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Inculpé de pratique de charlatanisme et escroquerie (19e dossier): Moustapha Aboudou condamné à cinq ans d’emprisonnement
Publié le jeudi 15 decembre 2016  |  La Nation
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Jeudi 21 Novembre 2013, Palais de Justice, Cotonou : 14 nouveaux avocats prêtent serment dans le cadre de la rentrée solennelle du Barreau Béninois






La cour d’assises de Cotonou a statué, ce mercredi 14 décembre 2016, sur le 19e dossier inscrit à son rôle relatif à une affaire de pratique de charlatanisme et d’escroquerie mettant en cause le nommé Moustapha Aboudou, maître coranique domicilié à Tankpè, commune d’Abomey-Calavi. Après les débats, la cour l’a condamné à la peine de cinq ans d’emprisonnement pour le délit d’escroquerie dont il s’est rendu coupable mais l’acquitte pour pratique de charlatanisme. Mais il recouvre la liberté pour avoir passé plus de six ans en détention.

Le 19e dossier inscrit au rôle de la cour d’assises de Cotonou session de 2016 nous replonge dans le monde des pratiques de charlatanisme magico-occultes et d’escroquerie courantes dans notre société.
Courant février 2010, Prosper Dénahou a fait la connaissance d’un vieux nommé Félix Donou par le biais de son ami Elysée Kangni. Le vieux Félix Donou a ensuite mis en contact Prosper Dénahou avec Moustapha Aboudou qui s’est fait passer pour un marabout. Celui-ci, sur la base des propositions de divers sacrifices à faire en vue d’attirer la chance et la fortune, s’est fait remettre diverses sommes d’argent dont le montant s’élèverait à 15 millions de F CFA par la victime Prosper Dénahou. Pour convaincre sa victime, Moustapha Aboudou a fait des sacrifices de démonstration avec un pigeon blanc immolé sur une calebasse qui s’est ensuite remplie de billets de banque en dollars.
Accusé de crime de pratique de charlatanisme et de délit d’escroquerie, Moustapha Aboudou a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure.
Le bulletin n°1 de son casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. L’enquête de moralité ne lui est pas favorable. Il est sain d’esprit au moment de la commission des faits, selon le rapport d'expertise.

Tentative de dénégation des faits

A la barre, l’accusé Moustapha Aboudou a fait l’option de nier les faits en nageant dans des imprécisions, la confusion, voire la variation des réponses sur les questions à lui posées par la cour. Il dit savoir pourquoi il est devant la cour et ajoute par surprise qu’il n’y comprend rien. Sur le montant perçu auprès de la victime, il reconnaît n’avoir touché que 3 600 000 F CFA et ce, par tranches. Tantôt, ce moment est devenu 1 800 000 F CFA en main propre plus d’autres dépenses et le tout pourrait être évalué à la somme de 3 600 000 F CFA. Or, le résumé des faits lui impute la somme de 15 millions. Il indique que le Prosper Dénahou est venu le voir pour qu’il puisse procéder à la délivrance de son fils Aimé Dénahou alors étudiant «possédé» par des esprits diaboliques.
Sur questions insistantes de l’avocat général, Badirou Lawani, l’accusé finit par laisser échapper quelques morceaux sur la vérité des faits. « Il y a quelque chose qu’on appelle ‘’magic stone’’. C’est de la pierre qui prend feu quand on y met de l’eau. Quand j’ai mis le sang du pigeon là-dessus, ça a fait du feu qu’ils ont pris pour de l’argent, car c’est l’argent qui les intéressait », avoue-t-il. « Cette pratique relève-t-elle du rôle d’un Alpha ?», lui demande l’avocat général. Au lieu de répondre, l’accusé tente une diversion, selon l’avocat général. Mais ce dernier le reprend et lui demande l’utilité des objets tels que les épées en forme de serpent retrouvées chez lui lors de la perquisition. De façon évasive, il répond qu’il s’en sert pour délivrer ses clients des esprits démoniaques.
Son avocat, Me Paul Kato Atita, lui conseille de dire la vérité pour que la cour puisse l’aider. Ainsi, aux questions de la défense, il répond en reconnaissant qu’il a utilisé le pigeon blanc, la pierre, la calebasse pour fabriquer au profit de la victime la somme de 3 milliards de dollars contre le montant qu’il a perçu. Pour lui, cela n’est pas de l’escroquerie. Car pour lui, on parle d’escroquerie quand quelqu’un se rend chez des gens pour leur prendre de l’argent pour du faux. Dans son cas, ce sont les gens qui sont venus le voir et cela ne saurait être appelé escroquerie, estime-t-il.

Des charges de charlatanisme et d’escroquerie

Dans son réquisitoire, Badirou Lawani fait savoir que le charlatan a toujours une excuse pour se justifier. L’accusé Moustapha Aboudou, pour lui, est coupable de pratique de charlatanisme et du délit d’escroquerie. S’agissant du charlatanisme, l’avocat général soutient qu'il est constitué et en démontre les éléments constitutifs. Au regard de l’article 267 du Code pénal repris par la loi 87-0011 du 21 septembre 1987 portant répression de certaines pratiques rétrogrades, il retient que l’élément légal existe. Quant à l’élément matériel, il réside dans les démonstrations magiques que l’accusé a faites et dans l’usage du pigeon blanc, du cœur du chien noir, de la calebasse et d’autres objets dont l’accusé a fait usage. L’élément intentionnel ne fait pas défaut. C’est le fait pour l’accusé de vouloir fabriquer de l’argent, de troubler l’ordre public et porter atteinte aux ressources financières de la victime.
Pour le délit d’escroquerie, il indique qu’il suppose l’existence de quatre éléments constitutifs: l’emploi de moyens frauduleux, la remise d’une chose, le préjudice et l’intention frauduleuse. Dans le cas d’espèce, note-t-il, ce sont les manœuvres frauduleuses de l’accusé qui correspondent à l’emploi de moyens frauduleux. Entre autres, il mentionne une combinaison de faits extérieurs, une mise en scène, une machination, une atmosphère servant de décor à l’escroc pour donner crédit à ses allégations mensongères. Quant à la remise d’une chose, l’avocat général relève que la victime a remis de l’argent à l’accusé, etc. Selon lui, le délit d’escroquerie est constitué.
Au regard de sa démonstration, Badirou Moustapha requiert que la cour le déclare coupable du crime de pratique de charlatanisme en lui appliquant les dispositions de l’article 267 bis alinéa 2 du Code pénal modifié par la loi 87-0011 du 21 septembre 1987 portant répression de certaines pratiques rétrogrades. Il encourt entre 15 ans à 30 ans de travaux forcés mais requiert qu’il soit condamné pour le crime de pratique de charlatanisme à 10 ans de travaux forcés. Pour le délit d’escroquerie, il requiert que lui soient appliquées les dispositions de l’article 463 du Code pénal en avec circonstances atténuantes. Ainsi, il demande que l’accusé soit condamné aux travaux forcés à temps.

Pas de charlatanisme mais escroquerie

«Vous n’allez pas commettre ce crime judiciaire qu’on vous invite à commettre!», s’exclame Me Paul Kato Atita pour planter le décor de sa plaidoirie. Selon lui, on a tenté de donner au dossier une connotation criminelle. Ce dossier relève plutôt du correctionnel. A l’en croire, les machinations orchestrées par son client ne sont que le cheminement par lequel il passe pour faire croire en lui. « Ce n’est pas du charlatanisme », martèle-t-il. Car celui qui fait des mises en scène n’est pas un charlatan, tente-t-il de faire comprendre à la cour. Mieux, pour mettre en lumière la différence entre charlatanisme et escroquerie, il invite la cour à tenir compte de leur finalité. Si le charlatan agit dans une visée de faire tuer sa victime, l’escroc, quant à lui, agit dans l’intention de soutirer de l’argent.
Par ailleurs, l’autre moyen, pour balayer la charge de pratique de charlatanisme, il se réfère à la loi de 1987 portant répression de certaines pratiques rétrogrades. Selon lui, en parlant de « biens » dans cette loi, le législateur n’a pas spécifié s’il s’agit de biens meubles ou immeubles. Il démontre qu’en parlant de manœuvres et de mises en scène, et sachant que celles-ci peuvent faire recours à des pratiques superstitieuses, le législateur a précisé dans le but de soutirer de l’argent.
Par ailleurs, Me Paul Kato Atita invite la cour à ne pas considérer le document tenant lieu d’enquête de moralité. Car, à sa lecture, l’on se rend compte que l’enquête de moralité n’a pas été faite comme cela se doit.
Il plaide coupable pour le délit d’escroquerie et sollicite l’indulgence de la cour pour que l’accusé Moustapha Aboudou soit condamné au temps déjà passé en détention pour recouvrer sa liberté. Quant au crime de charlatanisme, il invite la cour à en décharger son client, étant donné qu’il n’est pas constitué à son encontre.

Cinq ans d’emprisonnement pour l’accusé

A l’issue de la délibération, la cour est allée dans le sens de la défense pour ne retenir contre le prévenu que la charge d’escroquerie, fait prévu et puni par l’article 405 du code pénal. Ainsi, il ressort de l’arrêt lu par le président Jules Chabi Mouka que l’accusé Moustapha Aboudou est déclaré coupable du délit d’escroquerie en employant des manœuvres frauduleuses et le condamne à la peine de cinq ans d’emprisonnement. Il est déchargé du crime de pratique de charlatanisme après disqualification. L’accusé ayant été en détention pendant six ans, il est libre depuis hier.
Outre le président, la cour qui a statué sur le sort de l’accusé est composée comme suit : assesseurs Victor Fatindé et Cosme Ahoyo, greffier Christophe Chéou, ministère public Badirou Lawani. Ce sont les jurés de la liste A tirés au sort qui ont aidé la cour dans sa mission, à savoir Narcisse Marcos, Maurice Gbénou, Louis Gbogabnou et Patrice Ayikoué.


Alain ALLABI
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