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Lutte contre les trafic et le commerce illicite de médicaments au Bénin : Formel et informel même source d’approvisionnement et après ?
Publié le samedi 22 octobre 2016  |  Matin libre
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© aCotonou.com par Dr
Les faux medicaments




La lutte contre la criminalité pharmaceutique semble avoir du plomb dans l’aile au Bénin. L’opération Pangea IX lancée pour muscler la lutte et contrer l’industrie mortelle des médicaments contrefaits a tôt fait d’être perçue comme une mesure ponctuelle. Car après la saisie de 2,4 tonnes de faux médicaments à Godomey, plus de bourdonnement de mouches. Par ailleurs, d’après une investigation menée, à l’interne, l’informel et le secteur formel disposent des mêmes sources d’approvisionnement. Toute chose qui justifierait l’opiniâtreté des populations (plus de 85% selon une étude réalisée) à recourir aux étalages pour se soulager plutôt que les pharmacies…

“Plusieurs médecins viennent acheter des médicaments chez moi. Je suis dans ce commerce depuis plus d’une vingtaine d’années et je m’en sors bien financièrement. Quand on parle de faux médicaments, cela me fait rire car il n’y a aucune différence entre ce que nous vendons et ceux exposés dans les officines de pharmacie. De plus, les pharmacies ont-elles autres sources d’approvisionnement que nous ? “ a lancé maman mela, vendeuse de médicaments très connue dans la commune de Sèmè-Podji. Si pour elle, la lutte contre les faux médicaments est un faux combat, il faut reconnaitre que le fait que plusieurs entreprises pharmaceutiques ou grossistes trempent dans le trafic de faux médicaments reste un véritable obstacle à la lutte. « Les trafiquants intermédiaires s'approvisionnent auprès des gros trafiquants souvent à partir du marché Adjegounlè. Malheureusement, il est aussi constaté qu'en complicité avec certains pharmaciens indélicats que l'approvisionnement se fait aussi auprès de certains grossistes locaux (exemple de UBPHAR) et de certaines pharmacies » a déploré Dr Louis Koukpemedji, Président du Syndicat indépendant des pharmaciens du Bénin (Siphab). En Afrique, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue que 30 % à 70 % des médicaments en circulation sont des faux. Au Bénin, selon une étude récente du ministère de la santé, plus de 6 000 personnes seraient impliquées dans le commerce de faux médicaments et 85 % de la population s’approvisionneraient sur le marché informel.

Le Bénin est réputé pour être une plaque tournante du trafic de faux médicaments en provenance du Nigeria, Ghana, Togo, Chine et l'Inde.

Formel et informel : mêmes sources d’approvisionnement et après ?

Outre les sources externes d’approvisionnement que sont le Nigéria, le Ghana, Togo, la Chine et l’Inde, l’informel s’abreuve à la même source que le secteur formel: les sociétés grossistes. Voilà qui amène donc à s’interroger sur la notion de faux médicaments. « Un faux médicament est tout produit présenté comme médicament mais qui en réalité ne contient pas la substance active ou en contient à des doses insuffisantes. Ils peuvent aussi contenir des impuretés ou des substances toxiques en lieu et place de la substance active. Ils sont souvent faussement étiquetés » tente d’expliquer Dr Louis Koukpemedji tandis que Dr Arthur Gonçalves affirme qu’un médicament devient faux lorsqu’il sort du cadre du spécialiste, le pharmacien. Des conditions de conservation (température…) pourraient faire perdre au médicament sa fonction de remède avec le risque de devenir nocif à la santé humaine. Cependant, il importe de souligner aujourd’hui que très peu de patients remettent, de ce fait, en doute la qualité des médicaments vendus à la criée. Si pour les gouvernants, “le médicament de la rue tue, la rue tue le médicament“, les populations voient autrement la question. Quand bien même, elles craignent parfois ces médicaments contrefaits ou de qualité douteuse, la sensibilisation n’a pas pu prendre le dessus sur l’accessibilité des marchands d’appoint vendant souvent les produits à l’unité en raison des faibles prix par rapport aux médicaments vendus en officine. Faut-il pourtant le rappeler, d’après une étude de l’Oms, 200.000 décès par an pourraient être évités, si les médicaments prescrits contre le paludisme étaient conformes à la réglementation et capables de traiter réellement la maladie.


L’inspection des grossistes, une solution ?

Au regard de la complexité caractéristique du trafic de faux médicaments, l’inspection des grossistes à l’échelle nationale s’avère indispensable. Car il faut d’abord assainir la corporation pour mieux la protéger. Le contrôle et la sanction des grossistes et des pharmacies indélicats peuvent permettre déjà d'éliminer ces sources d'approvisionnement internes qui prostituent le médicament, discréditent le circuit formel et mettent en danger la santé des populations. « Il faut également renforcer les contrôles au niveau des frontières en donnant les moyens à la police et à la douane accompagné d'une volonté politique clairement affirmée ; donner les moyens à la direction des pharmacies et du médicament pour qu'elle renforce les contrôles au niveau des structures formelles de médicaments et pour qu'elle puisse véritablement engager la lutte contre le marché informel. Là encore, la volonté politique est indispensable » préconise Dr Louis Koukpemedji. Toutes nos tentatives pour rencontrer, dans le cadre dudit dossier, la Présidente du Cnopb, Moutiatou Toukourou et le Directeur des pharmacies sont malheureusement restées vaines. La Direction des pharmacies et du médicament doit aussi revoir ces procédures internes afin de limiter ou d'être très regardant sur les autorisations d'enlèvement qui sont délivrées notamment les autorisations dites spéciales. Il urge, par ailleurs, de décourager les cliniques qui vendent du médicament au public ainsi que les dépôts illégaux ; renforcer la surveillance à l'égard de ces cliniques et formations sanitaires privées qui vont s'approvisionner en médicaments dans l'informel ; interdire aux délégués médicaux et aux agences de promotion de médicaments l'importation de modèle-vente de médicaments comme échantillons.

Gestion des frontières et trafic illicite de médicaments…

Est-ce que nous avons des frontières ? S’interrogeait Dr Arthur Gonçalves du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens pour déplorer le manque de fermeté dans la gestion des frontières béninoises. Ceci du fait que des faux médicaments sont introduits facilement sur le territoire béninois en provenance du Nigeria, Ghana… Pour la plupart des pharmaciens rencontrés, la police et la douane découragent moins les trafiquants ou elles manquent de moyens et du soutien politique à ce sujet. Pour d’autres, elles ont été souvent déçues par la suite qui a été réservée aux rares prises qu'elles ont réussi à opérer malgré les menaces auxquelles elles font face. Aussi faut-il reconnaître que la complicité de certains pharmaciens indélicats ne leur rend pas aussi la tâche facile. « Comment un douanier pourrait-il bloquer un conteneur arrivé au port et contenant des faux médicaments si le trafiquant est muni des autorisations d'enlèvement régulièrement délivrées par la direction des pharmacies et du médicament? » s’interroge Dr Koukpemedji.

Renforcer l’arsenal juridique…

Si chaque année, c’est plus de 10 milliards de faux médicaments de contrefaçon qui seraient introduits sur le continent et malgré les dispositions pénales et législatives réprimant la vente illicite des médicaments, il urge de situer les responsabilités. Au Bénin, il est difficile voire impossible de passer à la phase répressive en raison de la faiblesse de la réglementation. « A plusieurs reprises sur l'initiative de l'ordre des pharmaciens ou du syndicat des pharmaciens, des trafiquants ont été arrêtés et présentés au tribunal. Malheureusement, les procureurs ont souvent évoqué la l'absence ou la faiblesse de la réglementation qui réprime le trafic pour libérer les trafiquants sans autre forme de procès. C'est simplement triste et décourageant » laisse entendre un membre du Collectif des pharmaciens béninois. D’où la nécessité de renforcer l’arsenal juridique dans l’optique d’une efficacité de la lutte. Toutefois, la répression ne règle pas le problème mais le déplace car les bonnes dames quittent le marché pour se retrancher dans les maisons et les ruelles.

Aziz BADAROU
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