Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aCotonou.com NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article
Économie

Entretien avec Pascal Todjinou, Secrétaire Général de la CGTB « On a l’impression que Talon étouffe les autres opérateurs économiques »
Publié le vendredi 28 octobre 2016  |  Fraternité
Pascal
© aCotonou.com par CODIAS
Pascal Todjinou, Secrétaire Général de la Conféderation Générale des Travailleurs du Benin (CGTB) lors de la Conference de presse des centrales et confédérations syndicales sur l`actualité nationale au Bénin.
Cotonou 12 Août, Bourse du travail. La CGTB, CSA Bénin, COSI Bénin se prononce sur les dossiers de l`OCBN, la révision de la constitution et autres actualités nationales.




S’il y a un syndicaliste dont on ne saurait définir par avance la position dans bien souvent de cas, c’est Pascal Todjinou. Le statisticien syndicaliste aime surprendre et cette interview spéciale à nous accordé, le 25 octobre dernier, le prouve encore. Le numéro 1 de la Confédération Générale des Travailleurs du Bénin (Cgtb) décrypte ici les 7 premiers mois de la rupture, fustige les violations des libertés et l’étouffement des opérateurs économiques puis condamne l’affermage des hôpitaux. « Il y a fort à craindre si la tendance de la ligne rouge est maintenue », lance-t-il. Toutefois, Pascal Todjinou n’a pas manqué d’apprécier certaines actions fortes qui font de Patrice Talon, dit-il « un vrai président ». Mais, il se refuse par contre de se prononcer sur les actions de Boni Yayi, avec qui il a connu des ennuis judiciaires. Après une vie syndicale bien remplie, Pascal Todjinou se retire en décembre prochain.

Ce fut une surprise de vous voir réagir la semaine dernière pour tirer à boulets rouges sur le régime du nouveau départ. Pourquoi ce revirement spontané après votre rencontre du 24 août 2016 avec le président Patrice Talon ?
Je ne sais pas si on était dans un protocole d’accord avec le chef de l’Etat pour qu’il y ait revirement. On était en train d’observer le Président de la République. Le terme « revirement » n’est pas approprié selon moi. Il y aurait revirement s’il y a eu un accord entre l’intéressé et nous pour qu’on ne dise pas ce qu’il fait de mal. On observe. Quand c’est bien, on le dit. Nous autres, nous ne sommes ni pour, ni contre nos dirigeants politiques. Et il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de le reconnaitre quand c’est bien. Mais quand c’est mauvais, il faut aussi avoir le courage de dire que c’est mauvais. Nous ne sommes pas un parti politique pour être intéressé par quelque chose chez lui.

Le président Talon a-t-il changé depuis votre rencontre au palais ?
Je ne sais pas s’il nous a montré une couleur et qu’aujourd’hui, il nous en montre une autre. À la sortie de la rencontre, nous avons dit que c’est un vrai président. Ce que nous mettons dans vrai président, c’est que ce n’est pas ce président qui parle tout le temps jusqu’à arracher la parole à celui qu’il a invité. Ce n’est pas un président qui vous empêche de vous mettre à l’aise devant lui. Talon est un président qui écoute. C’est un président qui répond aux questions qu’on lui pose. C’est en général ce qui nous a poussés à dire que c’est un vrai président. Mais on n’a pas dit non plus que c’est un bon président. Il y a une grande différence entre un vrai président et un bon président. Pour l’instant, Patrice Talon est un vrai président. Quelqu’un qui maîtrise ses sujets.

La rupture est-elle vraiment grippée comme vous le disiez ?
La rupture est complétement grippée. Elle est si grippée que si on ne se lève pas tôt, ça risque de créer des problèmes laryngo-logiques ; les oreilles risquent de se boucher pour nous conduire encore à une situation délicate. C’est pourquoi nous nous sommes levés tôt pour dire attention. La question de liberté est une question préjudicielle pour les organisations syndicales. Nous avons vécu la période révolutionnaire. A partir de cet instant, nous devons particulièrement faire attention. Là où le régime de la rupture se dirige en privant les gens de leurs libertés est extrêmement dangereux. Au départ, nous avons senti que c’est quelqu’un qui veut faire un redressement social, économique et politique. Nous avons pensé que c’est une bonne chose. Mais quand nous constatons que le Président est en train de déraper, nous devrions le lui dire. Nous autres, nous ne sommes pas encore grippés. L’autre situation qui nous amène à réagir, c’est la suppression des emplois. Le Président Patrice Talon nous avait promis, quand il venait, qu’il va créer plusieurs emplois. Mais nous constatons qu’il est en train de liquider les emplois. C’est un opérateur économique. Beaucoup de gens avaient craint qu’il s’accapare de tout. Mais nous constatons que le Gouvernement étouffe les autres opérateurs économiques. Il faut qu’il encourage les autres à s’épanouir. Cela pourra créer assez d’emplois dans le pays et nous, on aura beaucoup de militants. Si les gens se plaignent de la faim, c’est aussi parce que le président Talon est en train d’étouffer les autres opérateurs économiques. S’il y a développement des activités économiques dans le pays, tous ceux qui disent qu’ils n’ont pas les moyens vont trouver à faire. Le Conseil des ministres a dit qu’ils ont fait des emprunts obligataires pour payer les dettes intérieures. Ça devrait fluidifier la circulation de l’argent à l’intérieur du pays.

Est-ce que vous craignez là une libéralisation du patrimoine national au profit du chef de l’Etat et de ses proches ?
Je n’ai pas encore dit ça. Je dis qu’on a l’impression qu’il y eu étouffement.

Est-ce que Pascal Todjinou voit quand même des signaux de ce que les autres opérateurs économiques sont étouffés ?
Les signaux sont là. Je prends l’exemple des importateurs de véhicules d’occasion. Il y en a qui sont allés faire des prêts à la banque avec des garanties afin de vendre des véhicules dans les pays de l’hinterland. Les textes disent que dès qu’ils reviennent avec la preuve que le véhicule a traversé la frontière, on doit les rembourser. Mais on refuse de les rembourser. Dans ces conditions, on les coince. Il y a d’autres cas qu’on aura le temps d’évoquer. Il y a des choses qui se passent auxquelles nous devons faire particulièrement attention.

Qu’appréciez-vous concrètement dans les actions du chef de l’Etat ?
Il y a des choses positives et aussi des choses négatives. Ce qui est positif, c’est tout ce qu’il faisait au départ à savoir l’annulation des concours frauduleux, la dissolution des ‘’machins’’. Il y a des décrets qui auraient eu des préjudices lourds sur le budget de l’Etat si on ne les avait pas supprimés. Ce sont des actions concrètes à saluer. Mais ce qui est négatif, c’est la ligne rouge à Cotonou. La question de liberté, je le répète, est une question préjudicielle pour les organisations syndicales. On en était là quand brutalement, on renvoie 21 étudiants du fait qu’ils ont mené des activités d’association. C’est déjà très grave. On dit ensuite que l’année universitaire est invalidée. Ce n’est même pas suffisant. On va au troisième degré en interdisant leurs activités. C’est ça qui a amené au traçage de ligne rouge par le préfet qui confond la mairie à la préfecture. Je crois que ce sont des choses vraiment négatives. Il y a fort à craindre si la tendance de la ligne rouge est maintenue. A cette allure, le président peut se lever un jour et interdire les activités qu’on mène à la bourse du travail. Et la dictature s’installera. C’est pourquoi nous avons commencé par crier. Nous n’avons pas dit que tout ce que le Président Talon fait est mauvais.


Est-ce que vous ne craignez pas plutôt qu’on en vienne à interdire les activités syndicales aussi ?
Je parie que le Président Talon ne peut pas interdire les activités syndicales. C’est un défi que je lui lance. Il ne peut pas. Nous relevons des conventions internationales ratifiées par le Bénin. Ce n’est pas la même chose au niveau des organisations des étudiants. Les étudiants sont régis par la loi 1901. Mais nous, on a dépassé cette étape.

Il y a pourtant dans le Gouvernement des défenseurs ardents de la liberté. Que s’est-il passé pour qu’aujourd’hui, ils semblent violer les libertés eux-aussi ?
Attention ! Il y a le pouvoir et le ‘‘faire-pouvoir’’. Là où je suis, j’ai le pouvoir de parler. Lorsqu’on va m’inféoder dans un mécanisme donné, je ne peux plus être efficace comme je l’étais avant. Lorsqu’on nous a bastonnés ici, il y en a qui étaient avec nous. J’ai la copie de leurs interventions. Quand on est au gouvernement, il faut savoir s’y prendre pour se maintenir. Si vous bavardez trop, on n’aura pas aussi besoin des bavards là-bas. Là-bas, c’est une religion.

Si les lignes rouges de Cotonou vous dérangent si tant, est ce que ce n’est pas parce que vous en voulez à Modeste Toboula, qui était un des vôtres en tant que syndicaliste ?
Modeste Toboula est aujourd’hui préfet, l’autorité politique. Moi, je parle en tant que syndicaliste. Et j’apprécie l’autorité. S’il fait quelque chose de bon, moi je le dirai. C’est déjà heureux qu’il ait constaté que la décision prise dans son arrêté préfectoral qui interdisait de se rendre dans l’hôpital de la mère et de l’enfant n’était pas la bonne décision.

Pascal Todjinou apprécie-t-il alors la décision du Préfet Modeste Toboula relative au payement scriptural dans les supermarchés ?
C’est une idée noble. C’est pour cela que, quand je donne mon point de vue, je dis qu’il faut apprécier ce qui est bon positivement. Cela va faire éviter les braquages dans les supermarchés. Il est allé trop brutalement comme il en a l’habitude. Il fallait commencer par la sensibilisation et amener les supermarchés à imposer la chose de leur côté. A partir de cet instant, cela va prendre progressivement. J’ai comme l’impression que le gouvernement ne veut pas contrôler ce préfet. Est-ce qu’il est le vice-président de la République ?

Qu’ont obtenu les travailleurs jusque-là de Patrice Talon ?
La première chose est la mise en œuvre du décret portant revalorisation de la fonction enseignante. C’est effectif. La question de suppression ou d’annulation des concours frauduleux, c’est quelque chose pour nous parce que cela ouvre une voie à la possibilité d’emploi public aux plus pauvres. Autre chose, lorsque vous voyez au niveau de l’enseignement, je crois que la rentrée a été plus ou moins bien préparée. Je dis plus ou moins parce qu’il y a quelques couacs, par exemple la question des 618 directeurs déchargés arbitrairement, car une évaluation n’a pas été faite avant cette décision. En ce qui concerne les subventions, c’est pour le moment acceptable. Mais ce qui est dangereux, c’est la grève dans le secteur de la santé dont le gouvernement Talon se préoccupe très peu. Il ne faut pas qu’il y ait l’hécatombe avant qu’il ne réagisse.

Comment appréciez-vous l’affermage des hôpitaux ?
Il faut qu’on ait le temps d’apprécier. Confier les hôpitaux construits par l’Etat aux privés, c’est très mauvais, il faut être honnête pour le dire. Maintenant, quand on voit tout ce qui se passe au niveau du public aussi, on est tenté de dire si ce n’est pas mieux de confier cette affaire-là en affermage. Ce n’est pas la privatisation. Ce sera une sorte de location-gérance. Si c’est sous cette forme-là, on peut encore comprendre un peu. Mais, je dis que le principe de confier nos hôpitaux aux privés, c’est extrêmement dangereux.

Que deviendra le personnel de ces hôpitaux mis en affermage ?
Ce sont des hôpitaux qui viennent d’être construits et qui n’ont même pas encore de personnel. Donc, si éventuellement la décision prend effet, c’est le privé qui va recruter son personnel.

Vous avez obtenu la suspension des concours frauduleux. Mais vous ne vous prononcez plus sur le cas des agents contractuels qui seraient reversés avec de faux diplômes dans la fonction publique.
Ce n’est pas tout à fait ça. Nous, on en parle. On en a parlé le 15 septembre 2016 et le reversement se poursuit. Ce que le gouvernement de Talon fait est bon. On a commencé par purger les faux diplômes. La preuve, ils ont lancé le recensement-payement aussi bien pour les Agents permanents de l’Etat en activité que ceux qui sont en retraite. On va découvrir tous ceux qui continuent de percevoir leurs salaires alors qu’ils sont morts ou qui sont restés à l’étranger. Pour ceux qui ont de faux diplômes et qui se retrouvent dans l’administration publique, le travail se poursuit et nous avons dans cette commission, nos représentants qui travaillent de façon acharnée.

Est-ce qu’il y a des raisons d’espérer une année scolaire apaisée ?
Il faut poser cette question aux autorités. Cela dépend de leur comportement. Ce qui sera progressif, ce sont les avantages contenus dans le statut. Lorsque vous donnez 25f à un enseignant, vu leur nombre, en 12 mois, ce sont des milliards.

A quand le recrutement des enseignants ?
Lorsqu’on a rencontré le gouvernement, il a dit qu’il est en train de mettre en place le manuel de procédure pour le recrutement. Le 15 septembre dernier, le manuel a été adopté par le gouvernement. Le document a été élaboré de commun accord avec la direction des examens et concours, la direction de l’office du baccalauréat et le ministère lui-même puis une partie du ministère de la justice. C’est sur la base de ce document qu’on va lancer les concours.

Quelle est votre appréciation de la décision du Dob Alphonse da Silva concernant la détention du Bepc avant de passer le Bac ?
Cette décision était inopportune. Il y a des gens qui sont professeurs d’université aujourd’hui qui n’ont pas eu le Bepc mais le Bac. Ce qui se faisait avant est l’examen probatoire. Vous arrivez en première, on vous sélectionne pour la classe de terminale. On ne peut pas me dire que sans le Bepc, je n’ai pas le droit de faire la seconde, la première et la terminale. C’est quelqu’un que moi j’apprécie positivement parce qu’il met de l’ordre au niveau de l’Office du Bac.

Est-ce que vous êtes pour l’examen probatoire ?
Moi, je souhaite qu’on ramène l’examen probatoire pour sélectionner les candidats au Bac. C’est mieux que de vouloir imposer le Bepc. Il y a des gens qui n’ont pas le Bepc et qui passent l’examen Capa et qui deviennent de hauts cadres dans notre pays. Il y en a qui sont devenus de hauts juristes aujourd’hui. Ce n’est pas une bonne chose.

Est-ce que vous regrettez, d’une manière ou d’une autre, le départ de Boni Yayi ?
Ah non ! Je ne regrette rien. Parce qu’un gouvernement qui me met en prison, je ne peux jamais regretter son départ. Il n’y a pas de regret à avoir là pour la simple raison que le président Yayi Boni a eu ses deux mandats. Personne ne l’a embêté. À partir de cet instant, on n’a pas à le regretter. Si on le regrette, c’est comme si vous voulez qu’il revienne.


Patrice Talon peut-il relever les défis laissés par le régime défunt ?
Moi, je ne veux pas savoir si le président Talon va corriger les tares du président Yayi ou non. Quand il était candidat, il disait « je viens pour corriger un certain nombre de choses ». On l’attend au carrefour. Je voudrais avoir une copie du programme d’action de Talon pour le suivre comme de l’huile sur le feu.

Quelles sont vos relations avec la ministre de la fonction publique ?
C’est des relations entre confédération et le Gouvernement. Ce sont des relations qui nous amènent à parler d’une même voix comme vous l’avez constaté la dernière fois. Nous n’avons pas de relations particulières avec la ministre.

A quand la retraite syndicale de Pascal Todjinou ?
Ma retraite syndicale est prévue pour le mois de décembre prochain. La Confédération générale des travailleurs du Bénin organise son congrès et je vous apprends que je ne suis pas candidat. Ce que les gens ne savent pas c’est qu’il faut des hommes expérimentés à la tête des confédérations, contrairement aux syndicats de base. Et moi, j’ai rempli ma mission, je me retire.
Réalisation : Adrien TCHOMAKOU & Fulbert ADJIMEHOSSOU
Commentaires