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David Koffi Aza, prêtre du fâ, coordonnateur national du comité Tofâ: « Le Tofâ 2017 prévoit beaucoup de difficultés à donner l’insomnie à toute la nation»
Publié le jeudi 29 decembre 2016  |  La Nation
David
© Autre presse par DR
David Koffi Aza, prêtre du fâ, coordonnateur national du comité Tofâ




Devenu une tradition depuis quelques années, le Tofâ continue de tenir en haleine nos compatriotes versés dans les pratiques ancestrales. Au terme de la dixième édition de cette consultation du tôfa a eu lieu le 3 décembre dernier à Cotonou, l’oracle a fait des prédictions pas très reluisantes. Le professeur David Coffi Aza, coordonnateur national du Comité Tofâ, explique dans cet entretien exclusif, les révelations de ce Tofâ pour l’année 2017 qui démarre dans quelques jours.

La Nation: Professeur, une question de curiosité, qu’est-ce que le fâ ?

David Koffi Aza : C’est la toute première question que chercheraient à élucider tous ceux qui seraient tentés d’approfondir la connaissance de cet arcane de notre tradition. La réponse, simple et apparemment vraie que l’on puisse apporter à cette question serait la suivante: le Fâ est une méthode de divination. C’est la géomancie telle qu’elle est pratiquée au Nigeria, au Bénin et au Togo, pour ne citer que ces trois pays où sa dénomination est la même, et ou ses interprétations semblent revêtir une certaine uniformité. En d’autres termes, le Fâ est une technique divinatoire dérivée de la géomancie qui, elle-même, est l’art divinatoire dont la consistance est la recherche et la compréhension de la volonté des forces invisibles à travers la réflexion de cette volonté sur la terre, par les ondes telluriques.
Comme l’affirment les sciences hermétiques, la création ou le monde est un miroir dans lequel Dieu ou l’Etre suprême contemple sa propre réflexion. L’homme, créé à l’image de Dieu, est sa réflection sur la terre. C’est donc sur cette terre et à travers ses ondes qu’il lui est possible de rechercher et de comprendre la volonté de son créateur. Ceci fonde la supériorité et la plénitude de la géomancie comme l’art divinatoire le plus approprié pour l’homme, car elle réfléchit sur la terre, la volonté de Dieu pour l’homme, même pour chaque circonstance de sa vie. D’où la nécessité de ces recours à la divination.
« Le Fâ serait non le messager, mais le message même du grand Dieu ! Chaque message de Celui-ci serait un Fâ, et chaque Fâ serait la parole du grand Dieu, de Mahu »

Le Tofâ 2017 a donné son verdict. Les prévisions sont-elles bonnes pour l’année ?

Une chose n’est mauvaise qu’à celui qui la considère comme telle. Néanmoins, il faut dire que les consultations ne sont pas favorables pour l’année 2017. Parce que la consultation elle-même était négative. Mais cela ne veut pas dire que tout sera mauvais en 2017. Mais le fâ a souligné un certain nombre de préoccupations qui étaient déjà là mais qui risquent de se prolonger jusqu’en 2017. Et le signe sous lequel le fâ a parlé c’est «loso mêdji» Or ce signe nous savons que c’est «noukoummian». Mais le thème principal de l’année c’est « fou ogbé » qui veut dire ‘‘ fou ’‘ est bon et sa voie aussi est bonne. Mais il dit que si un devin me prescrit du mauvais, je vais lui donner du mauvais, mais si un devin me prescrit du bien je vais lui donner du bien. Le fâ demande de conseiller ce qui est bien, ce qui est bon, ce qui est beau aux gens et en retour on aura également tout cela. Mais il dit aussi qu’il faut s’appuyer sur des sacrifices et sur certaines divinités pour pouvoir positiver un peu l’année 2017. Voilà globalement ce qu’il faut retenir.

Y a-t-il assurance que les sacrifices aideront réellement à conjurer le mauvais sort ?

Nous allons prendre toutes les dispositions afin que tous les sacrifices soient exécutés convenablement. Nous avons le devoir de corriger ce que le fâ a vu pour que la situation s’améliore en 2017. Mais les gens paniquent parce que le signe « loso mêdji » prévoit beaucoup de difficultés et beaucoup de préoccupations à donner l’insomnie à toute la nation. Certes il y a des sacrifices à faire mais le fâ nous recommande aussi de retourner à nos racines. Parce qu’il dit que c’est la fondation qui tient le bâtiment et que si la fondation ne tient pas c’est que le bâtiment aussi ne pourra pas tenir. Par conséquent, il faut qu’on retourne à nos racines, à nos fondamentaux afin que le bâtiment puisse tenir. Mais il y a plus de peur que de mal quoique les signes soient vraiment préoccupants.

Que doit –on comprendre par l’expression « retourner à nos racines » ?

Selon le fâ, chaque famille est basée sur un égrégore donné. Le fâ dit que les égrégores au niveau de chaque famille sont touchés à leurs racines. Donc il y a lieu de purifier nos ancêtres éponymes et nos divinités de base pour leur redonner vie et vitalité. Deuxième chose, il y a des rituels qu’on fait au niveau des cours royaux. Il faut qu’on reprenne ces rituels-là. Mais sur le plan national, le pays-même est assis sur des fondamentaux. Et ce que nous pouvons appeler fondamentaux au niveau d’une nation moderne aujourd’hui, c’est sa Constitution. Ce qui veut dire que nous devons retoucher cette année forcément la Constitution. Peut-être qu’en le faisant cela va calmer les choses ou cela va permettre de voir clair dans certaines choses. Mais le fâ recommande de toucher les fondamentaux ou de les revoir pour que cela soit utile pour la nation.

Recourir aux églises qui prient, ajouté à quelques sacrifices, ne suffisent-ils pas largement pour conjurer un mauvais sort ?

Nous avons des centaines de milliers de pasteurs à travers le monde mais cela n’a jamais empêché l’Afrique par exemple de croupir sous le poids écrasant de la misère et de beaucoup d’autres fléaux. Prier, c’est bon. Mais cela ne cadre pas avec les réalités africaines. Ce qui cadre avec les réalités africaines, ce sont nos valeurs endogènes qui sont très en harmonie avec nos fondamentaux alors que ces valeurs exogènes ne prennent en compte que les fondamentaux des pays et des peuplades dont elles sont issues.

Certaines langues avancent que ce vieux temps où nos ancêtres ont recourt à des sacrifices et ces choses de l’ombre, est révolu. Quel est votre point de vue ?

On peut choisir une religion mais on est né dans une tradition. Et Dieu ne peut pas se tromper en nous faisant naître dans une tradition. Un Africain qui sort de sa tradition et qui va épouser une religion étrangère dit à Dieu qu’il s’est trompé. Or Dieu ne peut pas se tromper mais l’homme peut se tromper dans son choix.

S’agissant des sacrifices, vous n’avez de cesse de réclamer les moyens depuis quelques années. Comment voulez-vous procéder cette année ?

Nous sommes un peu optimistes par rapport à cela. Puisque le régime défunt est un régime théocratique. Le régime actuel, nous ne voyons pas encore sa coloration ou sa conviction religieuse. Mais nous espérons qu’en tant que petit-fils du dernier souverain pontife du fâ au Bénin, le président Talon doit pouvoir prendre ses responsabilités et doit se rappeler qu’il est issu d’une famille du fâ. Son grand-père a servi la cour royale dignement pendant plus de 40 ans. Nous restons donc dans l’espérance que le régime actuel fera quelque chose afin que nous puissions effectuer les travaux pour le bonheur de tous.

Pendant dix ans, le régime passé n’a jamais assisté au Tofâ. Il paraît que les gardiens des temples ancestraux sont très remontés contre cela. Vous confirmez ?

Nous sommes très remontés et très préoccupés. En son temps, on avait même estimé que c’est une violation de la Constitution. Parce que la Constitution dit en son article 10, « Toute personne a droit à la culture. L’Etat a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisation tant matérielles que spirituelles, ainsi que les traditions culturelles». La Constitution fait donc de cela, un devoir pour l’Etat. Pendant 10 ans, l’Etat s’est résigné de le faire. Nous estimons que c’est un parjure. Nous souhaitons que cela s’arrête à ce régime.

Que faire concrètement pour que 2017 soit une année apaisée pour les Béninois ?

Les sacrifices seront exécutés, malgré tout. Nous allons contenter également les divinités qui sont révélées sous le signe. Mais il faut respecter un certain nombre d’interdits. C’est-à-dire qu’avec le signe qui est apparu, il est conseillé que nous consommions moins l’huile rouge et tout ce qui vient du palmier à huile et que nous portions moins du rouge pour éviter le ‘‘ noukou mian ’‘ que le fâ a prescrit. Mais en même temps, le fâ recommande que chacun retourne à ses bases. Cela implique la reprise des rituels par les chefs de famille, les chefs de collectivité et les rois. Le fâ a annoncé des échauffourées pouvant même déboucher sur l’effusion de sang. Nous invitons chacun à la retenue et au calme afin que quand la situation se produira, que la colère ne l’emporte pas sur la raison. Comme ça, nous allons traverser l’année 2017 tranquillement.

C’était qui l’ancêtre du président Talon qui a servi au palais royal ?

Entre 15 novembre 1715, la date d’arrivée du fâ et 12 février 1900 qui est le jour où on a mis fin par l’arrêté 102 du roi français à la royauté au Dahomey, le Bénin (Dahomey d’hier) a connu quatre souverains pontifes. Le premier souverain pontife est un Nigérian qui s’appelle Adébè Ôlô, aujourd’hui reconnu sous le nom de Djissa. Le deuxième souverain pontife, c’était Nougbodohoué. Puis nous avons connu le troisième souverain qu’on appelle Holo. La famille Holo est une famille de ‘‘ Bokônon ’‘. le quatrième et dernier souverain pontife, c’est Guèdègbé. C’est lui qui a servi le roi Glèlè pendant 32 ans. Il a servi le roi Béhanzin pendant 5 ans puis le roi Agoli-Agbo pendant 6 ans. Donc il a fait pratiquement 42 ans de règne en tant que souverain pontife du fâ au Dahomey.

Le terme souverain pontife ne fait-il pas allusion à l’Eglise catholique ?

Les colons sont venus faire du plagiat en Afrique. Par exemple, la première armée au monde qui a introduit les femmes en son sein c’est l’armée dahoméenne. Un autre exemple, c’est en 1970 que Yves Saint Laurent a fait porter de pantalon à la femme pour la première fois en France. Alors que depuis 1600, nos femmes portaient déjà le «Tchanka» qui est connu aujourd’hui sous le nom de pantalon. Il a fallu par exemple attendre l’événement de la Révolution française pour qu’on connaisse ce qu’on appelle les services secrets en Occident. Mais au temps de la dynastie royale depuis 1600, on connaissait déjà les « Agbadji-gbétô » qui étaient les services secrets. Ces derniers étaient essentiellement dominés par les femmes qui étaient les plus belles femmes du royaume qu’on envoyait en mission dans les royaumes environnants qu’on veut conquérir. Il s’agissait de séduire les dignitaires au plus haut niveau et faire le plan, la cartographie du royaume ennemi qu’on envoie au Dahomey. C’est sur cette base que les militaires s’arment et vont au front pour conquérir le royaume. Nous avions une très bonne organisation politique et administrative.

Sabin LOUMEDJINON
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