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Réchauffement de la planète et perte de la biodiversité : Menace pour la survie des grenouilles au Bénin
Publié le jeudi 17 novembre 2016  |  Matin libre
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© AFP par MARTIN BUREAU
La 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) à Paris




Le phénomène de la disparition des populations d’amphibiens affecte des milliers d’espèces dans le monde. Le Bénin vit également ce déclin ayant pour, entre autres causes, le réchauffement de la planète. Ce phénomène prend une ampleur inquiétante surtout dans le monde en termes d’espèces disparues ou menacées.

Donatien Affodaï habitant le village semi-lacustre de Yêvié, dans la commune d’Abomey-Calavi, reste nostalgique du passé. Les coassements de grenouilles qui le réveillaient chaque matin et qui perturbaient sa tranquillité pendant la saison pluvieuse ont disparu. Il regrette aussi de ne plus voir les enfants pratiquer la chasse à la grenouille. « C’est une activité qui nous occupait dans l’enfance », a affirmé Didier Dèdèwanou, du même village. « Nous en consommions et en vendions à « Japhètinon » (maman Japhet) qui en revendait au Nigeria. On se rend compte que les enfants d’aujourd’hui manquent de loisirs parce qu’on pouvait passer toute une journée dans les marécages à la recherche de grenouilles », a-t-il déploré. Rencontrée fortuitement devant son étalage de produits pétroliers de la contrebande, « Japhètinon » (Rachelle Dowou) regrette, elle aussi, la disparition de son activité préférée, la vente de grenouilles et autres silures blanches au Nigeria : « Je l’ai héritée de ma mère que j’accompagnais à Badagry. Cette activité m’a permis de soutenir pendant longtemps, mon époux dans la scolarisation de nos enfants », a-t-elle reconnu. Mais, déplore-t-elle, « les grenouilles ont disparu des marécages et l’enfant qui est né il ya 10 ans ne connaît rien de cette période. », a-t-elle fait savoir. Et à sa consœur de l’étalage voisin de renchérir : « D’ailleurs la plupart des bas-fonds qui servaient de refuge aux crapauds se sont asséchés et désormais occupés par des habitations. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène dont notamment le changement climatique.

Réchauffement de la planète menace pour les amphibiens

Pour l’expert en environnement et en écotoxicologie Roméo Adamou, les changements climatiques ont un impact sur, non seulement les grenouilles, mais aussi sur les amphibiens en général. A l’en croire, une grande quantité d’écosystèmes est détruite à un rythme accru, diminuant ainsi la disponibilité d'habitats naturels. Et, outre le fait que la pollution atmosphérique affecte directement ou indirectement les amphibiens très sensibles aux toxines, elle provoque également un réchauffement de la planète par effet de serre particulièrement nocif. Et la perméabilité de leur peau, la dualité aquatique-terrestre de leur cycle de vie biphasique et leurs œufs dépourvus de coquille protectrice les rendent extrêmement vulnérables même aux faibles écarts de température et d’hygrométrie.

Des effets néfastes sur les amphibiens

Selon l’expert en environnement et en écotoxicologie, Roméo Adamou, une série d’études menées dans des environnements tropicaux a prouvé l’existence d’une relation de cause à effet entre irrégularités climatiques et déclins populationnels. Ainsi, des études ont montré la réduction, durant les périodes de grande sécheresse, de la profondeur des mares dans lesquelles certaines espèces d’amphibiens déposent leurs œufs. Cette diminution de profondeur d'eau engendre une plus forte exposition des embryons aux rayons UV-B, ce qui augmente la vulnérabilité aux maladies comme celle due au champignon Saprolegniaferax qui provoque la mort des œufs. Leur patrimoine génétique est alors altéré et leur système immunitaire déficient. Dans certaines mares où le niveau de l'eau est trop bas, la mortalité des embryons atteint 100%. La diminution des réponses immunitaires chez les amphibiens entraîne également une plus grande sensibilité aux attaques de parasites comme le ver nématode Ribeiroiaondatrae, de champignons (dont Batrachochytriumdendrobatadis provoquant de lésions de la peau) ou encore de virus du type Ranavirus. Pour l’expert, les amphibiens sont extrêmement vulnérables à la radiation UV-B du fait que leurs œufs sont dépourvus de coquille protectrice et que leur peau, chez les spécimens adultes comme chez les têtards, est fine et délicate. Il est hautement probable que cette augmentation de la radiation UV-B contribue de manière significative au déclin des amphibiens d’après les scientifiques. Enfin, il a été noté depuis quelques années une augmentation des observations de difformités ou de malformations dans les populations naturelles d’amphibiens ; ce phénomène a récemment été classé parmi les plus importants problèmes environnementaux.

De lourdes conséquences sur les amphibiens au Bénin

Rien qu’à voir le rythme de destruction des mares, des marécages et autres habitats des amphibiens au Bénin, je pourrais répondre par l’affirmatif » a fait savoir Roméo Adamou. Seulement reconnait-il, il n’y a pas encore eu d’études scientifiques qui établiraient un lien formel entre les changements climatiques et le déclin populationnel des amphibiens au Bénin. Cependant affirme-t-il, il a été découvert depuis plusieurs décennies maintenant, la présence d’un champignon appelé Batrachochytriumdendrobatidis chez des grenouilles africaines du genre Xenopus, même si ces dernières n’en mourraient pas. A contrario, des études effectuées par des chercheurs au Costa Rica ont montré que la montée des températures crée un climat favorable à ce champignon qui est à l’origine de la disparition des deux-tiers des 110 espèces de grenouilles arlequins (du genre Atelopus) dans les forêts du pays dans les années 80 et 90. Il y aurait donc de quoi s’inquiéter quant aux grenouilles africaines surtout avec la montée de la température due au réchauffement climatique observé ces dernières années.

Parrer au plus pressé

« En tant qu’environnementaliste, ma première recommandation est de préserver les habitats de ces différentes espèces d’amphibiens. Il n’est plus question de remplir les marécages pour construire des habitations ni combler une partie des plans d’eau pour étendre la terre ferme comme on le constate au Bénin. Comme un proverbe indien le dit si bien : la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre. Il ne doit donc pas en rajouter à la difficulté de survie de ces animaux en détruisant leurs biotopes, . Ma deuxième recommandation est la réalisation d’études scientifiques sur les amphibiens au Bénin afin d’évaluer les effets négatifs des changements climatiques sur leur population et en conséquence organiser des actions précises de défense et de préservation de ces amphibiens qui jouent un rôle non moins négligeable dans l’équilibre de nos écosystèmes », a recommandé l’expert en environnement et en écotoxicologie, Roméo Adamou.

Thomas AZANMASSO
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