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Entretien avec Michel ADJAKA de L’UNAMAB : « La lenteur judiciaire a beaucoup plus sa source dans les nominations fantaisistes que dans la pénurie du personnel »
Publié le mercredi 5 octobre 2016  |  Le Confrère de la Matinée




Le gouvernement béninois a décidé, lors de son dernier conseil des ministres en date du mercredi 28 septembre 2016, le recrutement de quatre-vingt (80) auditeurs de justice au titre de cette année 2016 afin de remédier à ce phénomène de lenteur dans le traitement des dossiers pendants devant la justice. Mais cette volonté de faire du gouvernement n’est pas la bienvenue chez Michel ADJAKA, président de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB). Entretien…

Le Confrère de la Matinée : Monsieur le président de l’UNAMAB, comment se porte aujourd’hui la justice béninoise sous l’ère du Nouveau départ ?


Michel ADJAKA : La justice béninoise se porte tant bien que mal avec l’espoir de mieux se porter pour le bonheur de chaque Béninoise et Béninois.


Pouvons-nous avoir une idée de ce qui est prévu dans la maison justice dans ce processus de réformes ?

-A notre niveau, les réformes sont en attente.
Le dernier conseil des ministres a décidé le recrutement de 80 auditeurs de justice au titre de cette année.

Pourquoi un tel nombre tout d’un coup ?


-Seul le ministre de la justice peut nous dire véritablement pourquoi ce nombre. Pourquoi pas moins, pourquoi pas plus. En réalité, beaucoup de ministres du gouvernement actuel sont étrangers au fonctionnement du service public. Le nombre d’agent est déterminé par les textes et la cadence de départ à la retraite, sans oublier les possibilités ou capacités de formation.

Pourquoi une réaction si acerbe quand on sait que la justice manque d’effectif au regard de la lenteur observée dans cette maison ?

-Je réitère et actualise mes inquiétudes. Si juste et pertinente que puisse paraître cette réaction, il n’en demeure pas moins qu’elle manque de profondeur. En effet, la justice a besoin du personnel mais du personnel de qualité recruté dans la transparence et formé dans des conditions idéales. La lenteur judiciaire a beaucoup plus sa source dans les nominations fantaisistes que dans la pénurie du personnel.


Selon l’article 2 de l’arrêté N°0000259/MJLDH/MEPTRA/MESRS/DC/SG/DACP du 4 mai 2004 portant organisation du concours des auditeurs de justice, l’UNAMAB est appelée à participer aux travaux. N’êtes-vous pas consulté avant la prise de cette décision?

-L’UNAMAB n’a jamais été associée à la prise de cette décision. C’est vrai, il revient à l’Etat dans l’expression de sa toute-puissance d’écraser les acteurs du secteur et de prendre toute décision qu’il juge convenable au bon fonctionnement du service public de la justice. Même sous l’ancien régime, l’UNAMAB était associée à la détermination du nombre d’auditeurs de justice à recruter, puisque les magistrats maîtrisent mieux leur corps que les ministres de la justice. Malheureusement, la rupture est trop puissante pour admettre de conseils avisés d’acteurs non politiques.
La magistrature est un corps spécial. C’est la raison pour laquelle les magistrats sont les seuls à disposer depuis 2004 de textes qui règlementent le recrutement de leurs pairs. Un magistrat mal recruté ou mal formé est un danger pour la République. C’est ce danger qu’on nous prépare par le truchement de ce chiffre improvisé.


Ne serait-ce pas votre position souvent radicale qui fait qu’on vous écarte aujourd’hui ?

-Le politique béninois qu’il soit de la rupture, du nouveau départ, du changement ou de la refondation a tendance à abuser de son pouvoir. Or la magistrature est un corps spécial qui se gère dans la discussion et non dans l’imposition ou la dictature. L’UNAMAB, du recrutement jusqu’à l’intégration en passant par la formation, est un maillon essentiel du dispositif. C’est le magistrat qui, essentiellement recrute, forme et intègre le magistrat. Il ne peut avoir de rupture, ni de nouveau départ par rapport aux principes et usages vertueux qui ont fait recette et leur preuve.


Mais pourquoi tant d’acharnement contre cette corporation si vitale pour la bonne santé démocratique du pays ?

-La magistrature est un corps qui gère un pouvoir qui fait peur aux politiques. C’est pourquoi, ils s’acharnent à soumettre ce corps, à défaut de le domestiquer. Aucun politique ne s’accommode d’une justice indépendante, ni de juges véritablement libres de penser, de décider et d’agir. Or il est une évidence que la route du développement passe par une justice indépendante et crédible qui soumet le riche et le pauvre au strict respect des textes. Cette indépendance à la fois individuelle et institutionnelle prend son envol du recrutement, en passant par la formation pour royalement s’exprimer avec détermination et détachement tout au long de la carrière du magistrat. Une telle indépendance donne l’insomnie aux politiques béninois qui perçoivent et conçoivent la justice comme une institution partenaire à la remorque de l’Exécutif dont elle doit se soumettre au bon vouloir. Une telle vision faite d’allégeance à un pouvoir est déphasée voire dépassée.


Est-ce à dire que nos dirigeants nous flattent en parlant de justice libre et équitable à tous?

-C’est stratégique. Du discours à la réalité, ils ont tôt fait d’oublier les promesses faites au peuple. Les politiques savent qu’une justice et débarrassée ou libérée de toute ingérence de l’Exécutif peut efficacement en découdre avec la corruption et favoriser le développement de notre pays. Malheureusement, une telle vision n’est pas la chose la mieux partagée des politiques béninois.


Je vous laisse conclure cet entretien…

-Je vous remercie monsieur le journaliste. Je dis et réitère pour conclure que l’avènement d’une justice apte et prompte à en découdre avec la délinquance financière est la condition sine qua non du développement de notre pays. Je nous invite à y travailler pour le bonheur de la postérité et le salut de la République.

Propos recueillis par
Josaphat FINOGBE


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