer de Glessougbé Raoul, pour rendre constitutionnelle l’élection des maires au suffrage universel direct
Publié le lundi 5 septembre 2016  |  Matin libre
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Raoul GLESSOUGBE est Administrateur gestionnaire, Juriste, Diplômé de troisième cycle de droit privé fondamental et Expert en gouvernance locale. La problématique de l’instabilité à la tête de nos communes et municipalités l’a inspiré. Lire sa contribution pour mettre fin au phénomène.

Contexte de la Réflexion

J’ai jugé utile de produire cette réflexion, parce que je note à la lecture du rapport de la commissionnationale technique chargée des reformes politiques et institutionnelles présidée par le ministre de la justice et de la législation, si je m’en tiens au seul volet de la décentralisation, qu’il a manqué encore une fois d’attention aux collectivités locales, comme ce fut le cas à l’élaboration de la constitution du 11 décembre 1990. Pas une seule phrase n’est accordée aux collectivités locales dans ce rapport. Le cas échéant, je n’aurais pas émis cette opinion.

C’est d’autant plus préoccupant, que les communes traversent ces derniers jours, une crise de destitution des Maires qui est de nature à affecter la gouvernance locale et à plomber les actions de développement. Cette situation ne devrait laisser personne indifférent, surtout que le président de la République Patrice TALON a annoncé sa vision et sa volonté politiques d’enclencher des réformes pour mieux porter la démocratie béninoise et les institutions Républicaines.Ilrevient alors aux cadres et universitaires de donner un contenu à cette vision, en tenant compte de tous les aspects de la réformepour éviter in fine un goût d’inachevé à la réalisation de ce projet.Les collectivités locales doivent être mises à l’avant-garde de toutes les actions de développement national et à ce titre, il me paraît nécessaire de les prendre en compte dans toutes les réflexions nationales afin d’y garantir une bonne gouvernance, seul gage du développement auquel aspirent les populations.

La décentralisation à l’épreuve de la mauvaise gouvernance politique locale :

A la faveur de la conférence nationale, la constitution du 11 décembre 1990 a consacré son titre X aux collectivités locales en quatre articles, quatre phrases et neuf lignes (Articles 150 et suivants de la constitution du 11 décembre 1990). Ce traitement laconique du législateur au détriment des collectivités locales au lendemain de la conférence nationale est justifié par les enjeux hautement politiques prioritaires que constituaient les élections législatives et présidentielles. La mise en œuvre de la décentralisation non seulement était moins urgente mais encore, était elle conditionnée par le vote des lois subséquentes. S’il est vrai qu’aux termes des dispositions de ce titre X, les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus, il n’en demeure pas moins vrai que, les Maires en l’état actuel de notre constitution, sont les seules autorités politiques dont l’élection n’est pas prévue directement par la constitution, mais plutôt par une loi (Article 38 et suivants de la loi 97-O29 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin) qui peut changer en fonction des humeurs politiciennes du législateur du moment. Par ailleurs, les Maires sont les seuls dont l’élection n’est pas prévue au suffrage universel direct. En effet, ils sont élus par le conseil communal en son sein (Article 38 et suivants de la loi 97-O29 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin). Le Président de la République (Article 42 de la constitution du 11 décembre 1990)et les membres du parlement(Article 80 de la constitution du 11 décembre 1990)en ce qui les concerne, sont élus au suffrage universel direct. Nul n’ignore les conséquences fâcheuses de ce mode de désignation des Maires, qui du reste est la cause fondamentale de l’instabilité politique post électorale observée dans plusieurs communes.

Ce qui retient plus l’attention, est que le législateur a prévu contre les maires, la possibilité de leur destitution (Article 53 de la loi 97-O29 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin et son décret d’application N°2005-376 du 23 Juin 2005 fixant les modalités de destitution du Maire) en cas de désaccord grave ou de crise de confiance. Pour la plupart du temps, ce désaccord se transforme en chantages politiques des conseillers communaux contre le Maire, au gré de leurs intérêts égoïstes et au risque d’ébranler la légitimité du Maire dont l’autorité est mise à mal.

Quid de la légitimité des Maire ?

Au regard de ce régime juridique qui fragilise les Maires, on observe une instabilité politique au sein de la plupart des conseils communaux ou municipaux, où chaque conseiller communal pense à bon droit qu’il peut d’un jour au lendemain être Maire. Dans cette perspective, tous les coups bas politiques et toutes les manœuvres politiciennes sont permis. Les Maires d’autorité fragile dans ces conditions, sont tenus de satisfaire les intérêts des conseillers communaux qui ne sont toujours pas ceux de la population, afin de se maintenir au poste. Alors que les administrés sont sous l’eau et vivent dans la précarité, alors que les écoliers étudient à même le sol dans des infrastructures indécentes, alors que les femmes croupissent sous le poids de la pauvreté et manquent de centres de santé pour accoucher, alors que les voies sont dégradées et non entretenues…, le Maire pour préserver son pouvoirpeutsur le budget communal par exemple, avec la complicité des membres du conseil communal, acheter des véhicules à hauteur de plusieurs dizaines de millions à des élus et payer des salaires exorbitants fixés sans aucune base légale à des conseillers communaux en plus de leurs indemnités en violation des textes (Article 29 de la loi 97-O29 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin).

Sans aucun doute, cette situation d’instabilité au sein des conseils communaux se justifie par le fait que les Maires détiennent leur légitimité des conseillers communaux et non directement du peuple. La force de cette légitimité dépend de ceux qui la confèrent en l’occurrence les conseillers communaux.

Au demeurant, il est utile de faire observer et telle est ma conviction, que « la bonne gouvernance aux plans administratif, financier et économique d’une commune est tributaire de la gouvernance politique qui y est instituée ». En effet, si un Maire, doit passer tout son temps à juguler les crises politiques de destitution avec pour corollaires, la satisfaction des intérêts personnels des conseillers, quand est ce qu’il s’occupera de ceux de la population au moment où les conseillers communaux lui rappellent à la moindre occasion, « qu’ils ont dépensé pour être élus et attendent leur retour sur investissements»? Les multiples élans de destitution ça et làannoncés dans la presse ces derniers jours dans certaines communes prouvent à suffisance, que la décentralisation est en crise et il faut y apporter une solution, qui passe inéluctablement par la légitimité populaire qu’il convient de donner aux Maires à partir de la réforme constitutionnelle en projet.

Proposition de Réforme

En définitive, pour mettre fin à l’instabilité politique à la tête des communes et surtout à la mauvaise gouvernance qui s’y prévaut, il va falloir revoir le régime juridique de l’élection des Maires. Le rôle du législateur étant aussi, d’apporter une solution aux préoccupations actuelles de la communauté, il est impératif face à la saison des crises de destitution des Maires, de réfléchir pour plus encadrer cette procédure qui est comme une épée de Damoclès qui plane sur toutes les communes.

C’est pourquoi, je propose la constitutionnalisation de l’élection des Maires au suffrage universel direct. A cet effet, les Maires seront élus directement par la population. Pour y parvenir, les partis ou groupes de partis présenteront une liste de candidats aux élections communales sur lesquelles seront identifiés clairement les candidats aux postes de Maires, d’adjoints au Maires, de chefs d’arrondissements et de chefs de villages ou de quartiers de villes. Cette réforme a plusieurs avantages qui pourraient garantir la bonne gouvernance et l’éthique électorale, à cet effet :

- Cette réforme permettra à la population, en votant pour une liste, de savoir pour qui elle vote en qualité de Maire, d’Adjoints au Maire, de chefs d’arrondissements et de villages ou quartiers plutôt que d’en donner procuration à des conseillers qui au gré de leurs intérêts du moment, trahissent la volonté des électeurs ;

- Elle mettra fin à la traitrise voire la transhumance politique de certains conseillers communaux ou locaux, qui une fois élus sur une liste de parti ou de groupes de partis, peuvent sans coup férir, refuser d’accorder leur vote au candidat désigné par le parti ou groupes de partis aux différents postes pour aller soutenir ceux des listes adverses bien que des mesures soient prises par le législateur (Article 406 alinéa 2 de la loi 2013-06 portant code électoral en République du Bénin qui dispose que « le candidat aux fonctions de maire est proposé par la liste ayant obtenu la majorité absolue des conseillers »). Plusieurs situations du genre ont été observées aux dernières élections communales.

- Ensuite, le Maire étant élu directement sur une liste donnée par la population, seule cette dernière aura la possibilité de lui retirer sa confiance. C’est vrai, le cas échéant, les conseillers communaux pourront enclencher la procédure par leur vote de défiance. Mais il reviendra encore une fois, à la population d’élire un nouveau Maire, sur la base des candidats qui leur seront présentés par les partis ou groupes de partis en lice.

- En outre, cette réforme permettra d’éviter les reports des élections communales, municipales et locales comme on l’a souvent constaté dans le passé. En effet, les gouvernants ne respectent scrupuleusement que les normes constitutionnelles. Depuis la conférence nationale, on n’a jamais manqué de respecter la date d’expiration du mandat des députés, encore moins celui des présidents qui se sont succédés à la tête du pays. Par contre, comme la date des élections communales et locales n’est pas constitutionnelle, le report est plus facile au point où la deuxième mandature a été prorogée jusqu’à sept ans ;

- Enfin, les Maires, avec cette forte légitimité, pourront avoir les coudées franches pour garantir une bonne gouvernance à la tête des collectivités. A défaut, ils seront vraiment tenus seuls responsables de leurs déviances. Ce qui n’est pas toujours le cas.
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