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Les Zém : philosophes ou éducateurs ?
Publié le vendredi 16 septembre 2016  |  Fraternité
Les
© Autre presse par DR
Les taxi-moto Zemidjan




Au Bénin, les plaques des taxi-motos ne sont pas toujours porteuses d’immatriculations. Elles véhiculent bien souvent de messages éducatifs ou philosophiques. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil sur les motos dans la circulation.



L’obligation faite aux Béninois de faire immatriculer leurs engins à deux roues n’a pas encore réussi à mettre fin à la pratique qui consiste à inscrire des messages sur les plaques censées porter des immatriculations. Samedi 3 septembre 2016. 9h45. Nous sommes un peu avant le pont de Houédonou. Dans la marée de motos qui prennent la direction de Cotonou, l’on aperçoit sur la plaque de l’une d’entre elles, en l’occasion un taxi-moto : « Touche pas ma femme ». Certains, surpris par le contenu du message, et ne pouvant s’empêcher de sourire, engagent des discussions autour du sujet et taquinent le conducteur de taxi-moto.
L’inscription de divers messages sur les plaques des motos est une pratique courante chez les Zém. Elle a été diminuée un moment avant de connaitre un regain d’intérêt. Les conducteurs de taxi-motos ont l’art de faire inscrire des messages qui ne laissent personne indifférent. S’ils ne vous arrachent pas un sourire à cause des fautes d’orthographe, c’est qu’ils vous laissent songeurs, en raison de la profondeur de la pensée. L’essentiel pour les « hommes en jaune », c’est de passer un message et de se faire remarquer. Joël fait inscrire sur sa moto ce message : « Tout se paie ici-bas ». C’est par ce biais qu’il est parvenu à fidéliser ses clients. « Tout le monde me connait dans mon quartier. On m’appelle "Tout se paie ici-bas". Très peu m’appellent par mon prénom. Juste à cause de ce message », confie-t-il. Contrairement à Joël, d’autres Zém préfèrent les messages à caractère évangélique ou biblique, un peu comme « Dieu est capable », sur la moto de Narcisse Tolomè ou « Que ce livre ne s’éloigne de ta bouche. Josué 1.8 » sur celle de Oswald.
Au carrefour Tankpè, Philippe, conducteur de Zémidjan, suit très attentivement la revue de presse diffusée en langue Fon sur une radiodiffusion privée de la place. Sur la plaque de sa moto, on peut lire « Sonagnon ». C’est un message qui pourrait faire penser à des mots d’espoir et d’espérance. Mais, à l’en croire, il n’en est rien. « Je suis membre d’un groupe de tontine dénommé "Sonagnon". C’est grâce à cette tontine que j’ai pu acheter ma moto. Et c’est pour témoigner des bienfaits du groupe dans ma vie que je l’ai inscrit en lettres d’or sur la plaque de ma moto », dit-il. Certains Zém comme Olivier, Thomas et Grégoire préfèrent des messages en fon tels que « Djo ho do », « Dah Houawé do noukpo », « a toun nou towé ».

Plus que de simples mots !



Les messages des conducteurs de taxi-moto sont souvent l’expression d’une expérience vécue, mieux, une leçon de vie. Sur la moto de Ambroise Danon, on peut lire « Aucun bonheur ne se produit sans la souffrance ». Derrière ces mots se cache toute une histoire. « Je suis devenu orphelin très jeune. Ainsi, ma mère a pris en charge mon éducation. Mais à un moment, elle était à bout de souffle. Je n’avais plus personne pour me soutenir dans ma formation et mes projets. C’était dur ! J’ai dû faire un prêt pour m’acheter une moto pour faire du Zémidjan. A mon premier essai, j’ai eu un accident, duquel je suis sorti sain et sauf… C’est au regard de ces épisodes de ma vie que j’ai fait écrire ce message sur ma moto », confie-t-il en concluant qu’après la pluie, il y a toujours le beau temps. Pour Narcisse Tolomè, son message « Dieu est capable » lui rappelle son parcours d’employé à employeur, propriétaire de plusieurs motos. « J’ai longtemps été victime d’injustice dans l’exercice de mon métier. On m’arrachait la moto après 3 ans d’activité. Aujourd’hui, je me réjouis d’être le propriétaire de plusieurs motos », raconte-t-il, tout souriant.
Patrice SOKEGBE
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